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Décisions

Cass. com., 1 mars 1994, n° 92-13.787

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Développement Bijoux d'Art (SA)

Défendeur :

Van Cleef (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Nicot

Paris, du 12 mars 1992

12 mars 1992

Sur le moyen unique pris en ses trois branches :

Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 12 mars 1992), que la société Van Cleef et X... est titulaire de la marque Van Cleef et X..., déposée le 19 mai 1980, enregistrée en renouvellement sous le numéro 1.326.119, pour désigner les savons, la parfumerie, les huiles essentielles, les cosmétiques, les appareils et instruments optiques, les métaux précieux et leurs alliages, la joaillerie, la bijouterie, les pierres précieuses, l'horlogerie, les instruments chronométriques, les vêtements, les chaussures, la chapellerie et les articles pour fumeurs ; que Mme Dominique X..., fille du président du conseil d'administration de la société Van Cleef et X..., a été engagée, par cette dernière, en qualité de modéliste, puis de directeur commercial ; que le 14 février 1987, elle a mis fin à ce contrat qui ne prévoyait pas de clause de non concurrence mais lui imposait de conserver le secret de ce qui concernait la pratique du commerce par la société et de ne pas procéder à "un quelconque détournement de clientèle" ; que le 5 mars 1976, la société Van Cleef et X... a concédé, avec obligation de non concurrence, l'exploitation exclusive de la marque à la société Sanofi ; qu'en 1978, Mme Dominique X... a pris l'engagement de ne pas utiliser le patronyme X... seul ou associé à tout autre terme comme nom commercial dans le domaine de la parfumerie et les domaines voisins et s'est également interdit d'apporter son concours personnel à une activité en rapport avec la parfumerie ; que le 22 décembre 1986, Mme Dominique X... a fait déposer au registre du commerce les statuts de la société Développement Bijoux d'Art dont elle était le président du conseil d'administration et qui avait pour enseigne "Dominique X..." ; que Mme Dominique X... a déposé, le 24 décembre 1987, la marque Dominique X..., enregistrée sous le numéro 1.395.774, pour désigner les lunettes de soleil, la joaillerie, la bijouterie, les pierres précieuses, l'horlogerie, le cuir, les imitations du cuir et les produits en ces matières, les vêtements, les chaussures, la chapellerie et les articles pour fumeurs et en août 1987, la marque internationale Dominique X... pour désigner les produits des classes 14,18 et 21 ; que le 29 mai 1988, elle a concédé l'exploitation exclusive de ces marques à la société Développement Bijoux d'Art ; qu'en novembre 1988, la société Van Cleef et X... a assigné Mme Dominique X... pour contrefaçon, concurrence déloyale et violation de clauses contractuelles ;

Attendu que Mme Dominique X... et la société Développement Bijoux d'Art font grief à l'arrêt de leur avoir interdit l'usage du nom X... et de les avoir condamnées pour contrefaçon alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en l'absence de toutes clauses de non concurrence, la cour d'appel ne pouvait qualifier de fautif en lui-même un dépôt de marque qui constituait simplement, parallèlement à la création d'une société commerciale qui n'est en elle-même nullement incriminée, l'un des préparatifs de l'activité commerciale que Mme Dominique X... avait librement choisie d'exercer après son départ de la Société VCA ; que l'arrêt viole à cet égard l'article 1382 du Code civil et les dispositions de la loi du 31 décembre 1964 ;alors, d'autre part, que les éléments du dossier auxquels la cour d'appel se réfère ainsi à l'appui de sa décision comportent, selon les propres constatations de l'arrêt, des publicités situées à l'étranger ; qu'en retenant de tels éléments pour apprécier les droits d'un homonyme face à un droit de marque régi par la loi française sur le seul territoire français, la cour d'appel viole la loi du 31 décembre 1964, ensemble l'article 1er du Code civil ; alors enfin qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1964 "le dépôt d'un nom patronymique à titre de marque n'interdit pas à un homonyme de faire usage de son nom" ; que la faculté pour quiconque d'utiliser son patronyme dans l'exercice de son activité professionnelle ou commerciale est un droit fondamental de la personne, ainsi consacré par la loi ; que la réglementation ou l'interdiction qui peuvent, par exception, porter atteinte à ce droit en application du deuxième alinéa du même texte, réglementation ou interdiction qui ont un caractère permanent lorsquelles procèdent sans autre précision d'une décision de justice, ne peuvent avoir pour fondement sous peine de méconnaître le droit précité, que des éléments permanents procédant de la nature intrinsèque des situations en présence ; qu'en prononçant en l'espèce contre Mme Dominique X... l'interdiction générale d'utiliser sous quelque forme que ce soit son patronyme dans l'exercice de son commerce sur le fondement du risque de confusion ou d'un comportement qualifié de frauduleux se rapportant uniquement, l'un et l'autre, à certains agissements poctuels dont la permanence n'est aucunement constatée, l'arrêt viole l'article 2 précité de la loi du 31 décembre 1964 dans l'un et l'autre de ses alinéas ;

Mais attendu que l'arrêt, après avoir relevé, que des articles, parus dans plusieurs journaux français de grande diffusion, avaient opéré une confusion entre l'activité de Mme Dominique X... et celle de la société Van Cleef et X..., retient la quasi identité de ces textes et leur proximité dans le temps après le dépôt de sa marque par Mme X... ainsi que des publicités faites à l'étranger dans des termes très proches ; que, de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a déduit que Mme Dominique X... était à l'origine de cette campagne de presse rattachant son activité commerciale à celle de la société Van Cleef et X... et que le dépôt de sa marque par Mme Dominique X..., pour des produits concurrents de ceux de la société, tandis qu'elle y exerçait encore des fonctions, avait été ainsi fait en fraude des droits de cette dernière ; qu'ainsi, c'est sans méconnaître les dispositions de la loi du 31 décembre 1964 qu'en faisant référence à des publicités faites à l'étranger pour démontrer le comportement fautif de Mme Dominique X..., la cour d'appel a décidé qu'en raison de la fraude, l'adjonction du prénom Dominique au nom patronymique X... n'excluait pas la nullité du dépôt de la marque effectué par Mme Dominique X... ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X... et la société Développement Bijoux d'Art, envers la société Van Cleef et X..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le conseiller doyen faisant fonctions de président en son audience publique du premier mars mil neuf cent quatre-vingt-quatorze.