CA Versailles, 12e ch., 6 janvier 2022, n° 19/00579
VERSAILLES
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Sanofi Pasteur (SA)
Défendeur :
Compagnie Aig Europe (SA), Ingram Micro-Pan Europe Gmbh (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Thomas
Conseillers :
Mme Muller, M. Nut
EXPOSE DU LITIGE
Le 3 janvier 2012 à 22h25, un incendie s'est déclaré dans les locaux de la société Sanofi Pasteur.
Le 5 janvier 2012, l'imprimante potentiellement cause du sinistre a été placée sous scellés par un huissier, et un expert judiciaire a été désigné par ordonnance de référé du 18 janvier 2012.
Le rapport d'expertise rendu le 28 février 2012 a précisé qu' 'il ne fait aucun doute que l'incendie a pris naissance au niveau de l'imprimante. Toutefois, la cause exacte de cet incendie nécessite une étude plus approfondie de l'appareil et de son environnement'.
Par actes des 22, 23 et 29 juillet 2014, la société Sanofi Pasteur a assigné les sociétés Computacenter France, SAS Xerox, Xerox UK Limited LTD, Flextronic International GMBH et Flextronics Network Services GMBH, devant le tribunal de commerce de Pontoise.
Par acte du 2 décembre 2014, la société Computacenter France a assigné en intervention forcée la société Ingram Micro Pan Europe GMBH, et la jonction a été ordonnée le 26 mars 2015.
Par voie de conclusions remise à l'audience du 17 juin 2015, la société Xerox Limited est intervenue volontairement à l'instance.
Par acte introductif d'instance du 30 octobre 2015, les sociétés Xerox et Xerox UK Limited LTD ont assigné en intervention forcée la société AIG Europe Limited, et la jonction a été ordonnée le 11 février 2016.
Par acte du 13 juin 2017, la société AIG Europe Limited a assigné la société Flextronics Technology Penang SDN BHD en intervention forcée et en garantie, et la jonction a été ordonnée le 21 septembre 2017.
Par actes délivrés le 27 décembre 2017, la société AIG Europe Limited a fait assigner les sociétés Flextronics Senai et Flextronics Perai en intervention forcée et garantie devant le tribunal de commerce de Pontoise.
Par jugement du 12 décembre 2018, le tribunal de commerce de Pontoise a :
- ordonné la jonction des affaires,
- déclaré la société Sanofi Pasteur recevable, mais mal fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions, l'en a débouté,
- déclaré les sociétés Computacenter France, Ingram Micro Pan Europe GMBH, Xerox, Xerox UK limited LTD, Xerox Limited, Flextronics Technology Penang SDN BHD, Flextronics Senai, Flextronics Perai, Flextronics International Gesellschaft MBH, Flextronics Network Services GMBH recevables et partiellement fondées en leurs demandes,
- déclaré la société Aig Europe Limited irrecevable en son appel en garantie de Flextronics Technology Penang SDN BHD, l'en a débouté,
- mis hors de cause les sociétés Computacenter France, Ingram Micro Pan Europe GMBH, Xerox, Xerox UK limited LTD, Xerox Limited, Flextronics Technology Penang SDN BHD, Flextronics Senai, Flextronics Perai, Flextronics International Gesellschaft MBH, Flextronics Network Services GMBH,
- condamné la société Sanofi Pasteur à payer à la société Flextronics International Gesellschaft MBH et Flextronics Network Services GMBH la somme de 2 500 € chacun à titre de dommages et intérêts,
- débouté la société Computacenter France et la société Flextronics Technology Penang SDN BHD de leur demande à titre de dommages et intérêts,
- condamné la société Sanofi Pasteur à payer à la société Xerox et la société Xerox Limited la somme de 10 000 €, à la société Flextronics International Gesellschaft MBH et Flextronics Networks Services GMBH la somme de 2 500 € chacune, à la société Computacenter France la somme de 15 000 €, par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Computacenter France à payer à la société Ingram Micro Pan Europe GMBH la somme de 4 000 €, par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Aig Europe Limited à payer aux sociétés Flextronics Senai et Flextronics Perai la somme de 1 500 € chacun, et à la société Flextronics Technology Penang SDN BHD la somme de 2 500 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Sanofi Pasteur aux dépens de l'instance, liquidés à la somme de 1 028,04 €, ainsi qu'aux frais d'acte et de procédure d'exécution, s'il y a lieu.
Par déclaration du 24 janvier 2019, la société Sanofi Pasteur a interjeté appel du jugement en ce qu'il l'a déboutée toutes ses demandes, a mis hors de cause les sociétés Computacenter France, Ingram Micro Pan Europe GMBH, les sociétés Xerox et les sociétés Flextronics, l'a condamnée au paiement de dommages-intérêts aux sociétés Flextronics International Gesellschaft MBH et Flextronics Network Services GMBH et au titre de l'article 700 du code de procédure civile au profit des sociétés Xerox et Xerox Limited, Flextronics International Gesellschaft MBH et Flextronics Networks Services GMBH, Computacenter France.
