Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 17 décembre 2021, n° 19/16684

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Freelance Academy (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Sentucq

Conseillers :

M. Ardisson, Mme Paulmier-Cayol

TGI Paris, du 28 mars 2019, n° 17/14589

28 mars 2019

FAITS ET PROCEDURE

La SARL X est une société de prestations de services informatiques co-gérée par Messieurs A et B.

La SAS FREELANCE ACADEMY est une société de formation en développement, conseil, conception et production d'outils informatiques, dirigée par B et A.

Monsieur Y exerce la profession de développeur en systèmes et logiciels informatiques. Le 2 août 2015, Monsieur Y, a conclu avec la société X un Contrat de Prestations de Services de Développeur Informatique aux termes duquel il est exposé en préambule que :

« 1-X étant amenée à avoir recours à des sous traitants indépendants,

2- X a conclu un partenariat avec la société FREELANCE ACADEMY ayant pour objet de délivrer une formation permettant aux sous-traitants nouvellement indépendants d'être accompagnés lors du lancement de leur activité de « Développeur FREELANCE » et accepte de permettre au Freelance de profiter de profiter de la formation dispensée par la société FREELANCE ACADEMY dans le cadre du présent contrat

3- Le freelance eu égard à sa compétence reconnue en matière de développement a décidé de devenir l'un des sous-traitants de la société X. »

L'article 3 Obligations de la Société X énonce :

- « une obligation de formation complète telle que définie en annexe 1 par le biais d'un organisme habilitée à cette fin,

- une obligation d'assistance d'aide et de conseil,

- l'engagement d'acheter 240 jours de Mission au freelance pendant toute la durée du contrat aux taux définis d'un commun accord entre les parties et précisé en annexe 4

- l'engagement de règlement de commissions correspondant à une partie de la marge réalisée selon le taux défini à l'annexe 4 »

L'article 4 Obligations du FREELANCE met à la charge ce celui-ci :

- « l'assiduité au séminaire et aux séminaires de formation continue

- une collaboration minimale correspondant à l'engagement d'exécuter 240 jours de missions pour le compte de X dont 180 jours devront être exécutés »

L'article 6 Exclusivité rappelle que :

- « la formation complète qui sera dispensée au freelance nécessite un investissement important de la part du freelance et un suivi régulier des progrès du freelance afin qu'il soit accompagné au mieux dans ses démarches commerciales pour devenir un « développeur freelance »

- cette formation représente un coût important que X a accepté de supporter au motif que le freelance accepte de fournir à X 240 jours de missions aux taux fixés en annexe 4 dont une partie sera obligatoirement réalisée pendant une période d'exclusivité.

En conséquence le freelance s'engage à se consacrer exclusivement à la sous-traitance de prestations de services informatiques au profit de X pendant une durée de 12 mois et ainsi consent à X une exclusivité pour une période de 12 mois à compter de la fin du séminaire (ci-avant et ci-après, période d'Exclusivité »).

Le freelance, pendant cette durée de 12 mois, s'interdit de conclure un contrat de prestations de services au titre de son activité de développeur informatique dans les domaines définis à l'annexe 2 pour le compte d'autres sociétés que X sauf autorisation exprès et écrite de cette dernière.

A l'issue de cette période d'exclusivité, le freelance pourra choisir de fournir des jours de prestations de services pour le compte de X afin de remplir son engagement de collaboration minimale ou de conclure directement un contrat de prestations de services avec d'autres sociétés que X.

Cette période d'exclusivité s'achèvera de manière anticipée à compter du jour où le freelance aura rempli son engagement de fournir 240 jours à X.

L'article 6 Indépendance Réciproque énonce que le contrat ne peut être assimilé à un contrat de travail.

