CA Reims, ch. civ. sect. 1, 14 septembre 2021, n° 17/01298
REIMS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
N3B (SCA)
Défendeur :
FHF (SARL), TR (SCP)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Me Mehl-Jungbluth
Conseillers :
Mme Maussire, M. Lecler
FAITS PROCEDURE PRETENTIONS
Suivant acte sous seing privé du 8 avril 2005, un bail commercial a été consenti par la société civile N3B à la SAS CB Invest sur les locaux sis [...] pour une durée de 9 ans à compter du 1er avril 2005 moyennant un loyer annuel de 107.000 euros HT.
Par acte reçu le 30 décembre 2011 par Maître C., notaire à Nancy, la société CB Invest a cédé à la SARL FHF le fonds de commerce d'hôtel de tourisme 2 étoiles exploité dans l'immeuble susvisé, à l'enseigne "Le Grand Hôtel du Nord", comprenant le bail commercial.
Le contrat prévoyait un droit au renouvellement au preneur.
Par exploit délivré le 13 septembre 2013, la SCI N3B a fait délivrer à la SARL FHF un congé avec offre de renouvellement du bail moyennant un loyer annuel hors charge de 183 000 euros, sur le fondement de l'article L. 145-9 du code de commerce.
Par courrier recommandé avec demande d'accusé de réception du 27 septembre 2013, la SARL FHF a accepté le principe du renouvellement, en s'opposant toutefois au montant proposé et par mémoire notifié à la SCI N3B par courrier recommandé réceptionné le 7 août 2015, la société FHF a proposé le versement d'un loyer annuel hors taxe et hors charge de 65.816 euros, à compter du 1er avril 2014.
Par exploit du 22 décembre 2015, la SARL FHF a fait assigner la SCI N3B devant le tribunal de grande instance de Reims aux fins de voir :
- déclarer recevable et bien fondée l'intervention volontaire accessoire de la SCP T. R. ès qualité et de Maitre Jean Luc M. ès qualité nommés dans le cadre de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la SARL FHF prononcée par le tribunal de commerce de Reims,
- dire et juger y avoir lieu à fixation du loyer commercial du 29 avril 2005, renouvelé le 1er avril 2014, à la valeur locative à compter de cette date, par application de la méthode hôtelière,
- fixer à 40 806,47 euros hors taxe par an le loyer renouvelé à compter du 1er avril 2014, date du renouvellement,
- condamner la société N3B à lui verser la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles, outre condamnation aux dépens,
- ordonner l'exécution provisoire.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 29 février 2017, la SCI N3B a demandé au tribunal de grande instance de :
- constater le principe du renouvellement du bail pour une durée de 9 ans à compter du 1er avril 2014 pour se terminer le 31 mars 2023,
- dire et juger que l'immeuble présente les caractères d'un immeuble monovalent au sens de l'article L. 145-36 et R. 145-10 du code de commerce et que sa valeur locative peut être déterminée par application de la méthode hôtelière ou de la méthode immobilière,
- fixer la valeur locative de l'ensemble immobilier à la somme annuelle hors taxe et hors charge à 169 700 euros,
- condamner la société FHF au paiement d'une somme de 12.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des dépens.
Par jugement du 28 février 2017, le tribunal de commerce de Reims a ordonné l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société FHF et a désigné la SELARL Bruno R. en qualité de liquidateur judiciaire.
Par jugement du 18 mai 2017, le tribunal de grande instance de Reims a :
- constaté le renouvellement du bail consenti le 29 avril 2005 par la SCI N3B, à la société FHF par suite de la cession de fonds de commerce sur les locaux sis [...], à compter du 1er avril 2014 pour une durée de 9 années,
- fixé la valeur locative des locaux sis [...] à la somme annuelle hors taxe et hors charge de 70 172 euros, à compter du 1er avril 2014,
- condamné la SCI N3B à verser à la SARL FHF, prise en la personne de Maitre Bruno R., liquidateur judiciaire, la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles,
- condamné la SCI N3B à supporter les dépens,
- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.
Le juge des loyers commerciaux a constaté que les parties s'accordent sur le principe du renouvellement du bail consenti le 29 avril 2005 à la société FHF par suite de la cession de fonds de commerce, à compter du 1er avril 2014 pour une durée de 9 années ainsi que sur une évaluation de la valeur locative par la méthode hôtelière.