Par ordonnance d'incident du 11 février 2021, le conseiller de la mise en état a notamment déclaré irrecevables, comme tardives, les conclusions notifiées le 28 avril 2020 par la société Ingram Micro Pan Europe.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 29 avril 2020, la société Sanofi Pasteur demande à la cour de :
- Réformer le jugement rendu le 12 décembre 2018 par le tribunal de commerce de Pontoise en ce qu'il a :
/ Déclaré la société Sanofi Pasteur mal fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions et l'en ayant déboutée,
/ Mis hors de cause les sociétés Computacenter France, Ingram Micro Pan Europe Gmbh, Xerox, Xerox Uk Limited Ltd, Xerox Limited, Flextronics Technology Penang Sdn Bhd, Flextronics International Gesellschaft MBH, Flextronics Network Services Gmbh,
/ Condamné la société Sanofi Pasteur à payer aux sociétés Flextronics International Gesellschaft Mbh et Flextronics Network Services GmbH la somme de 2.500 € chacune à titre de dommages et intérêts,
/ Condamné la société Sanofi Pasteur à payer par application de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 10.000 € aux sociétés Xerox et Xerox Limited, la somme de 2.500 € chacun à la société Flextronics International Gesellschaft MBH et Flextronics Network Services GMBH ainsi que la somme de 15.000 € à la société Computacenter,
/ Condamné la société Sanofi Pasteur aux dépens,
/ Ordonné l'exécution provisoire,
Et, statuant à nouveau,
- Dire et juger que l'imprimante couleur de marque Xerox, modèle « Phaser 8560 » (portant le numéro de série FBI 351887 et le numéro de châssis 426273500 ' 017216684) qui a pris feu le 3 janvier 2012 dans le local 250 du bâtiment A100 de la société Sanofi Pasteur à Neuville Sur Saone est défectueuse et que son défaut est la cause du dommage de la société Sanofi Pasteur,
A défaut et avant dire-droit,
- Désigner tel Expert qu'il plaira afin de déterminer les causes du sinistre,
A titre principal,
- Condamner la société Xerox Limited solidairement avec son assureur la société AIG Europ SA et in solidum avec la société Flextronics Technology Penang SDN BHD à payer à la société Sanofi Pasteur :
- la somme de 234 535,45 € en réparation de son préjudice matériel,
- la somme de 138 479,50 € pour le surcoût de personnel affecté au sinistre,
- la somme de 100 000 € pour le préjudice lié au retard à la certification,
- la somme de 1 164,03 € relatif aux frais des constats d'huissier,
A titre subsidiaire,
- Condamner la société Computacenter France à payer à la société Sanofi Pasteur :
/ la somme de 234 535,45 € en réparation de son préjudice matériel,
/ la somme de 138 479,50 € pour le surcoût de personnel affecté au sinistre,
/ la somme de 100 000 € pour le préjudice lié au retard à la certification,
/ la somme de 1 164,03 € relatif aux frais des constats d'huissier,
- Rejeter toutes fins, moyens et prétentions contraires,
- Débouter les sociétés Xerox, Xerox Uk Limited Ltd, AIG Europe SA, Xerox Limited, Computacenter France, Flextronics International Gesellschaft MBH, Flextronics Network Services GmbH, désormais Dénommée Streifenbild Ntn GmbH, Flextronics Technology Penang (SHAH ALAM) de l'intégralité de leurs demandes,
- Condamner la société Flextronics Technology Penang SDN BHD ou qui mieux le devra à payer à la société Sanofi Pasteur la somme de 15 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner la société Flextronics Technology Penang SDN BHD ou qui mieux le devra aux entiers dépens de première instance et d'appel, comprenant les frais d'expertise judiciaire, distraits au profit de Mme Mélina P. conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées le 28 avril 2020, les sociétés Xerox, Xerox UK Limited LTD, Xerox Limited, Aig Europe (venant au droit de la société Aig Europe Limited) demandent à la cour de :
- Infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Pontoise en date du 12 décembre 2018 en ce qu'il a déclaré la Compagnie AIG Europe irrecevable dans son appel en cause et en garantie à l'encontre de la société Flextronics Technology Penang SDN BHD ;
- Constater que la société Xerox Uk Limited n'a rien à voir avec le présent litige, et que c'est à la société Xerox Limited que Flextronics a revendu l'imprimante Phaser 8560 ;
- Constater que la société Sanofi Pasteur ne rapporte pas la preuve de la défectuosité de l'imprimante ;
- Constater que la société Sanofi Pasteur ne rapporte pas la preuve du lien de causalité entre un éventuel défaut de l'imprimante et l'incendie subi par elle ;
En conséquence,
- Prononcer la mise hors de cause de société Xerox UK Limited ;
- Prendre acte de l'intervention volontaire de la société Xerox Limited ;
- Débouter la société Sanofi Pasteur de l'intégralité de ses demandes ;
- Dire et juger que dans l'hypothèse où la cour de céans venait à considérer les sociétés Xerox comme responsables, celles-ci seront intégralement relevées et garanties à titre principal, frais et accessoires, par la société Flextronics Technology Penang SDN BHD, fabricant du matériel litigieux ;
- Condamner la société Sanofi Pasteur à verser aux sociétés Xerox, Xerox Limited, Xerox UK Limited et AIG la somme de 20.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile;
- Condamner la société Sanofi Pasteur aux entiers dépens dont distraction au profit de M. Franck L., avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées le 27 avril 2020, les sociétés Flextronics Technology Penang, Flextronics International Gesellschaft MBH, et Flextronics Netxork Services GmbH demandent à la cour de :