L'article 7 Durée du contrat prévoit que : « le contrat est conclu pour une durée de 24 mois à compter de sa signature avec faculté de résiliation à tout moment par l'une ou l'autre des parties dans les conditions fixées aux articles 8 et 9 ci-après. »

L'article 9 Résiliation du contrat énonce :

« 1-Indemnisation de X

Le freelance s'engage à verser à titre de clause pénale, une indemnisation à X si la résiliation du contrat avant son terme trouve son origine dans un manquement du freelance à ses obligations à savoir notamment :

- La renonciation par le FREELANCE à la formation visée en annexe 1 ;

- La non-participation du FREELANCE au Séminaire de formation défini en annexe

- L'absentéisme aux sessions de cours de formation continue, à savoir à partir de trois absences non justifiées ;

- La défaillance du FREELANCE dans la recherche ou la réalisation de Missions Externes telles qu'elles sont définies à l'article 2 (à titre d'exemple, plusieurs refus de Missions de la part du FREELANCE, qu'elles soient ou non proposées par X, la réalisation de trente (30) jours ouvrés consécutifs de Missions de Recherche et/ou de Missions Internes sans que le FREELANCE n'ait réussi à vendre d'une Mission Externe, etc.) ;

- Le non-respect de la période d'exclusivité ;

Compte tenu du coût élevé de la formation prise en charge par X et des frais que les obligations du présent Contrat entrainent pour celle-ci, le FREELANCE devra verser à la X, à titre de clause pénale, une indemnité déterminée de la manière suivante:

- Si la résiliation intervient après la signature du présent Contrat et au minimum 20 jours calendaires avant le début du Séminaire de formation visée en annexe 1, l'indemnité due sera de vingt mille (20 000) euros HT ;

- Si la résiliation intervient avant que le FREELANCE n'ait effectué son premier jour de Mission et après la participation au Séminaire, l'indemnité due sera de trente mille (30.000) euros HT

- Si la résiliation intervient après la réalisation par le FREELANCE de son premier jour de Missions et avant la réalisation des deux cent quarante (240)jours de Missions vendus à X, l'indemnité due par le FREELANCE sera égale à : « 5 000 euros HT + 4 x nombres de jours de Missions restant à fournir x Taux Minimal » , étant précisé que cette indemnité ne pourra pas excéder soixante-cinq mille (65.000) euros HT.

La pénalité est indivisible et est acquise à X quand bien même cette dernière sollicitera la résiliation du présent contrat en justice ou serait à l'initiative dc ladite résiliation.

La présente clause n'interdit pas à X qui viendrait à subir un préjudice, tel que, notamment, l'engagement de sa responsabilité du fait du FREELANCE ou la perte d'un contrat avec l'un de ses clients, de demander en justice une indemnisation de la totalité de son préjudice, si ce dernier s'avérait supérieur au montant de la clause pénale.

2- Indemnisation du Freelance

X s'engage à verser, à titre de clause pénale, une indemnisation au FREELANCE si la résiliation du présent Contrat avant son terme trouve son origine dans un manquement de X à ses obligations étant précisé que : les obligations de formation et d'assistance, d'aide et de conseil sont au titre du présent contrat considérées comme étant des obligations de moyens.

Cette indemnisation sera égale à 40 x Taux Interne. Il s'agit d'une indemnisation forfaitaire qui indemnise, de manière forfaitaire, le FREELANCE pour le préjudice subi du fait de la résiliation du présent Contrat.

En tout état de cause, X n'est en aucun cas responsable des dommages que pourrait subir le FREELANCE au titre du présent Contrat. Aussi aucune autre indemnité ne pourra être exigée par le FREELANCE.

Par lettre recommandée du 9 novembre 2015, M. Y a dénoncé le contrat aux motifs que l'obligation de formation qui devait être encadrée par un organisme habilité n'a pas été satisfaite, que les interventions des deux « apprentis formateurs » en réalité co-gérants et dirigeants des deux sociétés ont révélé leur totale incompétence dans les matières annoncées et que le contrat signé masque en réalité un contrat d'agent commercial déguisé afin de détourner le statut impératif des agents commerciaux.

Invoquant l'article 9-2 du contrat M.V. sollicitait l'application de la clause pénale et le règlement de la somme de 2 280 euros.

