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Décisions

CA Paris, 4e ch. b, 28 juin 1996, n° 93/11596

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Dibala

Défendeur :

Miatsonama

TGI Créteil, du 23 mars 1993

23 mars 1993

Appel a été interjeté par M. YANCOMBA dit DIBALA et Mme YELESSA d'un jugement rendu par le Tribunal de grande instance de CRETEIL le 23 mars 1993 par lequel M. DIBALA a été débouté des demandes formées à l'encontre de M. Aurélien MIATSONAMA dit «MABELE» et de M. HOUETINOU exerçant sous le nom JIMMY'S INTERNATIONAL PRODUCTION (JIP) et M. HOUETINOU condamné à payer à Mme YELESSA la somme de 5 000 francs à titre de dommages intérêts en raison de l'absence de rémunération pour ses prestations dans la vidéo cassette «Explosion».

Les circonstances de fait ont été exactement exposées par les premiers juges ; il convient donc de s'y référer et de rappeler seulement que M. DIBALA est co-titulaire avec M. MABELE de la marque LOKETO utilisée pour désigner un groupe de musiciens dont ils faisaient partie et dont les oeuvres ont été enregistrées par JIP, et que M. DIBALA, après s'être séparé de ce groupe au cours de l'année 1990, a fait défense à M. MABELE et M. HOUETINOU par lettre recommandée du 3 mai 1991 d'utiliser cette marque sans son accord.

M. DIBALA conclut à l'infirmation de la décision en toutes ses dispositions. Il soutient que les intimés ne peuvent faire un usage de la marque sans son accord, que JIP a produit par l'intermédiaire de la société SHANACHIE RECORDS CORP., sans son autorisation aux Etats Unis, un phonogramme comportant quatre de ses chansons (EXTRA BALL, La joie de Vivre, Tcheke LINHA et MONDO RY) et l'a diffusé avec une pochette reproduisant son image, et que contrairement à ce qu'ont décidé les premiers juges les déclarations faites par M. MABELE dans une revue de presse ont porté atteinte à sa vie privée.

Il sollicite en conséquence :

-  au titre de l'utilisation illicite de la marque LOKETO, d'interdire à M. MABELE et à M. HOUETINOU l'usage de cette marque sous quelque forme que ce soit sous astreinte de 50 000 francs par infraction constatée, de les condamner in solidum au paiement de la somme de 200 000 francs à titre de dommages intérêts et d'ordonner la publication de la décision

-  au titre des propos attentatoires à sa vie privée, la condamnation de M. MABELE à payer la somme de 150 000 francs à titre de dommages intérêts

-  au titre de la commercialisation du phonogramme susvisé aux ETATS UNIS sans son autorisation, la condamnation de M. HOUETINOU au paiement de la somme de 50 000 francs à titre de dommages intérêts provisionnels, la communication des contrats de licence phonographique et de sous-édition et de tous éléments permettant de déterminer son préjudice sous astreinte de 50 000 francs par jour de retard et le prononcé de la résiliation des contrats d'édition musicale conclus pour les oeuvres intitulées EXTRA BALL, La joie de Vivre, TCHEKE LINHA et MONDO RY.

Il sollicite encore la condamnation in solidum des intimés au paiement de la somme de 20 000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

Mme YELESSA estimant que le préjudice résultant de son absence de rémunération tant pour ses prestations que pour son image reproduites dans la vidéo cassette, a été insuffisamment pris en compte par les premiers juges, sollicite la condamnation de M. HOUETINOU au paiement de la somme de 50 000 francs à titre de dommages intérêts et celle de 20 000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

M. MABELE conclut à la confirmation de la décision excepté sur sa demande reconventionnelle ; formant appel incident de ce chef, il sollicite la condamnation de M. DIBALA au paiement de la somme de 50 000 francs à titre de dommages intérêts pour procédure abusive et celle de 20 000 francs HT en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

M. HOUETINOU conclut à la confirmation de la décision excepté sur sa condamnation à l'encontre de Mme YELESSA qui n'a fait que des apparitions rapides dans la cassette contestée et formant appel incident, il demande de condamner M. DIBALA à payer la somme de 50 000 francs à titre de dommages intérêts pour procédure abusive et les appelants au paiement de la somme de 10 000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Sur l'usage illicite de marque

Considérant que M. DIBALA et M. MABELE sont co-titulaires de la marque LOKETO déposée à l'Institut National de la Propriété Industrielle (INPI), le 3 mai 1989 ; qu'il s'ensuit que chacun des titulaires est en droit d'en faire usage, à défaut de convention d'indivision, selon les dispositions des articles 815 et suivants du Code Civil ;

Considérant qu'il est soutenu par M. DIBALA que l'usage de la marque par M. MABELE pour désigner un groupe de musiciens constitue un acte d'administration ou à tout le moins un acte de disposition qui requérait son consentement en application de l'article 815-3 du Code Civil ;

Considérant cependant qu'aux termes de l'article 815-9, tout indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, ce dans les limites énoncées dans ce texte ; qu'en l'espèce, M. MABELE membre du groupe de musiciens désigné sous le nom de la marque déposée fait un usage de la marque à son bénéfice conformément au dépôt, cette marque ayant été notamment déposée pour des «supports d'enregistrement magnétique, disques acoustiques, divertissements, spectacles» ; que ne faisant qu'user de la marque, acte qui certes bénéficie à d'autres que les titulaires de la marque mais qui n'ont néanmoins aucun droit sur celle-ci, M. MABELE n'a effectué aucun acte d'administration ou de disposition et n'avait donc pas à requérir l'autorisation de M. DIBALA ;