Il a abouti à celle-ci de la manière suivante :
- chiffre d'affaire théorique : 639 298 euros
En partant d'un chiffre d'affaire journalier théorique de 4 178 euros, et annuel de 1 524 970 euros et après soustraction d'une TVA de 10 % applicable à la date de renouvellement du bail et de 15 % pour tenir compte des commissions versées ( des factures des sociétés HRS, expedia, société Hôtelière de Champagne et booking) appliquant ensuite un taux d'occupation de 54,8 % sur la base des résultats d'enquête de fréquentation dans l'hôtellerie publiés par l'INSEE en 2014 ( taux moyen d'occupation des hôtels 3 étoiles en zone touristique à Reims et Troyes de 53,6 % et taux d'occupation moyen en Champagne Ardenne en 2014 pour ce type d'établissement de 54,8 %).
- recette théorique annuelle de 13 %
- abattement de 5 %
En prenant en compte le transfert de la charge de la taxe foncière sur le preneur dont le montant est en moyenne de 9 243 euros ainsi que les commentaires négatifs sur internet se plaignant des nuisances sonores générant un déficit outre les obligations du bail commercial stipule des charges exorbitantes au sens de l'article R. 145-35 du code de commerce car elles ont été transférées au preneur lui laissant un aléa important.
Par déclaration du 23 mai 2017, la société N3B a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.
Dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire de la société FHF, M. Georges M. a formulé le 11 août 2017 une offre de reprise des actifs et activités de la société FHF incluant le bail commercial, avec faculté de substitution au profit d'une société à constituer, entre les mains de Maitre Jean-Luc M., ès-qualités d'administrateur judiciaire de la société FHF. Cette offre a été améliorée par lettre en date du 23 août 2017.
Par jugement en date du 31 août 2017, le tribunal de commerce de Reims a arrêté le plan de cession totale de la société FHF au profit de M. Georges M., avec faculté de substitution.
La société N3B a assigné M. Georges M. le 14 septembre 2017 devant la cour d'appel de Reims en intervention forcée.
Par acte sous seing privé en date du 31 octobre 2017, la société Hôtelière de Champagne s'est substituée à M. Georges M. pour la reprise des actifs de la société FHF.
Par arrêt en date du 3 juillet 2018 la cour d'appel de Reims a ordonné une expertise confiée à Mme Anne-Elisabeth S. afin de déterminer la valeur locative de l'immeuble concédé et dans lequel est exploité l'hôtel à l'enseigne Hôtel Du Nord.
L'expert a obtenu des prorogations de délai de dépôt de son rapport compte tenu de la crise sanitaire intervenue entre-temps et des difficultés de gestion de son office.
Il a déposé son pré-rapport aux parties de 14 septembre 2020 et son rapport définitif après prise en compte des dires le 25 novembre 2020.
Il a fixé la valeur locative à 90 000 euros.
Par conclusions déposées le 7 mai 2021, la société N3B demande à la cour de :
Vu l'article R. 145-10 du code de commerce,
- recevoir la société N3B en son appel et l'y déclarer bien fondée,
- infirmer le jugement en ce qu'il a :
- fixé la valeur locative à la somme de 70 172 euros HT et hors charges à compter de la date du renouvellement, soit le 1er avril 2014,
- condamné la SCI N3B à verser une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens,
Et statuant à nouveau,
- dire et juger que la valeur locative ne saurait être inférieure à celle résultant de la stricte application des indices du coût à la construction soit 138 847,2 euros HT et hors charges.
