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Décisions

CA Bordeaux, 1re ch. civ., 26 mars 2019, n° 17/03991

BORDEAUX

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Défendeur :

SPORT COMMUNICATION INTERNATIONAL (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme HEYTE

Conseiller :

M. FRANCO

Avocats :

SCP Luc Boyreau, Me Dacharry, Me Blazy

TGI Bordeaux, du 6 juin 2017

6 juin 2017

EXPOSE DU LITIGE

M. Pierre D., cavalier confirmé à1'échelon national et international, a acquis en 1981 auprès de M. Henri D., éleveur de chevaux à Saint-Savin-de-Blaye (Gironde), le cheval 'JAPPELOUP', né dans les écuries de M. D. en 1975. Il a remporté avec ce cheval de nombreuses compétitions équestres, dont la médaille d'or en saut d'obstacles aux Jeux Olympiques de Séoul en 1988 et notamment quatre Grands Prix en CSIO et cinq Grands Prix en Coupe du monde, deux titres de champion de France, un titre de champion d'Europe, un titre de champion du monde par équipes, ainsi que trois podiums en finale de Coupe du Monde.

Le cheval Jappeloup est mort en 1991.

Le 18 avril 1986, M. D. a déposé la marque 'JAPPELOUP' dans les classes 18, 25, 31 et 33 pour désigner des 'Fouets et sellerie, vêtements, animaux vivants, boissons alcooliques'.

Le 24 septembre 1996, il a déposé la marque verbale 'JAPPELOUP' n° 96 643 484 dans les classes 18, 25, 31 et 33.

Le 2 septembre 2011, il a déposé la marque semi-figurative n° 3 856 173 dans laquelle le mot JAPPELOUP est enserré entre deux barres d'obstacles.

Le 18 mars 1999, M. D. a déposé la marque verbale JAPPELOUP sous le N° 99 781 523 et a autorisé la société Sport Communication International à déposer trois autres marques.

Paracte du 28 février 2012, M. Pierre D. a fait assigner M. D. sur le fondement desarticles 544, 1382, 1583, 1626 du code civil et L.711-3, L.711-4, L.712-6, L.714 -5 et L.714-6 du code de la propriété intellectuelle.

La SARL Sport Communication International (ci-après la société Sport communication international), gérant les droits incorporels de M. D., est intervenue volontairement à l'instance aux côtés de M. D..

Ils demandaient notamment de constater que les marques ont été déposées par M. D. en violation des droits antérieurs appartenant à M. D. et d'en ordonner la restitution dans les termes de l'article L.712-6 du code de la propriété intellectuelle.

Par actes des 2 et 3 novembre 2015, M. D. et la société Sport communication International ont fait assigner Mme Anne-Marie C. veuve D., M. William D., Mme Delphine D. épouse G. et M. Mathieu D.-B. en qualité d'héritiers de M. Henri D., décédé le 10 avril 2015.

Les deux procédures ont été jointes.

Par jugement réputé contradictoire du 6 juin 2017, le tribunal de grande instance de Bordeaux a notamment :

- reçu la société Sport communication international en son intervention volontaire à l'instance,

- débouté M. D. de sa demande au titre de la garantie d'éviction,

- dit qu'en déposant la marque verbale JAPPELOUP n° 96 643 484 le 24 septembre 1996 et la marque semi-figurative JAPPELOUP n°3 856 173 le 2 septembre 2011, M. D. a porté atteinte aux droits antérieurs de M. D.,

- ordonné la restitution de ces deux marques à M. D. pour toutes les classes visées par les enregistrements,

- condamné Mme Anne-Marie C. veuve D., M. William D., Mme Delphine D. épouse G. et M. Mathieu D.-B. à payer à M. D. une somme de 1euro à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

- ordonné la publication du dispositif de la présente décision dans deux journaux ou revues spécialisées au choix de M. D. sans que le coût de chacune de ces insertions ne dépasse la somme de 2.000 €,

- ordonné la publication du dispositif du présent jugement sur le site www.vins-jappeloup.com par les consorts D., dans un délai de deux mois à compter de la signification du jugement, sous astreinte de 100 € par jour de retard pendant un mois et ce, pendant une durée de trois mois,

- débouté M. D. de sa demande d'expertise et de provision,

- déclaré recevables les demandes reconventionnelles,

- prononcé la déchéance de la marque JAPPELOUP déposée par M. D. le 18 mars 1999 sous le n° 99 781 523 dans toutes les classes visées par cet enregistrement,

- rejeté la demande de dommages et intérêts formée par Mme Anne-Marie C. veuve D., M. William D., Mme Delphine D. épouse G. et M. Mathieu D.-B.,

- rejeté la demande de nullité des marques n° 99 781 523 et n° 38 786 38 détenues par M. D. et 38 728 21 détenue par la société Sport communication international,

- condamné Mme Anne-Marie C. veuve D., M. William D., Mme Delphine D. épouse G. et M. Mathieu D.-B. à payer à M. D. et à la société Sport communication international une somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté la demande d'exécution provisoire,

- condamné Mme Anne-Marie C. veuve D., M. William D., Mme Delphine D. épouse G. et M. Mathieu D.-B. aux dépens.

Mme Anne-Marie C. veuve D., M. William D., Mme Delphine D. épouse G. et M. Mathieu D.-B. (ci-après les consorts D.) ont relevé appel total de ce jugement par déclaration au greffe de leur avocat le 3 juillet 2017, dans des conditions de régularité non contestées.