Par acte du 19 octobre 2017 la société X a fait assigner Monsieur Y devant le tribunal de grande instance de Paris en paiement de la somme de 78 000 euros en application de l'article 9-1 du contrat de prestations de services sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé un délai de 3 mois à compter de la signification du jugement, 5 000 euros au titre de la rupture fautive de la relation contractuelle outre l'exécution provisoire et une somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles.

Le jugement entrepris, prononcé le 28 mars 2019 a :

Prononcé la résiliation du contrat aux torts de M Y,

Déclaré excessive la clause pénale et l'a fixée à la somme de 7 500 euros ,

Condamné M Y à payer à la société X la somme de 7 500 euros à titre de clause pénale et la somme de 3000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné M Y à payer à la société Freelance Academy la somme de 3 000 euros à titre de dommages intérêts et la somme de 15 00 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Débouté la société X de sa demande d'astreinte, de sa demande en dommages intérêts et d' exécution provisoire,

Débouté la société Freelance Academy de sa demande de retrait des propos de M V. sur le réseau social Comet, d'astreinte et d'exécution provisoire,

Condamné M Y aux dépens.

La société X a interjeté appel selon déclaration reçue au greffe de la cour le 13 août 2019.

Par des conclusions récapitulatives n° 2 signifiées via le réseau privé virtuel des avocats le6 avril 2021 la société X et la société FREELANCE ACADEMY, intimée à l'appel incident provoqué, demandent à la cour de :

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat aux torts de Monsieur Y

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Monsieur Y à payer à la société X la somme de 7 500 euros à titre de clause pénale

L'infirmer de ce seul chef

Statuant à nouveau,

Dire que l'article 9 du contrat constitue une clause de dédit

En tout état de cause,

Dire n'y avoir lieu à modération des indemnités dues par Monsieur Y à la société X du fait de la rupture du contrat

Condamner en conséquence Monsieur Y au paiement d'une somme de 65 000 euros ladite somme portant intérêt au taux légal à compter du jugement pour 7 500 euros et de l'arrêt à intervenir pour le surplus

Confirmer pour le surplus le jugement entrepris

Condamner Monsieur au paiement d'une somme complémentaire de 7 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par des conclusions récapitulatives n° 2 signifiées via le réseau privé virtuel des avocats le3 mai 2021, Monsieur Y saisit la cour des demandes suivantes :

Vu les anciens articles 1137, 1147, 1184 du code civil et la jurisprudence y afférente, l'ancien article 1152 du code civil (devenu l'article 1231-5 du code civil), l'article 1240 (ancien article1382) du code civil,

Vu l'ancien article L. 442-6, I, 2° du code de commerce (devenu L. 442-1, I, 2° du même code)

Vu les articles 549,550,909 et 910,700 du CPC

Infirmer le jugement du TGI de Paris en ce qu'il a :

« prononcé la résiliation du contrat aux torts de M Y,

déclaré excessive la clause pénale et la fixe à la somme de 7500 euros,

condamné M Y à payer à la société X la somme de 7500 € à titre de clause pénale et la somme de 3000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, »

Statuant à nouveau,

Débouter la société X de toutes ses demandes fins et conclusions en cause d'appel ;

Juger que la violation des obligations incombant à la société X, engage la responsabilité contractuelle de X a l'endroit de M. Y, conformément à l'ancien article 1137 du code civil ;

Juger que de fait M.VlAU pouvait résoudre le contrat pour inexécution, conformément aux dispositions de l'ancien article 1184 du code civil ;

Juger que le contrat conclu par M. Y recélait un déséquilibre significatif au sens de l'ancien article L. 442-6, I, 2° du code de commerce (devenu L. 442-1, I, 2° du même code) et que ce déséquilibre engage la responsabilité de X à l' égard de Monsieur Y ;

Juger que le contrat doit être résilié aux torts exclusifs de la société X ;

Condamner X à lui verser le montant de la clause pénale prévue en cas de rupture du contrat imputable à X, soit 2 280 € ;

Y ajouter une somme de 12 500 € au titre du manque à gagner de M. Y.

