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Décisions

CAA Lyon, 6e ch., 16 décembre 2021, n° 19LY04120

LYON

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pourny

Conseillers :

M. Gayrard, M. Pin

Avocat :

Le Prado

CAA Lyon n° 19LY04120

15 décembre 2021

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner les hospices civils de Lyon (HCL) et la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) à lui verser les sommes de 42 002,26 euros correspondant à l'indemnisation versée à M. A D et de 1 400 euros au titre des frais d'expertise, ces sommes étant assorties des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, et de mettre à la charge des HCL et de la SHAM une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Rhône a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner les HCL et la SHAM à lui verser la somme de 158 174,99 euros au titre des débours ainsi que celle de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire.

Les HCL et la SHAM ont appelé en garantie la société Olympus France et la société Erbe Medical pour être relevés de toute condamnation prononcée à leur encontre.

Par un jugement n° 1608489 du 10 septembre 2019, le tribunal administratif de Lyon a condamné les hospices civils de Lyon et la société hospitalière d'assurances mutuelles à verser à l'ONIAM la somme de 35 461,30 euros assortie des intérêts légaux et de leur capitalisation et à la CPAM du Rhône les sommes de 46 051,01 et 1 080 euros et a rejeté les autres conclusions des parties.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 12 novembre 2019, le 15 janvier 2020, le 26 juin 2020 et le 9 septembre 2020, les hospices civils de Lyon et la société hospitalière d'assurances mutuelles, représentés par Me Le Prado, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1608489 du 10 septembre 2019 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de rejeter les demandes présentées par l'ONIAM et la CPAM du Rhône ;

3°) subsidiairement, de condamner les sociétés Olympus France et Erbe Médical à les garantir de toutes les condamnations prononcées à leur encontre.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a retenu leur responsabilité du fait de la défaillance d'un dispositif de résection dont l'existence et la nature exacte reste indéterminée ; le lien de causalité et le préjudice subi ne sont pas davantage établis ;

- c'est à tort que les premiers juges ont rejeté leur appel en garantie dirigé contre la société Olympus comme porté devant une juridiction incompétente pour en connaitre alors que la commune intention des parties était de proroger leur convention passée les 26 et 27 février 2009 ; il en est de même s'agissant de leur appel en garantie dirigé contre la société Erbe Medical alors que la compatibilité de son générateur avec le résecteur d'Olympus pose question.

Par un mémoire enregistré le 13 mars 2020, l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par Me Saumon, conclut au rejet de la requête des HCL et de la SHAM et demande à la cour de réformer le jugement n° 1608489 du 10 septembre 2019 du tribunal administratif de Lyon, de condamner les HCL et la SHAM à lui verser les sommes de 42 002,26 et 1 400 euros assortie des intérêts légaux et de leur capitalisation et de mettre à leur charge la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Il soutient que :

- le jugement sera confirmé en tant qu'il a retenu la responsabilité sans faute des HCL dès lors qu'ils sont utilisateurs d'un produit de santé défectueux ;

- il sera en revanche réformé en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de ses demandes, notamment quant aux dépenses de santé futures, aux frais de logement adapté et aux frais d'expertise.

Par un mémoire enregistré le 22 septembre 2020, la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, représentée par Me Philip de Laborie, conclut au rejet de la requête des HCL et de la SHAM et demande à la cour de condamner ces derniers au paiement des intérêts au taux légal avec capitalisation ainsi qu'au versement d'une somme complémentaire de 1 711,03 euros et de mettre à leur charge les sommes de 1 091 et 1 500 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et des frais exposés et non compris dans les dépens.

Elle fait valoir que :

- la responsabilité sans faute des HCL et de la SHAM est engagée ; elle dispose d'un recours subrogatoire à leur encontre pour les débours engagés pour la victime ;

- elle a droit aux frais de santé exposés du 17 juillet 2019 au 29 avril 2020 pour un montant de 1 711,03 euros ainsi qu'aux intérêts avec capitalisation sur sa créance à compter de sa première demande.

