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Décisions

Cass. crim., 4 janvier 2022, n° 20-83.817

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Soulard

Rapporteur :

M. Seys

Avocats :

SCP Claire Leduc et Solange Vigand, SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre

Avocat général :

Mme Philippe

TGI Nanterre, JLD, du 18 mai 2017

18 mai 2017

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. À la suite d'une procédure d'enquête mise en oeuvre le 28 avril 2017, l'Autorité de la concurrence a, par requête en date du 11 mai 2017, saisi le juge des libertés et de la détention en application de l'article L. 450-4 du code de commerce, afin d'être autorisée à pratiquer des opérations de visite et de saisie dans les locaux des sociétés [1], au [Localité 6], [9] (ci-après, société [9]), à [Localité 3], [7], à [Localité 2], [8], à [Localité 5].

3. Par ordonnance en date du 18 mai 2017, le juge des libertés et de la détention a autorisé les opérations sollicitées, qui se sont déroulées le 30 mai 2017.

4. Les sociétés [7] et [8] ont chacune exercé des recours contre l'ordonnance ci-dessus et les opérations de visite et saisie.

Examen des moyens

Sur les premier et troisième moyens

5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé la décision du 18 mai 2017 ayant autorisé le rapporteur général de l'Autorité de la concurrence à faire procéder à des visites et saisies prévues par l'article L. 450-4 dans les locaux des sociétés exposantes aux fins d'établir si celles-ci se livrent à des pratiques prohibées par les articles L. 420-1, 2° et 4°, du code de commerce et 101-1 a) et c) du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), « alors que pour autoriser les visites et saisies prévues à l'article L. 450-4 du code de commerce, le juge doit vérifier de manière concrète par l'appréciation des éléments d'information qui lui sont soumis par l'administration, que la demande est bien fondée en fait et en droit et doit, à cette fin, se référer, en les analysant, à ces éléments d'information ; que les règles et procédures applicables aux opérations de concentration et celles relatives aux pratiques anticoncurrentielles étant distinctes et inconciliables entre elles, des faits se rapportant à une opération de concentration ne peuvent être invoqués par l'Autorité de la concurrence à l'appui d'une demande d'autorisation d'une opération de visite et saisies fondée sur une suspicion de pratique anticoncurrentielle ; qu'il entre nécessairement dans l'office du délégué du premier président de la cour d'appel, devant lequel est contesté le fondement légal de l'autorisation sollicitée par l'Autorité de la concurrence, de qualifier les faits venant au soutien de la demande d'autorisation et de rechercher si ces faits sont susceptibles de faire présumer l'infraction reprochée et conférer ainsi une base légale à la demande d'autorisation qui lui est soumise, dont il doit contrôler la légalité ; qu'en l'espèce pour refuser purement et simplement d'exercer son office, le délégué du premier président a énoncé qu'il ne relevait pas de la compétence du juge des libertés et de la détention de déterminer si les opérations de cession de fonds de commerce fondant la demande d'autorisation litigieuse constituaient des opérations de concentration économique n'entrant pas dans le champ d'application des articles L. 420-1 du code de commerce et 101,§ 1, du TFUE dès lors qu'une telle qualification relevait exclusivement du collège de l'Autorité de la concurrence, puis de la cour d'appel de Paris et de la chambre commerciale de la Cour de cassation ; qu'en statuant ainsi cependant qu'il lui appartenait de rechercher si les faits fondant la demande d'autorisation qui lui était soumise ne constituaient pas une opération de concentration et de vérifier dès lors si l'autorisation ayant été accordée par le juge des libertés et de la détention pour un soupçon de pratiques anticoncurrentielles ne reposait pas sur une base légale erronée et inapplicable, rendant illicites les mesures sollicitées, le délégué du premier président a refusé d'exercer son office et a violé les articles L. 420-1, L. 430-1, L. 450-4 du code de commerce, 101, § 1, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, ensemble les articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'Homme et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. »

Réponse de la Cour

7. Pour confirmer l'ordonnance du juge des libertés et de la détention et rejeter les recours contre les opérations effectuées à la suite, l'ordonnance attaquée énonce que le juge qui autorise des opérations de visite et de saisie sur le fondement de l'article L. 450-4 du code de commerce est tenu de vérifier si la demande d'autorisation comporte tous les éléments d'informations utiles en possession du demandeur de nature à justifier la visite et de s'assurer de leur licéité et de leur caractère suffisant.

8. Elle précise que le juge des libertés et de la détention, qui n'est pas le juge du fond mais celui de l'apparence, doit vérifier, en se référant aux éléments d'informations fournis par l'Autorité de la concurrence et au moyen d'une appréciation globale de l'ensemble de ces éléments, l'existence d'indices laissant apparaître des faisceaux de présomptions d'agissements prohibés justifiant que soit recherchée leur preuve au moyen d'une visite et de saisies de documents s'y rapportant, sans qu'il soit nécessaire de caractériser des présomptions précises, graves et concordantes.

9. Le premier président retient que l'article L. 430-3 du code de commerce prévoyant la compétence exclusive de l'Autorité de la concurrence pour examiner les opérations de concentration, celle-ci est donc la seule institution compétente au niveau national pour déterminer si une ou plusieurs cessions de fonds de commerce sont susceptibles de constituer une telle opération de concentration, contrôlable au sens de l'article L. 430-2 du code de commerce, sous réserve de l'appréciation des juges d'appel et de cassation, saisis de la contestation de griefs qui pourraient être, le cas échéant, retenus contre telle société à la suite de l'instruction au fond de l'affaire.

10. Il en déduit qu'il ne relève pas de la compétence du juge des libertés et de la détention de déterminer si les opérations de cessions croisées de fonds de commerce alléguées sont des opérations de concentration économique.

11. En statuant ainsi, le premier président a justifié sa décision.

12. En effet, l'existence éventuelle d'une concentration économique ne saurait, a priori, exclure la saisine, par l'administration, du juge des libertés et de la détention sur le fondement de l'article L. 450-4 du code de commerce, ni l'article L. 450-1, qui traite des pouvoirs d'enquête, ni l'article L. 461-4, qui définit la compétence de l'Autorité de la concurrence et qui renvoient l'un et l'autre aux titres II et III de ce même code, n'opérant de distinction à cet égard.

13. Il appartient donc au premier président de la cour d'appel de vérifier l'existence de présomptions de pratiques anticoncurrentielles justifiant la mesure autorisée sans être tenu, à ce stade de la procédure, de qualifier les pratiques dénoncées, notamment au regard des articles L. 420-1 et L. 430-1 du code de commerce.

14. Ainsi, le moyen n'est pas fondé.

15. Par ailleurs, l'ordonnance est régulière en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois.