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Décisions

CA Aix-en-Provence, Pôle 1 ch. 8, 21 janvier 2021, n° 19/07777

AIX-EN-PROVENCE

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Coulange

Conseillers :

M. Guichard, M. Robin Karrer

TGI Marseille, du 5 mars 2019, n° 16/047…

5 mars 2019

La CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES PROVENCE vient aux droits de la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DES BOUCHES DU RHONE.

Par acte authentique en date des 13 et 15 février 2010, la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DES BOUCHES DU RHONE s'est vue consentir par les époux X aux droits desquels vient aujourd'hui Monsieur Z B, un bail commercial portant sur des locaux dépendants d'une maison de village sise ..., comprenant trois pièces en rez de chaussée sur la totalité de ce dernier et une cave située sur le devant de l'immeuble en sous sol.

Ledit bail a été consenti pour une durée de neuf ans commençant à courir le 15 mars 1990 pour se terminer le 14 mars 1999 moyennant le versement :

d'une part, d'un droit d'entrée ou pas de porte d'un montant de 12 958,17 € (85 000 F),

d'autre part, d'un loyer annuel de 9 146,94 € (60 000 F).

Il s'est poursuivi par tacite reconduction.

Le 15 septembre 2014, Monsieur B a fait notifier, au CRÉDIT AGRICOLE ALPES PROVENCE, une révision du loyer tendant à voir fixer le prix du loyer annuel à la somme de 54.000 €.

Monsieur B a saisi la Commission Départementale de Conciliation, laquelle lors de sa séance du 19 janvier 2016 a constaté le désaccord des parties.

Par acte d'huissier en date du 19 avril 2016, Monsieur B a assigné le CREDIT AGRICOLE devant le Juge des loyers commerciaux, aux fins de voir fixer le loyer révisé à 36.000 € à effet du 1er octobre 2014, outre la condamnation du CREDIT AGRICOLE à lui payer une somme de 3.500 € par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Monsieur B ayant sollicité à titre subsidiaire l'instauration d'une mesure d'expertise, il a été procédé, par Jugement avant dire droit du 4 juillet 2016, à la désignation de Monsieur Y A, en qualité d'expert judiciaire avec notamment pour mission de dire s'il s'est produit une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné une modification de la valeur locative de plus de 10 % au cours de la dernière période triennale permettant d'écarter l'application du coefficient prévu à l'article L. 145-38 du Code de Commerce.

L'expert judiciaire a déposé le 12 mars 2018 son rapport.

Par jugement du 5 mars 2019, le Tribunal de Grande Instance de Marseille, au vu des conclusions expertales, a débouté Monsieur B de ses demandes en fixant le prix du loyer du bail révisé au 1er octobre 2014 à la somme de 13 687,09 € sur la base de la simple évolution de l'indice et l'a condamné à payer au CREDIT AGRICOLE une somme de

3.000 € par application des dispositions de l'article 700 du CPC.

Par déclaration au greffe en date du 10 mai 2019, Monsieur B a interjeté appel de cette décision. Il demande à la Cour de réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Il sollicite:

- le constat que la révision du bail portant sur les locaux de trois pièces au rez de chaussée, une cave en sous sol et un garage d'une maison situés ... obéit aux règles de révision spéciale des loyers des locaux monovalents ;

- le constat que la modification matérielle des facteurs locaux de commercialité a entrainé une variation de la valeur locative de plus de 10% ;

- la fixation à la somme de 42 000 €, hors taxe, hors charge, par an le prix du loyer du bail révisé au 1er octobre 2014,

- la condamnation de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES PROVENCE à lui payer les intérêts au taux légal sur les arriérés de loyers à compter du 1er octobre 2014 ;

- la condamnation de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES PROVENCE à lui payer 10.000€ au titre de l'article 700 du CPC, aux entiers dépens comprenant l'expertise judiciaire.

A l'appui de son recours, il fait valoir:

- que les travaux effectués par le CREDIT AGRICOLE ont rendu le local monovalent, que le prix du bail peut être déterminé selon les usages observés dans la branche d'activité considérée, et que sa révision échappe au mécanisme du plafonnement,

- que les travaux d'aménagement et d'amélioration du centre ville ont entraîné une augmentation de la clientèle et de l'activité du CREDIT AGRICOLE donc une variation de la valeur locative de plus de 10% ce qui justifie le déplafonnement.

La CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES PROVENCE conclut :

- à la confirmation pure et simple du jugement entrepris.

- au débouté en conséquence de Monsieur Z B de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

Reconventionnellement,

- à sa condamnation à lui payer une somme de 5 000 € par application des dispositions de l'article 700 du CPC outre aux entiers dépens.

Elle soutient:

- que dans le cadre d'une révision triennale du loyer, le bailleur qui entend obtenir un déplafonnement doit démontrer une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité,

- que l'expert a répondu par la négative sur ce point,

- que du fait de l'absence de fréquentation elle a dû fermer l'agence et mettre un terme au bail le 30 septembre 2019.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 novembre 2020.