- Confirmer le jugement rendu le 12 décembre 2018 par le tribunal de commerce de Pontoise en ce qu'il a :
/ Déclaré la société AIG Europe Limited irrecevable en son appel en garantie à l'encontre de Flextronics Technology Penang comme étant prescrit pour avoir été initié au-delà du délai d'un an suivant la mise en cause de son assuré Xerox ;
/ Déclaré la société Sanofi Pasteur irrecevable à agir directement contre la société Flextronics Technology Penang ;
/ Mis hors de cause les sociétés Flextronics International GmbH et Flextronics Network Services GmbH ;
/ Condamné la société Sanofi Pasteur à payer à la société Flextronics International GmbH et Flextronics Network Services GmbH la somme de 2.500 € chacune à titre de dommages et intérêts et 2.500 € chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
/ Condamné la société AIG Europe LIMITED à payer à la société Flextronics Technology Penang la somme de 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Et subsidiairement, dans l'hypothèse où la Cour infirmerait tout ou partie du jugement,
- Déclarer irrecevable toute demande de la société Sanofi Pasteur contre la Société Flextronics Technology Penang comme étant prescrite depuis le 13 juin 2018 ;
- Mettre hors de cause les sociétés Flextronics International GmbH et Flextronics Network Services GmbH ;
- Constater que la société Sanofi Pasteur ne rapporte pas la preuve de la défectuosité de l'imprimante ;
- Constater que la société Sanofi Pasteur ne démontre pas le lien de causalité entre l'éventuel défaut de l'imprimante et l'incendie ;
- Constater que la demande subsidiaire de Sanofi Pasteur aux fins de désignation d'expert est inutile et ne permettra pas de déterminer la cause exacte de l'incendie survenu il y a plus de sept ans et la déclarer irrecevable en tout cas mal fondée;
En conséquence,
- Débouter la société Sanofi Pasteur de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions et partant débouter la société AIG Europe Limited de son appel en garantie contre la société Flextronics Technology Penang ;
En tout état de cause,
- Condamner la société Sanofi Pasteur ou tout autre succombant à verser à chacune des sociétés Flextronics International GmbH et Flextronics Network Services GmbH ainsi qu'à Flextronics Technology Penang la somme de 5 000 € à titre de procédure abusive outre la somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile Ainsi qu'aux entiers dépens qui seront directement recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées le18 juillet 2019, la société Computacenter France demande à la cour de :
- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
/ jugé que la société Computacenter France a désigné son fournisseur Ingram Micro Pan Europe GmbH et Xerox comme producteur pour avoir apposé son nom sur l'imprimante, dès la procédure de référé expertise en février 2012 ;
/ jugé que la société Computacenter France a respecté le délai de trois mois posé par l'article 1386-7 du code civil, en conséquence, mis la société Computacenter France hors de cause,
/ condamné la société Sanofi Pasteur à payer à la société Computacenter France la somme de 15 000€ par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
/ jugé que la preuve du défaut de l'imprimante n'est pas rapportée ;
/ en conséquence, débouté la société Sanofi Pasteur de toutes ses demandes, fins et conclusions, en ce compris sa demande subsidiaire de désignation d'un expert judiciaire chargé de déterminer les causes du sinistre ;
Subsidiairement, dans l'hypothèse où la cour infirmerait en tout ou partie les dispositions du jugement ayant exclu la responsabilité de la société Computacenter France,
- juger que le quantum des préjudices allégués par la société Sanofi Pasteur n'est pas démontré;
- par suite, débouter la société Sanofi Pasteur de ses demandes ;
- juger que les conditions générales de Vente de Computacenter France sont applicables à la vente à Sanofi Pasteur de l'imprimante litigieuse ;
- Juger que la responsabilité de Computacenter à l'égard de la société Sanofi Pasteur est limitée au prix de l'imprimante en application de ses conditions générales de vente, soit à la somme de 720,70 € HT;
subsidiairement, au cas où la cour retiendrait, en tout ou partie, la responsabilité de la société Computacenter France au titre des dommages allégués par Sanofi Pasteur, juger que la responsabilité de la société Computacenter à l'égard de la société Sanofi Pasteur est limitée à la somme maximale de 50 000 € ;
- Condamner la société Ingram Micro Pan Europe GmbH et/ou Xerox, Xerox UK Limited LTD, AIG Europe Limited, Flextronics Technology Penang SDN BHD à garantir Computacenter France de toute condamnation pouvant être mise à sa charge à l'encontre de Sanofi Pasteur ;
- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Computacenter France à payer à Ingram Pan Europe GmbH la somme de 4 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- La débouter de sa demande à ce titre ;
En toute hypothèse :
- Condamner la société Sanofi Pasteur ou toute partie succombante à payer à la société Computacenter France une indemnité de 20.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 juin 2021
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION
Le jugement a retenu que l'imprimante fabriquée par FLEXTRONICS TECHNOLOGY PENANG SDN BHD producteur avait été vendue successivement à XEROX CORPORATION, XEROX LIMITED, INGRAM MICRO PAN EUROPE GMBH, COMPUTACENTER FRANCE puis SANOFI PASTEUR, et que les parties étaient d'accord sur cette chaîne de commercialisation. Il n'est pas contesté sur ce point.
