Cass. 1re civ., 5 janvier 2022, n° 19-25.843
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Groupama Rhône-Alpes Auvergne (Sté), GAEC La Ferme de Bellegarde (Sté)
Défendeur :
Claas France (SASU), Claas Tractor (SASU)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chauvin
Rapporteur :
M. Serrier
Avocat :
SCP Ohl et Vexliard
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 24 septembre 2019), le 9 décembre 2003, la société MBM a vendu au GAEC La Ferme de Bellegarde (le GAEC) un tracteur qu'elle avait acquis le 1er décembre 2003 de la société Renault agriculture, aux droits de laquelle se trouvent les sociétés Claas Tractor et Claas France (les sociétés Claas).
2. Le tracteur ayant pris feu le 4 juillet 2012, la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles de Rhône-Alpes Auvergne Groupama Rhônes-Alpes Auvergne (l'assureur), assureur du GAEC, a indemnisé celui-ci et, le 23 novembre 2012, a assigné en référé les sociétés Claas aux fins d'obtenir la désignation d'un expert pour déterminer l'origine du sinistre. L'expert, désigné par ordonnance du 15 janvier 2013, a déposé son rapport le 3 décembre 2013.
3. Les 12 et 22 mai 2015, soutenant qu'un défaut de conception de la ligne d'échappement du tracteur était à l'origine du sinistre, le GAEC et son assureur ont assigné les sociétés Claas en indemnisation sur le fondement de la garantie des vices cachés et, subsidiairement, de la responsabilité des produits défectueux. MM. [P] et Mme [V] (les consorts [P]), membres du GAEC, sont intervenus volontairement à l'instance. Le fabricant a opposé la prescription.
Moyens
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. Les consorts [P] et l'assureur font grief à l'arrêt de constater la prescription de l'action en garantie des vices cachés à l'encontre des sociétés Claas et de déclarer cette action irrecevable, alors « que les dispositions de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de cette loi, soit le 19 juin 2008, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; que la prescription des actions personnelles ou mobilières a été réduite par cette loi à cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que de même, la loi du 17 juin 2008 a réduit à cinq ans le délai de prescription des obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants et non-commerçants, sauf prescription spéciale plus courte ; qu'en retenant que, la vente litigieuse ayant été conclue le 9 décembre 2003, le délai pour agir en garantie des vices cachés expirait le 19 juin 2008, quand ce délai pour agir expirait en réalité le 19 juin 2013, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 26, II de la loi précitée du 17 juin 2008, ensemble celles de l'article 2222, alinéa 2, du code civil. »
Motivation
Réponse de la Cour
Vu l'article 1648 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2005-136 du 17 février 2005, l'article L. 110-4 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, et l'article 26, II de cette loi :
5. Il résulte du premier de ces textes que l'action de l'acquéreur résultant de vices rédhibitoires doit être intentée contre son vendeur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice, tout en étant enfermée dans le délai de la prescription du deuxième de ces textes qui court à compter de la date de la vente conclue entre les parties, que ce délai, d'une durée de dix ans, a été réduit à cinq ans par la loi susvisée et que le nouveau délai court à compter du 19 juin 2008, jour de l'entrée en vigueur de cette loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
6. Pour déclarer l'action en garantie des vices cachés irrecevable comme prescrite, après avoir relevé que la vente avait été conclue le 9 décembre 2003, l'arrêt retient que le délai pour agir expirait le 19 juin 2008 et que l'action a été introduite en mai 2015.
7. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Moyens
Et sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
8. Les consorts [P] et l'assureur font le même grief à l'arrêt, alors « que la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion ; qu'à supposer que l'arrêt attaqué soit entaché d'une erreur matérielle – qu'il appartiendrait alors à la Cour de cassation de rectifier – en ce qu'il retient que le délai pour agir expirait le « 19 juin 2008 » au lieu du 19 juin 2013, la cour d'appel, en se bornant à affirmer que l'action en garantie des vices cachés introduite en mai 2015 était prescrite, n'a pas répondu au moyen des conclusions de l'assureur et du GAEC pris de ce que l'assignation en référé délivrée le 23 novembre 2012 était intervenue avant expiration du délai de prescription, qu'elle avait valablement interrompu ; qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 455 du code civil. »
Motivation
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
9. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.
10. Pour déclarer l'action en garantie des vices cachés irrecevable comme prescrite, l'arrêt retient encore que le délai pour agir a expiré le 19 juin 2008 et que l'action en garantie des vices cachés a été introduite en mai 2015.
11. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions des consorts [P] et de l'assureur qui soutenaient que l'assignation en référé, délivrée le 23 novembre 2012, était intervenue avant l'expiration du délai de prescription de l'article L. 110-4 du code de commerce qu'elle avait valablement interrompu, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
Dispositif
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il constate la prescription de l'action en garantie des vices cachés et la déclare irrecevable, l'arrêt rendu le 24 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne les sociétés Claas Tractor et Claas France aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq janvier deux mille vingt-deux.