En conséquence,
- fixer la valeur locative à la somme de 140 000 euros annuels HT et hors charges à compter de la date du renouvellement, soit le 1er avril 2014,
- dire et juger que le différentiel de loyer, entre celui fixé par la cour d'appel et celui fixé avec exécution provisoire par le tribunal de grande instance produira intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2014,
- dire et juger que la procédure collective de la société FHF représentée par son liquidateur sera redevable de la différence des loyers fixés par le présent arrêt par rapport à celui fixé par le juge de première instance des loyers commerciaux pour la période allant du 1er avril 2014 au 1er septembre 2017,
- dire et juger en conséquence que le différentiel devra être restitué par la procédure collective à la société N3B,
- condamner en tant que de besoin Me R. et Me M. es qualité au paiement de ces sommes,
- condamner en tant que de besoin la société Hôtelière de Champagne au paiement du différentiel des loyers dus entre celui fixé par la cour et celui fixé par le tribunal à compter du 1er septembre 2017,
- dire et juger que la société N3B était fondée et légitime à attraire en la cause la société Hôtelière de Champagne, gestionnaire des baux,
- dire et juger n'y avoir lieu à renvoyer les parties à conclure au fond,
- constater que la société Hôtelière de Champagne bénéficie d'un statut dérogatoire à raison de la législation sur les procédures collectives et qui ont ainsi considéré que le prix du bail renouvelé à son égard le 1er avril 2014 s'établissait à la somme de 70 172 euros hors taxes et hors charges,
- dire et juger cependant que ce loyer sera en fonction des conditions et charges du bail initial renouvelé au 1er avril 2023 et réévalué en fonction de l'indice du coût à la construction à cette date,
- débouter la société Hôtelière de Champagne de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et dirigée à l'encontre de la société N3B,
- condamner in solidum les intimés à verser une somme de 12 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure pénale,
- condamner les intimés en tous les dépens de 1ère instance et d'appel en ce compris les frais d'expertise dont distraction au profit du cabinet D. pour ceux dont il aurait fait l'avance, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions déposées le 12 mai 2021, la SELARL Bruno R. , intervenant en qualité de liquidateur judiciaire de la société FHF, demande à la cour de :
Vu les articles L. 145-33 et L. 145-34 du code de commerce,
- dire et juger la SCI N3B mal fondée en son appel,
- l'en débouter
Statuant à nouveau
A titre principal
- dire et juger y avoir lieu à fixation du loyer du bail commercial du 29 avril 2005, renouvelé le 1er avril 2014 à la valeur locative à compter de cette date, par application de la méthode hôtelière,
- fixer le loyer à la somme annuelle de 69 300 euros HT,
A titre subsidiaire,
- confirmer purement et simplement, par adoption de motifs, la décision du juge des loyers du 18 mai 2017 en ce qu'il a fixé à la somme de 70 172 euros hors taxe par an le loyer du bail renouvelé à compter du 1er avril 2014, date du renouvellement,
En tout état de cause,
- condamner la société N3B à payer à la SELARL Bruno R. une somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile du code de procédure civile, outre les entiers dépens, en ce compris l'intégralité des frais d'expertise.
Par conclusions déposées le 11 mai 2021, la société Hôtelière de Champagne demande à la cour de :
Vu les articles 122, 331, 455, 462 et 500 du code de procédure civile,
Vu l'article L. 642-5 du code de commerce,
A titre principal
- déclarer recevable et bien fondée la société Hôtelière de Champagne venant aux droits de M. George M. en toutes ses demandes et prétentions,
- juger que la demande aux fins d'intervention forcée de la société Hôtelière de Champagne formulée par la société N3B tendant à lui rendre commun et opposable l'arrêt à intervenir est irrecevable et mal fondée conformément à l'arrêt de la Cour de cassation du 20 janvier 2021,
- l'en débouter,
En conséquence,
- juger que l'arrêt à intervenir est inopposable à la société Hôtelière de Champagne conformément à l'arrêt de la Cour de cassation du 20 janvier 2021,
A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour décidait d'écarter la fin de non-recevoir,
- ordonner la réouverture des débats et renvoyer les parties à conclure sur le fond,
En tout état de cause,
- condamner la société N3B à payer à la société Hôtelière de Champagne une somme de 15.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 mai 2021.
MOTIFS
* Sur l'intervention forcée de la SNC Hôtellerie de Champagne.
Le locataire initial de la société N3B pour l'occupation de l'hôtel du Nord la société CB Invest a cédé le bail commercial à effet au 30 décembre 2011 à la société FHF.
Le litige porte sur la fixation de la valeur locative au 1er avril 2014 de ce bail commercial.
Or la Sarl FHF a cédé ce bail à effet au 1er septembre 2017 à Monsieur Maurice M. aux droits duquel vient la SNC hôtellerie de Champagne par un jugement de cession du tribunal de commerce de Reims du 31 août 2017.
Celui-ci prévoit que la reprise du contrat de bail se fera aux conditions fixées par le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Reims le 18 mai 2017 et donc moyennant le paiement d'un loyer annuel de 70 172 euros.
