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Décisions

CA Douai, ch. soc., 17 décembre 2021, n° 19/00869

DOUAI

Infirmation partielle

PARTIES

Défendeur :

SFR (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Soulier

Conseillers :

M. Noubel, Mme Clavert

Cons. prud’h. Tourcoing, du 18 févr. 201…

18 février 2019

La société Française du Radiotéléphone (dite SFR) a pour activité l'établissement et l'exploitation d'un réseau de communications électroniques (notamment un réseau de radiotéléphonie mobile, téléphonie fixe, accès internet...). Elle diffuse et commercialise des offres d'abonnement à ce réseau ainsi que des offres prépayées qui donnent droit à un certain nombre d'heures de communication payées d'avance.

Les offres SFR sont distribuées en France soit directement par celui-ci soit indirectement par l'intermédiaire de points de vente réparties entre différentes catégories de distributeurs dont des sociétés commerciales telles que la société ABP.Com créée en juillet 2002 dont l'objet social est la commercialisation de services ou produits de télécommunication pour le compte d'opérateurs ou d'entreprises spécialisées.

Monsieur X a eu la qualité de Président Directeur Général d'ABP.COM à compter du 23 septembre 2002 jusqu'au 29 septembre 2008, date à laquelle il a démissionné de son mandat.

Le 1er octobre 2002, la société ABP.COM a signé avec SFR un contrat de distribution exclusive intitulé "Espace SFR Entreprises".

Reprochant aux associés d'ABP.Com un manquement à leurs engagements contractuels, SFR a mis fin à la relation contractuelle le 22 avril 2009.

Après une première prorogation du préavis, SFR et ABP.Com ont convenu de mettre amiablement un terme à leur relation à la date du 31 décembre 2010.

Entre-temps, Monsieur X avait saisi le conseil de prud'hommes de Roubaix le 20 juillet 2009 demandant à ce que soit constatée sa qualité de gérant de succursale salarié sous l'autorité de la société SFR. Le 1er octobre 2009, la juridiction prud'homale a constaté son désistement d'instance.

Le 17 janvier 2012, Monsieur X a saisi de nouveau le conseil de prud'hommes de Tourcoing aux fins de voir requalifier la relation le liant à SFR en contrat de gérant salarié de succursale, de constater qu'il n'avait pas été licencié et d'en tirer les conséquences financières en termes d'indemnités, de dommages-intérêts et de rappels de salaires.

Après trois radiations, respectivement ordonnées les 17 décembre 2012, 14 septembre 2015 et 12 juin 2017, l'affaire a été retenue à l'audience du 1 octobre 2018.

Par jugement du 18 février 2019, la juridiction prud'homale a :

- déclaré irrecevables les demandes formées par Monsieur X,

En conséquence:

- condamné Monsieur X à verser à la SA SFR les sommes suivantes :

- 1 000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

- 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté Monsieur X de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la SA SFR du surplus de ses demandes,

- laissé les dépens à la charge de la partie demanderesse.

Monsieur X a relevé appel de ce jugement par déclaration adressée au greffe par voie électronique en date du 04 avril 2019.

Aux termes de ses conclusions d'appelant transmises par voie électronique le 7 octobre 2021 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens soutenus, Monsieur X a demandé à la cour de :

- dire l'appel recevable et bien fondé,

Infirmer le jugement du 18 février 2019 rendu par le Conseil de prud'hommes de Tourcoing,

Statuant à nouveau

- le recevoir en ses demandes et l'y déclarer bien fondé ;

- dire que les dispositions des articles L. 7321-1 et suivants du Code du Travail sont applicables aux relations liant à la société SFR;

Par conséquent,

- requalifier la relation liant SFR à Monsieur X en contrat de gérant succursaliste ;

- constater que Monsieur X n'a pas été licencié par la société SFR ;

- constater que la rupture des relations liant Monsieur X à la société SFR caractérise un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- fixer la moyenne de salaire brut mensuel de à 4.795,56 euros ;

- constater que Monsieur X avait une ancienneté de 8 ans et 3 mois ;

- condamner la société SFR au paiement des sommes de 227.789,10 euros à titre de rappel de salaires et de 22.778,91 euros au titre des congés payés y afférents ;

- condamner la société SFR au paiement de la somme de 115.093,44 euros (24 mois de salaire) de dommages-intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner SFR au paiement de l'indemnité conventionnelle de licenciement de 14.242,82 euros (article 4-4-1-2 de la convention collective des télécommunications);

