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Décisions

CA Rennes, 2e ch., 17 décembre 2021, n° 18/05375

RENNES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Azur Solution Energie (Sasu)

Défendeur :

Franfinance (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Christien

Conseillers :

M. Jobard, Mme Barthe-Nari

Avocat :

Selarl Actavoca

CA Rennes n° 18/05375

16 décembre 2021

EXPOSÉ DU LITIGE :

A la suite d'un démarchage à domicile, M. Eric Le B. et Mme Dominique P. son épouse (les époux Le B.) ont, selon bon de commande du 13 avril 2015, commandé à la société Azur solution énergie (la société Azur) la fourniture et l'installation d'un ensemble de panneaux photovoltaïques intitulé 'Pack GSE 33 Air'System', moyennant le prix de 49 500 euros TTC.

En vue de financer cette opération, la société Franfinance a, selon offre acceptée le même jour, consenti aux époux Le B. un prêt de 49 500 euros au taux de 5,80 % l'an, remboursable en 12 mensualités de 169 euros, puis 123 mensualités de 569,28 euros, hors assurance emprunteur, après un différé d'amortissement de 9 mois.

Prétendant que le bon de commande était irrégulier, et que l'installation était affectée de défauts de conformité et présentait des dysfonctionnements du dispositif de ventilation, les époux Le B. ont, par acte du 13 février 2018, fait assigner devant le tribunal d'instance de Nantes la société Azur et la société Franfinance en annulation des contrats de vente et de prêt.

Par jugement du 3 juillet 2018, le tribunal d'instance a :

- prononcé l'annulation du contrat conclu le 13 avril 2015 entre les époux Le B. et la société Azur,

- prononcé l'annulation du contrat de crédit conclu le même jour entre les époux Le B. et la société Franfinance,

- dit que la société Azur devra, à ses frais, reprendre l'ensemble des matériels posés au domicile des époux Le B. et remettre en état la toiture, dans les 2 mois suivant la signification du jugement, après en avoir prévenu ces derniers 15 jours à l'avance,

- débouté la société Franfinance de sa demande en restitution du capital emprunté,

- condamné la société Franfinance à payer aux époux Le B. une somme de 6 394,08 euros au titre des échéances échues payées,

- condamné la société Azur à payer à la société Franfinance la somme de 24 750 euros,

- condamné la société Franfinance et la société Azur in solidum aux dépens, en ce compris les frais retenus par l'huissier en application de l'article L.111-8 du code des procédures civiles d'exécution,

- condamné la société Franfinance et la société Azur in solidum à payer aux époux Le B. une somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de toutes autres demandes différentes, plus amples ou contraires au présent dispositif.

La société Azur a relevé appel de ce jugement le 3 août 2018, pour demander à la cour de le réformer et de :

- dire que le contrat conclu avec les époux Le B. est valable,

- dire qu'elle n'a commis aucune faute,

- dire que l'annulation ou la résolution du contrat ne sont pas encourues,

- dire qu'elle n'est tenue d'aucune somme à l'égard de Franfinance,

- en conséquence, débouter les époux Le B. de leurs demandes,

- débouter la société Franfinance de toute demande éventuelle en garantie formulée à son encontre,

- en tout état de cause, condamner les époux Le B. au paiement d'une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, ainsi qu'aux dépens.

La société Franfinance demande à la cour d'infirmer le jugement attaqué et de :

- débouter les époux Le B. de l'intégralité de leurs demandes,

- condamner solidairement les époux Le B. à lui payer la somme de 52 878,91 euros (capital restant dû et échéances impayées), outre l'indemnité légale de 8 % (3 931,71 euros) et les intérêts de retard au taux contractuel de 5,96 % à compter du 28 février 2021, date de la mise en demeure,

- à titre subsidiaire, si la cour devait prononcer l'annulation ou la résolution du contrat principal et l'annulation du contrat de crédit affecté,

- condamner la société Azur à garantir les époux Le B., du remboursement du crédit affecté en date du 13 avril 2015 et ce, conformément aux dispositions de l'article L. 311-33 du code de la consommation dans sa version en vigueur lors de la souscription du prêt,

- condamner par conséquent, la société Azur à payer à la société Franfinance la somme de 49 500 euros,

- en tout état de cause, condamner solidairement les époux Le B. à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Les époux Le B. n'ont quant à eux pas constitué avocat devant la cour.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour la société Azur le 12 avril 2019 et pour la société Franfinance le 12 août 2021, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 9 septembre 2021.