Ainsi en a jugé définitivement la Cour de cassation dans son arrêt du 20 janvier 2021.
Le bailleur ne développe pas de moyens permettant de considérer que son nouveau locataire devra poursuivre le contrat de bail à la date de son renouvellement en 2023, sous d'autres conditions que celles prévues à son propre bail.
Par ailleurs il n'est pas même allégué que la société Hôtellerie de Champagne serait tenue d'une quelconque manière au paiement du passif de loyers du cédant du bail commercial.
Aussi le litige tenant à la fixation judiciaire de la valeur locative ne concerne que la période courant du renouvellement du 1er avril 2014 jusqu'à la cession à effet au 1er septembre 2017.
Aussi la SCI N3B est mal fondée à soumettre à la cour de nouvelles prétentions sans lien avec le litige et visant à voir juger que le loyer de la société Hôtelière de Champagne renouvelé au 1er avril 2023 sera réévalué en fonction de l'indice du coût à la construction.
Il lui appartiendra lors du renouvellement du bail commercial conclu avec la SNC Hôtellerie de Champagne de mettre en oeuvre la procédure légale de renouvellement et de fixation du loyer commercial.
Il faut en déduire que la présente décision de fixation de la valeur locative du 1er avril 2014 au 30 août 2017 n'aura pas de conséquence et d'effet sur la relation contractuelle unissant le bailleur à la société Hôtellerie de Champagne et sur ses obligations.
Aussi si l'intérêt à agir de la SCI N3B avant l'arrêt de la cour de cassation du 20 janvier 2021 était constitué, la demande de celle-ci visant à lui voir déclarer commun et opposable le présent arrêt est désormais infondée.
En conséquence la société Hôtelière de Champagne réclame à juste titre le débouté de la SCI N3B.
* Sur la valeur locative.
Du rapport d'expertise judiciaire il ressort que l'hôtel du Nord classé trois étoiles édifiées sur une parcelle de 8 ares et 62 centiares est réparti dans deux bâtiments en structure en U offrant un total de 50 chambres :
- le premier (exclusivement à usage d'hôtel) est un immeuble en pierre de taille en façade sur la [...] élevé sur sous-sol complet composé d'un rez-de-chaussée, d'un entresol, de trois étages carrés sous combles aménagés. Il est précisé que la grande partie du rez-de-chaussée de l'entresol et du sous-sol dépend d'un restaurant " les trois brasseurs ".
Dans ce premier bâtiment de 1455 m² se trouvent la réception, la salle de petit-déjeuner (borgne, très étroite, ouvrant sur la réception, le tout dans la continuité du couloir d'entrée de l'hôtel, n'offrant pas de possibilité d'extension) ainsi que 22 chambres plus grandes et avec des hauteurs sous plafond plus importantes (3,27 m) que dans le second immeuble. La partie intérieure de ce bâtiment a été refaite entièrement représentant un investissement de 400 000 euros pour la société FHF ultérieurement de 1 million d'euros pour la société hôtelière de Champagne.
- le second également en pierre de taille en façade donne sur la [...]. Il s'élève sur un sous-sol complet, distinct de l'hôtel, et comprend 28 chambres pour un total de 470 m² soit sept sur les trois étages et les combles aménagés.
Cet hôtel est situé [...] soit dans une zone piétonne fortement commercialisée du centre-ville comportant notamment cinq autres hôtels d’une deux et trois étoiles et situé à proximité immédiate d'un parking de 643 places de stationnement et de la gare SNCF.
Les bruits importants la nuit du fait des cafés, brasseries et des ventilations en toiture de la brasserie " les trois brasseurs " du rez-de-chaussée sont indiqués par l'actuel preneur et critiqués sur Internet par de nombreux clients.
Lors de la conclusion du contrat de bail commercial du 8 avril 2005 dont le renouvellement a été accepté par les deux parties à effet au 1er avril 2014 le loyer avait été fixé à 107 000 euros hors taxes par an.
Le juge des loyers commerciaux a fixé dans son jugement du 18 mai 2017 le loyer annuel à la somme de 70 172 euros hors-taxes selon la méthode hôtelière.
L'expert judiciaire nommé par la cour d'appel dans son arrêt du 3 juillet 2018 a dans son rapport déposé le 25 novembre 2020, fixé selon la même méthode hôtelière une valeur locative de 90 000 euros en excluant un abattement pour gros travaux.