- condamner SFR au paiement de la somme de 14.386,68 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 1.438,69 euros au titre des congés payés y afférents ;

- condamner SFR à remettre à Monsieur X ses bulletins de salaire pour la période du 17 janvier 2007 au 31 décembre 2010, son attestation Pôle Emploi et son certificat de travail ; ce sous astreinte de 400 euros par jours de retard et par document à compter de la notification de la décision à intervenir ;

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;

- condamner SFR au paiement de la somme de 5.000 au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Suivant conclusions d'intimée comportant appel incident transmises par voie électronique le 30 septembre 2019 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens soutenus, la société SFR a demandé à la cour de :

A titre liminaire :

- constater que Monsieur X s'est en application d'un protocole transactionnel homologué le 18 septembre 2009 par le Tribunal de commerce de Roubaix-Tourcoing désisté de la procédure qu'il avait initié le 20 juillet 2009 sur le fondement de l'article L. 7321-2 du code du travail,

- dire que le comportement de Monsieur X consistant à introduire une demande à l'encontre de SFR identique à celle dont il s'est désisté deux ans auparavant ensuite d'une transaction viole l'unicité de l'instance,

- dire que les demandes de Monsieur X se heurtent à l'autorité de la chose jugée,

- dire que le comportement de Monsieur X viole le principe selon lequel "nul ne peut se contredire au détriment d'autrui",

- dire que Monsieur X est dépourvu d'intérêt légitime à agir,

- dire que les demandes indemnitaires de Monsieur X sont prescrites,

En conséquence ;

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Tourcoing du 18 février 2019 en ce qu'il a déclaré Monsieur X irrecevable en toutes ses demandes,

A titre principal :

- dire que les articles L. 7321-2 a) et L 7321-2 b) du code du travail sont d'application alternative,

- constater que Monsieur X n'exerçait pas à titre personnel une profession consistant en la vente de marchandises ou le recueil de commandes au sens de l'article L. 7321-2 du code du travail,

- dire qu'aucune des conditions cumulatives énoncées par l'article L. 7321-2 du code du travail n'est réunie en l'espèce,

En conséquence ;

- débouter Monsieur X de l'ensemble de ses demandes tendant à se voir reconnaître le statut de gérant succursaliste,

A titre subsidiaire :

- dire que les demandes indemnitaires de Monsieur X relatives à la période antérieure au 17 janvier 2007 sont prescrites,

- constater la carence de Monsieur X dans la justification des sommes qu'il réclame,

- constater que Monsieur X a démissionné le 29 septembre 2008,

- constater que Monsieur X en sa qualité d'associé de ABP.Com a commis des manquements préjudiciables à SFR,

- constater que Monsieur X a bénéficié d'un préavis de vingt mois,

- dire que Monsieur X n'est pas fondé à solliciter la moindre somme à titre de rappels de salaires ;

- dire qu'il n'est pas fondé à obtenir des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- dire qu'il n'est pas fondé à obtenir une indemnité conventionnelle de licenciement,

- dire qu'il n'est pas fondé à obtenir une indemnité compensatrice de préavis,

En tout état de cause :

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Tourcoing en date du 18 février 2019 en ce qu'il a condamné Monsieur X pour procédure abusive,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Monsieur X à payer à SFR la somme de 1 000 euros,

Statuant à nouveau :

- condamner Monsieur X à verser à SFR la somme de 15 000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

- condamner Monsieur X à payer à SFR la somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens de l'instance.

La clôture de la mise en état a été rendue le 14 octobre 2021, l'audience de plaidoiries étant fixée au 4 novembre 2021.

SUR CE :

Sur la recevabilité de l'action et des demandes de Monsieur X :

SFR soutient que les demandes de Monsieur X sont irrecevables à plusieurs titres, le comportement de ce dernier ayant consisté à introduire en 2012 à son encontre une demande identique à celle dont il s'était désisté deux ans auparavant ensuite d'une transaction violant ainsi les principes de l'unicité de l'instance, de l'autorité de la chose jugée ainsi que celui selon lequel "nul ne peut se contredire au détriment d'autrui" alors que Monsieur X ne justifie ni d'une qualité ni d'un intérêt légitime à agir.

L'article R. 1452-6 du code du travail pose le principe de l'unicité de l'instance prud'homale en indiquant que "toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur l'objet d'une seule instance".

