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Décisions

Cass. 1re civ., 16 novembre 1960, n° 58-12.497

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bornet

Rapporteur :

M. Holleaux

Avocat général :

M. Jodelet

Avocat :

Me Riziger et Talamon

Alger, du 18 juin 1958

18 juin 1958

ATTENDU QUE L'ARRET CONFIRMATIF ATTAQUE AYANT SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE 342 DU CODE CIVIL (MODIFIE PAR LA LOI DU 15 JUILLET 1955) Z... JACQUES HAZAN (REPRESENTANT LA SUCCESSION DE SON B...) A SERVIR UNE PENSION ALIMENTAIRE A L'ENFANT ADULTERINE DE HAZAN B..., MISE AU MONDE PAR DAME C..., DIVORCEE A..., IL LUI EST FAIT GRIEF DE N'AVOIR PAS DONNE DE BASE LEGALE A SA DECISION EN ADMETTANT LA VALIDITE DE LA RECONNAISSANCE FAITE DE SA FILLE PAR DAME C... (ET QUI SEULE LUI DONNAIT QUALITE POUR AGIR EN SON NOM), SANS RECHERCHER SI LE DIVORCE DE LA MERE AVAIT OU NON ETE TRANSCRIT AVANT LA CONCEPTION DE L'ENFANT, ALORS QUE, SELON LE POURVOI, LE DIVORCE NE PRODUISANT D'EFFETS A L'EGARD DES TIERS QU'A COMPTER DE LA TRANSCRIPTION, LA DATE DE CETTE TRANSCRIPTION ETAIT ESSENTIELLE POUR APPRECIER, AU REGARD DE HAZAN, LA QUALITE DE LA FILIATION DE L'ENFANT ET LA POSSIBILITE DE SA RECONNAISSANCE PAR SA MERE ;

MAIS ATTENDU QUE SI, AUX TERMES DE L'ARTICLE 252 DU CODE CIVIL, LE DIVORCE N'EST PAS OPPOSABLE AUX TIERS AVANT LA TRANSCRIPTION, CETTE INOPPOSABILITE CONCERNE UNIQUEMENT LES EFFETS PATRIMONIAUX DU DIVORCE, A L'EXCLUSION DE TOUS EFFETS D'ETAT, DE SORTE QUE L'EPOQUE DE LA TRANSCRIPTION ETANT EN L'OCCURRENCE INDIFFERENTE, LA COUR D'APPEL N'AVAIT PAS A LA RECHERCHER ;

QUE LE PREMIER MOYEN N'EST DONC PAS FONDE ;

SUR LES DEUXIEME ET TROISIEME MOYENS REUNIS : ATTENDU QU'IL EST ENCORE REPROCHE A LA COUR D'APPEL D'AVOIR DECIDE QU'UN ENFANT POUVAIT INVOQUER L'ARTICLE 342 NOUVEAU DU CODE CIVIL POUR RECLAMER, DANS LES CONDITIONS DEFINIES PAR LES ARTICLES 762 ET SUIVANTS, DES ALIMENTS A LA SUCCESSION DE SON B... ADULTERIN, ALORS QUE LE DROIT DE SE PREVALOIR DE L'ARTICLE 762 N'APPARTIENT QU'A L'ENFANT QUI SE FONDE SUR UNE FILIATION ADULTERINE JURIDIQUEMENT ETABLIE, MAIS NON A CELUI QUI NE PEUT INVOQUER QU'UNE SIMPLE PATERNITE DE FAIT, DANS LES TERMES DE L'ARTICLE 342, LAQUELLE NE CREE QU'UNE OBLIGATION ALIMENTAIRE NON TRANSMISSIBLE A LA SUCCESSION DE L'AUTEUR ADULTERIN, ET ALORS, D'AUTRE PART, QU'UNE SEMBLABLE CREANCE ALIMENTAIRE NE SAURAIT EN TOUS CAS EXISTER A L'ENCONTRE D'UNE SUCCESSION OUVERTE, COMME EN L'ESPECE, EN DECEMBRE 1954, AVANT L'ENTREE EN VIGUEUR DE LA LOI DU 15 JUILLET 1955 ;