Par conclusions responsives d'appelants transmises par RPVA le 26 janvier 2018, les consorts D. demandent à la cour de :

Vu lesarticles L.711-4, L.712-6 et L.714-5 du code de la propriété intellectuelle,

Vu les pièces,

-les déclarer recevables et bien fondés en leur appel,

- déclarer M. D. et la société Sport communication international mal fondés pour l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions, les en débouter,

- infirmer lejugement rendu le 6 juin 2017 par le tribunal de grande instance de Bordeaux en ce qu'il a :

* dit qu'en déposant la marque verbale JAPPELOUP n° 96 643 484 le 24 septembre 1996 et la marque semi-figurative JAPPELOUP n°3 856 173 le 2 septembre 2011, M. D. a porté atteinte aux droits antérieurs de M. D.,

* ordonné la restitution de ces deux marques à M. D. pour toutes les classes visées par les enregistrements,

* condamné Mme Anne-Marie C. veuve D., M. William D., Mme Delphine D. épouse G. et M. Mathieu D.-B. à payer à M. D. une somme de 1€ à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

* ordonné la publication du dispositif de la présente décision dans deux journaux ou revues spécialisées au choix de M. D. sans que le coût de chacune de ces insertions ne dépasse la somme de 2.000 €,

* ordonné la publication du dispositif du présent jugement sur le site www.vins-jappeloup.com par les consorts D., dans un délai de deux mois à compter de la signification du jugement, sous astreinte de 100 € par jour de retard pendant un mois et ce, pendant une durée de trois mois,

* rejeté la demande de dommages et intérêts formée par Mme Anne-Marie C. veuve D., M. William D., Mme Delphine D. épouse G. et M. Mathieu D.-B.,

* rejeté la demande de nullité des marques n° 99 781 523 et n° 38 786 38 détenues par M. D. et 38 728 21 détenue par la société Sport communication international,

* condamné Mme Anne-Marie C. veuve D., M. William D., Mme Delphine D. épouse G. et M. Mathieu D.-B. à payer à M. D. et à la société Sport communication international une somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné Mme Anne-Marie C. veuve D., M. William D., Mme Delphine D. épouse G. et M. Mathieu D.-B. aux dépens.

- confirmer lejugement rendu le 6 juin 2017 par le tribunal de grande instance de Bordeaux en ce qu'il a :

* débouté M. D. de sa demande au titre de la garantie d'éviction,

* débouté M. D. de sa demande d'expertise et de provision,

* déclarées recevables les demandes reconventionnelles,

* prononcé la déchéance de la marque JAPPELOUP déposée par M. D. le 18 mars 1999 sous le n° 99 781 523 dans toutes les classes visées par cet enregistrement,

En conséquence :

- juger M. D. et la société Sport communication international irrecevables en leur action concernant son droit à l'image et à tout le moins les débouter de leur demande,

- juger que la garantie d'éviction n'a pas lieu de s'appliquer en l'espèce,

- juger que M. D. n'a pas violé les dipsositions du code de la propriété intellectuelle,

- juger irrecevable l'action en revendication de M. D. et de la société Sport communication international concernant la marque n° 96 643 484 parce que prescrite et à tout le moins les débouter de leur action en revendication de la marque n° 96 643 484,

- débouter M. D. et la société Sport communication international de leur action en revendication de la marque n°3 856 173,

- juger que les demandes des intimés concernant la marque déposée en 2017 par M. D.-B. est irrecevable en appel et à tout le moins les en débouter,

- débouter les intimés de leur demande tendant à faire juger que le dépôt de marque semi-figurative n°3 856 173 en date du 2 septembre 2011, le dépôt de marque verbale JAPPELOUP n°4 348 505 en date du 23 mars 2017, l'enregistrement du nom de domaine www.vins-jappeloup.com, l'exploitation de l'image de M. D., l'exploitation de l'image de JAPPELOUP et l'usage de la dénomination JAPPELOUP à quelque titre que ce soit par les consorts D. constitue une atteinte au droit de propriété, au droit à l'image ainsi qu'aux droits de la personnalité et à titre subsidiaire qu'ils s'agit d'agissements parasitaires,

- débouter les intimés de leur demande de transfert aux frais des appelants des marques,

- les débouter de leur demande subsidiaire de prononciation de la nullité des mêmes marques,

- les débouter de leur demande d'interdiction de toute exploitation par les consorts D. de la dénomination JAPPELOUP ou de toute dénomination s'en rapprochant, de l'image de JAPPELOUP ou de l'image de M. D., à quelque titre que ce soit, sous astreinte,

- les débouter de leur demande d'indemnisation et d'expertise,

- débouter les intimés de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

A titre reconventionnel,

- prononcer la déchéance de la marque JAPPELOUP déposée par M. D. le 18 mars 1999 sous le n° 99 781 523,

- condamner M. D. à verser aux appelants la somme de 50.000 € de dommages et intérêts du fait du contrat perdu avec Acajou Production suite à l'assignation sur le fondement de l'article 1382 du code civil,

A titre subsidiaire,

- annuler les marques n°99 781 523 et n°38 786 38 détenues par M. D. et n°38 728 21 détenue par la société Sport communication international en vertu desarticles L711-3 et L714-3 du code de la propriété intellectuelle,

En tout état de cause,

- condamner M. D. et la société Sport communication international à verser aux appelants une indemnité de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. D. et la société Sport communication international au paiement des entiers frais d'instance.

Par conclusions en réponse transmises par RPVA le 13 novembre 2018, M. D. et la société Sport communication international demandent à la cour de :

Vu les dispositions desarticles 9, 544, 1382 ancien, 1583, et 1626 du code civil,

Vu les dispositions desarticles L 711-3, L 711-4, L 712-6, L 714-5 et L 714-6 du code de la propriété intellectuelle,

Infirmer lejugement rendu par la 1ère chambre civile du tribunal de grande instance de Bordeaux en date du 6 juin 2017 en ce qu'il a :

* dit que le jugement était réputé contradictoire,

* débouté M. D. de sa demande au titre de la garantie d'éviction,

* débouté M. D. de sa demande d'expertise et de provision,

* prononcé la déchéance de la marque Jappeloup déposée par M. D. le 18 mars 1999 sous le n°99 781 523 dans toutes les classes visées par cet enregistrement,

Confirmer lejugement rendu par la 1ère chambre civile du tribunal de grande instance de Bordeaux en date du 6 juin 2017 en ce qu'il a :

* reçu la société Sport Communication International en son intervention volontaire à l'instance,

* dit qu'en déposant la marque verbale Jappeloup n°96643484 le 24 septembre 1996 et la marque semi-figurative Jappeloup n°3856173 le 2 septembre 2011, M. D. a porté atteinte aux droits antérieurs de M. D.,