Sur ce fondement, SFR fait valoir que Monsieur X a initié une première instance prud'homale le 20 juillet 2009 dont il s'est ensuite désisté par application de l'accord amiable trouvé par les parties et homologué par le Tribunal de Commerce « Messieurs X et Y se désistent de la procédure qu'ils ont engagée devant le Conseil de Prud'hommes de Roubaix », le conseil de prud'hommes de Roubaix ayant ainsi constaté l'extinction de l'action et son dessaisissement, que sa seconde demande identique à la première introduite le 17 janvier 2012 est ainsi irrecevable.

Cependant, la violation du principe de l'unicité de l'instance ne peut être constatée en l'absence de jugement au fond de l'affaire ce qui est le cas en l'espèce, l'instance introduite par Monsieur X le 20 juillet 2009 s'étant achevée par un désistement d'instance accepté par SFR la juridiction ne mentionnant pas l'existence d'un accord ou d'une transaction à l'origine de celui-ci.

Si par application de l'article 394 du code de procédure civile, le demandeur peut en toute matière se désister de sa demande en vue de mettre fin à l'instance, l'article 398 du même code dispose que le désistement d'instance n'emporte pas renonciation à l'action mais seulement extinction de l'instance.

Ainsi, le désistement d'instance non accompagné d'un désistement d'action clair et non équivoque laisse intact le droit d'agir.

En l'espèce, par ordonnance du 18 septembre 2009 (pièce n° 33), le juge des référés du tribunal de commerce de Roubaix-Tourcoing a pris acte de l'accord intervenu ce jour entre la société ABP.COM et la société SFR à savoir :

« La société SFR accorde à la société ABP.COM à titre exceptionnel, un préavis de rupture de leur relation contractuelle qui expirera le 31 décembre 2010.

En contrepartie, la société ABP.COM accepte de se désister de son action pendante devant le Tribunal de Commerce de PARIS et Messieurs X et Y se désistent de la procédure qu'ils ont engagée devant le Conseil de prud'hommes de Roubaix....(...) ».

Suivant ordonnance en date du 1er octobre 2009, le conseil de prud'hommes de Roubaix a :

« - constaté que le demandeur (Monsieur X) a déclaré expressément se désister de sa demande audiencée le 1er octobre 2009,

- constaté que le défendeur (SFR) a accepté expressément ce désistement,

- constaté par voie de conséquence l'extinction de l'instance et le dessaisissement du conseil,

- dit que chacune des parties supportera ses propres dépens ».

Cependant outre le fait qu'à la date du 18 septembre 2009, à laquelle le juge des référés du Tribunal de commerce de Roubaix-Tourcoing a pris acte de l'accord intervenu entre la société ABP.COM et SFR, Monsieur X n'était plus le Président directeur général d'ABP.COM ayant démissionné de son mandat depuis le 29 septembre 2008, qu'il n'était donc pas partie à l'instance opposant APB.COM à SFR introduite par ABP.COM par exploit d'huissier du 17 juin 2009, aucune des parties ne verse aux débats l'accord litigieux qui n'est pas mentionné dans l'ordonnance du conseil de prud'hommes de Tourcoing en date du 1er octobre, la juridiction ayant constaté que « la partie demanderesse (Monsieur X) n'était ni présente ni représentée » mais qu'elle avait « déclaré se désister de sa demande par courrier en date du 25 septembre 2009 » sans reprendre les termes de ce courrier, ainsi s'il peut évidemment être supposé aux termes de l'ordonnance du 18 septembre 2009 que les parties ABP.COM et ses dirigeants successifs et SFR entendaient se désister des actions entreprises devant le Tribunal de commerce de Paris et le conseil de prud'hommes de Tourcoing, les termes précis de l'ordonnance du 1er octobre 2009 constatant, sans aucune référence à un accord, le désistement de Monsieur X de l'instance et non de l'action engagée ne permettent pas à la cour de déclarer irrecevable la seconde instance diligentée dans des termes identiques par Monsieur X le 17 janvier 2012.

De même, ne peut être opposé à Monsieur X l'autorité de la chose jugée attachée à l'accord transactionnel homologué par le juge des référés alors que celui-ci n'était pas partie à cette instance.