Subsidiairement,

Confirmer le jugement du TGI de Paris en ce qu'il a jugé que l'article 9 du contrat de prestation de services était constitutif d'une clause pénale;

Débouter X de sa demande de requalification de l'article 9 en clause de dédit;

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré excessive la clause pénale;

L'infirmer en ce qu'il en a fixé le montant à 7 500 € et ce faisant juger que le préjudice de X ne peut être évalué a des dommages et intérêts supérieurs à 1 € symbolique.

Sur l'appel incident provoqué,

A titre liminaire, juger que les propos incriminés (contestés en l'espèce) relèvent de la diffamation.

Subsidiairement,

Confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a jugé que la déclaration faite, sur le réseau social Comet, n'était pas constitutive d'un quelconque dénigrement ;

Reformer le jugement du TGI de Paris en ce qu'il a déclaré que la déclaration effectuée au sein du groupe de discussion Google FA REBELS était constitutive de dénigrement ;

A titre subsidiaire juger, qu'en tout état de cause, la société FREELANCE ACADEMY n'a subi aucun préjudice et que le dénigrement ne pourrait être sanctionné que par l'allocation de dommages et intérêts symboliques ;

Reformer le jugement en ce qu'il a condamné M. Y à verser à la société FREELANCE ACADEMY 1 500 € au titre de l'article 7OO du CPC.

En tout état de cause,

Condamner X à verser à M. Y la somme de 15 000 € au titre de l'article 700 du CPC ;

Condamner FREELANCE ACADEMY à verser à M. Y la somme de 7 000 € au titre de l'article 7OO du CPC ;

Débouter X et FREELANCE ACADEMY de toutes leurs demandes reconventionnelles.

L'ordonnance de clôture était prononcée le 8 avril 2021.

SUR QUOI,

LA COUR

1-Sur la résolution du contrat

La société X fait sienne la motivation du tribunal pour soutenir qu'il n'a jamais été convenu entre les parties que la formation au cours du séminaire serait dispensée par un organisme de formation habilité, qu'il résulte des propres déclarations de Monsieur Y qu'il a apprécié l'intérêt et la conformité à ses attentes de la formation, que ses commentaires sont en adéquation avec les appréciations des autres participants qui lui ont donné une note de satisfaction de 8/10, qu'il importe peu que le séminaire se soit déroulé dans une ambiance détendue de manière non académique et qu'en s'abstenant volontairement de participer à la formation continue postérieurement au séminaire, il se prouve par son propre fait de critiquer la formation.

Ce faisant, le tribunal a méconnu la clause contenu à l'article 3 du contrat aux termes de laquelle « X s'engage à permettre au freelance de profiter d'une formation complète telle qu'elle est définie en annexe 1 par le biais d'un organisme habilité à cette fin » et c'est donc à tort que le premier juge a retenu que la société X n'avait contracté aucun engagement à ce titre alors que cet engagement figure expressément au contrat et tandis que de manière constante, à l'époque de la signature du contrat, le 1er août 2015, la responsabilité du suivi du contrôle de la qualité de la formation professionnelle était dévolue par la loi n°2014-288 du 5 mars 2014 aux financeurs publics et paritaires, le Décret n°2015-790 du 30 juin 2015 venant préciser les critères permettant de s'assurer de la qualité de la formation.

Ainsi l'engagement de recourir à un organisme habilité conférait à la formation une garantie de qualité indiscutablement déterminante de l'engagement de Monsieur Y.

Selon les dispositions de l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'Ordonnance du 10 février 2016, applicable au litige, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats pour le cas où l'une des parties ne satisfait pas à son engagement.

En l'espèce, en confiant la responsabilité de la formation professionnelle à une société non habilitée dont elle est au demeurant l'émanation, la société X, qui ne pouvait de ce fait ignorer ce défaut d'habilitation, a manqué à son engagement mais la gravité de ce manquement, qui seule peut justifier la résolution du contrat, doit être appréciée à l'aune du contenu de la formation délivrée au regard des objectifs définis à l'annexe 1 du contrat : Présentation de la Formation Financée par X.