Le locataire qui a commencé à exploiter l'hôtel en juillet 2012, estime que compte-tenu du fait que les données d'exploitation propres de 2012 à 2015 révèlent une valeur locative encore inférieure à celle déterminée par le premier juge, il conclura à une demande de fixation du loyer à 69 300 euros HT tout au moins à la confirmation de la décision de première instance.
Le bailleur réclame une valeur locative de 140 000 euros à compter du 1er avril 2014 sur la base d'un rapport d'expertise établi par Monsieur L., expert amiable, déposé le 5 avril 2018 observant que l'augmentation indiciaire lui permettrait de prétendre à un loyer équivalent.
S'agissant du mode de fixation de la valeur locative, l'article R. 145-10 du code de commerce précise que par dérogation aux articles L. 145-33 et R. 145-3 et suivants du même code, le prix du bail des locaux construits en vu d'une seule utilisation dits monovalents, peut être déterminé selon les usages observés dans la branche d'activité considérée.
Les usages observés pour les hôtels permettent d'apprécier la valeur locative à partir d'une méthode particulière dite méthode hôtelière qui ne prend pas en compte les résultats comptables de l'entreprise, estimant que le bailleur n'étant pas associé et responsable d'une éventuelle mauvaise gestion de l'immeuble, il n'y a pas lieu de tenir compte de la réalité économique de chaque hôtel et du taux d'effort consenti par celui-ci pour le paiement de son loyer.
Et en l'espèce les parties s'accordent sur une utilisation de cette méthode hôtelière pour fixer la valeur locative de l'hôtel du Nord de sorte que le développement du bailleur quant au montant de la valeur locative calculée en fonction d'une augmentation indiciaire est sans emport sur le débat.
De même la comparaison avec d'autres hôtels de même catégorie à proximité n'est pas prévue dans la méthode hôtelière qui contrairement aux dispositions de l'article L.145-3 du code de commerce n'inclut pas dans ses critères les prix couramment pratiqués dans le voisinage. Elle n'est de surcroît pas pertinente compte tenu de la spécificité de l'hôtel du Nord relevée par l'expert parce que notamment il n'exploite pas la brasserie du rez-de-chaussée loué par le bailleur à un tiers au contraire de ses concurrents qui sont dotés d'un bar et d'une brasserie offrant de grand buffet de petit-déjeuner alors que l'hôtel du Nord ne dispose que d'une étroite salle incommode et sans vue pour se faire.
Enfin il faut rappeler que la valeur locative ne peut s'apprécier que compte-tenu de l'état des lieux et des critères à prendre en compte à la date du renouvellement et que donc sont sans impact les travaux importants et récents qui ont été faits par le nouveau locataire et postérieurs au 1er avril 2014.
Dans cette limite est pertinente en revanche une discussion sur les montants pris en compte par l'expert pour aboutir à cette valeur locative qui se calcule à partir :
- de la recette théorique maximale que l'exploitant peut obtenir en louant la totalité de ses chambres sur l'ensemble de l'année en retenant les seuls prix affichés, hors TVA et hors commission aux sites internet et autres intermédiaires,
- en appliquant des correctifs à cette recette théorique en raison :
*du taux d'occupation,
*des remises à la clientèle accordées sur le prix théorique pour obtenir ce taux d'occupation,
*du taux de recettes qui est fonction de la catégorie de l'hôtel et qui représente la part des recettes devant rémunérer le bailleur,
*de l'incidence tenant à des charges exceptionnelles exorbitantes du droit commun des contrats auxquelles il est soumis et justifiant un abattement supplémentaire.
* Sur la recette théorique maximale.
L'expert judiciaire a retenu un prix moyen hors-taxes journalier de 55 euros (deux petites chambres), 64 euros (18 chambres standard), 67 euros (six chambres solo supérieures),79 euros (19 chambres supérieures ) et 102 euros (cinq suites) pour aboutir à une recette théorique journalière de 3 675 euros.
