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Décisions

CA Douai, 2e ch. 1er sect., 16 décembre 2021, n° 19/05826

DOUAI

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Cartospé-Packaging (Sasu)

Défendeur :

Astra Inks (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Renard

Conseillers :

Mme Gilles, Mme Créon

T. com. Arras, du 11 sept. 2019

11 septembre 2019

Vu le jugement contradictoire rendu le 11 septembre 2019 par le tribunal de commerce d'Arras, qui a :

- débouté les parties de l'ensemble de leurs demandes,

- en conséquence dit qu'il n'y a pas de lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Sas Cartospé Packaging aux entiers dépens en ce compris les frais et débours de greffe taxés et liquidés à la somme de 88,94 euros,

Vu l'appel interjeté le 31 octobre 2019 par la Sasu Cartospé Packaging,

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 28 juillet 2020 par la société Cartospé-Packaging qui demande à la cour de :

- infirmer les dispositions du jugement du tribunal de commerce d'Arras du 11 septembre 2019,

- juger la concurrence déloyale par imitation et le parasitisme établi par Cartonnages V. à l'encontre de Cartospé ; et le parasitisme établi par Astra Inks à l'encontre de Cartospé,

-condamner in solidum les sociétés intimées Cartonnages V. et Astra Inks au paiement de la somme de 250 000 euros à Cartospé,

- interdire à la société Cartonnages V. d'utiliser à quelque titre que ce soit et que quelque support que ce soit, les éléments reproduisant les caractéristiques propres aux emballages de Cartospé tenant à son architecture ou à ses éléments imprimés, sous astreinte de 800 euros par infraction constatée, à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

- interdire à la société Cartonnages V. d'utiliser à quelque titre que ce soit, sa machine de fabrication avec les modifications qui ont été apportées par Astra Inks, sous astreinte de 800 euros par infraction constatée, à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

- ordonner la publication du dispositif de l'arrêt à intervenir sur un quart de la page d'accueil du site internet de Cartonnages V. ainsi que sur sa page du réseau social Linkedin (fil d'actualisés), pendant une durée de huit semaines ininterrompues à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

- annuler les pièces n°21 à 23 de Cartonnages V., faute de loyauté dans l'obtention de celles-ci,

- rejeter les demandes reconventionnelles, mal fondées, formulées par Astra Inks et Cartonnages V.,

en tout état de cause,

- condamner in solidum les sociétés intimées Cartonnages V. et Astra Inks au paiement de la somme de 6000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum les sociétés intimées Cartonnages V. et Astra Inks au paiement des entiers frais et dépens, en ce compris les frais de deux sommations interpellatives réalisées par huissier dans le cadre de ce litige, et rendues nécessaires, dont distraction au profit de Caroline F., avocat aux offres de droit,

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 21 avril 2021 par la Sas Cartonnages V. qui demande à la cour de :

-confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce d'Arras le 11 septembre 2019 en ce qu'il a débouté la société Cartospé Packaging de l'ensemble de ses demandes,

-infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce d'Arras le 11 septembre 2019 en ce qu'il a débouté la société Cartonnages V. de ses demandes reconventionnelles formulées sur le fondement de la concurrence déloyale, de la procédure abusive et des frais irrépétibles,

Statuant à nouveau,

- condamner la société Cartospé Packaging à indemniser la société Cartonnages V. de son préjudice sur le fondement de la concurrence déloyale à hauteur de la somme de 250 000 euros,

- condamner la société Cartospé Packaging à indemniser la société Cartonnages V. sur le fondement de la procédure abusive à hauteur de la somme de 50 000 euros,

- condamner la société Cartospé Packaging à payer à la société Cartonnages V. la somme de 50 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés dans le cadre de la première instance,

En tout état de cause,

- débouter la société Cartospé Packaging de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société Cartospé Packaging au paiement de la somme de 60 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés dans le cadre de la procédure d'appel,