Le contenu de la formation est organisé en 4 séquences :

« Développement personnel : ma santé, mon esprit, mes compétences, mes objectifs

Mon entreprise : contexte français, création d'entreprise, gestion d'entreprise, finances personnelles

Ma communication : étude de marché, création CV et dossier de compétences, visibilité et démarchage, se vendre

Mes clients : le contrat, la mission, après : maintenir la relation, après : les conflits

Informatique : Ecma scriptv5 (Java), AngukarJS, Node JS.

Contrairement à ce que soutient la société X, Monsieur Y a manifesté son mécontentement dès le déroulement du séminaire organisé du 30 septembre au 14 octobre 2015, à l'île de la Réunion, et dans un document adressé au formateur destiné à communiquer son retour sur la qualité des prestations en cour de formation, il précise pour chaque thème abordé, les insuffisances qu'il dénonce en ces termes, sans négliger le rappel des quelques éléments positifs,

Dans la colonne « J'ai aimé » il répond : « les sujets de closure, le suivi de Quentin et Etienne pour l'objectif création, les cours sur le sommeil, l'approche sur l'état d'esprit, les échanges pour avoir la vision des arts, la création d'entreprise 5/10, on rentre enfin dans le vif du sujet. »

Dans la colonne « Je n'ai pas aimé » il indique : « l'organisation un peu bordélique, la durée trop courte des cours, l'absence d'explication académique sur les closures, l'absence de cas pratiques, l'absence d'association de slide et de schéma pour aider à la compréhension, le rythme trop lent voire laborieux, l'absence de retours d'expériences, le manque de contenu du cour Etude de marché, limité à un échange sur nos compétences et notre CV, pas d'étude en profondeur sur le freelancing et les mécanismes de négociation. »

Au bas du tableau, Monsieur Y conclut : « Au point où nous en sommes du séminaire je profite de cet espace pour exprimer mon inquiétude et celle de plusieurs de mes camarades. Je ne suis pas en séminaire pour faire des activités ludiques. On m'avait dit 70% boulot, 30% détente. Pour l'heure c'est du 50/50 voir du 40/60. Vous allez prélever de façon conséquente sur nos futures factures. C'est un prix que je suis prêt à payer, mais pas pour des vacances forcées et pour la quantité/qualité actuelles des cours. J'adore les activités, on s'est bien marré, mais je ne suis pas venu dans ce séminaire pour ça. »

Cet avis est partagé par Monsieur Z qui exprime dans une attestation rédigée le 19 mars 2018 avoir partagé le séminaire et la formation de la promotion 2 avec Monsieur Y et avoir eu l'impression d'être dans un club de vacances, aucun support pédagogique n'ayant été communiqué aux freelanceurs.

Monsieur W témoigne également dans une attestation rédigée le 18 mars 2018, qu'ayant participé au séminaire organisé pour la promotion 1 par les mêmes personnes B et A, il a dû constater qu'au bout de 6 mois il ne disposait d'aucune formation.

Selon les dispositions de l'article 1315 du code civil dans sa version applicable à l'époque de la signature du contrat : « Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. »

La société X allègue avoir satisfait à son obligation de formation et réclame le bénéfice de la clause pénale stipulée à l'article 9-1 du contrat de prestations de services qu'elle souhaite voire requalifier en clause de dédit aux termes de laquelle : « Compte tenu du coût élevé de la formation prise en charge par X et des frais que les obligations du présent Contrat entrainent pour celle-ci, le FREELANCE devra verser à la X, à titre de clause pénale, une indemnité déterminée de la manière suivante (...) :

- Si la résiliation intervient après la réalisation par le FREELANCE de son premier jour de Missions et avant la réalisation des deux cent quarante (240)jours de Missions vendus à X, l'indemnité due par le FREELANCE sera égale à : « 5 000 euros HT + 4 x nombres de jours de Missions restant à fournir x Taux Minimal » , étant précisé que cette indemnité ne pourra pas excéder soixante-cinq mille (65.000) euros HT.