Sur les prescriptions et irrecevabilités invoquées par les sociétés Flextronics
Irrecevabilité des demandes à l'encontre de Flextronics Technology Penang SDN BHD
Le jugement a retenu qu'AIG Europe Ltd, assureur des sociétés Xerox et Xerox ltd qu'elles ont appelé en la cause le 30 octobre 2015, a appelé en garantie le 13 juillet 2017 (note de la cour: en fait, juin 2017) Flextronics Technology Penang SDN BHD, et qu'une prescription d'un an s'applique au recours du fournisseur contre le producteur et s'impose à AIG Europe ltd, de sorte que son appel en garantie à l'encontre de Flextronics Technology Penang SDN BHD est irrecevable.
Les sociétés Xerox et AIG soutiennent que l'action contre le fabricant du matériel litigieux est soumise à l'article 1245 du code civil et à l'ancien article 1386-7, de sorte que l'action n'est pas prescrite.
Sanofi Pasteur soutient qu'elle est recevable à solliciter la condamnation d'un tiers appelé en garantie par voie d'assignation ou de conclusions prises en cours d'instance, et que la mise hors de cause du défendeur principal est sans effet sur les demandes formées par le demandeur principal contre cet appelé en garantie. Elle déclare n'avoir appris son identité que lors de l'appel en garantie du 13 juin 2017, et qu'elle a reconnu sa qualité de producteur par note en délibéré du 15 octobre 2018. Elle soutient que ses demandes contre Flextronics Technology Penang SDN BHD sont recevables même si celles d'AIG Europe ne le sont pas.
Les sociétés Flextronics soutiennent que Xerox a été assignée le 22 juillet 2014 et qu'elle connaissait l'identité du producteur, de sorte qu'elle avait un an pour l'attraire et a attendu le 13 juin 2017 pour le faire. Elles ajoutent qu'AIG Europe, assureur de Xerox, ne peut avoir plus de droits que son assurée et que l'assignation qui lui a été délivrée le 13 juin 2017 est donc tardive.
Elles relèvent que Sanofi Pasteur ayant appris que Flextronics Technology Penang était producteur de l'imprimante dès 2012 et au pire lors des conclusions signifiées par Xerox le 13 juin 2015, devait l'assigner au plus tard le 13 juin 2018. Elles soulignent que la recevabilité de la demande du demandeur principal contre l'appelé en garantie est subordonnée à la recevabilité de la demande de garantie, de sorte que Xerox étant prescrit, Sanofi Pasteur l'est aussi.
***
1- demandes des sociétés Xerox et AIG Europe
L'article 1386-17 du code civil tel qu'applicable jusqu'au 1er octobre 2016 prévoit que 'l'action en réparation fondée sur les dispositions du présent titre se prescrit dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur'.
L'article 1386-7 applicable dans les mêmes conditions indique que 'si le producteur ne peut être identifié, le vendeur, le loueur, à l'exception du crédit-bailleur ou du loueur assimilable au crédit-bailleur, ou tout autre fournisseur professionnel, est responsable du défaut de sécurité du produit, dans les mêmes conditions que le producteur, à moins qu'il ne désigne son propre fournisseur ou le producteur, dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle la demande de la victime lui a été notifiée.
Le recours du fournisseur contre le producteur obéit aux mêmes règles que la demande émanant de la victime directe du défaut. Toutefois, il doit agir dans l'année suivant la date de sa citation en justice'.
En l'espèce, les sociétés Xerox ont été assignées par acte du 22 juillet 2014.
Elles ont délivré le 30 octobre 2006 un mémorandum indiquant que le producteur initial de l'imprimante était Flextronic Corporation, Penang, Malaisie ('the original manufacturer of the print engine is Flextronics Corporation, Penang, Malaysia'), ce qui établit qu'elle connaissait déjà l'identité du producteur de l'imprimante en cause (modèle 8560).
Elles disposaient dès lors d'une année à compter de leur assignation, selon l'article 1386-7, 2ème alinéa, pour agir à l'encontre de ce fournisseur.
L'action de leur assureur AIG Europe, qui a assigné Flextronics Technology Penang le 13 juin 2017, peut se voir opposer toutes les exceptions et défenses pouvant être invoquées à l'encontre de son assuré, dont la prescription prévue à l'article 1386-7 2ème alinéa.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré l'appel en garantie d'AIG Europe à l'encontre de Flextronics Technology Penang irrecevable.
2- demande de Sanofi Pasteur
S'agissant de la demande de Sanofi Pasteur, il sera rappelé que l'article 1386-17 précité selon lequel 'l'action en réparation fondée sur les dispositions du présent titre se prescrit dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur'.
En l'espèce, les sociétés Flextronics soutiennent que le mémorandum du 30 octobre 2006 indiquant que le producteur initial de l'imprimante était Flextronic Corporation, Penang, Malaisie, a été communiqué par les sociétés Xerox à Sanofi Pasteur, à l'appui de leurs conclusions du 13 juin 2015, de sorte que Sanofi Pasteur a alors appris de manière sure -s'il ne l'avait pas su avant - l'identité du producteur initial de l'imprimante.
Sanofi Pasteur reconnaît qu'avec les conclusions des sociétés Xerox signifiées le 13 juin 2015,
lui a été communiqué le mémorandum en anglais de 2006, mais soutient que cela ne lui a pas permis de connaître l'identité exacte du fabricant.