- condamner la société Cartospé Packaging au paiement des entiers dépens d'instance et d'appel,

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 16 avril 2021 par la Sarl Astra Inks qui demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce d'Arras le 11 septembre 2019 en ce qu'il a débouté la société Cartospé Packaging de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la société Astra Inks,

à titre reconventionnel, sur l'appel partiel et incident de la société Astra Inks :

- réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce d'Arras en ce qu'il a débouté la société Astra Inks de sa demande de dommages et intérêts et de sa demande au titre des frais irrépétibles,

en conséquence,

- condamner la société Cartospé Packaging à verser à la société Astra Inks la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1240 du code civil,

- condamner la société Cartospé Packaging à verser à la société Astra Inks la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance,

- condamner la société Cartospé Packaging à verser à la société Astra Inks la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel,

- condamner la société Cartospé Packaging aux entiers frais et dépens de l'instance dont distractions au profit de la Selarl V.L., avocat aux offres de droit.

Vu l'ordonnance de clôture du 21 avril 2021,

SUR CE,

Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.

Il sera simplement rappelé que la société Cartospé Packaging (ci-après la société Cartospé) a pour activité déclarée au Registre du Commerce et des Sociétés de Compiègne la fabrication de carton ondulé ; elle est spécialisée dans la conception, la transformation et la commercialisation de cartonnages traditionnels et spéciaux.

La société les Cartonnages V. (ci-après la société V.) a la même activité déclarée au Registre du Commerce et des Sociétés d'Arras ; elle est spécialisée dans la fabrication d'habillages et d'emballages traditionnels et notamment de caisses, boîtes, packagings ou PLV, avec ou sans impression, dans différents types de matériaux : carton, aluminium ou priplack.

La Société Astra Inks est enregistrée au Registre du Commerce et des Sociétés de Dunkerque comme ayant une activité d'ingénierie et d'études techniques ; elle a pour objet social, aux termes de ses statuts, l'étude, la recherche, le développement, la fabrication, l'achat, la transformation et la vente de tous produits et matériels intéressant les arts graphiques et particulièrement les encres et vernis d'imprimerie et produits annexes ; elle a pour gérant M. David T.. Ce dernier a été salarié de la société Cartospé suivant contrat à durée indéterminée, en qualité d'adjoint de direction avec statut de cadre du 17 juin 2007 au 30 octobre 2009, une clause intitulée 'secret professionnel' étant incluse dans le contrat.

La société Cartospé, prétendant que la société V. a proposé à la vente des emballages Dasri (propres aux déchets d'activité de soins à risques infectieux) qui reproduiraient les caractéristiques des emballages Dasri qu'elle fabrique et commercialise elle-même et que la société Astra Inks a mis à disposition de la société V. son propre savoir-faire et commandé pour le compte de cette dernière puis refacturé une machine présentant les mêmes caractéristiques que celle qu'elle a fait fabriquer par la société EMI, a, selon acte d'huissier du 15 mai 2014 poursuivi ces dernières en concurrence déloyale et en parasitisme devant le tribunal de commerce d'Arras.

Le tribunal a, par jugement dont appel, rejeté l'ensemble de ses demandes.

La société Cartospé reproche aux premiers juges de l'avoir déboutée de ses demandes en concurrence déloyale et parasitisme à l'encontre des sociétés V. et Astra Inks en faisant valoir en substance que la société V. a reproduit ses produits-phares, à savoir deux emballages cartonnés destinés au transport de déchets de soins à risques infectieux dits DASRI, en toutes leurs caractéristiques qui leur sont propres, et a, avec la société de son ancien salarié, Astra Inks, exploité sans autorisation les connaissances spécifiques de la machine de fabrication de ses produits. Elle soutient avoir développé un savoir-faire propre dans la conception, la fabrication et la distribution de ces emballages auprès d'établissements de santé et de collecteurs de déchets.