Cependant la société X ne produit aucun support pédagogique à l'appui de la formation dispensée : les captures d'écrans des échanges sur les forums de discussion, les vidéos dans le cadre desquelles des développeurs ayant participé au séminaire s'expriment, les photographies des participants autour d'une table avec leurs ordinateurs ouverts, ne font en effet pas la preuve :

De l'identification précise des objectifs de la formation et de son adaptation au public formé

De la méthode d'évaluation des acquits

De la mise à jour d'une base des expériences et qualifications des formateurs

Des résultats obtenus et de leur partage avec les formateurs et les stagiaires.

Par conséquent la société X ne rapporte pas la preuve de l'effectivité de la prestation de formation professionnelle qu'elle s'est engagée à faire dispenser à Monsieur Y alors que cette formation est la contrepartie de l'obligation faite au freelance, pendant 12 mois, de ne pas conclure un contrat de prestations de services au titre de son activité de développeur informatique dans les domaines définis à l'annexe 2 pour le compte d'autres sociétés que X, sauf autorisation exprès et écrite de cette dernière.

En conséquence de l'indigence de la formation dispensée alors que celle-ci est l'élément déterminant du contrat de prestations de services il convient de prononcer, sur infirmation, la résolution du contrat aux torts exclusifs de la société X.

2-Sur la clause pénale

Monsieur Y demande le règlement de la clause pénale conformément à l'article 9-2 Indemnisation du freelance selon lequel : X s'engage à verser, à titre de clause pénale, une indemnisation au FREELANCE si la résiliation du présent Contrat avant son terme trouve son origine dans un manquement de X à ses obligations étant précisé que : les obligations de formation et d'assistance, d'aide et de conseil sont au titre du présent contrat considérées comme étant des obligations de moyens.

Cette indemnisation sera égale à 40 x Taux Interne. Il s'agit d'une indemnisation forfaitaire qui indemnise, de manière forfaitaire, le FREELANCE pour le préjudice subi du fait de la résiliation du présent Contrat.

Cette clause à laquelle les parties ont au demeurant donné la qualification de clause pénale répond à cette définition en ce qu'elle permet de fixer contractuellement, par avance, la somme indemnitaire versée par le cocontractant défaillant alors que la clause de dédit, dont la société X demande que la clause pénale soit requalifiée en ce sens, a pour but de conférer à l'une des parties au contrat, la faculté de le rompre unilatéralement moyennant une somme à titre de compensation.

La défaillance imputable à la société X dans l'exécution de son obligation de formation justifie qu'elle soit, sur infirmation, condamnée à régler à Monsieur Y la somme de 4 X 57 euros (taux interne défini par l'annexe 4 du contrat) soit la somme de 2280 euros.

3- Les dommages et intérêts au titre du caractère déséquilibré du contrat

Monsieur Y excipe des dispositions de l'article L 442-6,1, 2 du code de commerce dans leur version applicable au litige, pour soutenir qu'il a été soumis à la signature d'un contrat d'adhésion en tant que partie faible, que le déséquilibre significatif découle du prix convenu dès lors que la société X s'est engagée à garantir un niveau de revenus équivalent à celui antérieurement perçu par les freelance, et qu'en outre il a été mis dans l'impossibilité de développer librement une clientèle personnelle pendant l'exécution du contrat, déséquilibre encore plus avéré par les conséquences de la clause pénale tandis qu'aucun risque ne pèse sur la société X qui s'est octroyée par le contrat une partie de la marge réalisée dans le cadre des missions imparties aux freelance.