Par trois mémoires, enregistrés les 31 mars 2020, 17 juin 2020 et 19 octobre 2020, la société Olympus France, représentée par Me Dubois, conclut au rejet des conclusions dirigées à son encontre et, à titre subsidiaire, à une minoration des condamnations prononcées au bénéfice de la CPAM du Rhône, demande à la cour de condamner les HCL et la SHAM, ou toute autre partie succombante à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- c'est à bon droit que l'appel en garantie formé par les HCL et la SHAM à son encontre a été rejeté par le tribunal administratif de Lyon comme présenté devant une juridiction incompétente pour en connaitre en l'absence de contrat conclu entre eux ;

- l'appel en garantie sera sinon écarté au fond tant sur sa responsabilité contractuelle que sur celle du fait des produits défectueux ; si un défaut était retenu, il est nécessairement né après la mise en circulation du produit ;

- la créance de la CPAM du Rhône n'est que partiellement justifiée.

Par un mémoire, enregistré le 25 mai 2020, la société Erbe médical, représentée par Me Cariou, conclut au rejet des conclusions dirigées à son encontre et demande à la cour de condamner les hospices civils de Lyon, ou toute autre partie succombante, à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 7611 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est suffisamment motivé ;

- la responsabilité des HCL et de la SHAM est engagée ; l'expertise exclut en revanche toute responsabilité de sa part faute de preuve d'un dysfonctionnement de son générateur ou du câble reliant au résecteur.

Un mémoire, enregistré le 15 octobre 2020, présenté pour les HCL et la SHAM, n'a pas été communiqué en application du dernier alinéa de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gayrard, président assesseur,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,

- les observations de Me Demailly, représentant les HCL et la SHAM ;

- et les observations de Me Segal, représentant la société Olympus.

Une note en délibéré, présentée pour les HCL et la SHAM, a été enregistrée le 2 décembre 2021.

Considérant ce qui suit :

1. Le 5 novembre 2009, M. A D, âgé de soixante-dix-sept ans et souffrant de pollakiurie et d'impériosités urinaires, a été opéré dans le service d'urologie du centre hospitalier universitaire Lyon Sud, établissement faisant partie des hospices civils de Lyon (HCL), pour une résection endoscopique transurétrale du lobe médian de la prostate au moyen d'un résecteur bipolaire de marque Olympus relié à un générateur de la société Erbe Medical par un câble du même fournisseur. Le 29 novembre 2009, ont été mises en évidence une nécrose étendue de l'urètre et une fistule nécessitant une intervention de cystectomie avec urétérostomie trans-iléale. Le 16 mars 2010, M. D a saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation (CRCI) de Rhône-Alpes qui a diligenté deux expertises, l'une confiée au Dr B, urologue, lequel a remis son rapport le 29 septembre suivant, et l'autre effectuée par Mme C, ingénieur en biomédical, qui a déposé ses conclusions les 31 mars et 16 août 2011. Par avis du 9 novembre 2011, la CRCI de Rhône-Alpes a accordé une indemnisation de M. D au titre de la solidarité nationale. Par deux protocoles des 14 mars et 8 septembre 2012, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) a versé à M. D la somme de 42 002,26 euros pour l'ensemble de ses préjudices.

2. Sur le fondement de l'article L. 1142-17 du code de la santé publique, l'ONIAM a recherché devant le tribunal administratif de Lyon la responsabilité sans faute des HCL et de leur assureur, la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), en raison de la défectuosité du résecteur utilisé lors de l'intervention du 5 novembre 2009 tandis que la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône a demandé le remboursement des débours exposés pour M. D. Les HCL et la SHAM ont appelé en garantie les sociétés Olympus France et Erbe Medical. Par jugement du 10 septembre 2019, sous le n° 1608489, le tribunal administratif de Lyon a condamné les HCL et la SHAM à verser à l'ONIAM la somme de 35 461,30 euros, assortie des intérêts légaux et de leur capitalisation, et à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Rhône la somme de 46 051,01 euros au titre de ses débours et celle de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion. En revanche, le tribunal a écarté les appels en garantie des HCL et de la SHAM, en estimant que celui dirigé contre la société Olympus France ne relevait pas de la compétence du juge administratif et en rejetant celui dirigé contre la société Erbe Medical comme infondé.