En effet, les termes de ce mémorandum désignent comme producteur 'Flextronics Corporation, Penang' ; or la transmission à Sanofi Pasteur de ces seuls éléments ne lui permettaient pas d'appréhender avec précision l'identité exacte de la société productrice, la société Flextronics Technology Penang.
Ce n'est donc qu'à la suite de l'assignation délivrée le 13 juin 2017 par AIG Europe à Flextronics Technology Penang, et du jugement joignant les deux affaires le 21 septembre 2017, qu'il est établi que Sanofi Pasteur a eu connaissance de l'identité exacte de la société Flextronics Technology Penang.
Ainsi, les demandes présentées par Sanofi Pasteur à l'encontre de Flextronics Technology Penang par conclusions du 2 octobre 2018 n'apparaissent pas tardives, au vu du délai de trois années précédemment indiqué.
Par ailleurs, Sanofi Pasteur a présenté dans ses conclusions des demandes à l'encontre de Flextronics Technology Penang non en garantie des sociétés Xerox et AIG Europe, mais a demandé qu'elles soient condamnées in solidum au paiement de ses demandes indemnitaires, alors qu'elle n'était pas prescrite pour les présenter.
Aussi, les demandes présentées par Sanofi Pasteur à l'encontre de Flextronics Technology Penang étaient recevables quand bien même celles présentées par les sociétés Xerox et AIG Europe ne l'étaient pas. Le jugement sera réformé sur ce point.
Mise hors de cause des sociétés Flextronics Networks Services Gmbh et Flextronics International Gmbh
Le jugement, ayant retenu que ces deux sociétés notamment avaient sollicité leur mise hors de cause, n'étant pas concernées par cette affaire, a considéré que ces demandes étaient recevables et bien fondées, et y a fait droit.
Ces sociétés demandent leur mise hors de cause, en indiquant être totalement étrangères à l'imprimante litigieuse et ne présenter aucun lien avec le dommage, puisque le producteur de l'imprimante est Flextronics Corporation Penang, laquelle a été mise en cause.
Sanofi Pasteur n'apporte aucun développement sur ce point dans ses conclusions, dont le dispositif ne présente aucune demande les concernant, si ce n'est qu'elles soient déboutées de leurs demandes. Il en est de même des autres concluants, les sociétés Xerox et AIG Europe d'une part, la société Computacenter France d'autre part.
Aussi, le jugement sera confirmé en ce qu'il a mis hors de cause les sociétés Flextronics Networks Services Gmbh et Flextronics International Gmbh.
Sur la mise hors de cause de la société Computacenter
Le jugement a mis hors de cause cette société, en retenant qu'elle avait désigné son fournisseur comme producteur pour avoir apposé son nom sur l'imprimante dès la procédure de référé expertise en février 2012, respectant ainsi le délai de trois mois de l'article 1386-7.
Computacenter indique que sa responsabilité comme fournisseur ne peut être recherchée que par exception, qu'en l'espèce Xerox ne conteste pas être le producteur. Elle relève avoir indiqué dès l'expertise le nom du fournisseur (Ingram) comme du producteur (Xerox) de sorte qu'elle a respecté l'article 1386-7.
Sanofi Pasteur soutient que le vendeur doit sa garantie à la victime lorsque l'identité du producteur n'est pas établie avec certitude, et n'avoir jamais prétendu que Computacenter France était le producteur de l'imprimante, mais qu'elle maintenait son action à son encontre en cas de difficultés dans la détermination du producteur. Elle avance que lors de l'introduction de l'instance, Xerox n'avait pas reconnu être producteur, de sorte qu'elle était fondée à agir contre Computacenter France. Elle s'oppose aux limitations de responsabilité prévues par l'article 1386-15 du code civil qui seraient visées par Computacenter France.
***
L'article 1386-7 du code civil prévoit que
'Si le producteur ne peut être identifié, le vendeur, le loueur, à l'exception du crédit-bailleur ou du loueur assimilable au crédit-bailleur, ou tout autre fournisseur professionnel, est responsable du défaut de sécurité du produit, dans les mêmes conditions que le producteur, à moins qu'il ne désigne son propre fournisseur ou le producteur, dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle la demande de la victime lui a été notifiée'.
En l'espèce, Sanofi Pasteur ne conteste pas que Computacenter France n'est pas le producteur de l'imprimante en cause, s'agissant du fournisseur du produit.
Au cas de défaut du produit et donc de responsabilité sans faute, le fournisseur n'est susceptible d'être poursuivi que si le producteur n'est pas identifié, et il peut encore échapper aux poursuites s'il désigne soit son propre fournisseur soit le producteur.
L'article 1386-6 indique notamment que
'Est assimilée à un producteur pour l'application du présent titre toute personne agissant à titre professionnel :
1° Qui se présente comme producteur en apposant sur le produit son nom, sa marque ou un autre signe distinctif ; ...'
L'imprimante porte la marque Xerox, la société Xerox est intervenue volontairement aux opérations d'expertise judiciaire et n'a pas contesté sa qualité de producteur. Il est établi que le 9 février 2012 Sanofi Pasteur a écrit à la société Xerox, qui lui a répondu le 21 suivant, courrier de réponse dans lequel elle ne conteste pas être le producteur de l'imprimante.