Selon les dispositions de l'article L 442-6,I,2 du code de commerce dans sa version en vigueur du 19 mars 2014 au 08 août 2015, applicable au litige que :

« I.-Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des

2° De soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ; »

La notion de partenaire commercial à laquelle fait référence l'ancien article L 442-6, I 2 du code de commerce, s'entend de la durée et de la nature de la relation : le partenaire commercial n'est pas seulement un cocontractant, c'est celui avec lequel une relation d'affaires, de nature économique, se poursuit depuis un certain temps, l'objectif premier de l'article L. 442-6 du code de commerce étant de sanctionner les comportements jugés attentatoires au bon fonctionnement du marché'.

Dans le cas de la société X et de Monsieur Y, la relation d'affaires a été créée par le contrat de prestations de service, elle s'inscrit dans une période de 12 mois et procède d'une réciprocité entre l'obligation de formation incombant à la société X et l'exclusivité de la sous-traitance de prestations informatiques à laquelle s'engage le freelance. Cette relation contractuelle ponctuelle n'est donc pas assimilable à un partenariat commercial.

En tout état de cause, le déséquilibre significatif invoqué par Monsieur Y relève du droit des pratiques restrictives de concurrence, et dès lors que la réciprocité entre la formation dispensée et la commission prélevée sur les missions du freelance vient d'être caractérisée, en l'absence d'éléments établissant le caractère potestatif, automatique, ou la non négociabilité des clauses du contrat, Monsieur Y ne rapporte pas la preuve d'indices permettant d'apprécier l'existence d'un déséquilibre significatif.

Monsieur Y sera débouté de ce chef.

4- Sur le dénigrement

Par une motivation que la cour adopte le tribunal a rappelé que constitue un acte de dénigrement engageant la responsabilité de son auteur le fait de jeter le discrédit sur une entreprise en répandant des informations malveillantes ou en tenant des propos péjoratifs à son égard, peu important que ces propos soient exacts ou non.

La société Freelance entend démontrer que Monsieur Y l'a dénigré en se prévalant de deux déclarations de Monsieur Y et des passages précis suivants.

La première déclaration critiquée a été faite par Monsieur Y en ces termes au sein du groupe Google FA REBELS, à l'égard des bénéficiaires de la formation, pour certains en cours de formation : « La FA est une arnaque monumentale qui est à la limite (pour ne pas dire complètement dans l'illégalité » « Ils nous ont raconté des conneries, j'ai aussi découvert leur TRES mauvaise réputation (...) il y a des gens qui n 'attendent que le moment où ils vont se bananer et n'hésiteront pas te donner un petit coup de pouce pour que ça se fasse. Ils ont traité tellement de gens de la pire des façons (nous y compris) que maintenant ils sont tricards et il y a quelques revanchards qui se feront un plaisir de les remettre en place, je sais que beaucoup d'entre vous préfèrent terminer leurs jours et éventuellement agir plus tard. Même si je ne comprends pas, je respecte vos décisions. Nos situations sont différentes et je sais que ça fait peur d'entrer dans la confrontation. D'ailleurs c'est exactement là-dessus que jouent beaucoup d'arnaqueurs et manipulateurs. La nature humaine est ainsi. J'ai moi aussi beaucoup hésité en me disant qu'une année serait vite passée. C'est en revenant de séminaire et en parlant avec certains de la P1 que j'ai refusé de subir le même sort. Je crois qu'il leur reste quelques jours pour s'extirper de ce contrat en mousse. Etant engagé judiciairement contre la FA, je ne prendrai pas le risque de m'exposer auprès d'eux. Mais vous vous faites ce que vous voulez ».

La seconde est celle faite sur le réseau social Comet, Monsieur Y déclarant à un autre développeur informatique :

« Nope surtout pas FA! JE REPETE : OUBL1EZ LA FREELANCE ACADEMY (je suis un ancien élève et je suis en procès contre eux)60 KHT; ça fait 73KTTC. C'est plus cher qu'un MBA à Harvard : ($72k) » Nous sommes un certain nombre d'anciens de la FA. Ya de la douleur derrière tout ça je ne plaisante pas. Ah moi tu me mets sur la FA, je suis une vraie baraque à frites (je ne devrais pas d'ailleurs). Les vainqueurs de l'amateurisme ».