* ordonné la restitution de ces deux marques à M. D. pour toutes les classes visées par les enregistrements,

* condamné Mme Anne Marie C. Veuve D., M. William D., Mme Delphine D. épouse G. et M. Matthieu D.-b. à payer à M. D. une somme de 1 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral,

* ordonné la publication du dispositif de la présente décision dans deux journaux ou revues spécialisés au choix de M. D. sans que le coût de chacune de ces insertions ne dépasse la somme de 2.000 €,

* ordonné la publication du dispositif de la présente décision sur le site www.vins-jappeloup.com par les consorts D., dans un délai de deux mois à compter de la signification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 € par jour de retard pendant un mois, et ce, pendant une durée de trois mois,

* rejeté la demande de dommages-intérêts formée par Mme Anne Marie C. Veuve D., M. William D., Mme Delphine D. épouse G. et M. Matthieu D.-b.,

* rejeté la demande en nullité des marques n°99 781 523 et n°3 878 638 détenues par M. D. et n°3 872 821 détenue par la société Sport Communication International

* condamné Mme Anne Marie C. Veuve D., M. William D., Mme Delphine D. épouse G. et M. Matthieu D.-b. à payer à M. D. et à la société Sport Communication International une somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné Mme Anne Marie C. Veuve D., M. William D., Mme Delphine D. épouse G. et M. Matthieu D.-b. aux dépens de première instance,

Ajoutant aujugement rendu par la 1ère chambre civile du tribunal de grande instance de Bordeaux en date du 6 juin 2017 :

- juger que le Tribunal a statué par jugement contradictoire,

- juger que le dépôt de marque serai-figurative Jappeloup n°3 856 173 en date du 2 septembre 2011, le dépôt de marque verbale Jappeloup n°4 348 505 en date du 23 mars 2017, l'enregistrement du nom de domaine www.vins-jappeloup.com, l'exploitation de l'image de M. D., l'exploitation de l'image de Jappeloup et l'usage de la dénomination Jappeloup à quelque titre que ce soit par M. D. et les consorts D. constituent à titre principal une atteinte aux droits de propriété, aux droits à l'image ainsi qu'aux droits de la personnalité de M. D. et à titre subsidiaire, constituent à tout le moins des agissements parasitaires,

- débouter les appelants de leur fin de non-recevoir en appel des demandes formulées à l'encontre de la marque française verbale n°4 348 505 déposée le 23 mars 2017 par M. Matthieu D.-B.,

- ordonner le transfert aux frais des appelants de la marque semi figurative Jappeloup n°3 856 173 déposée le 2 septembre 2011 par M. Henri D., de la marque française verbale n°4 348 505 déposée le 23 mars 2017 par M. Matthieu D.-B. à titre principal et à tout le moins, à titre subsidiaire, prononcer la nullité desdites marques pour fraude ou pour indisponibilité,

- interdire toute exploitation par les consorts D. de la dénomination Jappeloup ou de toute dénomination s'en approchant, de l'image de Jappeloup et de l'image de M. D., à quelque titre que ce soit, sous quelque forme que ce soit, et sur quelque support que ce soit, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

- juger que les mesures de publication ordonnées par le jugement devront être réalisées aux frais avancés des appelantes sur présentation des devis communiqués par les intimés,

- juger que les intimés justifient de l'existence d'un préjudice économique dans son principe,

- condamner les appelants au paiement, à ce titre, d'une indemnité de 50.000€ forfaitairement fixée et leur donner acte de ce qu'ils renoncent à leur demande d'expertise,

- condamner les appelants au paiement d'une indemnité complémentaire de 15.000 € au titre de l'article l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner aux entiers dépens de l'instance d'appel,

- débouter les appelants de leur demande de déchéance formulée à l'encontre de la marque Jappeloup déposée par M. D. le 18 mars 1999 sous le n°99 781 523,

- à titre subsidiaire, débouter les appelants de leur demande de déchéance de la marque Jappeloup déposée par M. D. le 18 mars 1999 sous le n°99 781 523 pour les produits désignés en classes 16 et 41,

- débouter les appelants de leur demande d'indemnisation à hauteur de 50.000 € au titre du contrat perdu avec la société Acajou Production en ce qu'aucune faute, lien de causalité et préjudice dans son principe et son montant n'est démontré,

- débouter les appelants de leur demande de nullité des marques n°99 781 526 et n°3 878 638 détenues par M. D. et de la marque n°3 872 821 détenue par la société Sport Communication International en ce que cette demande subsidiaire est dépourvue de principal et en tout état de cause en ce qu'elle est mal fondée,

- débouter les appelants de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

- débouter les appelants de leur demande d'indemnisation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter les appelants de leur demande de condamnation au titre des dépens exposés en appel.

L'affaire a été fixée à l'audience collégiale du 29 janvier 2019.

L'instruction a été clôturée parordonnance du 15 janvier 2019.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux dernières conclusions écrites déposées en application de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur les demandes de M. Pierre D..

Il est constant que le cheval JAPPELOUP est né dans les écuries de M. Henri D. à

Saint-Savin-de-Blaye en 1975, que ce cheval a été dressé par Pierre D. et lui a été

vendu par M. D. le 19 novembre1981, M. D. en étant resté propriétaire jusqu'à la mort de l'animal en 1991.

M. D. a remporté avec le cheval Jappeloup de nombreux prix et titres, dont quatre Grands Prixen CSIO, cinq Grands prix en Coupe du monde, deux titres de champion de France, un titre de champion d'Europe, un titre de champion du monde par équipes, ainsi que trois podiums enFinale de Coupe du Monde et la médaille d'or de sports équestres, catégorie sauts d'obstacles aux Jeux Olympique de Séoul en 1988.

M. D. demande d'une part de juger qu°il a la pleine et entière disposition de sa propre image et de sa propre notoriété ,inséparables de celle du cheval JAPPELOUP, et qu'i1 soit constaté que c'est au mépris de la garantie d'éviction en application des articles

1626 et suivants du code civil que M. Henri D. et désormais ses ayants droits utilisent le nom, l'image et la réputation du cheval JAPPELOUP.