Dans son dire à l'expert judiciaire du 23 février 2012, Computacenter France a indiqué n'être que revendeur de l'imprimante, indiquant que celle-ci était de fabrication Xerox. Elle l'a rappelé à Sanofi Pasteur dans son courrier du 10 novembre 2014.
En conséquence, Computacenter France ayant informé Sanofi Pasteur que Xerox était le producteur, ce que cette société n'a pas contesté, le jugement sera confirmé en ce qu'il a apprécié qu'elle devait être mise hors de cause.
Sur la mise hors de cause de la société Xerox UK limited et l'intervention volontaire de la société Xerox limited
Le jugement a mis hors de cause cette société dans les mêmes conditions que les sociétés Flextronics Networks Services Gmbh et Flextronics International Gmbh.
Les sociétés Xerox soutiennent que Xerox UK limited n'est pas concernée par la présente instance, car c'est la société Xerox limited à qui l'imprimante en cause a été revendue, de sorte qu'elles sollicitent la confirmation du jugement en ce qu'il a mis Xerox UK limited hors de cause, et que Xerox limited soit reçue en son intervention volontaire.
Sanofi Pasteur n'apporte aucun développement sur ce point dans ses conclusions, dont le dispositif ne présente aucune demande concernant Xerox UK limited, si ce n'est pour qu'elle soit déboutée de ses demandes. Elle présente des conclusions à l'égard de Xerox limited.
Computacenter avait présenté des demandes à son encontre, mais a été mise hors de cause.
Aussi, le jugement sera confirmé en ce qu'il a mis hors de cause la société Xerox Uk limited, et l'intervention volontaire de Xerox limited sera reçue.
Sur l'origine du dommage
Le jugement a retenu que Sanofi Pasteur n'apportait pas à ce stade la preuve de la défectuosité de l'imprimante, faute d'avoir fait procéder à une étude plus approfondie évoquée par l'expert. Il n'a pas fait droit à la demande d'expertise sollicitée par Sanofi Pasteur, considérant que les défenseurs s'y opposaient unanimement, qu'ils allaient être mis hors de cause ou exonérés de leur responsabilité, et que le résultat d'une expertise n'aurait pas d'incidence sur les demandes de Sanofi Pasteur.
Sanofi Pasteur indique avoir acquis auprès de la société Computacenter une imprimante Xerox Phaser 8560 le 5 novembre 2010 qui a pris feu au sein de son laboratoire, de sorte qu'elle présentait nécessairement un vice ayant entraîné sa combustion, et était défectueuse au sens de l'article 1386-1 du code civil. Elle affirme qu'il n'est pas contesté que le sinistre a pour cause l'incendie qui a pris naissance dans l'imprimante, comme l'expert judiciaire l'a relevé, et qu'elle n'avait pas à rechercher la cause de l'incendie à l'intérieur de l'imprimante car cela n'avait d'intérêt que pour les constructeurs des différents composants. Elle en déduit que la preuve du défaut de sécurité est démontrée.
Les sociétés Xerox et leur assureur AIG Europe relèvent qu'à défaut de lien contractuel avec Sanofi Pasteur, il lui revient d'établir l'existence d'une faute en lien avec le préjudice qu'elle invoque, et qu'en l'espèce le défaut de l'appareil ayant causé l'incendie n'est pas démontré.
Elles ajoutent que la seule implication d'un produit dans un sinistre ne suffit pas à établir son défaut, et que l'expertise n'a pas établi l'origine du dommage. Elles affirment que l'avis de l'expert judiciaire n'a pas une valeur probatoire particulière et doutent de la pertinence d'une mesure d'expertise intervenant des années après le sinistre.
Les sociétés Flextronics relèvent que les conclusions du rapport d'expertise sont inopposables à la société Flextronics Technology Penang, que Sanofi Pasteur déduit l'existence d'un défaut de la seule survenance de l'incendie, alors qu'elle doit établir le défaut de l'imprimante et le lien de causalité entre ce défaut et les dommages subis.
***
L'article 1386-1 du code civil, dans sa version applicable aux faits, prévoit que le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime.
L'alinéa 1er de l'article 1386-4 prévoit qu'un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre.
L'article 1386-6 précise notamment qu'est assimilée à un producteur pour l'application du présent titre toute personne agissant à titre professionnel qui se présente comme producteur en apposant sur le produit son nom, sa marque ou un autre signe distinctif ;ou qui importe un produit dans la Communauté européenne en vue d'une vente, d'une location, avec ou sans promesse de vente, ou de toute autre forme de distribution.
Enfin, l'article 1386-9 indique que le demandeur doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage.
Il revient à Sanofi Pasteur de démontrer que l'imprimante est défectueuse.
L'expert judiciaire, dans son rapport déposé le 28 février 2012, a indiqué dans ses conclusions 'il ne fait aucun doute que l'incendie a pris naissance au niveau de l'imprimante. Toutefois, la cause exacte de cet incendie nécessite une étude plus approfondie de l'appareil et de son environnement'.