La SARL FHF développe que sa gestion tarifaire est assurée par " Topsy " un logiciel de gestion tarifaire qui fonctionne sur la méthode dite du Yield aujourd'hui pratiquée par la plupart des hôteliers qui consiste parallèlement à un système de réservation par Internet de façon majoritaire, à faire en permanence et automatiquement le prix des chambres en fonction de critères-de la saisonnalité, des jours de la semaine du taux d'occupation, du jour de l'hôtel, de l'occupation individuelle par groupe, et d'événements locaux ponctuels; qu'il résulte de ses données qu'en fonction de la catégorie des chambres le prix moyen varie légèrement soit par catégorie de chambres de 57,81 euros pour 26 chambres, 57,97 pour 19 chambres et 74, 90 euros pour cinq chambres.
Elle estime ainsi sa recette journalière théorique à 2 978,99 euros soit à 1 087 335, 35 euros par an mais soulignant que néanmoins l'expert ayant à juste titre effectué ses calculs sur les prix affichés en décembre 2013 en déduisant une TVA de 7 %, indépendamment des données réelles issues de son exploitation, elle accepte l'évaluation de celui-ci qui retient une recette théorique annuelle de 1 342 294 euros.
La SCI N3B calcule une recette théorique supérieure sur la base des prix de chambres constatés en 2018 par l'expert qu'elle a mandaté, Monsieur L. qui a opéré un abattement de 20 % sur les prix affichés en 2018 pour en déduire ceux de 2014.
Mais l'application d'un pourcentage correspondant sensiblement à la hausse moyenne des prix affichés en catégorie trois étoiles entre 2014 et 2018 pour se rapprocher au plus près de ceux affichés en 2014, ne peut être pertinente qu'à situation égale si ce n'est le temps écoulé alors qu'en l'espèce en 2018 l'exploitant n'était plus le même et que des travaux avaient été entrepris.
Dans tous les cas, elle sera plus approximative qu'un relevé fait 4 mois plus tôt.
En conséquence c'est à juste titre que l'expert judiciaire a calculé le prix des chambres affiché sur la base des données incluses dans le rapport de Monsieur M. du 18 novembre 2013, soit à une date rapprochée du renouvellement.
S'agissant de la TVA elle était de 7 % en 2012 et 2013 et de 10 % 2014 et 2015 mais pour calculer le prix de l'hébergement sur la base des prix affichés en décembre 2013 les variations de ces taux n'ont pas d'impact et il convient de retenir pour la déduire, une TVA de 7 %.
En conséquence, la cour fixe la recette théorique annuelle sur la base de la recette théorique journalière de 3 675 euros, au montant de 1 342 294 euros calculé par l'expert.
* Sur le taux d'occupation.
L'expert développe que selon le bilan définitif du suivi d'activité 2014 de l'hôtellerie traditionnelle (source INSEE-DGCIS- ORTCA) le taux moyen d'occupation dans la Marne était de 58,04 % avec une évolution de plus 1,79 % entre 2013 et 2014 (effet du centenaire de la grande guerre ) avec 42 % des nuitées enregistrées dans les hôtels trois étoiles.
Il propose de retenir le taux d'occupation moyen en hôtel trois étoiles dans la Marne en 2014 selon l'Office du tourisme de Reims de 56,6 % compte tenu de l'emplacement à proximité de la gare et du centre-ville mais compte tenu également des nuisances sonores et de vues inesthétiques sur le toit de la brasserie.
La SARL FHF conteste ce taux et réclame celui de 54,8 % fixé par le premier juge.
Elle explique que le taux d'occupation propre à l'hôtel oscille légèrement chaque année entre 2013 et 2015 de 52,4 à 55,8 % et est conforme aux données du bulletin de l'observatoire du tourisme de Champagne qui rapporte un taux d'occupation de 54,8 % en Champagne Ardennes d'autant que ce taux moyen des hôtels est systématiquement inférieur pour les 3 étoiles au taux moyen régional.
Elle observe que le taux est même descendu pour les hôtels 3 étoiles à 53,6 % sur la période de janvier à avril 2014.
Mais dans la mesure où des statistiques plus fines sont offertes et concernent spécifiquement les hôtels trois étoiles dans la Marne, le taux moyen proposé pour cette catégorie doit être analysé.
La SCI N3B entend le voir augmenter et reproche à l'expert de ne pas tenir compte de ce que la fréquentation d'un hôtel trois étoiles est nécessairement plus importante [...] que dans d'autres petites communes de la Marne qui tirent le pourcentage vers le bas.