Monsieur Y fait valoir que les déclarations alléguées comme constitutives de dénigrement, ce qu'il conteste, ont été effectuées devant un cercle restreint de personnes sur des comptes accessibles uniquement à des personnes sélectionnées de sorte que le tribunal aurait dû requalifier l'action en diffamation et la déclarer irrecevable.

La diffamation est l'atteinte à l'honneur et à la considération d'une personne physique ou morale régie par les dispositions de la loi sur la liberté de la presse de 1881.

Le dénigrement est une construction jurisprudentielle sur le fondement de la responsabilité délictuelle qui sanctionne, même en l'absence d'une situation de concurrence directe et effective entre les personnes concernées, la divulgation, par l'une, d'une information de nature à jeter le discrédit sur un produit commercialisé par l'autre.

Les propos tenus par Monsieur Y visent un comportement imputable à la société qu'il désigne par son acronyme FA. Ils ne s'adressent pas nominativement ses dirigeants, mais stigmatisent la qualité des prestations délivrées en les assimilant à une « arnaque » et en ce sens ne relèvent pas de la diffamation, le caractère public ou privé des réseaux sur lesquels les propos ont été publiés étant sans emport sur la qualification retenue.

Monsieur Y ne saurait donc être suivi en ses demandes de requalification et d'irrecevabilité.

Cependant et contrairement à ce qui a été jugé, les propos tenus par Monsieur Y sur le groupe de discussion Google FA REBELS et notamment l'emploi du qualificatif « arnaque » pour dénoncer la vacuité de la formation et la malhonnêteté de la méthode employée par la société X, compte tenu de la contrepartie attendue par celle-ci en termes de missions de recherches et de facturations, n'excèdent pas ce que la liberté de parole autorise.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a retenu que le dénigrement contenu dans la déclaration de M V. sur le groupe de discussion Google FA REBELS est constitutif d'un préjudice d'image qui doit être réparé mais confirmé en ce qu'il a dit que la seconde déclaration n'est pas constitutive d'un quelconque dénigrement, l'expression « amateurisme » utilisée par M V. ne relevant pas des dispositions de l'article 1382 du code civil sur lesquelles la société FREELANCE ACADEMY fonde son action, n'étant pas constitutive d'une critique sur un produit ou un services.

La société X et la société FREELANCE ACADEMY seront donc déboutées de l'intégralité de leurs demandes.

5- Sur les frais irrépétibles

La société X sera condamnée à régler à Monsieur Y une somme de 8 000 euros au titre des frais irrépétibles.

La société FREELANCE ACADEMY sera condamnée à régler à Monsieur Y une somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Il sera fait masse des dépens qui seront partagés par moitié entre la société X et la société FREELANCE ACADEMY et chacune sera condamnée à ce paiement par moitié.

PAR CES MOTIFS

La cour,

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté la société X de sa demande d'astreinte, de sa demande de dommages et intérêts et en exécution provisoire et débouté la société FREELANCE ACADEMY de sa demande de retrait des propos de Monsieur Y sur le réseau social Comet, d'astreinte et d'exécution provisoire ;

Statuant à nouveau,

PRONONCE la résiliation du contrat de prestations de services aux torts exclusifs de la société X ;

CONDAMNE la société X à régler à Monsieur Y une somme de 2 280 euros au titre de la clause pénale ;

DEBOUTE Monsieur Y de sa demande de dommages et intérêts ;

DEBOUTE Monsieur Y de sa demande de requalification de l'action en responsabilité délictuelle eu titre du dénigrement en action en diffamation ;

DEBOUTE la société X et la société FREELANCE ACADEMY de l'intégralité de leurs demandes ;

CONDAMNE la société X à régler à Monsieur Y une somme de 8 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

CONDAMNE la société FREELANCE ACADEMY à régler à Monsieur Y une somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

FAIT masse des dépens, DIT qu'ils seront partagés par moitié entre la société X et la société FREELANCE ACADEMY et les CONDAMNE chacune à ce paiement.