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Décisions

Cass. com., 24 mai 2011, n° 10-16.429

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Rapporteur :

Mme Mandel

Avocat général :

M. Carre-Pierrat

Avocat :

Me Foussard

Toulouse, du 10 févr. 2010

10 février 2010

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse,10 février 2010), que la société Compagnie hôtelière et fermière d'Eugénie les Bains Michel Guerard (la société CHEF EMG), titulaire de la marque verbale "cuisine de jardin" déposée le 12 mai 1999 et enregistrée sous le n°99793 951 pour désigner divers produits et services, notamment en classes 29, 30 et 31, a formé opposition le 17 mars 2008 à l'enregistrement de la marque verbale "la cuisine du jardin" déposée le 10 décembre 2007 par la société Scan Import pour désigner en classes 29,30 et 31 divers produits alimentaires et agricoles ; que par décision du 23 mai 2008, le directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle (l'INPI) a clôturé la procédure d'opposition sur le fondement de l'article R. 712-18-1° du code de la propriété intellectuelle en considérant que les pièces fournies par la société CHEF EMG n'établissaient pas que la déchéance des droits de l'opposant sur la marque "cuisine du jardin" n'était pas encourue ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société CHEF EMG fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevables les moyens qu'elle avait soulevés postérieurement au 23 juillet 2008, alors, selon le moyen :

1°/ que si le texte impose que le recours soit assorti de moyens ou que des moyens soient développés dans le délai d'un mois du jour du dépôt du recours, il n'exclut nullement, dès lors que cette formalité a été satisfaire, que des moyens soient ultérieurement développés ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article R. 411-21 du code de la propriété intellectuelle ;

2°/ que le droit au procès équitable et le principe général des droits de la défense impliquent que l'auteur du recours puisse invoquer des moyens, fussent-ils nouveaux, pour tenir en échec ceux opposés par l'INPI dans sa réponse ; qu'en s'abstenant de rechercher si tel n'était pas le cas en l'espèce, avant de repousser les moyens invoqués au-delà du 22 juillet 2008, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles R. 411-21 et R. 411-23 du code de la propriété intellectuelle, ensemble au regard de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu que les dispositions de l'article R. 411-21 du code de la propriété intellectuelle imposant à l'auteur d'un recours d'exposer, à peine d'irrecevabilité, tous ses moyens soit dans sa déclaration de recours, soit dans le délai d'un mois suivant cette déclaration et la société CHEF EMG ne s'étant pas prévalue devant la cour d'appel de ce que les moyens soulevés au-delà du 22 juillet 2008 étaient des moyens de défense aux observations du directeur de l'INPI, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que la société CHEF EMG fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevables les moyens par elle soulevés postérieurement au 23 juillet 2008, écarté des débats les pièces numérotées 9-1,9-2,11-1 à 11-4, 12-1 et 12-2 communiquées devant la cour d'appel, et rejeté son recours, alors, selon le moyen :

1°/ qu'aucune disposition applicable à la procédure relative aux décisions de l'I.N.P.I. n'exclut la production de pièces pour venir au soutien des moyens invoqués à l'appui du recours porté devant la cour d'appel ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles R. 411-21 à R. 411-25 du code de la propriété intellectuelle ;

2°/ qu'à défaut de règles claires et précises en ce sens, les juges du fond ne pouvaient, en tout état, opposer une irrecevabilité aux pièces nouvellement produites ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé le droit constitutionnel à un recours juridictionnel effectif et l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3°/ que la production des pièces liées au droit au procès équitable est totalement étrangère au point de savoir si le recours exercé a ou non un effet dévolutif ; qu'en décidant qu'aucune pièce nouvelle ne pouvait être produite au motif inopérant qu'aucun effet dévolutif n'était attaché au recours formé contre la décision de l'INPI, l'arrêt attaqué a été rendu en violation de l'article R. 411-21 du code de la propriété intellectuelle, ensemble les articles 561 et 562 du code de procédure civile ;

4°/ qu'en tout cas, le droit au procès équitable et le principe général du contradictoire imposent d'admettre que l'auteur du recours puisse produire de nouvelles pièces, pour répondre à la défense de l'I.N.P.I. ; qu'à cet égard, à tout le moins, l'arrêt attaqué a été rendu en violation des articles R. 411-21 à R. 411-25 du code de la propriété intellectuelle et des principes susvisés ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt relève que la procédure d'opposition a été clôturée au motif que les documents produits par la société CHEF EMG dans le délai imparti par l'INPI n'étaient pas propres à établir que la déchéance des droits de la société opposante pour défaut d'exploitation de sa marque n'était pas encourue ; que ce délai étant un délai impératif qui exclut que l'opposant puisse dans le cadre d'un recours en annulation produire de nouvelles pièces pour justifier de cet usage, la cour d'appel a statué à bon droit ;

Attendu, en second lieu, que la cour d'appel saisie d'un recours en annulation d'une décision du directeur général de l'INPI devant se placer dans les conditions qui étaient celles existant au moment où celle-ci a été prise, a pu, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la troisième branche, écarter les pièces nouvelles produites devant elle, sans méconnaître les exigences de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au regard du droit à un procès équitable et du principe de la contradiction ;

D'où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Compagnie hôtelière et fermière d'Eugénie les Bains Michel Guerard aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mai deux mille onze.