Néanmoins l'expert lui rétorque à juste titre que compte tenu du nombre restreint d'hôtel trois étoiles dans les petites communes la moyenne correspond surtout aux hôtels des villes.
Et surtout que si l'emplacement [...] est intéressant, il ne fait pas tout et il ne permet pas de pallier des inconvénients importants.
En effet il convient de prendre en compte la constatation d'un standing moyen de gamme, d'une qualité du bâti médiocre sur l'aile et des problèmes d'adaptabilité des locaux pour une meilleure qualité de l'accueil tenant à l'espace étranglé de la salle de petit-déjeuner, encore de considérer la vue des chambres inesthétique sur le toit d'une brasserie également locataire du bailleur et le bruit, ainsi que déjà développés pour retenir l'absence de justification d'un dépassement du taux moyen de la catégorie.
Compte tenu de ces éléments il apparaît que le taux de 56,6 % proposé par l'expert est justifié.
* Sur les commissions
Aucun hôtelier ne peut continuer à travailler sans réseau ni référencement et il est dès lors tenu de verser une commission aux intermédiaires qui baisse d'autant la valeur des chambres.
En l'espèce l'expert fait état de commissions effectuées à des tour-opérateurs (Inter hôtel, booking, very last room...) qui représentent des frais en moyenne de 15,31 % soit un taux qui est repris par le locataire qui observe qu'il s'agit d'un taux faible, les taux atteignant couramment 30 % pour s'assurer que les chambres seront réservées et qui est accepté par le bailleur.
Il sera retenu.
* Sur le pourcentage recette.
Le taux de recettes varie en fonction de la catégorie de l'hôtel, il est inversement proportionnel à la catégorie du fait que la prestation immobilière est d'importance moindre que celle des prestations de confort dans les catégories de plus élevées.
Il doit être évalué sur la base de la nouvelle grille de classification des hôtels du 23 juillet 2012 qui classe l'hôtel du Nord dans la catégorie des trois étoiles.
S'agissant d'un hôtel trois et quatre étoiles, le pourcentage de recettes moyen fixé au regard des usages de la profession apprécié au 1er avril 2014, se fixe de 15 à 18 % en centre-ville ou en périphérie.
La SARL FHF estime que la distribution incommode des lieux, la porte d'entrée sur rue étroite et discrète, l'évolution défavorable des facteurs locaux de commercialité de la [...], la baisse générale du secteur de l'hôtellerie sur l'ensemble du territoire au profit de l'économie collaborative outre les nuisances de la place développées par l'expert doivent aboutir au coefficient de 12 % retenu par l'expert amiable qu'elle a mandaté Monsieur M., et qui a été porté à 13 % par le premier juge.
La SCI N3B sollicite un taux de 16 %.
L'expert judicaire retient un taux de recettes de 15 % en tenant compte de l'emplacement de l'immeuble mais également des inconvénients et nuisances bien réels de cet hôtel moyenne gamme développés précédemment.
Il ne peut être considéré que cette appréciation fait une trop large part à l'emplacement de l'immeuble sans assez prendre en compte les nuisances particulières visuelles et auditives qui en résultent en ce que le taux proposé est le plus bas de sa catégorie et que l'emplacement au centre touristique de la ville de Reims, à côté de la gare, et des parkings reste particulièrement intéressant.
Ainsi le taux de 15 % fixé par l'expert sera confirmé.
* Sur les abattements tenant aux particularités contractuelles.
Même si selon l'usage ou selon la liberté contractuelle la taxe foncière est mise à la charge du preneur de la location de l'hôtel, cette prise en charge par le locataire de l'impôt foncier fiscalement supporté par le propriétaire, ne constitue pas moins une charge exorbitante du droit commun.
De même en est-il des clauses contractuelles mettant à la charge des locataires sans aucune exception y compris donc les grosses réparations de clos et couverts telles que définies à l'article 606 du Code civil, tout le coût de l'entretien et des réparations de l'immeuble.
Si ces clauses sont généralisées dans l'hôtellerie, elles n'en constituent pas moins pour autant encore une charge exorbitante du droit commun.
Dans ce cadre, il pourra être retenu avec l'expert au motif du transfert de la taxe foncière qui permet selon l'usage de pratiquer un abattement variant entre 5 et 8 % et en tenant compte du fait que la taxe d'ordures ménagères qui est comprise dans la taxe foncière incombe au preneur, un abattement de 7 %.