Par ailleurs, la fin de non-recevoir tirée du principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui sanctionne l'attitude procédurale consistant pour une partie, au cours d'une même instance, à adopter des positions contraires ou incompatibles entre elles dans des conditions qui induisent en erreur son adversaire sur ses intentions ce qui n'est pas le cas en l'espèce SFR reprochant à Monsieur X non un changement d'attitude procédurale durant l'instance introduite en janvier 2012 mais de contredire son comportement adopté en 2009 l'ayant amené à se désister de demandes identiques à celles introduites deux ans et demi plus tard.

Il n'est pas exigé que la personne morale soit fictive pour l'application des dispositions du code du travail relatives au gérant de succursale. En outre, l'existence d'une personne morale n'est pas de nature à faire obstacle à l'action engagée par son gérant, personne physique, en son nom propre, tendant à solliciter le statut de gérant de succursale, distinct de celui résultant du contrat de distribution.

Au surplus, le contrat conclu le 1er octobre 2002 entre SFR et la société ABP.COM représenté par Monsieur X en sa qualité de gérant en date l'a été "intuitu personae" en considération de la personne morale de L'ESPACE SFR ENTREPRISES ainsi qu'en considération de la personne de son dirigeant' ce contrat ne pouvant être cédé en tout ou partie sans l'accord préalable exprès et écrit de SFR...tout changement de dirigeant au sein de la société ESPACE SFR ENTREPRISES pourra entraîner la résiliation du contrat dans le cas où l'intérêt légitime de SFR serait menacé.

Contrairement aux affirmations de SFR, liée intuitu personae tant avec la société ABP.COM qu'avec son gérant, ce dernier a bien qualité à agir à son encontre en revendication du statut de gérant de succursale salarié.

Enfin, ce dernier a également un intérêt légitime à agir dans la mesure où le statut de gérant succursaliste de la personne physique pouvant coexister avec le contrat de distribution liant la personne morale et le mode de rémunération prévu au contrat de distribution profitant à la société personne morale, distincte de son gérant, celui-ci a pu exercer une autre activité au profit de SFR en qualité de gérant de succursale.

Les dispositions du jugement entrepris ayant déclaré irrecevables les demandes de Monsieur X sont infirmées, l'action en requalification des relations de Monsieur X avec SFR en revendication du statut de gérant de succursale et les demandes financières subséquentes étant ainsi déclarées recevables.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 7321-2 du code du travail :

L'article L. 7321-2 2° du code du travail accorde le statut de gérant de succursale aux personnes :

'(...)

2°) dont la profession consiste essentiellement :

a) soit à vendre des marchandises de toute nature qui leur sont fournies exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise,

b) soit à recueillir les commandes ou à recevoir des objets à traiter, manutentionner ou transporter, pour le compte d'une seule entreprise lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par cette entreprise'.

Monsieur X fait valoir en substance qu'il exerçait de manière presque exclusive son activité pour le compte de SFR dans des locaux agréées par SFR aux conditions et prix d'abonnement imposés par SFR, que les relations contractuelles existantes doivent être requalifiées en contrat de gérant succursaliste salarié présumé conclu à durée indéterminée et que celles-ci ayant été rompues à l'initiative de SFR sans que cette dernière n'engage la procédure de licenciement devant être mise en oeuvre, il est bien fondé à solliciter la condamnation de cette dernière à lui verser diverses sommes au titre de cette rupture abusive.

SFR s'oppose à titre principal à cette requalification en indiquant que la personnalité morale de la société ABP.Com fait écran à l'application des dispositions de l'article L. 7321-2 du code du travail, que Monsieur X ne justifie pas de la réunion des conditions légales cumulatives exigées, sa profession ne consistant nullement à « recueillir des commandes » ou « vendre des marchandises » pour SFR, que l'activité essentielle d'ABP.COM ne consistait pas davantage à vendre des marchandises ou recueillir des commandes pour le compte exclusif ou quasi-exclusif de SFR, la société comme son Président Directeur Général jouissant d'une réelle indépendance économique à l'égard de SFR alors que Monsieur X n'exerçait pas son activité dans un local agréé par SFR et que ABP.COM n'exerçait pas son activité selon des conditions imposées par SFR.

A titre subsidiaire, elle soutient que les demandes indemnitaires de Monsieur X sont mal fondées et à tout le moins particulièrement exagérées alors que celui-ci a démissionné de son mandat de Président Directeur Général de ABP.Com le 29 septembre 2008, qu'en raison de la prescription quinquennale applicable à cette période aux créances salariales, les demandes de rappel de salaires formées par ce dernier ne peuvent porter que sur la période s'étendant du 17 janvier 2007 au 29 septembre 2008 et nullement jusqu'au 31 décembre 2010, qu'au surplus, il a déjà été rémunéré pour ses activités au sein d'ABP.Com et ne peut être rémunéré une seconde fois par SFR.

