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Décisions

CA Rennes, 5e ch., 6 septembre 2017, n° 15/01395

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Auto Pornic (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lachal

Conseillers :

Mme Miramon, Mme Sochacki

Avocats :

Me Denis, Me Gourvennec, Me Renaudin

TGI Saint Nazaire, du 10 févr. 2015

10 février 2015

-débouté la société Auto Pornic de l'ensemble de ses demandes ; condamné la SARL Auto Pornic à payer à M et Mme A.T. une somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné la société Auto Pornic aux dépens ;

Vu les dernières conclusions, en date du 14 septembre 2016, de la SARL Auto Pornic, appelante, tendant à :

-voir fixer le prix du loyer révisé du bail en date du 24 avril 2008 conclu entre M. et Mme T. et la société Centre Auto Courtiau, aux droits de laquelle se trouve la société Auto

-Pornic, à compter du 30 juin 2013 à la somme de 22.320,00 € HT annuelle en précisant qu'il conviendra de déduire de cette somme le montant de la taxe foncière à la charge du preneur ; s'entendre condamner solidairement M. et Mme T. à verser à la société Auto Pornic la somme de 7.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de première instance et d'appel ;

débouter les époux T. de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

subsidiairement :

-donner acte à la société Auto Pornic de ce qu'elle ne s'opposera pas à la nomination d'un expert à l'effet de vérifier la valeur locative telle qu'elle a été valorisée par la société Amotex aux termes de son rapport en date du 14 mai 2013 ;

en conséquence :

-désigner tel expert qu'il plaira à la cour avec pour mission de déterminer la valeur locative du local propriété de M. et Mme T. au 20 juin 2013 ;

Vu les dernières conclusions, en date du 20 avril 2017, de M. André T. et Mme M. Logeais épouse T., intimés, tendant à :

-confirmer le jugement de première instance ; débouter la SARL Auto Pornic de sa demande ; la condamner au paiement d'une somme de 3.500 € en cause d'appel sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 27 avril 2017 ;

Sur quoi, la cour

Suivant acte notarié en date du 24 avril 2008, M. André T. et Mme M. Logeais épouse T. ont donné à bail à la société Centre Auto Courtiau pour une durée de 9 années entières et consécutives des locaux commerciaux situés dans la zone industrielle 'les terres Jarries', 24 Jean M. à Pornic (Loire Atlantique) aux fins d'exploitation d'un commerce de détail d'équipement automobile et centre auto, réparations automobiles, prêts et locations de véhicules.

Par jugement en date du 29 février 2012, le tribunal de commerce de

Saint Nazaire a prononcé la liquidation judiciaire de la société Centre Auto Courtiau. Dans le cadre de cette liquidation, le fonds de commerce a été cédé à la SARL Auto Pornic. La vente a été régularisée par acte notarié en date du 14 mars 2013, moyennant un prix de 20.000 €.

Le montant initial du loyer a été fixé à la somme mensuelle de 2.300 € hors taxes soit 27.600 € hors taxes par an. Le 2 juin 2013 le loyer s'élevait à la somme de 2.670,24 € hors taxes soit un loyer annuel de 32.042,88 € hors taxes.

Par lettre recommandée en date du 20 juin 2013, la SARL Auto Pornic a notifié une demande de révision du prix du loyer, une période de 3 ans s'étant écoulée depuis la prise d'effet du bail , en estimant que le loyer était trop élevé au regard de l'évolution négative de la zone commerciale dont la valeur locative avait subi une variation de plus de 10 % en raison des modifications matérielles des facteurs locaux de commercialité. A l'appui de sa demande, elle a produit un rapport d'expertise qu'elle avait fait réaliser par M. T. et qui concluait à la fixation d'un loyer mensuel de 1860 € hors taxes. Elle a sollicité en conséquence du bailleur que le prix du loyer soit révisé à la somme annuelle de 22.320 € à compter de la date d'expédition de sa lettre recommandée avec accusé de réception.

Par acte d'huissier en date du 14 février 2014, la SARL Auto Pornic a saisi le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Saint Nazaire, au visa de l'article L 145-38 du code de commerce, aux fins, notamment, de :

-voir fixer le prix du loyer révisé à compter du 26 juin 2013, date de la réception de la demande de révision, à la somme de 22.320 € hors taxes annuelle ;

-dire et juger que M et Mme T. devront rembourser à la SARL Auto Pornic la différence entre le montant du loyer versé depuis le 26 juin 2013 jusqu'au jour du jugement à intervenir et le montant du loyer révisé fixé au terme de la décision à intervenir, avec intérêts au taux légal sur chaque échéance versée jusqu'à parfait paiement ;

-ordonner la compensation entre la dette des époux T. et la dette de loyer de la SARL Auto Pornic à compter du jugement à intervenir jusqu'à extinction de la plus faible des deux dettes et ce en application des dispositions des articles 1289 et 1290 du code civil.

Par le jugement déféré, le tribunal a débouté la SARL Auto Pornic de l'ensemble de ses demandes, en indiquant que le bailleur devait non pas rapporter avant tout la preuve de la valeur locative mais la preuve de la modification des facteurs locaux de commercialité (avant d'envisager leur éventuelle répercussion sur la valeur locative à hauteur d'au moins 10 % ) et en retenant que la SARL Auto Pornic ne rapportait pas cette preuve ni même le début d'un commencement de preuve permettant d'envisager une expertise judiciaire puisqu'au contraire l'expertise amiable produite s'inscrivait plutôt dans un constat d'évolution favorable des facteurs locaux de commercialité.