Il demande d'autre part de constater que les marques n° 96 643 484 et 3 856 173 ont été déposées en violation de ses droits antérieurs et en sollicite la restitution sur le fondement des articles L.71 1-4 et L.712-6 du code de la propriété intellectuelle.Il formule la même demande quant à la marque déposée par un des appelants, M. Mathieu B. B., le 23 mars 2017 en cours d'instance.

Sur la notoriété :

Il est établi que le cheval Jappeloup a été dressé par Pierre D. et lui a été vendu en 1981 par M. D.. Le mérite de l'éleveur est reconnu et remunéré par les intéressements organisés par la loi au profit du naisseur (primes de naissance), lequel cependant ne peut revendiquer comme sienne la participation du cheval aux concours internationaux et s'approprier les succès du cavalier.

La notoriété de M. Pierre D., non contestée par les appelants, est établie par les pièces communiquées par les intimés. Ces derniers produisent divers extraits du quotidien Sud-Ouest relatifs à la sortie du film "JAPPELOUP" en 2013 racontant l'histoire du chevalet du cavalier Pierre D. ainsi que l'article paru dans le numéro daté du 13 avril 2013 relatant l'engouement suscité par la tombe du cheval JAPPELOUP sise à Saint-Seurin-sur-l'Isle (Gironde), le journaliste rappelant que le cheval est "devenu I'un des chevaux les plus connus du pays et l'un des spécialistes du saut d'obstacles, l'un des plus performants de tous les temps malgré sa taille modeste".

lls produisent par ailleurs des extraits d'un témoignage intitulé « Pierre D.- JAPPELOUP '' publié chez Michel L. sans indication du nom de l'auteur, des extraits du livre « Les jeunes années de JAPPELOUP par sa propre cavalière '' sous le nom de Françoise T.-T..

Il est constant que M. Pierre D. a remporté avec le cheval JAPPELOUP de très nombreux prix en sport équestre au niveau international et mondial dont le plus connu est la médaille d'or de saut d'obstacle aux Jeux Olympiques de Séoul en 1988.

La sortie du film JAPPELOUP en 2013 retraçant leur histoire illustre l'intérét suscité

tant par le cheval que par son cavalier aux yeux du grand public. ll est également constant que les prix et concours précités remportés par M.Pierre D. l'ont toujours été avec le cheval JAPPELOUP. ll ressort de tous les documents versés aux débats que les noms de M. Pierre D. et du cheval JAPPELOUP sont régulièrement cités ensemble et que ceux-ci sont indissociables.

Le premier juge a cependant à juste tire retenu que la notoriété n'est pas protégée en tant que telle mais qu'elle constitue un des critères notamment retenu en droit des marques et de la concurrence pour permettre une protection spécifique. Le droit à l'image revendiqué par M. Pierre D. est incontestable en application de l'article 9 du code civil; cependant cette disposition légale a pour finalité le droit au respect de la vie privée lequel n'est pas en cause dans le présent litige. Le premier juge a à juste titre retenu que ce droit n'est pas protégeable en tant qu'il est associé à l'image de JAPPELOUP comme demandé par M. Pierre D..

Sur la garantie d'éviction :

M. Pierre D. fait valoir que M. Henri D. s'est annexé la notoriété de JAPPELOUP, laquelle est inséparable de celle de son cavalier, que si le cheval est mort

depuis 1991, et que l'élément corporel du contrat de vente passé entre M. D. et lui a aujourd'hui disparu, subsistent dans son patrimoine les droits incorporels du bien vendu

puisque la notoriété du cheval est inhérente å la sienne propre. Il sollicite de juger que

M. Henri D. , et ses ayant droits utilisent au mépris de la garantie d'éviction imposée par les articles1626 et suivants du code civil, le nom, l'image et la réputation du cheval JAPPELOUP qu'il lui a vendu.

Les consorts D. contestent que la garantie d'éviction puisse trouver application, le contrat passé entre les parties entre 1981 concernant uniquement le cheval JAPPELOUP, bien meuble corporel, aucun droit incorporel n'ayant été cédé.

Au titre de la garantie d'éviction, l'article 1626 du code civil dispose que ' ...le vendeur est obligé de droit à garantir l'acquéreur de I'évictian qu 'il souffre dans la totalité ou partie de l'objet vendu, ou des charges prétendues sur cet objet, et non déclarées lors de la vente". Cette garantie est limitée en application de l'article 1625 du code civil à la chose vendue dans le cadre d'un contrat passé entre le vendeur et l'acquéreur. En l'espèce, le contrat conclu entre les parties en 1981 est matérialisé par un document intitulé'Société des Steeple-Chases de France" se présentant comme un certificat d'origine établi par l'administration des Haras Nationaux le 19 février 1979 pour le cheval JAPPELOUP inscrit sur la liste des chevaux de sport sous le numéro 79 A 967, portant mention de la vente du cheval par M. D. à M. D. le 19 novembre 1981.

Le cheval Jappeloup étant mort en 1991, la garantie d'éviction revendiquée ne peut s'exercer que sur la chose vendue, à savoir l'animal. Le tribunal a justement retenu que cette garantie ne peut être revendiquée s'agissant d'un droit incorporel qui n'était pas l'objet du contrat de vente, que la notoriété revendiquée s'était en outre constituée au cours des années ayant suivi la vente ne préexistant pas à celle-ci et qu'en conséquence la garantie d'éviction ne pouvait être revendiquée en l'espèce.

