Cass. com., 13 décembre 1988, n° 87-15.259
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
COMPAGNIE GENERALE DES CROISIERES (SARL), VOYAGES MELIA (SARL), VIAJES MELAI ARGENTINA, VIAGENS MELIA, VIAJES MELIA MEXICANA, VIAJES MELIA URUGUAY
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Baudoin
Rapporteur :
M. Le Tallec
Avocat général :
M. Jeol
Avocats :
SCP Peignot et Garreau, Me Choucroy
Attendu que, selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 avril 1987) la société Navifrance a fait inscrire le 29 novembre 1982 au registre du commerce la dénomination "la Centrale des Croisières" à titre d'enseigne et l'a déposée le 9 décembre 1982 à titre de marque ; que sur rejet provisoire en date du 17 février 1983 de cette demande d'enregistrement, en raison du caractère descriptif de la marque sollicitée, la société Navifrance a déposé le 21 février 1983 la marque "Navifrance la Centrale des Croisières" comprenant un "logo" qui a été enregistrée sous le n° 1 226 617 ; que de son côté un tiers, agissant pour le compte de la société Centrale de Croisières en formation, a déposé le 14 février 1983 la marque "Centrale de Croisières" comprenant un "logo" qui a été enregistrée sous le n° 1 223 427 ; que sur demandes notamment en imitation illicite de marque et en concurrence déloyale formées respectivement d'une part, par la société Navifrance et d'autre part, par la société Voyages Melia qui avait participé à la constitution de la société Centrale de Croisières, par la société Viajes Melia Argentina, par la société Viagens Melia Ldta, par la société Viajes Melia Mexicana, par la société Viajes Melia Uruguay, avec intervention de la société Centrale de Croisières devenue la Compagnie Générale de Croisières, la cour d'appel a accueilli l'essentiel des demandes de la société Navifrance, a déclaré irrecevables en leur action les sociétés américaines et a débouté la société Centrale de Croisières ; Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :
Attendu qu'il est fait grief à la cour d'appel d'avoir débouté les sociétés Voyages Melia et Compagnie Générale de Croisières de leur demande de réparation du préjudice que leur aurait causé tant une saisie-contrefaçon pratiquée le 18 février 1983 à la demande de la société Navifrance et annulée par la cour d'appel, qu'une action en contrefaçon fondée sur la saisie-contrefaçon annulée alors que, selon le pourvoi, d'une part, le fait de procéder à une saisie-contrefaçon sans respecter la règle de la notification préalable prévue par l'article 25 § 1 de la loi du 31 décembre 1964 constitue une faute que la cour d'appel n'a pu écarter qu'en violant cette disposition et l'article 1382 du Code civil, alors que, d'autre part, l'existence du préjudice dont la réparation était sollicitée est impliquée par l'irrégularité de la saisie-contrefaçon à laquelle il a été procédé ; que la cour d'appel n'a pu le nier sans méconnaître les mêmes dispositions et alors qu'enfin, la société Compagnie Générale de Croisières et la société Voyages Melia n'ont pas recherché la responsabilité de la société Navifrance à raison seulement d'une saisie-contrefaçon irrégulière, mais également à raison de ce qu'en dépit du rejet de la demande d'inscription de marque sur le fondement de laquelle avait été pratiquée la saisie annulée, la société Navifrance avait agi à leur encontre en contrefaçon, de façon abusive ; qu'en n'apportant aucun élément de réponse à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir déclaré nulle la saisie-contrefaçon au motif qu'un télex adressé par la société Navifrance ne constituait pas la notification d'une copie certifiée de la demande d'enregistrement de la marque exigée par l'article 25 de la loi du 31 décembre 1964, la cour d'appel a retenu que la société Navifrance avait pu croire de bonne foi qu'elle avait satisfait aux conditions légales de notification alors que la demande d'enregistrement avait été visée dans l'ordonnance autorisant la saisie et a relevé le caractère provisoire de la décision de rejet de la demande d'enregistrement de la marque déposée le 9 décembre 1982, répondant par là-même aux conclusions en faisant ainsi ressortir que n'était pas abusif l'exercice de l'action en contrefaçon ; qu'elle a en outre constaté que n'était pas établi un préjudice dû à l'irrégularité de la notification ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ; Et sur le second moyen, pris en ses trois branches :
Attendu qu'il est également fait grief à la cour d'appel d'avoir dit que le dépôt effectué le 21 février 1983 par la société Navifrance lui avait fait acquérir la propriété de la marque "La Centrale de Croisières" en dépit du dépôt de la même marque effectué le 14 février 1983 par la Compagnie Générale de Croisières en formation alors que, selon le pourvoi, d'une part, pour retenir l'usage par la société Navifrance du signe en cause à titre d'enseigne, la cour d'appel a pris en compte des publicités de cette société qui, par définition, ne pouvait constituer un usage à titre d'enseigne ; que, ce faisant, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale, au regard de l'article 4 de la loi du 31 décembre 1964, alors que, d'autre part, la cour d'appel n'a apporté aucun élément de réponse au moyen selon lequel l'utilisation, de quelque nature qu'elle fût, d'une marque déposée dans plusieurs pays étrangers par plusieurs sociétés constituait, de la part de la société Navifrance, dans les circonstances de la cause, à l'égard de ces sociétés, un acte de concurrence déloyale ; que la cour d'appel a méconnu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors qu'enfin, l'usage antérieur doit, pour être pris en considération et empêcher le dépôt d'une marque, présenter un caractère public incontestable, non équivoque et dépourvu de précarité ; qu'ainsi la cour d'appel, qui a seulement retenu la diffusion depuis le 29 novembre 1982, soit pendant deux mois et demi, par la société Navifrance de publicités sur l'ensemble du territoire français pour en déduire un usage public conférant un droit privatif, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 4 de la loi du 31 décembre 1964 ;
Mais attendu, en premier lieu, que par motifs propres et adoptés, la cour d'appel a constaté que la société Navifrance avait pris la dénomination "La Centrale des Croisières" comme enseigne par inscription au registre du commerce le 29 novembre 1982, qu'à partir de cette date une publicité sur l'ensemble du territoire français avait été diffusée en faveur de cette enseigne et que la société Compagnie Générale de Croisières ne contestait pas l'antériorité sur sa marque de l'usage public de ce signe ; Attendu, en second lieu, qu'en présence de conclusions qui faisaient valoir à la fois les dispositions des articles 6 bis sur les marques notoirement connues et 10 bis sur la concurrence déloyale de la convention de Paris sur la propriété industrielle, la cour d'appel, par motifs propres et adoptés, rejetant par une appréciation souveraine le caractère notoire en France allégué des marques en langues étrangères déposées ou utilisées à l'étranger, a retenu que les sociétés en cause relevaient "sous deux qualifications différentes des faits semblables" ; D'où il suit que, répondant aux conclusions, la cour d'appel a légalement justifié sa décision du chef critiqué et que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;