MAIS ATTENDU QUE LE DROIT RECONNU A L'ENFANT ADULTERIN PAR L'ARTICLE 762 DU CODE CIVIL DE RECLAMER DES ALIMENTS A LA SUCCESSION DE SES AUTEURS APPARTIENT EGALEMENT, EN VERTU DES TERMES GENERAUX ET IMPERATIFS DE L'ARTICLE 342, NOUVEAU, A CELUI DONT LA FILIATION PATERNELLE DE FAIT A ETE CONSTATEE PAR APPLICATION DE CE TEXTE, ET QU'EN RAISON DE L'INEXISTENCE DE TOUS DROITS ACQUIS DONT PUISSENT SE PREVALOIR LES HERITIERS, IL PEUT ETRE EXERCE A L'ENCONTRE DE CETTE SUCCESSION, MEME SI ELLE S'EST OUVERTE AVANT L'ENTREE EN VIGUEUR DE LA LOI NOUVELLE ;

QUE LES DEUXIEME ET TROISIEME MOYENS NE SAURAIENT DONC ETRE ACCUEILLIS ;

SUR LE QUATRIEME MOYEN EN SES DIVERSES BRANCHES : ATTENDU QU'IL EST FAIT EGALEMENT GRIEF A L'ARRET ATTAQUE, EN CE QUI CONCERNE L'EVALUATION DE LA PENSION ALIMENTAIRE LITIGIEUSE, D'AVOIR MECONNU LES REGLES DE LA PREUVE ET DE SA REPARTITION EN IMPOSANT A L'HERITIER LA CHARGE D'ETABLIR LES FACULTES CONTRIBUTIVES DE LA MERE DE L'ENFANT, ET L'INSOLVABILITE DE LA SUCCESSION, COMME DE S'ETRE FONDE, POUR ADMETTRE LA SOLVABILITE DE CELLE-CI, SUR DES PRESOMPTIONS RESULTANT DE LA FORTUNE DONT JOUISSAIT DE SON VIVANT LE B... ADULTERIN, ALORS QUE C'EST AU CREANCIER D'ALIMENTS D'ETABLIR SES BESOINS ET LES FACULTES DU DEBITEUR, ET QUE LA CONSISTANCE DE LA SUCCESSION DEBITRICE NE SAURAIT ETRE ETABLIE EN TERMES DUBITATIFS A L'AIDE DE PRESOMPTIONS TIREES DE LA SITUATION DU DE CUJUS ;

MAIS ATTENDU QUE, DES ENONCIATIONS DES JUGES DU FOND, IL RESULTE QUE C'EST CONFORMEMENT AUX REGLES DE LA REPARTITION DE LA CHARGE DE LA PREUVE QUE LA COUR D'APPEL A APPRECIE, AU VU DES ELEMENTS DE FAIT DE LA CAUSE ET COMPTE TENU DES FACULTES RESPECTIVES DES PARTIES, LES BESOINS DE L'ENFANT ET LES FAIBLES FACULTES CONTRIBUTIVES DE DAME C... DONT IL ETAIT ETABLI, SANS AUCUNE CONTESTATION SUR CE POINT DE LA PART DU DEFENDEUR, QU'ELLE NE POSSEDE AUCUNE RESSOURCE AUTRE QUE LE PRODUIT DE SON TRAVAIL, ET QUE, D'AUTRE PART, POUR APPRECIER L'IMPORTANCE DE LA SUCCESSION DONT HAZAN SE BORNAIT A DENIER LA SOLVABILITE, EN SE GARDANT BIEN DE PRODUIRE LE MOINDRE DOCUMENT JUSTIFICATIF DE SES DENEGATIONS, ELLE S'EST, AINSI QU'IL LUI APPARTENAIT DE LA FAIRE, SOUVERAINEMENT FONDEE, EN DES TERMES QUI NE SONT RIEN MOINS QUE DUBITATIFS, SUR DES PRESOMPTIONS DE FAIT CONCORDANTES, TIREES DE L'ENSEMBLE DES ELEMENTS DE LA CAUSE ET NOTAMMENT DE L'OPULENTE SITUATION COMMERCIALE DU DE CUJUS DONT LE FONDS DE COMMERCE FAIT PARTIE DE L'HEREDITE DEBITRICE ;