Sur la violation des droits antérieurs de M. Pierre D. :

--M. D. et la société Sport Communication international demandaient au tribunal de dire que les marques n° 96 643 484 et n° 3 856 173 ont été déposées en violation du droit antérieur lui appartenant sur le fondement de l'article L.711-4 du code de la propriété intellectuelle et d'en ordonner la restitution à celui-ci dans les termes de l'article L.712-6 du code de la propriété intellectuelle. Ils formulent la même demande s'agissant d'une marque verbale française Jappeloup N° 4 348 505 déposée le 23 mars 2017 par Mathieu D.-B., fils de M.Henri D. pour désigner des produits en classe 18 25 et 33.( Pièce 43),

'Les intimés exposent que trois jours après la date de plaidoirie de l'instance introduite devant le tribunal de Grande instance de Bordeaux soit le 14 avril 2017, est intervenue la publication au BOPI d'une marque verbale française Jappeloup N° 4 348 505 déposée le 23 mars 2017 par Mathieu D.-B., fils de M. Henri D. pour désigner des produits en classe 18 25 et 33.(Pièce 43), que leur revendication s'étend également à cette marque et que la fin de non-recevoir opposée par les appelants au motif qu'il s'agirait d'une demande nouvelle doit être rejetée.

Les appelants, les consorts D., soutiennent qu'il appartiendra aux intimés d' introduire une nouvelle action à propos de cette marque déposée en 2017, l'action initialement exercée ayant été introduite contre M. Henri D., eux-mêmes étant intervenus à la procédure ès qualités d'héritiers de celui-ci, le nouveau dépôt ayant été effectué par une personne agissant en son nom propre et non ès qualités d'héritier de sorte que les mêmes parties ne sont pas en cause.

De ce chef il suffira de constater que les conclusions prises au nom de Anne-Marie C. veuve D., William D., Delphine D., Mathieu D.-B. pas plus que leur déclaration d'appel ni encore le jugement déféré ne mentionnent qu'ils agiraient en qualité d'héritiers de Henri D.. Dès lors, la demande susvisée en ce qu'elle vise Mathieu D.-B. sans modification de sa qualité de partie est recevable comme dirigée contre une partie déjà en la cause.

Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

La publication, trois jours après la plaidoirie de l'affaire en première instance, du dépôt de marque Jappeloup effectuée le 23 mars 2017 par Mathieu D.-B. constitue la survenance ou la révélation d'un fait au sens de l'article susvisé, directement en lien avec le litige principal, de sorte que la demande des intimés concernant cette autre marque est recevable et la fin de non-recevoir mal fondée.

- Les consorts D. invoquent devant la cour la prescription de la demande initiale au regard des dispositions de l'article L712-6 alinéa 2 du même code et arguent de leur bonne foi avançant notamment que le nom Jappeloup est celui du lieu-dit où ils louaient un fonds servant à leur exploitation équine et qu'il a été donné , associé à un ou d'autres mots, à d'autres chevaux nés au même endroit, qu'ils énumèrent sur le fondement d'un document portant le logo 'les Haras Nationaux' ( pièces 7).

L'article susvisé, applicable au jour de l'introduction de l'instance le 28 février 2012 disposait qu'à moins que le déposant ne soit de mauvaise foi, l'action en revendication se prescrivait par trois ans à compter de la publication de la demande d'enregistrement ( le délai ayant été porté à 5 ans par laloi n° 2014-315 du 11 mars 2014 ).

En l'espèce le litige examiné par le premier juge, introduit par l'assignation délivrée le 28 février 2012, concerne la marque verbale déposée le 14 septembre 1996 (non renouvelée à son échéance en cours d'instance et non visée dans les dernières conclusions de l'intimé ) et la marque semi-figurative déposée le 2 septembre 2011. A ces dates, le Cheval 'JAPPELOUP' appartenant à M. D. était mort (1991) mais leur célébrité commune notoirement établie, une tombe avec stèle ayant même été érigée pour l'animal, lieu fréquenté par le public. Surtout, leurs multiples succès en sport équestre au niveau international et mondial avaient été enregistrés, leur réputation indissociable de champions ayant été par ailleurs exploitée notamment en librairie dès 1988 avec l'autorisation voire le soutien des intimés, directement concernés. Si le film 'Jappeloup' est sorti en salles en 2013, sa réalisation date de 2011, sa préparation étant nécessairement antérieure, selon la presse dès 2007 (Pièce D. N°3), M. D. en étant informé, le film évoquant l'élevage de naissance du cheval. En outre aucun des chevaux cité par les appelants qui n'ont eu le mot Jappeloup qu'en fin de dénomination, n'est connu sous le seul nom de Jappeloup, lequel renvoie sans équivoque au seul animal propriété de M. D..

La mauvaise foi de M.Henri D. est suffisamment établie, sa connaissance du milieu hippique excluant toute ignorance en ce domaine ; il en résulte que l'instance engagée le 28 février 2012 contre la marque enregistrée en 1996 n'est pas prescrite étant rappelé que la prescription ne peut en tout état de cause pas concerner la marque déposée le 2 septembre 2011.

--M. D. et la société, intimés ,font notamment valoir que :

- les dispositions de l'article L.711-4 du code de la propriété intellectuelle ne sont pas

limitatives, ainsi que le démontre l'adverbe « notamment '',

- la notoriété de JAPPELOUP, en tant qu'elle est indissociable de celle de Pierre D., constitue un élément de la personnalité et rentre ainsi dans la définition de l'alinéa g) de l'article L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle,

- les appelants ont détourné à leur profit personnel un nom qui lui avait été vendu et une

notoriété olympique pour laquelle ils ne sont rien.

Les appelants contestent que l'article L.71 1-4 du code de la propriété intellectuelle puisse être appliqué en l'espèce, faisant valoir que la demande peut être examinée uniquement sous l'angle du point g) de ce texte relatif aux droits de la personnalité d'un tiers. lls avancent que :

- le nom de JAPPELOUP n'était pas exploité antérieurement par M. D. pour commercialiser des produits identiques ou similaires à ceux couverts par la marque déposée par M. Henri D. en 1996 et était libre lorsque M. D. l'a déposé à titre de marque,

- JAPPELOUP n'est pas le nom patronymique de M. D. qui n'en avait fait aucun

usage dans la vie des affaires,

-le nom d'un animal ne peut être protégé au titre des droits de la personnalité, ainsi que relevé par la décision de l'OHMI en date du 10 octobre 2013.

Les marques litigieuses déposées par M. Henri D. sont :

- la marque verbale JAPPELOUP n° 96 643 484 déposée le 24 septembre 1996 dans les classes18, 25, 31 et 33 renouvelée le 22 mars 2007.