EXPOSÉ DES MOTIFS :

Sur la nullité du contrat principal :

Aux termes des articles L 121-18-1 et L. 121-17 devenus L. 221-9, L 221-5, L. 111-1, R. 111-1 et R. 111-2 du code de la consommation, les ventes et fournitures de services conclues à l'occasion d'une commercialisation hors établissement doivent faire l'objet d'un contrat dont un exemplaire est remis au client et notamment comporter, à peine de nullité, les mentions suivantes :

- le nom du professionnel, ou la dénomination sociale et la forme juridique de l'entreprise, l'adresse géographique de son établissement et, si elle est différente, celle du siège social, son numéro de téléphone et son adresse électronique,

- le cas échéant, son numéro d'inscription au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers,

- les informations relatives à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte,

- son éventuelle garantie financière ou assurance de responsabilité professionnelle souscrite par lui, ainsi que les coordonnées de l'assureur ou du garant,

- les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du bien ou service concerné,

- le prix du bien ou du service,

- les modalités de paiement,

- en l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service,

- les modalités prévues par le professionnel pour le traitement des réclamations,

- s'il y a lieu, les informations relatives à la garantie légale de conformité, à la garantie des vices cachés de la chose vendue ainsi que, le cas échéant, à la garantie commerciale et au service après-vente,

- la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation,

- lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit, ainsi que le formulaire type de rétractation.

Or, comme le premier juge l'a exactement relevé, le bon de commande n'est manifestement pas conforme aux dispositions du code de la consommation en ce qu'il ne comporte pas les caractéristiques essentielles du bien ou du service.

En effet, le bon de commande ne comporte aucune désignation de la nature et des caractéristiques de la prestation accessoire de pose fournie par le vendeur, aucune indication n'étant donnée aux acquéreurs sur la méthode de pose des panneaux solaires, ni même, s'il s'agit d'une intégration au bâti, les surface de toiture affectée et les procédés qui seront mis en oeuvre pour assurer l'étanchéité de celle-ci.

La société Azur soutient cependant à juste titre que ces irrégularités, qui ne sont sanctionnées que par une nullité relative, ont, conformément aux dispositions de l'article 1338 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause, été confirmées par les époux Le B. qui ont renoncé en connaissance de cause à les invoquer, en n'usant pas de leur faculté de rétractation, en laissant le vendeur réaliser les démarches administratives, en acceptant la livraison du matériel, en laissant les travaux de pose s'accomplir, en donnant ordre à la banque de libérer les fonds au profit du vendeur, et en utilisant depuis 2015 leur installation en tirant profit de sa production électrique.

En effet, le bon de commande reproduisait de façon parfaitement lisible les dispositions de l'article L. 111-1 du code de la consommation énonçant que le contrat conclu hors établissement devait notamment comporter les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du bien ou service concerné.

Dès lors, en signant l'attestation de livraison et demande de financement du 20 juillet 2015 après installation des panneaux photovoltaïques, alors qu'ils ne pouvaient ignorer, à la lecture du bon de commande, que celui-ci aurait dû, à peine de nullité, comporter l'indication des modalités d'exécution de la prestation accessoire de pose des panneaux, les époux Le B. ont, en pleine connaissance des irrégularités du bon de commande, entendu renoncer à la nullité du contrat en résultant et, de ce fait, manifesté la volonté non équivoque de couvrir les irrégularités de cet acte.

Il convient donc d'infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a prononcé l'annulation du contrat conclu entre les époux Le B. et la société Azur.

Sur le contrat de prêt :

A défaut d'annulation du contrat de vente et de prestation accessoire de pose, la disposition du jugement attaqué ayant annulé le contrat de crédit affecté, qui n'en était que la conséquence de plein droit, ne pourra qu'être à son tour réformée.

Il s'en évince que les époux Le B. qui n'ont pas obtenu l'annulation du contrat de prêt sont tenus d'honorer leurs obligations de remboursement du crédit, sachant, comme le fait observer à juste titre le prêteur, que les époux Le B., défaillants, ne caractérisent nullement l'existence de leur préjudice, l'installation ayant été raccordée au réseau et produisant de l'électricité, ainsi qu'il ressort de l'attestation de conformité délivrée par le Consuel le 3 août 2015.

A cet égard, il ressort de l'offre, du tableau d'amortissement, de l'historique du compte et du décompte de créance qu'ils restaient devoir au jour de la déchéance du terme du 14 mars 2018 :

- 3 732,48 euros au titre des échéances échues impayées,

- 49 146,43 euros au titre du capital restant dû,

- 3 931,71 euros au titre de l'indemnité de défaillance égale à 8 % du capital restant dû,

Soit, au total, 56 810,62 euros, avec intérêts au taux de 5,80 % (et non de 5,96 %) sur le principal de 52 878,91 euros (3 732,48 + 49 146,43) à compter du 14 mars 2018.

Les époux Le B. seront, après réformation du jugement attaqué, solidairement condamnés au paiement de cette somme.

Le contrat de crédit n'étant pas annulé, il n'y a pas matière à statuer sur la demande subsidiaire du prêteur tendant à condamner la société Azur à garantir les époux Le B. du remboursement du crédit affecté.

Il n'y a pas davantage matière à application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de quiconque, tant en première instance qu'en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Infirme en l'ensemble de ses disposition le jugement rendu le 3 juillet 2018 par le tribunal d'instance de Nantes ;

Condamne solidairement M. et Mme Le B. à payer à la société Franfinance la somme de 56 810,62 euros, avec intérêts au taux de 5,80 % sur le principal de 52 878,91 euros à compter du 14 mars 2018 ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum M. et Mme Le B. aux dépens de première instance et d'appel ;

Accorde à l'avocat de la société Azur Solution énergies le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Rejette toutes autres demandes contraires ou plus amples.