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Décisions

CA Pau, 2e ch. sect. 1, 23 décembre 2021, n° 20/00868

PAU

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

GC (SARL)

Défendeur :

Alibon (SAS), Promatel (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Darracq

Avocats :

Me Vacarie, Me Piault, Me Azavant, Me Costedoat

T. com. Pau, du 3 mars 2020

3 mars 2020

FAITS ET PROCEDURE :

La société ALIBON SAS dont le siège est à Arzacq est un grossiste en médicaments vétérinaires qui commercialise sur toute la France, « aux ayants droit », au sens de la législation sur les médicaments vétérinaires des produits anti parasitaires canins, ainsi que divers produits en vente libre (shampoings, hygiène dentaire, oreilles et yeux ainsi qu'une gamme comportementale et nutritionnelle).

La société PROMATEL SARL, dont le siège est également à Arzacq, commercialise des produits et du matériel pour l'élevage (gamme de produits pour le gavage des oies et canards, gamme basse cour Gamiferme, Gamme Pigeons Colombax, Gamme chiens et chats Anipep's).

Par actes sous seing privé du 25 septembre 2015, les sociétés ALIBON SA et PROMATEL SARL ont respectivement conclu un contrat d'agent commercial avec X, en réalité avec la société SARLU GC.

Aux termes de ces conventions rédigées dans les mêmes termes, les obligations respectives des parties étaient précisées.

Les sociétés mandantes se chargeaient de l'envoi de la marchandise et de la facturation aux ayants droit ou aux réseaux destinataires et se réservaient le droit de ne pas livrer un client n'ayant pas honoré une facture, tout en s'engageant, dans ce cas, à prévenir Mme X pour qu'elle intervienne auprès de ce client.

Chaque société mandante déclarait devoir assurer un suivi commercial auprès de sa clientèle.

X s'engageait à :

 Apporter dans la mesure du possible des conseils techniques sur les produits ou renvoyer le client vers les sociétés ALIBON ou PROMATEL pour obtenir les informations nécessaires ;

 Prendre des commandes chez les clients et les transmettre aux sociétés ALIBON ou PROMATEL ;

 Participer à la mise en avant des produits Affiches Livrets de PROMATEL et Affiches Présentoirs Factices d'ALIBON ;

 Organiser les rayons avec les vendeurs et surveiller les dates de péremption ;

 Intervenir si nécessaire ponctuellement pour tout problème mentionné par PROMATEL ou ALIBON : Règlement Gestion litige livraison.

A titre de rémunération, il a été convenu que X percevrait de chacun de ses mandants une rémunération fixe forfaitaire de « 100 euros HT par jour effectif de travail (visite des clients, prise de commande, conseils techniques .) », un récapitulatif des visites effectuées devant être établi mensuellement par X.

Chaque contrat prévoyait également que ses frais de déplacement, d'hébergement et de restauration lui seraient remboursés intégralement sur présentation d'un relevé détaillé.

Ces frais et honoraires devaient faire l'objet d'une seule facture mensuelle de prestations commerciales établie par X et réglée par chacune des sociétés mandantes, par virement bancaire sous 8 jours.

Enfin, les contrats précisent que chaque société reste propriétaire de sa clientèle.

Le 6 novembre 2018, et par deux courriers de son conseil, X a informé les sociétés SAS ALIBON et SARL PROMATEL de la non conformité des contrats signés « au fonctionnement normal d'un contrat d'agent commercial », et les a invitées à une tentative de règlement amiable de la situation litigieuse ainsi créée, leur laissant le soin de remettre ce courrier à leur conseil pour qu'il prenne contact avec le sien, se réservant le droit d'agir en justice à défaut de réponse positive.

Par actes d'huissier en date du 16 avril 2019, X a fait assigner les sociétés ALIBON et PROMATEL devant le tribunal de commerce de Pau, pour entendre :

Vu les dispositions des articles L. 134-1 et suivants,

Dire et juger que le contrat d'agent commercial con'é à la SARL GC par la société ALIBON est rompu du fait de cette dernière.