Que ce dernier se devait de régler ce litige, puisqu'il y avait désaccord, conformément aux dispositions de l'article 815-9 du Code Civil ; qu'à défaut de règlement portant sur l'exercice du droit d'usage indivis, M. MABELE ne peut se voir interdire de faire un usage de la marque qui est conforme à sa destination et ne saurait se voir opposer un usage illicite de marque ; qu'il ne peut être davantage reproché à M. HOUETINOU, producteur de phonogrammes du groupe, et en tant que tel autorisé par M. MABELE co-titulaire de la marque, des actes d'usage illicite de marque ;

Considérant que les premiers juges ont cependant à tort estimé qu'il existait un abandon tacite de la marque LOKETO par M. DIBALA ; qu'en effet, la renonciation à son droit sur la marque ne peut être tacite mais doit conformément aux dispositions des articles 18 et 19 du décret du 27 juillet 1965, applicable en l'espèce, être effectuée par déclaration écrite à l'INPI et être inscrite au registre national des marques, ce qui n'a pas été le cas ;

que la décision sera donc confirmée mais pour les motifs indiqués ;

Sur la commercialisation d'un phonogramme aux ETATS UNIS sans l'autorisation de M. DIBALA

Considérant que M. DIBALA impute ces actes de commercialisation à M. HOUETINOU sans s'expliquer davantage sur ce point ;

Considérant qu'il n'est pas discutable que ce phonogramme comportant quatre chansons de M. DIBALA ainsi que la reproduction de son image a été commercialisé aux ETATS UNIS ;

Considérant que la pochette de ce phonogramme mis aux débats porte le nom de JIMMY'S PRODUCTION, qu'il est également indiqué comme producteur le nom de la société SHANACHIE RECORS CORP. qui n'a pas été appelée dans la cause et qui n'a pas davantage indiqué de qui elle tenait ses droits ; que la seule mention du nom du producteur initial ne suffit pas à démontrer que ce dernier ait été à l'origine de la transmission illicite de droits, M. HOUETINOU soutenant tout au contraire que ces actes sont imputables à M. DIBALA lui-même à qui les masters avaient été remis à sa demande et qui avait ainsi toute possibilité pour les faire reproduire aux Etats-Unis ; que la décision qui a rejeté cette demande sera confirmée ;

Considérant qu'en conséquence, il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes de résiliation des contrats d'enregistrement portant sur les chansons puisqu'il n'est pas démontré que M. HOUETINOU ait commis des fautes dans leur exécution ; que la demande aux fins de communication sera également rejetée ;

Sur les propos tenus par M. MABELE à l'encontre de M. DIBALA

Considérant que M. DIBALA ne développe aucun moyen nouveau au soutien de cette demande qui a été rejetée par les premiers juges par des motifs pertinents que la Cour fait siens ; que la décision sera également confirmée de ce chef, sauf à préciser, comme le relève M. DIBALA, que ce dernier n'avait pas soutenu que les propos étaient diffamatoires ;

Sur les demandes de Mme YELISSA contre M. HOUETINOU

Considérant que M. HOUETINOU ne saurait s'exonérer du paiement de droits en soutenant que Mme YELISSA ne justifie pas ne pas avoir donné son autorisation pour l'utilisation de sa prestation dans la vidéo cassette à des fins commerciales ;

Que c'est en effet au producteur de rapporter la preuve de la cession des droits d'auteur ou des droits d'artiste interprète pour cette exploitation contestée ; qu'en l'espèce, M. HOUETINOU qui ne verse aux débats aucun document ne rapporte pas cette preuve ; que Mme YELISSA fait donc valoir à juste titre que sa prestation en qualité de danseuse dans la vidéo cassette vidéo a fait l'objet d'une commercialisation sans son autorisation et est plus importante qu'une simple "apparition furtive" ainsi qualifiée par les premiers juges ; qu'en effet, le visionnage de cette vidéo-cassette par la Cour a permis de constater l'accompagnement chorégraphique par Mme YELISSA de plusieurs chansons ainsi qu'une petite partie d'interview des chanteurs ;

que la réalité de sa prestation et son absence de rémunération n'étant pas contestables, il lui sera alloué la somme de 15 000 francs à titre de dommages intérêts, n'étant pas établi que la diffusion de cette vidéo cassette ait été importante ;

Sur la demande pour procédure abusive

Considérant que cette demande sera rejetée, M. DIBALA ayant pu se méprendre de bonne foi sur la portée de ses droits ;

Considérant que l'équité commande de laisser à la charge de chacune des parties les frais d'appel non compris dans les dépens ;

Par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges

Confirme la décision excepté sur le montant des dommages intérêts dus à Mme YELISSA,

Réformant de ce chef,

Condamne M. HOUETINOU à payer à Mme YELISSA la somme de 15 000 francs à titre de dommages intérêts,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne M. YANCOMBA dit DIBALA aux entiers dépens qui seront recouvrés par la SCP BERNAE-RICARD, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de procédure civile.