-la marque semi-figurative JAPPELOUP n° 3856 173 déposée le 2 septembre 2011 dans les mêmes classes 18, 25, 31 et 33.

La marque litigieuse déposée par Mathieu D.-B. est la marque verbale française Jappeloup N° 4 348 505 déposée le 23 mars 2017 pour désigner des produits en classe 18 25 et 33.(Pièce 43),

M. Pierre D. a quant à lui déposé :

- le 18 mars 1999 la marque verbale JAPPELOUP dans les classes 9, 16, 28, 38 et 41,

désignant les appareils et instruments scientifiques sous le ntunéro 99781523.

- le 9 novembre 2011 dans diverses classes notarmnent les 18, 25, et 31.

-le 2 décembre 2011, la marque "JAPPELOUP By P. Me D.' sous le numéro 3878638dans diverses classes.

L'article L.7l1-4 du code de la propriété intellectuelle dispose que :

'Ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs, et

notamment :

a) à une marque antérieure enregistrée ou notoirement connue au sens de I'article 6 bis de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle ,

b) à une dénomination ou raison sociale, s'il existe un risque de con'ision dans l'esprit du public;

c) à un nom commercial ou à une enseigne connus sur I'ensemble du territoire national, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public ;

a) à une appellation d'origine protégée ou à une indication géographique,

e) aux droits d'auteur ;

f) aux droits résultant d'un dessin ou modèle protégé ;

g) aux droits de la personnalité d'un tiers, notamment à son nom patronymique, à son

pseudonyme ou à son image,

h) au nom, à l'image ou à la renommée d'une collectivité territoriale".

Les intimés soutiennent que les marques déposées par M. Henri D. constituent une

atteinte aux droits antérieurs visés au point g) à savoir les droits de la personnalité d'un tiers en ce que le signe 'JAPPELOUP' est la propriété de M. D. comme étant le nom du cheval à lui vendu par M. Henri D. en 1981, lequel est devenu notoire avec et par le parcours olympique du cavalier M. Pierre D..

Le droit invoqué par M. Pierre D. ne porte pas sur le nom du cheval JAPPELOUP en tant que tel, lequel n'est pas protégeable au titre des droits de la personnalité s'agissant du nom d'un animal, mais sur la notoriété qu'il a acquise en tant que cavalier du cheval JAPPELOUP dans les compétitions qu'il a remportées dans les années 1980 à 1990, notoriété englobant de façon indissociable son propre nom et celui du cheval.

Le point g) de l'article L.711-4 du code de la propriété intellectuelle ne contient pas une liste exhaustive des droits de la personnalité d'un tiers auquel il ne peut être porté atteinte par l'utilisation d'un signe comme marque; l'adverbe «notamment» permet d'étendre la protection résultant ce texte à l'ensemble des droits de la personnalité. Les intimés indiquent dans leus conclusions qu'ils invoquent la valeur économique et donc patrimoniale du nom deJAPPELOUP.

Il est en effet constant que la valeur patrimoniale acquise par un nom, indépendamment de son usage à titre de signe distinctif, peut contribuer à le rendre indisponible à titre de marque en le transformant en un droit antérieur tel que ceux qui sont énumérés de manière non exhaustive à l'article L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle.

Le tribunal s'est attaché à vérifier si le nom du cheval Jappeloup et celui de son cavalier Pierre D., par la notoriété associée à leur image combinée, pouvaient constituer un élément de la personnalité de M. D. susceptible d'être protégé en tant que droit de la personnalité.

M. D. produit pour démontrer la notoriété revendiquée divers extraits du quotidien Sud-Ouest relatifs à la sortie en salles en 2013 du film « JAPPELOUP '', racontant l'histoire du cheval et du cavalier Pierre D. ainsi qu'un article de ce quotidien daté du 13 avril 2013 consacré à l'engouement suscité par la tombe du cheval Jappeloup sise à Saint-Seurin-sur-l'Isle (Gironde), le journaliste rappelant que le cheval est "devenu l'un des chevaux les plus connus du pays et l'un des spécialistes du saut d'obstacles, l'un des plus performants de tous les temps malgré sa taille modeste'.

Il verse par ailleurs des extraits d'un témoignage intitulé « Pierre D.-JAPPELOUP''

publié chez Michel L., du livre «Pierre D. et Jappeloup de LUZE-Crin Noir '' par Karine D. ainsi que des extraits du livre « Les jeunes années de JAPPELOUP par sa propre cavalière '' de Françoise T.-T..

Il est constant, comme ci-avant déjà exposé, que M. Pierre D. a remporté avec le cheval Jappeloup de nombreuses épreuves d'équitation au niveau national et international, dont la plus connue est la médaille d'or de saut d'obstacles aux Jeux Olympiques de Séoul en 1988.

Des captures de pages d'écran du site du Jumping de Blaye de 2011 établissent qu' une épreuve équestre y portait le nom de « JAPPELOUP '' et qu'y a été rendu un hommage « au cheval blayais prodige Jappeloup '' à1'occasion du vingtième anniversaire de sa disparition, démontrant que ce cheval restait encore, vingt années après sa disparition, une figure illustre du monde de l'équitation.

La notoriété du cheval JAPPELOUP et de son cavalier Pierre D. a été exploitée de façon réitérée par la production et la distribution du film à destination du grand public'JAPPELOUP' réalisé par M. D., réunissant des acteurs connus tels Daniel A., Jacques H. dans le rôle de Henri D. et Guillaume C. dans le rôle de Pierre D..

La qualité de champion d'équitation de M. Pierre D. est un élément de sa personnalité. Cette qualité est associée au nom du cheval JAPPELOUP, étant le seul avec lequel il a remporté les compétitions et prix cités.

Cette qualité, associée au nom de Jappeloup, constitue pour M. D. un droit de la personnalité susceptible d'être protégé sur le fondement de l'article L 711-4 du code de la propriété intellectuelle.