3. Par requête, enregistrée le 12 novembre 2019, les HCL et la SHAM demandent l'annulation du jugement et le rejet des demandes de l'ONIAM et de la CPAM du Rhône, et, à titre subsidiaire, la condamnation des sociétés Olympus France et Erbe Medical à les garantir des condamnations prononcées contre eux. L'ONIAM présente des conclusions incidentes tendant à ce que la condamnation prononcée par le tribunal administratif de Lyon soit portée à la somme de 42 002,26 euros au titre de la subrogation et à celle de 1 400 euros au titre des frais d'expertise. La CPAM du Rhône présente des conclusions incidentes tendant au paiement de la somme de 1 711,03 euros au titre de dépenses de santé, et à ce que la condamnation prononcée devant les premiers juges soit assortie des intérêts légaux et de leur capitalisation ainsi qu'à une majoration de l'indemnité forfaitaire de gestion au montant de 1 091 euros.

Sur la régularité du jugement :

4. Si les HCL et la SHAM soutiennent que le jugement est insuffisamment motivé en son point 5 quant à l'affirmation d'une défectuosité propre au dispositif de résection, il ressort des termes du jugement attaqué que les premiers juges ont suffisamment répondu à l'argumentation des parties sur ce point. Le moyen ne peut, dès lors, qu'être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la responsabilité des HCL et de la SHAM :

5. En application de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, le service public hospitalier est responsable, même en l'absence de faute de sa part, des conséquences dommageables pour les usagers de la défaillance des produits et appareils de santé qu'il utilise. Aux termes de l'article L. 1142-17 du même code : « () Si l'office qui a transigé avec la victime estime que la responsabilité d'un professionnel, établissement, service, organisme ou producteur de produits de santé mentionnés au premier alinéa de l'article L. 1142-14 est engagée, il dispose d'une action subrogatoire contre celui-ci ».

6. Il résulte de l'instruction, et notamment des divers rapports d'expertise, que, lors de l'opération de résection partielle de sa prostate réalisée le 5 novembre 2009 au service d'urologie du centre hospitalier Lyon sud, faisant partie des HCL, au moyen d'un dispositif de résection bipolaire en vaporisation selon la technique dite TUVIS, comprenant un résecteur de marque Olympus et un générateur de marque Erbe Medical reliés entre eux par un câble de l'entreprise précitée, M. D a subi des brulures d'origine électrique. Si les HCL et la SHAM font valoir que la cause de ces brulures n'a pu être exactement déterminée, il résulte de l'instruction que l'hypothèse privilégiée par le bureau d'études Apave, selon un rapport du 1er juin 2010, par l'entreprise TUV, missionnée par la société Olympus, selon des rapports des 19 avril et 19 juillet 2010, et enfin par l'expertise ordonnée par la CRCI de Rhône-Alpes, confiée à Mme C ingénieure biomédicale, est un défaut d'isolement de l'électrode et une conductivité aléatoire de la gaine externe du résecteur qui provoque en se touchant des lésions thermiques sur la muqueuse urétrale, davantage importantes aux points de restriction du canal urinaire avec la gaine externe. Si une autre hypothèse a été envisagée notamment par l'AFSAPPS puis l'ANSM, tenant à un problème de compatibilité entre le résecteur et le générateur de marques différentes, découlant en particulier de la puissance maximale et de la temporisation différentes du générateur Erbe medical par rapport au générateur Olympus normalement prévu pour être associé au résecteur de cette marque, celle-ci met également en cause une défectuosité du dispositif médical. En revanche, il résulte de l'instruction, et notamment des mêmes rapports précités, que d'autres hypothèses, extérieures au dispositif médical litigieux, liées notamment au liquide d'irrigation, au gel lubrifiant, à la technique utilisée ou encore à la durée de l'opération, ont été évoquées et écartées alors que d'autres accidents similaires se sont produits dans le même service de soins mais aussi dans d'autres établissements de santé. Dans ces conditions, c'est par une appréciation exacte des faits de l'espèce que le tribunal administratif de Lyon a retenu la responsabilité sans faute des HCL et de leur assureur, la SHAM, en raison des conséquences dommageables survenues du fait de la défaillance du dispositif de résection, alors même que l'origine exacte de cette défectuosité n'a pu être clairement établie. De même, le lien de causalité entre cette défaillance du dispositif médical et les séquelles subies par M. D, liées à des brulures d'origine électrique, est suffisamment établi au vu de ce qui précède. Il s'ensuit que les HCL et la SHAM ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a retenu leur responsabilité sans faute et les a condamnés à réparer les conséquences dommageables survenues en raison de la défaillance du dispositif médical utilisé le 5 novembre 2009.