La société V. conclut à la confirmation du jugement dont appel et fait valoir en substance qu'il n'existe aucune imitation des produits opposés autre que celle imposée par des nécessités techniques, fonctionnelles ou informatives et aucune confusion possible avec ses propres produits qui présentent de nombreuses différences pour contester tout acte de concurrence déloyale. Elle ajoute, au titre du parasitisme, que l'appelante ne démontre aucun savoir-faire, ni appropriation de celui-ci, ni encore aucune réalité de quelconques investissements ou de sa volonté de s'inscrire dans son sillage dès lors qu'elle a elle-même investi dans le développement de ses emballages DASRI. Elle forme elle-même une demande reconventionnelle à l'encontre de la société Cartospé dont les cartons objets d'un procès-verbal d'huissier du 26 mai 2014 qui se déchirent ne répondraient pas aux normes ADR et NFX 30-507.

La société Astra Inks conclut également à la confirmation du jugement ; elle fait valoir en substance qu'elle n'a commis aucune faute à l'encontre de la société Cartospé, qu'elle ne fabrique aucun carton qui imiterait ceux de la société appelante, laquelle ne démontre en tout état de cause la réalité d'aucun préjudice. Elle s'oppose enfin à toute condamnation in solidum avec la société V..

Ceci étant exposé, il convient de rappeler que la concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce, ce qui implique qu'un signe ou un produit qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle, puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant à l'absence de faute par la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce.

L'appréciation de cette faute au regard du risque de confusion doit ainsi résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté d'usage, l'originalité, et la notoriété de la prestation copiée ;

Le parasitisme requiert quant à lui la circonstance selon laquelle, à titre lucratif et de façon injustifiée, une personne morale ou physique copie une valeur économique d'autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d'un savoir-faire, d'un travail intellectuel et d'investissements.

Sur la concurrence déloyale

En l'espèce, il est constant que les produits DASRI sont encadrés par le code de la santé publique et par voie réglementaire (ADR et norme NFX30-507) et qu'il est imposé un emballage résistant, à usage unique, pouvant être fermé provisoirement en cours d'utilisation, de couleur jaune dominante, doté d'un repère horizontal indiquant la limite de remplissage, d'un pictogramme de danger biologique et identifiant le producteur des déchets, la conformité du produit aux normes étant attestée par un organisme accrédité avant la mise sur le marché.

La société V. ne conteste pas que ses produits présentent 'quelques ressemblances' avec les produits opposés mais soutient que celles-ci imposées par des nécessités techniques, fonctionnelles ou informatives.

Si l'appelante ne peut s'approprier aucun monopole sur des cartons DASRI, force est de constater d'une part, que l'action est fondée sur la concurrence déloyale, et d'autre part, que les cartons qui sont opposés dans le cadre du présent litige présentent des caractéristiques propres qui sont reprises sur les cartons de la société V. qui révèlent :

- une architecture identique,

- un lien coulissant fermant la sache dont l'usage courant n'est pas démontré,

- un rabat similaire qui vient s'insérer dans une fente au milieu des conditionnements très proche,

-une découpe similaire des poignées latérales de forme triangulaire lorsqu'elles seront repliées et encliquetées par l'utilisateur, associées à un soufflet solidaire aux poignées,

- un slogan « trier, transporter, traiter » inséré dans un graphisme circulaire entre des flèches dont les trois mots sont identiques et repris dans un graphisme d'ensemble identique,

- l'impression d'une clé, seule ou insérée dans une serrure, symbolisant la fermeture définitive ou provisoire de la boîte cartonnée, et qui d'un point de vue conceptuel repend l'impression du cadenas fermé ou semi-fermé de la société Cartospé,

- les mêmes flèches stylisées symbolisant le sens d'utilisation du conditionnement identiques,

- un symbole international du danger biologique en grand format apposé en filigrane sur le carton en jaune sur fond blanc similaire, apposé en sus du symbole réglementaire,

- le même graphisme d'une seringue stylisée, oblique dans un cercle barré, en noir et figurant à l'intérieur d'un encadré symbolisant l'interdiction de contenus perforants non conditionnés,

- des dimensions, mots et emplacement similaires de l'encadré précisant le producteur des déchets, lequel fait état également, par erreur, comme sur le carton Cartospé, d'une réglementation non actualisée.