La SARL Auto Pornic reproche au premier juge d'avoir rejeté sa demande de révision de loyer alors qu'au regard de l'appréciation faite de la situation géographique et économique des lieux loués, il est établi qu'il y a eu modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné par elle même une variation de plus de 10 % de la valeur locative. Elle souligne qu'il y a eu un déplacement non négligeable de la clientèle et des chalands suite à l'implantation du Centre Leclerc dans la zone de l'Europe ainsi que l'implantation de concurrents directs dans cette nouvelle zone. Elle ajoute que les commerçants implantés dans la même zone qu'elle ('terres Jarries 1") font état d'un recul considérable de fréquentation, les deux zones étant bien différentes, la zone 'Europe' se développant et la zone 'terres Jarries 1" dépérissant. Elle fait valoir que cette modification des facteurs locaux de commercialité a conduit à une baisse de 10 % de la valeur locative des locaux loués comme le démontre le rapport d'expertise du cabinet Amotex.

M. André T. et Mme M. Logeais épouse T. répondent que le gérant de la SARL Auto Pornic est un commerçant avisé et expérimenté pour être ou avoir été gérant de sociétés ayant une activité proche en région parisienne. Ils ajoutent que le fonds de commerce a été acquis pour une somme raisonnable (20'000 €) et que la SARL Auto Pornic n'a pas poursuivi la franchise exploitée auparavant dans les lieux ce qui a eu une incidence sur l'activité du fonds repris. Ils signalent que des problèmes de paiement de loyers ont été immédiats. Ils mentionnent que le rapport d'expertise produit par leur adversaire prouve un essor démographique de l'agglomération de Pornic (+ 43 % en 10 ans). Il explique que la zone Europe n'est qu'une extension de la première zone commerciale et que la grande surface commerciale installée dans cette zone existait déjà avant la fixation du loyer en 2008. Ils indiquent que les attestations de voisins produites par la SARL Auto Pornic, rédigées d'une manière similaire, ne sont pas significatives s'agissant d'activités différentes, d'établissement secondaire ou d'un commerce directement concurrent d'un autre locataire de M. et Mme T. installé dans un local voisin des lieux en litige. Ils rappellent que dans la zone proche les grandes enseignes installées sont toujours en place. Ils relèvent que le rapport d'expertise produit intègre des photographies de commerces situés à Trignac près de Saint Nazaire et que les baux visés ne sont toujours pas produits aux débats. Ils en déduisent que les facteurs locaux de commercialité n'ont pas varié et que le jugement déféré doit être confirmé. Au surplus ils ajoutent que le magasin voisin a été loué par leurs soins suivant bail du 26 mai 2014 à un prix supérieur de près de 20 %.

Aux termes de l'alinéa 3 de l'article L. 145 ' 38 du code de commerce, par dérogation aux dispositions de l'article L. 145 ' 33, et à moins que ne soit rapportée la preuve d'une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné par elle même une variation de plus de 10 % de la valeur locative, la majoration ou la diminution de loyer consécutive à une révision triennale ne peut excéder la variation de l'indice trimestriel du coût de la construction ou, s'ils sont applicables, de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires mentionnés au premier et deuxième alinéas de l'article L. 122 ' 2 du code monétaire et financier, intervenue depuis la dernière fixation amiable ou judiciaire du loyer.

Il se déduit de ce texte, qui déroge au principe de l'intangibilité des contrats, que l'exception au plafonnement en matière de révision triennale des loyers commerciaux exige deux conditions cumulatives, d'abord, la modification matérielle des facteurs locaux de commercialité qui doit porter sur des éléments concrets et existants intervenus entre la date de l'application du loyer à réviser et celle de la demande en révision et, ensuite, une variation de plus de 10 % de la valeur locative des biens loués due à cette seule modification.

En vertu de l'article R. 145 ' 6 du code de commerce, les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l'intérêt que présente, pour le commerce considéré, l'importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l'attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d'une manière durable ou provisoire.

En l'espèce, la SARL Auto Pornic ne démontre aucunement que les facteurs locaux de commercialité ont subi une modification matérielle au cours de la période à prendre en compte. Premièrement, le centre commercial Leclerc a été ouvert le 17 mars 2005, soit trois ans avant la signature du bail commercial. Deuxièmement, la zone commerciale dite de l'Europe n'est que l'agrandissement de la zone commerciale dans laquelle se situent les locaux exploités par la SARL Auto Pornic, agrandissement nécessité par le développement de l'agglomération de Pornic en particulier en termes de population. Troisièmement, la SARL Auto Pornic a sollicité de commerçants voisins des attestations rédigées en des termes similaires relatant 'un recul considérable de fréquentation' ce recul de chacun des attestants étant non seulement étayé par aucune pièce de l'appelant mais encore démenti par les pièces accessibles à tous des exercices comptables de ces entreprises versées aux débats par M. André T. et Mme M. Logeais épouse T..

Dans ces conditions, le premier juge a exactement retenu que la SARL Auto Pornic n'apportait pas la preuve d'une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité et a justement rejeté les demandes de révision du loyer et d'expertise. Le jugement déféré sera confirmé.

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens.

Il serait inéquitable de laisser à M. André T. et Mme M. Logeais épouse T. la charge des frais exposés par eux non compris dans les dépens. Il y a lieu de condamner la SARL Auto Pornic à leur verser une somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré ;

Condamne la SARL Auto Pornic aux dépens et à payer à M. André T. et Mme M.

Logeais épouse T. une somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.