En ce qui concerne les préjudices :

S'agissant des préjudices patrimoniaux :

7. Quant aux dépenses de santé, par son relevé des débours établi le 31 octobre 2018 et l'attestation d'imputabilité de son médecin conseil, la CPAM du Rhône justifie avoir exposé des débours portant sur des soins infirmiers dispensés entre le 24 décembre 2009 et le 26 mai 2010, date de consolidation retenue par l'expert médical, pour un montant de 559,56 euros. Un relevé des débours établi le 16 juillet 2019 indique ensuite des frais pharmaceutiques portant sur des collecteurs urinaires, des poches urinaires, des compresses et du sparadrap, exposés du 4 juin 2010 au 27 juin 2019 pour un montant de 44 669,24 euros, lequel n'est pas sérieusement contesté.

8. En cause d'appel, la CPAM du Rhône est recevable à présenter des conclusions tendant au remboursement des prestations servies à la victime postérieurement à l'intervention du jugement attaqué. En l'espèce, il résulte du relevé des débours établi le 14 août 2020 que la CPAM a exposé du 17 juillet 2019 au 29 avril 2020 de nouveaux débours pour des frais pharmaceutiques (pansements) ou d'appareillage (collecteurs et poches urinaires) pour un montant de 1 711,03 euros qu'il y a lieu d'ajouter aux dépenses précédentes.

9. En revanche, comme l'a opposé à bon droit le tribunal administratif de Lyon, l'ONIAM ne justifie pas de la somme de 1 524,44 euros correspondant à une facture du 15 juin 2011 portant sur divers équipements dont il n'est pas établi qu'ils soient en lien avec les séquelles subies du fait de l'intervention du 5 novembre 2009.

10. Quant aux frais de logement adapté, si l'ONIAM réitère sa demande de prise en compte de la somme de 3 666,52 euros qu'il a versée à la victime à ce titre, il ne résulte pas de l'instruction que les travaux réalisés au domicile de la victime selon une facture du 15 juin 2011 aient été rendus nécessaires en raison des séquelles subies.

11. Quant aux frais d'assistance par tierce personne, aucune partie ne conteste l'appréciation faite par le tribunal administratif de Lyon de ce chef de préjudice pour la somme de 3 267,30 euros.

S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux :

12. Quant au déficit fonctionnel temporaire, il a été estimé total par l'expert du 5 novembre 2009 au 26 mai 2010, en déduisant six semaines correspondant aux suites normales de l'intervention litigieuse, sans complications. En retenant la somme de 1 932 euros, le tribunal administratif de Lyon n'a pas fait une inexacte appréciation de ce chef de préjudice.

13. Quant au préjudice esthétique temporaire, l'expert l'a évalué à 3 sur une échelle de 7. Les premiers juges ont fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en le fixant à la somme de 483 euros.

14. Quant aux souffrances endurées, elles ont été estimées par l'expert à 5 sur une échelle de 7. Le tribunal administratif de Lyon n'a pas procédé à une estimation excessive ou insuffisante en retenant un montant de 10 500 euros.