QUE LE QUATRIEME MOYEN DOIT DONC ETRE REJETE COMME LES PRECEDENTS ;

REJETTE LES PREMIER, DEUXIEME, TROISIEME ET QUATRIEME MOYENS ;

SUR L'IRRECEVABILITE DU CINQUIEME MOYEN SOULEVEE PAR LA DEFENSE :

ATTENDU QUE PAR CE MOYEN, IL EST REPROCHE A L'ARRET ATTAQUE DE NE PAS AVOIR TIRE DES FAITS PAR LUI CONSTATES LES CONSEQUENCES QUI EN DECOULAIENT LEGALEMENT ;

ATTENDU QUE LE JUGE DOIT VIDER TOUTE CONTESTATION A LUI SOUMISE CONFORMEMENT AUX LOIS QUI REGISSENT LA MATIERE ALORS MEME QUE L'APPLICATION DE Y... LOIS N'AURAIT PAS ETE EXPRESSEMENT REQUISE ;

QU'EN CONSEQUENCE LE MOYEN DE PUR DROIT DONT S'AGIT EST RECEVABLE ;

REJETTE L'EXCEPTION D'IRRECEVABILITE PRISE DE LA PRETENDUE NOUVEAUTE DU MOYEN ;

ET, AU FOND, SUR LE MEME MOYEN : VU LES ARTICLES 2 ET 342 (MODIFIE PAR LA LOI DU 15 JUILLET 1955) DU CODE CIVIL ;

ATTENDU QUE LA PENSION ALIMENTAIRE ALLOUEE A L'ENFANT ADULTERIN PAR APPLICATION DE LA LOI SUSVISEE, LAQUELLE N'A AUCUN CARACTERE RETROACTIF, NE PEUT REMONTER A UNE DATE ANTERIEURE A SON ENTREE EN VIGUEUR ;

ATTENDU QU'EN FIXANT AU JOUR DE LA DEMANDE (15 FEVRIER 1955), C'EST-A-DIRE ANTERIEUREMENT A L'ENTREE EN VIGUEUR DE LA LOI DU 15 JUILLET 1955, LE POINT DE DEPART DE LA PENSION ACCORDEE EN APPLICATION DE CELLE-CI, LA COUR D'APPEL A VIOLE LES TEXTES SUSVISES ;

PAR Y... MOTIFS : CASSE ET ANNULE, MAIS SEULEMENT DANS LA DISPOSITION FIXANT LE POINT DE DEPART DE LA PENSION ALLOUEE, L'ARRET RENDU ENTRE LES PARTIES PAR LA COUR D'APPEL D'ALGER LE 18 JUIN 1958 ;

REMET EN CONSEQUENCE, QUANT A CE, LA CAUSE ET LES PARTIES AU MEME ET SEMBLABLE ETAT OU ELLES ETAIENT AVANT LEDIT ARRET ET, POUR ETRE FAIT DROIT, LES RENVOIE DEVANT LA COUR D'APPEL D'ORAN. NO 58-12.497. HAZAN C/ EPOUX X.... PRESIDENT : M. BORNET. - RAPPORTEUR : M. HOLLEAUX. - AVOCAT GENERAL : M. JODELET. - AVOCATS : MM. RYZIGER ET TALAMON. DANS LE MEME SENS : SUR LE NO 4 : 19 NOVEMBRE 1958, BULL. 1958, I, NO 498, P. 405. A RAPPROCHER : SUR LE NO 1 : 6 JUILLET 1960, BULL. 1960, I, NO 369, P. 304.