Si les intimées soutiennent que ce rapport ne permet pas de caractériser un défaut du produit, de sorte qu'on ne sait pas à sa lecture si l'imprimante est véritablement défectueuse, l'expert se limitant à indiquer que l'incendie 'a pris naissance au niveau de l'imprimante' et à proposer de faire réaliser des recherches complémentaires sur l'appareil et son environnement, recherches que n'a pas engagées Sanofi Pasteur, ce rapport est péremptoire pour affirmer que c'est au niveau de l'imprimante que l'incendie a pris naissance, et il ne cite aucun autre élément comme étant susceptible d'avoir contribué à la survenance de l'incendie.
Le rapport établi par Cunningham & Lindsey, pour le compte de l'assuré Sanofi Pasteur, retient que 'l'imprimante est le point de départ de l'incendie', et affirme 'c'est bien l'intérieur de l'imprimante qui a brulé'. Il a examiné l'environnement direct de l'imprimante, soit un écran d'ordinateur, un bac de rangement et des prises électriques et informatiques encastrées, lesquelles 'ont fondu et brûlé par rayonnement mais dont l'intérieur n'est pas en cause', et en a déduit une absence d'autre cause possible.
S'il n'a pas été établi de façon contradictoire, ce rapport a été régulièrement échangé entre les parties, il n'est versé aucune pièce de nature à contester les éléments qu'il contient, l'implication de l'imprimante dans l'incendie résultant aussi du rapport d'expertise judiciaire.
L'incendie a pris vers 22h21 (selon l'expertise judiciaire) alors que le local n'est pas en activité la nuit et que le personnel avait quitté la zone vers 17h30, de sorte que l'imprimante, sous tension, n'était pas alors utilisée.
Aucun élément n'est désigné, tant par l'expertise judiciaire que par le rapport d'assurance, comme pouvant être intervenu dans la survenance du dommage, attribué par ce rapport à l'imprimante.
Si l'action en responsabilité du fait d'un produit défectueux exige la preuve du dommage, du défaut et du lien de causalité entre le défaut et le dommage, une telle preuve peut résulter de présomptions, pourvu qu'elles soient graves, précises et concordantes.
Il résulte des développements qui précèdent que l'origine de l'incendie est l'imprimante, et le fait qu'elle ait pris feu révèle qu'elle n'offre pas la sécurité normale à laquelle on peut légitimement s'attendre, même si la cause exacte de l'incendie dans les éléments composant l'imprimante n'est pas exactement déterminée.
Si le rapport d'expertise judiciaire n'indique pas la cause exacte de l'incendie, il identifie l'imprimante comme à l'origine de l'incendie ('l'incendie a pris naissance au niveau de l'imprimante'), et le rapport d'assurance indique que c'est bien l'intérieur de l'imprimante qui a brûlé : ainsi, faute d'offrir la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, l'imprimante présentait une défectuosité au sens de l'article 1386-4 précité.
En effet il découle de ce qui précède l'existence d'un défaut intrinsèque de l'imprimante en relation directe avec l'incendie, même si la nature du défaut n'a pas été définie précisément.
Il n'apparait pas justifié de faire droit à la demande d'expertise, au vu de l'écoulement du temps.
Il n'est pas contesté et il résulte des éléments du dossier, notamment du rapport d'expertise judiciaire, que l'incendie est en lien de causalité direct, par l'émanation des fumées dans un environnement stérile et le déclenchement de l'arrosage automatique qu'il a provoqué, avec le préjudice dont fait état Sanofi Pasteur, ainsi fondée à engager la responsabilité du producteur.
Le jugement sera réformé sur ce point.
Sur le préjudice de Sanofi Pasteur
Sanofi Pasteur indique que le sinistre s'est déclenché dans une zone à atmosphère contrôlée, dans laquelle s'effectue la préparation du matériel, et que les fumées ont contaminé l'ensemble du local. Elle détaille les sommes engagées au titre des réparations, remplacement et décontamination des locaux impactés par l'incendie, pour un total de 234 535,45 € HT, et indique avoir supporté des frais de personnel importants ainsi qu'un impact sur ses stocks et coûts de maintenance pour 138 479,50 € HT. Elle ajoute 100 000 € au titre de la désorganisation de la présentation des locaux pour la qualification de laboratoire. Elle déclare avoir transmis toutes ses pièces aux compagnies d'assurance.
Les sociétés Xerox avancent que Sanofi Pasteur ne démontre pas le quantum du préjudice qu'elle réclame, les surcoûts de personnel affecté au sinistre n'étant pas démontrés, et qu'il s'agit de frais fixes qu'elle aurait dû supporter. Elles dénoncent les frais relatifs à la maintenance ou au stock, sans lien avec le sinistre.
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Sanofi Pasteur justifie, par la production de factures, qu'elle a procédé dans les semaines suivant le sinistre, au remplacement de matériels abîmés et au nettoyage du local, pour la somme non contestée de 116 141,49 € HT correspondant au remplacement de la paillasse, à la remise en état du système de ventilation du couloir propre, au remplacement des cloisons et plaques de plafond, à celui des câblages, au nettoyage et à la décontamination des locaux.
De même justifie-t-elle du remplacement du matériel, par des factures dressées peu après le sinistre, pour la somme de 71 464,51 € HT.
Sanofi Pasteur sollicite également la prise en charge d'un certain nombre de tests, justifiée, à hauteur de 36 600,10 € HT, ainsi que des frais d'éclairage et d'échafaudage pour 10 329,35 € HT.
Aussi, sa demande est fondée pour l'ensemble de ces demandes, pour un montant total de 234 535,45 € HT.