15. Quant au déficit fonctionnel permanent évalué à 20 % par l'expert, les premiers juges ont pu fixer, sans commettre d'erreur d'appréciation, l'indemnité en découlant à la somme de 19 279 euros.

16. Quant au préjudice d'agrément, dès lors qu'il a été estimé comme minime par l'expert du fait de l'état de santé de la victime avant l'opération litigieuse et faute de production de justificatifs tant en première instance qu'en appel, le tribunal administratif de Lyon a pu à bon droit refuser toute indemnisation à ce titre.

17. Enfin, comme l'a jugé à bon droit le tribunal administratif de Lyon, les dispositions de l'article L. 1142-17 du code de la santé publique ne prévoient pas que l'ONIAM puisse obtenir le remboursement des frais et honoraires des expertises diligentées par la CRCI de Rhône-Alpes, lesquels ne constituent pas des dépens de l'instance comme l'allègue l'ONIAM. Ce dernier n'est donc pas fondé à demander l'octroi d'une somme de 1 400 euros au titre des frais d'expertises exposés devant la CRCI de Rhône-Alpes.

18. Il résulte des points 9 à 17 que l'ONIAM est en droit de demander la somme de 35 461,30 euros à laquelle il a été subrogé en application de l'article L. 1142-17 du code de la santé publique et suite aux transactions passées les 14 mars et 8 septembre 2012 avec M. D. Dès lors que le tribunal administratif de Lyon a condamné les HCL et la SHAM à lui verser cette somme, les conclusions incidentes de l'ONIAM tendant à une majoration de son indemnisation fixée par les premiers juges ne peuvent qu'être rejetées.

19. En revanche, il découle des points 7 et 8 que la CPAM du Rhône est fondée à demander à ce que sa créance soit portée à la somme globale de 47 762,04 euros. Les sommes de 46 051,01 et 1 711,03 seront assortie des intérêts légaux à compter, respectivement, du 31 octobre 2018 et du 20 septembre 2020, dates correspondantes aux demandes dûment justifiées faites par la caisse devant le tribunal administratif puis la cour. La capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond mais cette demande ne peut toutefois prendre effet que lorsque les intérêts sont dus au moins pour une année entière. La capitalisation ayant été demandée par la caisse dans son mémoire enregistré le 22 septembre 2020, il sera fait droit à la capitalisation des intérêts dès cette date s'agissant des intérêts ayant couru pour la somme de 46 051,01 euros, et seulement à compter du 22 septembre 2021 s'agissant des intérêts ayant couru pour la somme de 1 711,03 euros, ainsi qu'à chaque échéance ultérieure.

20. Lorsqu'une condamnation du tiers responsable au paiement de l'indemnité forfaitaire a été prononcée par les premiers juges, la caisse ne peut obtenir ensuite qu'un rehaussement du montant de l'indemnité forfaitaire de gestion, non une nouvelle condamnation, et seulement si elle obtient une majoration des sommes qui lui sont dues au titre de son action en indemnisation de ses débours. Il découle du point 19 que la CPAM du Rhône obtient en appel une majoration de la condamnation des HCL et de la SHAM au remboursement de ses débours. Il s'ensuit qu'elle est fondée à recevoir un rehaussement de l'indemnité forfaitaire de gestion de 1 080 à 1 098 euros en application de l'arrêté du 4 décembre 2020 relatif aux montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale pour l'année 2021.

Sur les appels en garantie formés par les HCL et la SHAM :

21. Si un établissement public de santé est responsable, même en l'absence de faute de sa part, des conséquences dommageables pour les usagers de la défaillance des produits et appareils de santé qu'il utilise, il peut, lorsque sa responsabilité est recherchée sur ce fondement, exercer une action en garantie à l'encontre du producteur auquel il est lié par un contrat administratif. En revanche, dans le cas où le service public hospitalier qui a dû indemniser un patient ayant subi un dommage causé par la défaillance d'un produit et ou appareil de santé n'est pas lié par un contrat administratif au fabricant de ce produit ou appareil, son action en garantie contre le fabricant relève de la compétence de la juridiction judiciaire.