MOTIFS DE LA DECISION:

Sur le prix du loyer révisé

L'article L. 145-33 du code de commerce dispose que le montant du loyer des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative qu'à défaut d'accord, cette valeur est déterminée d'après:

1° les caractéristiques du local considéré;

2° la destination des lieux;

3° les obligations respectives des parties;

4° les facteurs locaux de commercialité;

5° les prix couramment pratiqués dans le voisinage.

L'article L. 145-38 du même code prévoit que la demande en révision ne peut être formée que trois ans au moins après la date d'entrée en jouissance du locataire ou après le point de départ du bail renouvelé, que la révision du loyer prend effet à compter de la date de la demande en révision, que de nouvelles demandes peuvent être formées tous les trois ans à compter du jour où le nouveau prix sera applicable, que par dérogation aux dispositions de l'article L. 145-33 et à moins que ne soit rapportée la preuve d'une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné par elle même une variation de plus de 10% de la valeur locative, la majoration ou la diminution de loyer consécutive à une révision triennale ne peut excéder la variation de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires mentionnés aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 112-2 du code monétaire et financier, intervenue depuis la dernière fixation amiable ou judiciaire du loyer, que dans le cas où ectte preuve est rapportée, la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une annèe, à 10% du loyer acquitté au cours de l'année précédente, qu'en aucun cas il n'est tenu compte, pour le calcul de la valeur locative, des investissements du preneur ni des plus ou moins values résultant de sa gestion pendant la durée du bail en cours.

Le local monovalent est régi en matière de prix du bail par l'article R. 145-10 du même code, qui expose que le prix du bail des locaux construits en vue d'une seule utilisation peut, par dérogation aux dispositions qui précèdent, être déterminé selon les usages observés dans la branche d'activité considérée.

Le bailleur, arguant de nombreux travaux réalisés sans son autorisation dans le local par le preneur pour répondre à ses obligations en matière de sécurité (sas de sécurité destiné au maniement des fonds par les convoyeurs au rez de chaussée, IPN rajoutés au sous sol pour conforter la stabilité du rez de chaussée réduisant l'usage de ce sous sol) se prévaut de la monovalence du local. Il en déduit que la révision du loyer échappe au mécanisme du plafonnement prévu par l'article L. 145-33 du code de commerce et que le loyer est fixé en fonction des usages observés dans la branche d'activité ou à défaut par l'application directe de la valeur locative de l'article L. 145-33 du même code.

Mais en l'espèce, il ne s'agit pas d'un litige portant sur la fixation du prix du bail renouvelé mais d'une révision triennale régie par l'article L. 145-38 du code de commerce.

Ainsi, le bailleur qui entend obtenir un déplafonnement doit, avant tout autre chose, démontrer que les conditions requises par cet article sont réunies.

Il résulte de l'expertise que l'agence bancaire est implantée dans un immeuble ancien de qualité ordinaire, avec des façades dans un état apparent correct, élevé d'un étage sur rez de chaussée et sous sol partiel accessible à l'arrière de l'immeuble.

L'expert a constaté un bon état apparent du local, un sous sol à l'état brut non relié à l'agence bancaire, avec des traces d'humidité, une hauteur sous plafond inférieur à 2,5m et la présence d'IPN. Il a retenu des surfaces pondérées de 89,10m² pour l'agence bancaire et de 9,22m² pour le sous sol partiel.

Sur les facteurs locaux de commercialité, les premiers juges ont valablement retenu de l'expertise :

- que la commune de Gémenos, distante de 27km du centre ville de Marseille, située au pide du massif de la Sainte Victoire, connue pour son parc d'activité qui accueille environ 230 entreprises, a présenté une hausse de sa population de 2,35% entre 2009 et 2014 avec un revenu disponible par unité de consommation de 26 099 euros en 2014 contre 19 955,30 euros pour le département des Bouches du Rhône,

- que les locaux sont situés ... au coeur du noyau villageois dont les petits commerce font face à la concurrence de la zone commerciale des Paluds très proche,

- que la majorité des travaux réalisés en centre ville sont antérieurs au renouvellement du bail intervenu le 30 septembre 2010,

- que pour ceux postérieurs ils n'ont pas généré une hausse des facteurs locaux de commercialité du fait de la concurrence importante de la zone des Paluds,

- que la lègère hausse de la population et du nombre de logement n'a pu profiter à l'agence bancaire en raison de la stratégie du secteur bancaire qui s'inscrit dans le développement de services en ligne et dans une présence dans les zones les plus fréquentées.

Il n'est d'ailleurs pas contesté que la banque a fermé l'agence en question et a donné congé à effet au 30 septembre 2019 en raison de la baisse de fréquentation.

Aussi, les premiers juges en ont justement déduit que le bailleur ne rapportait pas la preuve d'aucune modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné une modification de la valeur locative de plus de 10% au cours de la période triennale, qu'il y avait donc lieu de retenir le coefficient prévu par l'article L145-38 du code de commerce et de fixer à la somme de 13 687,09 euros hors taxe et hors charge par an le prix du loyer du bail révisé au 1er octobre 2014, afférent aux locaux situés ... à Gemenos.

Sur les autres demandes

M. B est condamné à verser à la banque la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe, en dernier ressort,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 5 mars 2019 par le Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE

Y ajoutant,

CONDAMNE M. B à payer à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES PROVENCE la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.