Condamner la société ALIBON à lui payer une indemnité de rupture du contrat de 94 000,00 euros.

Dire et juger que le contrat d'agent commercial confié à la SARI. GC par la SOCIETE PROMATEL est rompu du fait de cette dernière.

Condamner la société PROMATEL à lui payer une indemnité de rupture du contrat de 50 000 euros.

Condamner solidairement les sociétés ALIBON et PROMATEL à lui payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Condamner solidairement les sociétés ALIBON et PROMATEL au paiement d'une somme de 2500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

ORDONNER l'exécution provisoire du jugement à intervenir.

Par jugement du 3 mars 2020, le tribunal de commerce de Pau a :

Dit et jugé que le contrat d'agent commercial qui liait la SARL GC et les sociétés SAS ALIBON et SARL PROMATEL est résolu aux torts partagés des contractants

Dit que la date de cessation de la relation contractuelle de l'agent commercial avec ses mandants les sociétés ALIBON et PROMATEL prendra effet à la date de la signification du jugement,

Débouté la SARL GC de sa demande d'indemnité de rupture du contrat de 94 000 euros avec la société ALIBON,

Débouté la SARL GC de sa demande d'indemnité de rupture du contrat de 50 000,00 euros avec la société PROMATEL,

Débouté la SARL GC de sa demande indemnitaire à hauteur de 15 000,00 euros,

Condamné les sociétés SAS ALIBON et SARL PROMATEL à verser solidairement à la SARL GC la somme de 1500,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Débouté les parties de leurs demandes complémentaires ou contraires à ce dispositif,

Condamné solidairement les sociétés SAS ALIBON et SARL PROMATEL aux entiers dépens de l'instance dont les frais de greffe taxés à 63,36 euros.

Par déclaration en date du 16 mars 2020, la SARL GC a relevé appel de cette décision.

Le 6 mars 2020, X a notifié à ses mandants, par lettres recommandées avec accusé de réception qu'elle entendait mettre un terme à sa mission d'agent commercial à compter du 6 avril 2020, au terme du délai de préavis contractuel d'un mois.

La clôture est intervenue le 8 septembre 2021.

L'affaire a été fixée au 12 octobre 2021.

Au-delà de ce qui sera repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l'espèce des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la cour entend se référer pour l'exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures visées ci-dessous.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Vu les conclusions notifiées le 23 décembre 2020 par la SARL GC qui demande de :

Vu les dispositions des articles L. 134-1 et suivants,

Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société GC de ses demandes à l'encontre des sociétés ALIBON et PROMATEL.

Statuant à nouveau,

Dire et juger que le contrat d'agent commercial confié à la société GC par la société ALIBON a été rompu du fait de cette dernière.

Condamner la société ALIBON à payer à la société GC une indemnité de rupture du contrat de 94.000 euros.

Dire et juger que le contrat d'agent commercial confié à la société GC par la société PROMATEL a été rompu du fait de cette dernière.

Condamner la société PROMATEL à payer à la société GC une indemnité de rupture du contrat de 50 000 euros.

Condamner solidairement les sociétés ALIBON et PROMATEL à payer à la société GC la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Condamner solidairement les sociétés ALIBON et PROMATEL au paiement d'une somme de 3 500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les sociétés ALIBON et PROMATEL de toutes leurs demandes.

Rejeter toutes conclusions et demandes contraires comme irrecevables et mal fondées.