En ce qui concerne l'appel en garantie dirigé contre la société Olympus :

22. Il résulte de l'instruction que le résecteur a été mis à disposition des HCL, sans contrepartie financière, par la société Olympus selon une convention passée le 27 février 2009 intitulé " autorisation administrative d'essais de dispositifs médicaux " en vue de réaliser des essais cliniques pour une durée comprise entre le 2 mars et le 30 juin 2009 ; ce contrat ne prévoyait aucune possibilité de renouvellement tacite. Si ce contrat n'ayant pas été conclu à titre onéreux ne peut être qualifié de marché public, il a néanmoins pour objet de faire participer le co-contractant à l'exécution du service public hospitalier et revêt de ce fait un caractère administratif, comme l'a estimé à bon droit le tribunal administratif de Lyon. Toutefois, ce dernier ne pouvait se déclarer incompétent pour connaitre des conclusions des HCL et de la SHAM fondées sur ce contrat en constatant seulement qu'il n'était pas applicable en l'espèce dès lors que l'accident est survenu après le terme de cette convention. Il s'ensuit que les HCL et la SHAM sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions tendant à engager la responsabilité contractuelle de la société Olympus comme présentées devant une juridiction incompétente pour en connaitre. Il y a lieu d'annuler le jugement sur ce point, d'évoquer et de statuer sur cet appel en garantie.

23. Il résulte de l'instruction qu'après l'expiration de la convention citée au point précédent, les essais cliniques ont toutefois été poursuivis d'un commun accord entre les HCL et la société Olympus et ont abouti à la passation le 23 décembre 2009 d'une nouvelle convention dite de partenariat scientifique et clinique portant notamment sur la mise à disposition du résecteur. La collaboration de fait ayant existé entre les périodes d'exécution des deux conventions passées le 27 février 2009 et le 23 décembre 2009 révèle un contrat non écrit liant les HCL et la société Olympus. Par suite, les HCL et la SHAM sont recevables à rechercher la responsabilité contractuelle de la société Olympus en raison des condamnations prononcées à leur encontre du fait de dysfonctionnements le 5 novembre 2009 du résecteur mis à disposition.

24. Les HCL et la SHAM entendent engager la responsabilité contractuelle de la société Olympus en raison d'un dysfonctionnement affectant le résecteur qu'elle avait mis à leur disposition. Comme indiqué au point 6, si l'hypothèse privilégiée par les premiers experts, et notamment celui désigné par la CRCI de Rhône-Alpes, est un défaut d'isolement de l'électrode et une conductivité aléatoire de la gaine externe du résecteur, celle-ci n'a pu être vérifiée, notamment du fait de l'élimination de l'électrode utilisée, celle-ci faisant néanmoins partie d'un lot dans lequel aucune électrode défectueuse n'a pu être décelée. Il résulte de l'instruction que l'AFFSAPPS, saisie dans le cadre d'un signalement de matériovigilance, a conclu le 30 septembre 2010 à l'absence d'anomalie du générateur, du câble et du résecteur pouvant être à l'origine des incidents rapportés. Dans sa recommandation du 19 mai 2014, l'ANSM confirme que l'analyse des incidents recensés pour des résections transurétrales de la prostate en milieu salin avec le résecteur Olympus n'a pas permis de mettre en évidence une cause particulière et qu'aucun incident n'a été signalé depuis 2011. Enfin, par jugement du 12 avril 2019, le tribunal de grande instance de Créteil, saisi par l'ONIAM d'une action dirigée contre la société Olympus, a rejeté son recours au motif que la preuve d'une défectuosité du résecteur n'était pas rapportée.