Il a été rappelé ci-dessus que le contrat Espace SFR Entreprise a été conclu intuitu personae en considération tant de la personne morale d'ABP.Com que de la personne physique de son gérant Monsieur X et que la personnalité morale ne fait pas écran à l'application des dispositions de l'article L. 7321-2 du code du travail.

Aux termes de l'article 2.2 du contrat Espace SFR Entreprises, ABP.Com s'est engagée à ce que « chaque mois au moins 80% du nombre total d'abonnements et des services prépayés enregistrés sur le code serveur attribué par SFR ....soient des abonnements et des offres prépayés SFR et en conséquence à ne pas commercialiser en France des services de radiotéléphonie identiques ou similaires à ceux offerts par SFR dans une proportion supérieure à 20% du nombre d'abonnements et de services prépayés mensuels... » l'exclusivité ou la quasi exclusivité liant la société ABP.Com à SFR étant ainsi établie.

Par ailleurs, le contrat étant conclu « intuitu personnae » avec Monsieur X celui-ci était contraint de l'exécuter personnellement, le concours de salariés étant sans incidence, et ainsi de recueillir des commandes et de vendre des services SFR ce qu'il démontre avoir fait indépendamment de sa qualité d'associé d'une société civile immobilière, de gérant d'une autre société SME (distributeur Bouygues Télécom) constitué en 2006, SFR n'établissant pas qu'il aurait commercialisé les services de radiotéléphonie de ce concurrent dans une proportion supérieure à 20%, et de son activité au sein de la société Expert Mobile Systèm (EMS) à compter de 2008, l'examen de ses revenus établissant qu'il tirait l'essentiel de ceux-ci de son activité au profit de SFR qui était ainsi prépondérante.

Il est également constant qu'en application de l'article 7.1 du contrat, Monsieur X n'avait aucune liberté pour fixer les prix et conditions fixés par SFR pour la souscription des abonnements aux services, et qu'il devait réaliser des quotas d'abonnement mensuel.

Cependant, si le contrat prévoyait effectivement que l'Espace SFR Entreprises « dispose en permanence d'au moins un commercial itinérant dédié à la commercialisation...d'au moins une personne à plein temps pour l'activité d'administration des ventes ...d'une force de vente spécialisée dédiée exclusivement aux services de la gamme entreprise.. », Monsieur X n'établit pas que la politique de recrutement lui était dictée par SFR, que celle-ci interférait dans ses choix, et contrôlait la gestion interne de la société, l'engagement d'ABP.Com et de son représentant à respecter un certain niveau de qualité de service et d'image procédant de l'activité même de distribution étant la contrepartie de la notoriété de la marque dont ils bénéficient alors qu'enfin, Monsieur X n'a pas démenti avoir été seul responsable de la fixation des conditions d'hygiène et de sécurité du travail sur les points de vente de ABP.Com.

Dès lors, Monsieur X échoue à démontrer que l'exploitation était réalisée aux conditions économiques imposées par SFR.

En conséquence, par confirmation des dispositions du jugement entrepris, il est débouté de sa demande de reconnaissance du statut de gérant de succursale et des demandes financières subséquentes à titre de rappel de salaires et d'indemnisation d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la demande reconventionnelle de dommages-intérêts pour procédure abusive :

La cour ayant déclaré recevables l'action et les demandes de Monsieur X tendant à la reconnaissance du statut de gérant de succursale, l'abus du droit d'agir en justice n'est donc pas caractérisé en sorte qu'il y a lieu par infirmation partielle du jugement entrepris de rejeter la demande reconventionnelle de SFR de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Les dispositions du jugement entrepris ayant condamné Monsieur X aux dépens de l'instance sont confirmées, celles l'ayant condamné à verser à SFR une somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile sont infirmées, la somme allouée étant portée à 2 000 euros.

PAR CES MOTIFS :

La Cour :

Statuant publiquement contradictoirement et en dernier ressort :

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Monsieur X de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux dépens.

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Déclare recevables l'action de Monsieur X en reconnaissance du statut de gérant de succursale et les demandes financières formées à ce titre.

Déboute SFR de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Condamne Monsieur X aux dépens et à verser à SFR une somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.