En revanche après avoir prévu un abattement supplémentaire de 8 % dans son rapport avant dire droit pour tenir compte de la clause de charges d'entretien et de réparations exorbitantes du droit commun, l'expert ne l'a pas retenu dans son rapport définitif considérant que " si comme l'a indiqué le bailleur dans un dire le preneur l'a assigné en réalisation de travaux de couverture et compte tenu du fait que la loi Pinel a interdit le transfert de charges pour les baux à renouveler, il convient de ne pas retenir cet abattement pour éviter dans un avenir proche la double peine au bailleur".
La SARL FHF réclame cet abattement supplémentaire de 8 % initialement retenu par l'expert en soulignant que l'estimation de 5 % faite par le premier juge à ce titre était sous-évaluée.
Elle observe à juste titre que la loi Pinel qui a transféré des charges de plein droit au bailleur ne s'applique qu'aux baux conclus ou renouvelés à compter du 20 juin 2014 et ne s'applique dès lors pas au bail en litige qui a été renouvelé le 1er avril 2014.
Elle conteste par ailleurs le fait que le bailleur ait assumé la charge de gros travaux et celui-ci n'en justifie pas.
Enfin la prévision au contrat de bail commercial de ces charges contractuelles exorbitantes du droit commun ont une incidence objective sur la valeur locative théorique indépendamment de la mise en oeuvre effective par le locataire en ce qu'elle déséquilibre le contrat.
Ainsi le taux initial de 8 % sera également retenu.
* Sur le montant du loyer.
Compte tenu de ces éléments il convient de fixer le prix du bail renouvelé à compter du 1er avril 2014 à la somme de 82 000 euros HT et hors charges ainsi qu'il suit :
- recette théorique après remise à la clientèle des commissions au site de réservation :
3 675 euros X 50 chambres X 365,2 jours = 1 342 294 euros
- coefficient d'occupation : 56,6 % =759 738,40 euros
- commission : 15,31 % = 643 422,45 euros
- pourcentage sur recette : 15 % =96 513 ,37 euros
- déduction pour charges spéciales :
* abattement pour taxe foncière : 7 % =6 755,94 euros
* abattement gros travaux : 8 % =7721,07 euros
VALEUR locative : 82036,36 euros arrondis à 82 000 euros
La procédure collective de la société FHF représentée par son liquidateur sera redevable de la différence des loyers fixés par le présent arrêt par rapport à celui fixé par le juge de première instance des loyers commerciaux pour la période allant du 1er avril 2014 au 1er septembre 2017 les intérêts courant à compter de chaque échéance et étant arrêtés par le jugement d'ouverture de la procédure collective.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Reims du 18 mai 2017 si ce n'est quant au quantum de la valeur locative du contrat de bail consenti par la SCI N3B à la SARL FHF à compter du 1er avril 2014,
Statuant à nouveau sur ce point et ajoutant,
Constate l'intervention forcée à la procédure de la société hôtelière de Champagne qui vient aux droits de Monsieur Georges M.,
Dit que le bail commercial de la SARL FHF a été judiciairement cédé à la société hôtelière Champagne par un jugement de cession du tribunal de commerce de Reims du 31 août 2017 à effet au 1er septembre 2017, aux conditions définies dans le jugement du 18 mai 2017 rendu par le juge des loyers commerciaux qui fixe le paiement d'un loyer annuel hors taxe et hors charge de 70 172 euros,
Déboute la SCI N3B de sa demande visant à voir déclarer commun et opposable le présent arrêt à la société Hôtelière de Champagne,
Fixe le loyer annuel hors taxes et hors charges du bail commercial du 29 avril 2005 renouvelé le 1er avril 2014 dû par la SARL FHF à compter de cette date et jusqu'à la cession du contrat de bail commercial le 30 août 2017 à la somme de 82 000 euros,
Dit que les intérêts courent à compter de chaque échéance de loyer et jusqu'au jour de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la SARL FHF,
Condamne la SCI N3B à payer à Maître Bruno R. ès qualités de liquidateur de la SARL FHF et à la société Hôtelière de Champagne, chacun la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel,
Condamne la SCI N3B aux entiers dépens y compris les frais d'expertise judiciaire.