25. Les HCL et la SHAM recherchent également la responsabilité contractuelle de la société Olympus du fait du retrait de son propre générateur en octobre 2009 et de sa recommandation d'utiliser un générateur de marque Erbe Medical ainsi que le câble de même marque le reliant à son propre résecteur. Contrairement à ce que soutiennent les HCL et la SHAM, la société Olympus n'a aucune obligation d'assumer la responsabilité de l'ensemble du dispositif médical composé de son propre résecteur et des générateur et câble fournis par la société Erbe Medical. Comme indiqué au point 6, une hypothèse d'incompatibilité entre le résecteur et le générateur de marques différentes a été également évoquée, notamment par l'AFFSAPS puis l'ANSM, tenant à ce que le générateur d'Erbe Medical présente une puissance et une temporisation différentes de celles du générateur originel d'Olympus. Toutefois, comme la précédente hypothèse, celle-ci n'a pu davantage être vérifiée. Dès lors, les HCL et la SHAM n'apportent pas la preuve d'une faute contractuelle de la part de la société Olympus dans l'utilisation du générateur et du câble d'Erbe Medical à l'origine de l'accident survenu le 5 novembre 2009.

26. Compte tenu de ce qui a été dit aux points 24 et 25, en l'absence de preuve formelle d'une défectuosité affectant le générateur fourni par la société Olympus, la responsabilité de cette dernière ne peut également pas être recherchée sur le fondement des articles 1245 et suivants du code civil.

27. Il résulte de ce qui précède que l'appel en garantie des HCL et de la SHAM dirigé contre la société Olympus doit être rejeté.

En ce qui concerne l'appel en garantie dirigé contre la société Erbe Medical :

28. Comme il a été indiqué au point 25, aucune défectuosité intrinsèque au générateur ou au câble fournis aux HCL par la société Erbe Medical en exécution d'un marché public passé en 2004 n'a pu être formellement établie. Il résulte de l'instruction que, même si la société Olympus a recommandé l'utilisation de son propre générateur à la suite d'incidents impliquant des générateurs tiers, la société Erbe Medical justifie d'une déclaration de conformité et d'un certificat de compatibilité délivrés respectivement les 9 juillet 2009 et 1er février 2010 pour l'utilisation de son générateur et de son câble avec le résecteur d'Olympus. Si les HCL et la SHAM font également valoir que le générateur d'Erbe Medical ne dispose pas d'une alarme en cas de fuite du courant ou de chaleur excessive comme dans d'autres dispositifs semblables, la société Erbe Medical le conteste. Cette société soutient également que si la puissance maximale de son générateur est effectivement supérieure au générateur de marque Olympus, la puissance délivrée reste néanmoins inférieure à la limite indiquée par la société Olympus. Dans ces conditions, les HCL et la SHAM ne sont pas fondés à rechercher la responsabilité de la société Erbe Medical, tant sur un fondement contractuel que sur celui de la responsabilité du fait des produits défectueux.

29. Il résulte de ce qui précède que l'appel en garantie des HCL et de la SHAM dirigé contre la société Erbe Medical doit être rejeté.

Sur les frais liés au litige :

30. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de l'ONIAM, de la CPAM du Rhône, de la société Olympus et de la société Erbe Medical, présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1608489 du 10 septembre 2019 du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : Les hospices civils de Lyon et la société hospitalière d'assurances mutuelles sont condamnés à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône la somme de 1 098 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et la somme de 47 762,04 euros au titre de ses débours. Cette somme de 47 762,04 euros sera assortie des intérêts légaux à compter du 31 octobre 2018 sur un montant de 46 051,01 euros et à compter du 22 septembre 2020 sur un montant de 1 711,03 euros. Les intérêts échus pour ces deux montants seront capitalisés respectivement à compter du 22 septembre 2020 et du 22 septembre 2021, ainsi qu'à chaque échéance annuelle, pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Le jugement n° 1608489 du 10 septembre 2019 du tribunal administratif de Lyon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié aux hospices civils de Lyon, à la société hospitalière d'assurances mutuelles, à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, à la société Olympus France et à la société Erbe Medical.