Il résulte du constat d'huissier de Me F. du 19 décembre 2011 que l'image de M. Pierre D. montant le cheval Jappeloup figure sur le site internet de la marque Jappeloup exploitée par M. Henri D. pour illustrer la vente des vins vendus sous le nom de « Jappeloup ''.Figure sur la page d'accueil du site une photographie du cheval avec son cavalier M. D. pendant un saut d'obstacle. L'image du cheval et du cavalier champion avec la mention 'Vins JAPPELOUP- un vin de champion" est manifestement utilisée pour exploiter la marque JAPPELOUP et les vins de Bordeaux ou Côtes de Blaye du même nom. La présentation des Vins Jappeloup mentionne par ailleurs qu'ils sont sélectionnés par Henri D. « éleveur du mythique cheval Jappeloup ''.

Ces éléments corroborent le lien entre le signe « Jappeloup '' utilisé comme marque et l'image du cheval Jappeloup monté par M. Pierre D. pendant un saut d'obstacles.

Le dépôt de la marque « Jappeloup '' porte incontestablement atteinte tant au nom de M. D. qu'à son image en tant que cavalier propriétaire du cheval Jappeloup.

Les consorts D. ne contestent pas la notoriété du cheval Jappeloup,avançant que le mérite en revient autant à M. Henry D. qui a fait naître ce cheval.

La qualité de naisseur du cheval de M. Henri D., par ailleurs source de revenus pour celui-ci conformément à la loi, n'est pas de nature à permettre d'exclure l'atteinte ainsi portée aux droits de la personnalité de M. D., cavalier compétiteur.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a jugé qu'en déposant les marques verbale JAPPELOUP n° 96 643 484 le 24 septembre 1996 dans les classes 18, 25, 31 et 33 et semi-figurative JAPPELOUP n° 3 856 173 le 2 septembre 2011, M. Henri D. a porté atteinte aux droits antérieurs de M. Pierre D..

Y ajoutant, la cour décide pour les mêmes motifs, qu'en déposant le 23 mars 2017 pendant le cours de l'instance à laquelle il était partie, la marque verbale Jappeloup N° 4 348 505 Mathieu D.-B. a porté atteinte aux droits antérieurs de M. Pierre D..

Sur le demandes de restitution des marques, à titre de réparation et l'interdiction d'exploitation :

M. Pierre D. établit qu'il dispose de droits antérieurs sur le nom de JAPPELOUP. Le dépôt des marques précitées a ainsi été effectué en fraude de ses droits.

En qualité de victime d'un dépôt frauduleux de marque, il dispose d'un choix entre l'action en annulation fondée sur le principe que la fraude corrompt tout, et l'action en revendication de l'article L. 712-6 du code de la propriété intellectuelle.

Dans ses dernières conclusions déposés le 13 novembre 2018, il déclare à titre principal revendiquer les marques encore en vigueur à ce jour à savoir la marque française semi figurative Jappeloup déposée le 2 septembre 2011 sous le n° 3856173 et la marque verbale française Jappeloup déposée par Mathieu D.-B. le 23 mars 2017 sous le n° 4348 505.

La demande en restitution de marques est bienfondée ; le jugement déféré en ce qu'il a ordonné la restitution des marques n°96 643 484 et n° 3 856 173 par les consorts D. à M. Pierre D. doit être confirmé et, y ajoutant, la cour ordonne la restitution à M. Pierre D. de la marque verbale française Jappeloup déposée par Mathieu D.-B. le 23 mars 2017 sous le n° 4348 505.

Il n'y a ainsi pas lieu de statuer sur sa demande subsidiaire en nullité des marques déposées par les consorts D..

M. D. demande également que, quel que soit le fondement retenu par la cour, soit ordonnée, en complément du transfert des marques litigieuses ou de leur nullité, une interdiction d'exploitation de la dénomination Jappeloup ou de tout terme s'en approchant et de l'image de M. Pierre D. et/ou du cheval Jappeloup à quelque titre que ce soit sous quelque forme que ce soit et sur quelque support que ce soit, au motif qu'outre le dépôt d'une nouvelle marque en cours de l'instance conduite devant le tribunal de Grande instance de Bordeaux, existerait un nom de domaine 'vins-jappeloup.com' toujours actif même s'il renvoie à un site relatif à des races de chiens, n'étant qu'une façade provisoire dans l'attente de la décision de la cour ; il soutient encore que le litige va au-delà de ces marques et de ce nom de domaine en ce qu'il concerne également des photographies représentant Jappeloup ou M Pierre D. dont l'utilisation doit cesser.

Une telle demande formulée en des termes généraux ne permettant pas d'en déterminer le périmètre précis, redondante avec la restitution des marques, ne peut être accueillie.

Sur les dommages et intérêts :

-S'agissant du préjudice moral, le premier juge a à juste titre retenu que Pierre D. a subi, du fait de l'utilisation sans son autorisation du nom du cheval Jappeloup et de son image en tant que champion d'équitation, un préjudice moral qu'il convenait de réparer par l'allocation de la somme de un euro à titre de dommages et intérêts. Le jugement sera confirmé de ce chef.

-S'agissant de son préjudice économique, M. D. indique dans ses dernières conclusions renoncer à sa demande d'expertise et soutient que les éléments qu'il produit sont de nature à établir l'existence d'un préjudice financier, la dénomination Jappeloup ayant donné lieu à la vente de T-shirts et polos, à la vente de bouteilles de vin et qu'il résulte du contrat de licence de marque produite aux débats par les appelants que M. Henri D. a reçu une redevance émanant d'une SARL Jappeloup à compter du 6 octobre 2010. Il demande à ce titre à la cour de fixer ce préjudice à la somme de 50.000 €.

Si les consorts D. produisent (leur pièce N° 4) une facture du 11 juillet 2011 concernant l'achat de50 polos ( prix unitaire HT 12,55€ ) et 100 T-shirts ( prix unitaire HT 3,54 €) avec marquage Jappeloup pour un total de TTC de 1215,73 euros, ainsi qu'un contrat de licence de marque conclu entre Henri D. et la SARL société Jappeloup du 6 octobre 2010 ( pièce D. N) 14 ) ces eléments sont insuffisants pour permettre à la cour de chiffrer un préjudice financier.