Contrairement à ce que soutient la société V., le choix de ces caractéristiques n'est pas le choix le plus banal dans le domaine considéré ; il résulte en effet de l'examen des productions qu'il existe de nombreux choix arbitraires pour reproduire les différents composants, lesquels produisent des effets visuels différents de celui produit par le carton de la société Cartospé.

Il résulte en conséquences tant de ces constatations que de l'examen visuel des cartons en cause, que plusieurs des caractéristiques identifiant le carton de la société Cartospé parmi celles qui sont revendiquées ont été reprises sur les produits lincriminés, quand bien même il existerait quelques différences mineures ou l'apposition d'une marque, lesquelles ne seront pas perçues immédiatement par le public concerné, fût-il un professionnel du domaine considéré.

Pour autant, en l'absence d'atteinte à un droit privatif, la copie d'un produit concurrent n'est pas en soi fautive, sauf en cas de faute, notamment par création d'un risque de confusion.

Or en l'espèce, la société Cartospé n'invoque au titre de la concurrence déloyale que l'imitation de ses produits sans caractériser une faute de la société V. découlant de cette reproduction, ses demandes formées à ce titre ne peuvent qu'être rejetées.

Sur le parasitisme

Il a été dit que le parasitisme consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans bourse délier, de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements réalisés.

En l'espèce, la société Cartospé justifie d'investissements importants pour la conception et la commercialisation des produits Dasri soit : 137.318,42 euros au titre de la conception de 2003 à 2013, 32.413,40 euros pour la conformité aux normes en vigueur de 2002 à 2013, 253.430,58 euros au titre de la formation sur les emballages Dasri de 2003 à 2013, et 7.024,01 euros pour la création d'un site internet en 2010, soit un total de 430.186,41 euros.

Elle produit en outre un devis de la société EMI du 18 mai 2005 concernant une machine spécifique exposant la prestation commandée en ces termes :

' Dépose de saches sur PCR

Mise en place de la sache avant le pliage des rabats

Dépose de deux traits de colle sur les deux rabats avant la dépose du sac

Montage de trois buses pour collage des rabats,

le but étant d'obtenir une cadence d'environ 1 500 emballages par heure.

La machine a été acquise selon facture du 18 décembre 2007.

Or il résulte d'une sommation interpellative du 11 février 2014 faite au gérant de la société EMI que ce dernier a indiqué à l'huissier :

<< - J'ai reçu une commande (d'un convoyeur de sac à lien pour machine de type Plieuse colleuse rectiligne d'une société Astra Inks) à la fin de l'année 2012, en novembre ou décembre,

- (Mon interlocuteur) était M. T. David,

- Oui l'ai installé cet équipement chez la société Cartonnages V. à Ambres les Aires (62120),

- Il (ce convoyeur de sac à lien) présente les mêmes fonctionnalités (que celui installé sur la machine PCR de la société Cartospé Packaging,

- J'ai facturé cet équipement 69 000 euros environ>>.

La société V. a donc commandé, une machine de fabrication présentant les mêmes fonctionnalités que la machine que la société Cartospé utilise pour le pliage et le collage de la sache au carton auprès de la société Astra Inks dirigée par son ancien directeur adjoint M. David T., lequel a fait appel à la société EMI, fournisseur de la société Cartospé.

Ce faisant, la société V., qui n'établit pas comme elle le soutient avoir simplement adapté un convoyeur de sacs à une machine préexistante, s'est épargnée les coûts de conception de la dite machine et a profité des investissements de la société Cartospé.