S'agissant des frais d'affectation de personnel, Sanofi Pasteur ne peut se fonder sur deux pièces présentant des tableaux, non datées et non signées, pour soutenir ses demandes à hauteur de 47 016,90 € pour le personnel mis à disposition à titre temporaire - sans communication des contrats correspondants- et de 40 146 € pour le personnel de production.
Cette demande ne sera donc pas retenue.
Sanofi Pasteur ne vise pas non plus de pièces pour l'impact du sinistre sur son stock (39 534,37 €) et sur ses coûts de maintenance (11 782,21 €), de sorte qu'il ne sera pas fait droit à sa demande à ce titre.
Il en est de même s'agissant du préjudice lié à la perturbation de la présentation de la qualification comme laboratoire (demande de 100 000 €), de sorte que sa demande ne sera pas non plus retenue.
Les frais d'huissier entrant dans les frais irrépétibles, il ne sera pas fait droit à la demande à ce titre.
Aussi, seule la réparation du préjudice matériel de Sanofi Pasteur, est justifiée, et sera retenue.
Sur l'engagement de la responsabilité de la société Flextronics Technology Penang
Sanofi Pasteur fait état de la qualité de fabricant de cette société de l'imprimante en cause, et sollicite l'engagement de sa responsabilité sur le fondement des articles 1386-1 et suivants. Elle relève que l'imprimante ne présente pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre.
Après avoir relevé qu'elle n'était pas présente à l'expertise judiciaire, la société Flextronics Technology Penang indique qu'il convient de démontrer, au titre de la responsabilité du fait des produits défectueux, l'existence d'un défaut de l'imprimante.
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Si la société Flextronics Technology Penang n'était pas présente lors de la réalisation de l'expertise judiciaire, celle-ci lui a été régulièrement communiquée, comme l'expertise réalisée pour le compte de Sanofi Pasteur, de sorte qu'elle a pu en prendre connaissance et répondre aux éléments qui y étaient relevés.
L'article 1386-1 applicable aux faits prévoit que le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime.
L'article 1386-6 indique qu'est producteur, lorsqu'il agit à titre professionnel, le fabricant d'un produit fini, le producteur d'une matière première, le fabricant d'une partie composante.
Est notamment assimilée à un producteur pour l'application du présent titre toute personne agissant à titre professionnel qui se présente comme producteur en apposant sur le produit son nom, sa marque ou un autre signe distinctif.
Le fournisseur professionnel est responsable du défaut de sécurité du produit, et il résulte de ce qui précède que la société Flextronics Technology Penang, qui ne conteste pas agir à titre professionnel, est le fabricant de l'imprimante en cause.
Celle-ci présentant une défectuosité au sens de l'article 1386-4 du code civil, n'offrant pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, de sorte que Sanofi Pasteur est fondée à rechercher sa responsabilité.
Dès lors, la responsabilité du producteur fabricant du produit fini étant retenue, il n'y a pas lieu de rechercher la responsabilité de la société Xerox, assimilée au producteur conformément à l'article 1386-6 précité, et de son assureur.
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En conséquence, Sanofi Pasteur est fondée à solliciter la condamnation de la société Flextronics Technology Penang, et cette société sera condamnée au paiement de la somme de 234 535,45 € HT.
Sur les autres demandes
Les condamnations de Sanofi Pasteur prononcées en 1ère instance seront infirmées.
La condamnation de la société Computacenter France à l'égard de la société Ingram Pan Europe GmbH au titre des frais irrépétibles sera confirmée.
Succombant au principal, la société Flextronics Technology Penang sera condamnée au paiement des dépens de 1ère instance et d'appel.
La société Flextronics Technology Penang sera également condamnée à verser la somme de 4 000 € à chacune des sociétés Sanofi Pasteur et Computacenter au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
Statuant par décision contradictoire,
Confirme le jugement s'agissant :
- de la mise hors de cause des sociétés Computacenter France, Ingram Micro Pan Europe GMBH, Xerox UK limited LTD, Flextronics Senai, Flextronics Perai, Flextronics International Gesellschaft MBH, Flextronics Network Services GMBH,
- de l'irrecevabilité de la société Aig Europe Limited en son appel en garantie de Flextronics Technology Penang SDN BHD,
- du débouté des sociétés Computacenter France et Flextronics Technology Penang SDN BHD de leur demande à titre de dommages et intérêts,
- de la condamnation de la société Computacenter France à payer à la société Ingram Micro Pan Europe GMBH la somme de 4.000 €, et de la société Aig Europe Limited à payer aux sociétés Flextronics Senai et Flextronics Perai la somme de 1.500 € chacun, et à la société Flextronics Technology Penang SDN BHD la somme de 2 500 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
L'infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau,
Déclare les demandes présentées par Sanofi Pasteur à l'encontre de Flextronics Technology Penang recevables,
Condamne la société Flextronics Technology Penang à payer à la société Sanofi Pasteur la somme de 234 535,45 € en réparation de son préjudice matériel,
Déboute les parties de leurs autres demandes,
Condamne la société Flextronics Technology Penang au paiement des dépens de 1ère instance et d'appel,
Condamne la société Flextronics Technology Penang au paiement de la somme de 4 000 € à chacune des sociétés Computacenter et Sanofi Pasteur au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
signé par Monsieur François THOMAS, Président et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.