Si le constat d'huissier produit par M. D. établit qu'ont été mis en vente en ligne des vins sous la dénomination Jappeloup, aucun élément quant à la quantité et la durée n'est produit de nature à permettre d'évaluer un préjudice financier.

La demande d'indemnisation au titre du préjudice économique sera rejetée.

Sur les mesures de publication:

M .D. sollicite la confirmation du jugement entrepris , ayant ordonné la publication d'un extrait de la décision dans deux revues ainsi que la publication sur le site www. Jappeloup.com, sous astreinte.

La notoriété du nom de Jappeloup associé à celui de Pierre D. justifie de confirmer le jugement sur ce point.

Sur les demandes reconventionnelles des appelants :

-Les consorts D. demandent, au visa de l'article L714'5 du code de la propriété intellectuelle de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a prononcé la déchéance totale de la marque déposée par M. D. le 18 mars 1999 sous le n° 99781523, faute d'exploitation sérieuse de la marque dans les classes désignées 9, 16 ,28 ,38 et 41.

Mr D. justifie qu'il a autorisé l'utilisation de la dénomination Jappeloup pour des services de divertissement et notamment la production de films et la location de celui-ci ainsi que l'édition de livres et de produits d'imprimerie portant cette même dénomination.

La déchéance sera infirmée pour les produits de la classe 16 et de la classe 41.

- Les consorts D. demandent à titre subsidiaire de prononcer la nullité des marques n °99 781 123, n°3 878 638 et 3 872 821, affirmant que ces marques entravent l'utilisation de la marque Jappeloup détenue par M. D. en classe 33 'conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation concernant l'application de l'article L3323-3 du code de la santé', se bornant à citer 'l'arrêt Dyptique du 20 novembre 2012 pourvoi 12'11 753".

Le tribunal a rejeté ces demandes en relevant qu'elle étaient formées à titre subsidiaire alors même qu'aucune demande n'était formée à titre principal sur les marques en cause. En cause d'appel, les appelants ne formulent de nouveau ces demandes qu'à titre subsidiaire, sans qu'aucune demande soit formée à titre principal concernant les marques en cause ; ils seront pour les mêmes raisons déboutés de cette demande.

-Les consorts D. sollicitent la somme de 50'000 € à titre d'indemnisation au titre d'un contrat perdu avec la société Acajou Production, produisant un projet de contrat de licence de marque et affirmant que la rupture des pourparlers serait imputable à M D., du fait de son assignation.

Or M. D. étant accueilli en sa demande tendant à voir constater l'atteinte portée à ses droits antérieurs par le dépôt des marques 96643484 et 3856173, et étant fait droit à sa demande de restitution de marques, les consorts D. doivent être déboutés de leurs prétentions.

Sur les demandes complémentaires:

Les consorts D. succombant pour l'essentiel en cause d'appel seront condamnés aux entiers dépens et l'équité commande de les condamner à payer aux intimés ensemble la somme de 6000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Les parties doivent être déboutées de leurs demandes plus amples ou contraires .

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

CONFIRME en son principe et partiellement le jugement,

Statuant à nouveau et y ajoutant

Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription,

Rejette la fin de non-recevoir relative à la marque verbale Jappeloup N° 4 348 505 déposée le 23 mars 2017 par M. Mathieu D.-B.,

Dit qu'en déposant la marque verbale JAPPELOUP n°96 643 484 le 24 septembre 1996 et la marque semi-figurative JAPPELOUP n° 3 856 173 le 2 septembre 2011, M. Henri D. a porté atteinte aux droits antérieurs de M. Pierre D. ;

Ordonne la restitution de ces deux marques à M. Pierre D. pour toutes les classes visées par les enregistrements ;

DIT qu'en déposant le 23 mars 2017 la marque verbale Jappeloup N° 4 348 505 Mathieu D.-B. a porté atteinte aux droits antérieurs de M. Pierre D..

Ordonne la restitution de cette marque à M. Pierre D. pour toutes les classes visées par l'enregistrement ;

Condamne Mme Anne-Marie C. veuve D., M. William D., Mme Delphine D. épouse G. et M. Mathieu D.-B. à payer à M. Pierre D. la somme de 1 € ( un euro ) à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;

DONNE acte à M. D. et la Sàrl Sport Communication International qu'ils renoncent à la demande d'expertise et de provision quant à leur préjudice économique,

Rejette la demande de dommages-intérêts au titre du préjudice économique formée par

M. D. et la Sarl Sport Communication International ,

Ordonne la publication du dispositif de la présente décision dans deux journaux ou revues spécialisées au choix de M. D. sans que le coût de chacune de ces insertions ne dépasse la somme de 2 000 euros, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision

Ordonne la publication du dispositif de la présente décision sur le site www.vins-jappeloup.com par les consorts D., dans un délai de deux mois à compter de la signification de la présente, jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard pendant une durée de trois mois,

Dit que les mesures de publication ordonnées seront réalisées aux frais avancés des appelants sur présentation des devis communiqués par les intimés,

Prononce la déchéance de la marque JAPPELOUP déposée par M. Pierre D. le 18

mars 1999 sous le n° 99781523 pour les seules classes 9, 28 et 38 ;

Rejette la demande de déchéance de la marque JAPPELOUP déposée par M. Pierre D. le 18mars 1999 sous le n° 99781523 pour les classes 16 et 41;

Rejette la demande des appelants en nullité des marques n°99 781 523 et n°3878638 détenues par M. Pierre D. et n°3872821 détenue par la Société Sport Communication International

Rejette les demandes de dommages et intérêts formée par Mme Anne-Marie C.

veuve D., M. William D., Mme Delphine D. épouse G. et M. Mathieu D.-B. ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Condamne Mme Anne-Marie C. veuve D., M. William D., Mme Delphine D. épouse G. et M. Mathieu D.-B. à payer à M. Pierre D. et à la Sarl Sport Communication International une somme de 6000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme Anne-Marie C. veuve D., M. William D., Mme Delphine D. épouse G. et M. Mathieu D.-B. aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec distraction au profit de Maître B. avocat constitué sur ses affirmations de droits s'agissant des dépens de l'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.