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Décisions

Cass. com., 2 novembre 2011, n° 10-26.201

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Lactalis Fromages (Sté)

Défendeur :

Bongrain (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Avocat :

Me Bertrand, SCP Piwnica et Molinié

Versailles, du 2 sept. 2010

2 septembre 2010

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Lactalis Fromages fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à ce que la marque" Cloche Fraicheur" soit annulée pour dépôt frauduleux, alors, selon le moyen :

1°) que l'enregistrement d'une marque encourt l'annulation lorsqu'il a été demandé en fraude des droits d'un tiers ; qu'en se bornant en l'espèce à retenir que la société Bongrain, dont l'enregistrement litigieux a été réalisé en 2005, n'avait pas eu connaissance de l'utilisation par la société Lactalis Fromages du signe Cloche Fraîcheur à l'occasion du contentieux sur le conditionnement du beurre La Motte Président entamé en 2003, sans rechercher, ainsi qu'elle était invitée à le faire, si une présomption de connaissance par la société Bongrain de l'utilisation antérieure par la société Lactalis Fromages de ce signe associé à l'emballage du beurre La Motte Président, beurre qui constitue un produit identique ou similaire aux produits visés par la marque, ne résultait pas d'une connaissance générale dans le secteur économique concerné à compter de 1999, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 712-6 et L. 714-3 du code de la propriété intellectuelle, ensemble le principe frausomni corrumpit ;

2°) que dans ses conclusions d'appel la société Lactalis Fromages faisait valoir que la société Bongrain n'avait pas exploité le signe litigieux, à titre de marque après son dépôt en 2005, ce qui était de nature à démontrer qu'elle avait procédé à un enregistrement sans intention de l'utiliser conformément à la fonction d'une marque, mais en détournant de manière frauduleuse la finalité de celle-ci pour empêcher les tiers de faire usage d'une expression identique ou similaire ; qu'en omettant en l'espèce de répondre à ce moyen déterminant permettant d'établir l'existence d'un enregistrement frauduleux imputable à la société Bongrain, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

3°) que l'enregistrement d'une marque encourt l'annulation lorsqu'il a été demandé en fraude des droits d'un tiers ; qu'en relevant en l'espèce que la société Bongrain ne pouvait pas savoir lors du dépôt de la marque «Cloche Fraîcheur», en 2005, que la société Lactalis Fromages allait utiliser deux ans plus tard, à titre distinctif, la dénomination «Cloche Saveur », quand la question était de savoir si, lors de son dépôt, la société Bongrain n'avait pas eu l'intention d'empêcher les tiers d'utiliser dans l'avenir toute expression identique ou similaire à sa marque, tout en sachant que la dénomination Cloche Fraîcheur était déjà utilisée dans le secteur économique concerné par l'exposante, son concurrent direct, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et violé les articles L. 712-6 et L. 714-3 du code de la propriété intellectuelle, ensemble le principe fraus omnia corrumpit ;

Mais attendu que l'arrêt retient que la circonstance que la société Bongrain ait su ou dû savoir qu'un tiers utilisait un signe identique ou similaire pour un produit identique ou similaire avec le signe dont l'enregistrement était demandé ne suffit pas, à elle seule, à établir la mauvaise foi; qu'il retient encore qu'au moment du dépôt litigieux, le 26 mai 2005, la mention d'étiquetage Cloche Fraîcheur portée sur le conditionnement du beurre La Motte Président, purement informative pour décrire l'emballage, n'était utilisée ni comme un signe distinctif ni pour une activité de la société Lactalis Fromages et qu'à cette époque, la société Bongrain ne pouvait supposer que la société Lactalis Fromages adopterait, deux ans plus tard, le signe Cloche Saveur pour nommer un fromage ; que la cour d'appel a pu, après avoir procédé à la recherche prétendument omise et sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, déduire de ces seules constatations que la société Bongrain n'avait pas déposé sa demande en fraude des droits de la société Lactalis Fromages ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la société Lactalis Fromages fait encore grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à l'annulation de la marque "Cloche Fraîcheur "pour défaut de distinctivité, alors, selon le moyen, que sont dépourvus de caractère distinctif les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit, et notamment l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l'époque de la production du bien ou de la prestation de service ; qu'en se bornant en l'espèce à retenir que la marque "Cloche Fraîcheur", dès lors qu'elle ne visait pas des emballages mais des produits laitiers, ne pouvait être regardée comme la désignation d'une caractéristique de ces produits, l'expression Cloche Fraîcheur n'étant pas de nature à permettre au public de percevoir immédiatement l'une de leurs caractéristiques et ne dépassant pas le domaine licite de la suggestion, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le conditionnement ou le mode d'emballage d'un produit ne constitue pas une caractéristique de celui-ci et si les termes Cloche Fraîcheur ne pouvaient pas servir dans le commerce pour désigner des fromages vendus dans une cloche conservant leur fraîcheur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu qu'ayant refusé de voir dans le conditionnement ou le mode d'emballage une caractéristique des produits désignés au dépôt de la marque en cause, la cour d'appel a procédé à la recherche prétendument omise ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le troisième moyen :

Attendu que la société Lactalis Fromages fait grief à l'arrêt de la condamner pour contrefaçon de la marque "Cloche Fraîcheur", alors, selon le moyen :

1°) que le risque de confusion s'apprécie globalement à partir d'un examen d'ensemble et non au vu des seules similitudes et différences relevées entre les signes litigieux ; qu'en se déterminant en l'espèce au vu des seules similitudes et différences relevées entre les signes Cloche Fraîcheur et Cloche Saveur, sans procéder à une appréciation globale fondée sur l'impression d'ensemble produite par les signes en présence dont ces éléments n'étaient que des facteurs parmi d'autres, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle ;

2°) que le titulaire d'une marque ne peut interdire l'usage par un tiers d'un signe identique à sa marque, qui si ce dernier porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte à la fonction essentielle de la marque, qui est de garantir aux consommateurs la provenance des produits ou des services, en raison d'un risque de confusion dans l'esprit du public ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher, comme elle était invitée à le faire, si aucun risque de confusion n'était possible pour le consommateur, dès lors que les différentes mentions apposées sur produits des parties permettaient d'en identifier la provenance, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la dénomination Cloche Saveur figurait sur l'emballage en gros caractères noirs se détachant sur un fond blanc, au-dessus de la marque ombrelle Président de sorte qu'elle occupait une place prépondérante et distinguait le produit d'autres de la gamme Président, la cour d'appel a souverainement apprécié que la présence d'éléments figuratifs sur cet emballage n'affectait pas la parenté forte qui se dégageait des deux signes et engendrait, dans l'esprit du consommateur moyen normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, un risque de confusion quant à l'origine commune des deux dénominations, que renforçait l'identité des produits concernés; que le moyen manque en fait ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.