Par ailleurs le dirigeant de la société Promosac spécialisée dans la fabrication et la commercialisation d'emballages, a indiqué dans une attestation du 23 avril 2014, dont le rejet des débats n'est pas sollicité malgré la critique qui y est apportée, que sa société « a été consultée par la société V. (M. Michaël B.) début avril 2013 » que « la demande portait sur la fourniture éventuelle de sacs à lien coulissant jaune en 40 µ destinés à la fabrication d'emballages pour déchets à risques infectieux mous » et que « cette demande s'inscrivait dans un projet de mise au point d'un emballage comparable à celui de la société Cartospé à Attichy. » Cette attestation n'est pas contredite par celle du 8 avril 2013 émanant de l'assistante commerciale de la société Promosac qui écrit : « Pour faire suite à votre demande (…) possibilité de dépannage sur le stock de Cartospé Packaging ».

Enfin il a été dit que la société V. reproduit sur ses cartons DASRI, plusieurs caractéristiques des cartons Cartospé.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments la volonté délibérée de la société V. de se placer dans le sillage de la société Cartospé afin de tirer profit, sans bourse délier, de ses efforts et/ou de son savoir-faire ou de ses investissements. Le parasitisme est donc caractérisé.

Sur la responsabilité de la société Astra Inks

Il n'est pas contesté que M. David T., gérant de la société Astra Inks, est un ancien salarié de la société Cartospé, employé en qualité d'adjoint de direction depuis le 27 avril 2007.

Aux termes des articles 10 et 11de son contrat de travail, M T. s'était engagé d'une part, à « ne communiquer à qui que ce soit les procédés de fabrication, la stratégie ou les méthodes commerciales de la société Cartospé qui seront portés à sa connaissance, et à plus forte raison, à faire emploi de ces procédés et méthodes pour son compte personnel ou pour le compte d'une entreprise concurrente » et d'autre part, à « s'interdire expressément de faire usage des documents, (...) matériels, plans, fichiers que pourra être amenée à lui confier la société Cartospé » , ces clauses continuant à s'appliquer même après l'expiration du contrat de travail.

Le gérant de la société IPS spécialisée dans la fabrication et le négoce d'emballages bois et carton, qui a s également employé M. David T. entre décembre 2010 et février 2011, indique de la même manière que « pendant cette période, M. T., m'a proposé de mettre à ma disposition les connaissances, éléments de savoir-faire, carnets d'adresses clients et fournisseurs dans le domaine des caisses carton avec saches plastiques pour le domaine hospitalier » ajoutant que « cette proposition s'inscrivait dans un projet de mise au point d'une chaîne de fabrication d'emballages à partir des éléments dont il avait disposé chez Cartospé Packaging, société pour laquelle M. David T. a travaillé plusieurs années ».

Or il a été dit que la société Astra Inks a commandé pour le compte de la société V. puis refacturé à cette dernière les équipements fabriqués par la société EMI et présentant les mêmes caractéristiques que la machine mise au point par la société Cartospé. Elle a ainsi mis à disposition de la société V. le savoir-faire de cette dernière en s'appropriant en connaissance de cause les informations confidentielles que détenait la société Cartospé, et ce afin d'en tirer un avantage concurrentiel.

Ces faits constituent des actes de parasitisme à l'encontre de la société Cartospé.

Sur les mesures réparatrices

Les investissements réalisés par la société Cartospé tant pour la conception que pour la commercialisation des emballages Dasri justifient que lui soit allouée la somme de 50.000 euros à titre de dommages intérêts pour les faits de parasitisme commis à son encontre, à la charge in solidum des sociétés V. et Astra Inks qui chacune ont concouru à la réalisation de son entier préjudice.

La mesure d'interdiction fondée uniquement sur la reproduction des éléments caractéristiques des emballages de la société Cartospé doit être rejetée.

Il en est de même de la demande d'interdiction de la machine de fabrication de la société V. qui n'est pas directement l'objet du litige.

En revanche, il sera fait droit, à titre d'indemnisation supplémentaire, à la mesure de publication, ce dans les termes précisés au dispositif du présent arrêt.

Sur la demande reconventionnelle en concurrence déloyale de la société V.

Se prévalant d'un constat d'achat de deux lots de 10 emballages DASRI 50L bas de la société Cartospé, sur le site internet « voussert.com » établi par maître N., huissier de justice à Paris, le 26 mai 2014 ainsi que d'un rapport d'essai du Laboratoire CEFEA du 15 septembre 2014, la société V. reproche à la société Cartospé des actes de concurrence déloyale commis à son encontre et consistant à ne pas avoir respecté les normes ADR et NFX 30-507 dès lors que le carton s'est déchiré et a laissé s'échapper la sache lors des tests de chute, et que les poignées se sont rompues lors de l'épreuve de levage.

Or il résulte du procès-verbal de l'huissier instrumentaire que la personne qui a procédé à l'achat de cartons est Mme Laure A., alors élève-avocat du cabinet Linklaters lui-même avocat de la société V., requérante, laquelle n'a pas fait pas état de cette qualité lors de l'achat mais a au contraire, fait état de l'adresse d'une société de gestion immobilière située [...] ainsi que d'une adresse Gmail personnelle et non pas des coordonnées du cabinet Linklaters étant ajouté que l'huissier constatant ne mentionne pas plus la qualité de Mme A..

Il en résulte que le constat d'achat du 26 mai 2014 n'a pas été réalisé par une personne indépendante de la partie requérante et doit être annulé de même que les actes subséquents des 13 et 26 juin 2014.

Faute de démonstration d'un quelconque manquement du produit de la société Cartospé, la demande reconventionnelle en concurrence déloyale de la société V. doit être rejetée.

Sur les autres demandes

Les sociétés V. et Astra Inks qui succombent en partie seront déboutées de leurs demandes de dommages intérêts pour procédure abusive.

Parties perdantes, elles seront en revanche condamnées aux entiers dépens qui comprendront notamment le coût de la sommation d'huissier du 11 février 2014, aucune autre sommation n'étant versée aux débats.

Enfin la société Cartospé a dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge. Il y a lieu en conséquence de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif du présent arrêt.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement rendu le 11 septembre 2019 par le tribunal de commerce d'Arras sauf en ce qu'il débouté la société Cartscope de sa demande formée au titre de la concurrence déloyale.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que les sociétés Cartonnage V. et Astra Inks ont commis des actes de parasitisme au préjudice de la société Cartospé Packaging ;

En conséquence,

Condamne in solidum les sociétés Cartonnage V. et Astra Inks à payer à la société Cartospé Packaging la somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice.

Ordonne la publication du dispositif présent arrêt sur un quart de la page d'accueil du site internet de la société Cartonnages V. pendant une durée de quatre semaines ininterrompues passé un délai de 10 jours après la signification du présent arrêt ;

Déboute la société Cartospé Packaging de ses demandes d'interdiction ;

Annule les pièces n°21 à 23 de la société Cartonnages V. constituées des procès-verbaux de constat d'huissier des 26 mai, 13 juin et 26 juin 2014 ;

En conséquence,

Déboute la société Cartonnage V. de sa demande reconventionnelle en concurrence déloyale formée à l'encontre de la société Déboute les sociétés Cartonnage V. ;

Déboute les sociétés Cartonnage V. et Astra Inks de leur demande de dommages intérêts pour procédure abusive ;

Condamne in solidum les sociétés Cartonnages V. et Astra Inks à payer à la société Cartospé Packaging la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette le surplus des demandes ;

Condamne in solidum les sociétés Cartonnages V. et Astra Inks aux entiers dépens, en ce compris les frais de la sommations interpellative d'huissier du 11 février 2014, et dont distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.