Vu les conclusions notifiées le 4 août 2021 par les sociétés ALIBON et PROMATEL qui demandent à la cour de :

Débouter la Société GC de son appel,

Déclarer recevable et bien fondé l'appel incident formé par les sociétés ALIBON et PROMATEL

Vu les articles L. 134-1 à L. 134-17 du Code de commerce,

Vu les articles 6 et 9 du Code de procédure civile,

Vu l'article 1104 du Code Civil,

Réformer le jugement entrepris :

en ce qu'il a considéré que les contrats d'agence commerciale contiennent des dispositions contraires à la nature même du statut de l'agent commercial qui est codifié sous les articles L. 134-1 et suivants du code de commerce, en ce qu'il a considéré que la rémunération forfaitaire adoptée contrevient aux dispositions de l'article L. 134-5 du code de commerce, et qu'elle implique la création d'un lien de subordination incompatible avec l'indépendance du statut visée à l'article L. 134-4 du code de commerce, en ce qu'il a considéré que ces éléments caractérisent les « circonstances imputables au mandant » visées par l'article L. 134-13 du code de commerce qui justifient la revendication par l'agent commercial de « l'indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi » en ce qu'il a prononcé la résolution des contrats d'agence commerciale aux torts partagés des parties et admis le principe d'une indemnisation de l'agent commercial par analogie avec « I'indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi », en ce qu'il a débouté les sociétés ALIBON et PROMATEL de leurs demandes reconventionnelles, en ce qu'il a solidairement condamné les sociétés ALIBON et PROMATEL au paiement d'une somme de 1 500,00 € au titre de l'article 700 du CPC, en ce qu'il a solidairement condamné les sociétés ALIBON et PROMATEL au paiement des dépens,

Statuant à nouveau par l'effet dévolutif de l'appel,

Débouter la Société GC de l'ensemble de ses demandes

Statuant à nouveau :

Condamner la société GC à verser à ses mandants un montant de 30 000,00 € au titre de dommages et intérêts en réparation de son attitude déloyale à l'égard de ses mandants qui consiste à invoquer une faute imaginaire de son mandant dans le but de le faire condamner à une somme indue, en recherchant par là à lui occasionner un préjudice économique (de 94 000,00 € pour la société ALIBON de 50 000,00 € pour la société PROMATEL), agissement constitutif d'une intention de nuire caractérisée, les dommages et intérêts étant répartis entre les mandants au prorata de ces sommes,

Condamner la société GC à communiquer à ses mandants pour la période du 21 septembre 2015 au 6 avril 2020 l'ensemble des justificatifs (factures, pièces comptables) venant à l'appui des relevés de frais présentés au remboursement de ses mandants, à l'exception de la période du mois de juillet 2018 au mois de mars 2020, et dans les trente jours de la signification qui lui sera faite de la décision et sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du trente et unième jour de retard suivant la signification à lui faite de la décision rendue.

Condamner la société GC au paiement d'une somme de 6 000,00 € à la société ALIBON et à la société PROMATEL au titre de l'article 700 du CPC en raison de l'obligation qui leur est faite de plaider en réponse à une instance introduite qui ne repose sur aucun fondement de fait ou de droit.

Condamner la société GC aux entiers dépens de première instance et d'appel.

MOTIVATION :

Sur les demandes de la société GC :

A l'appui de son appel, la société GC soutient que les manquements des mandants à leurs obligations légales et contractuelles à l'égard de leur agent commercial étant parfaitement établis, elle était fondée à demander au tribunal la résolution judiciaire des contrats, aux torts des mandants ; que toutefois, le tribunal, de façon totalement contradictoire, à la fois a validé les éléments avancés par la société GC et décidé que les contrats étaient résolus, tout en la déboutant de ses demandes.

Elle ajoute qu'en l'état de cette décision, elle a non seulement relevé appel mais également décidé de rompre les contrats d'agent commercial ; que ces contrats étant désormais rompus, il n'y a plus lieu de prononcer leur résolution judiciaire ; qu'il convient en revanche de se prononcer sur les manquements invoqués et sur l'indemnité de rupture à laquelle peut prétendre l'agent commercial, en application des articles L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce.

S'agissant des manquements imputés à ses mandants, elle soutient que les contrats d'agence signés ne pouvaient prévoir une rémunération forfaitaire fixe de 100 euros par jour travaillé, avec prise en charge des frais de déplacement et d'hébergement, sans porter atteinte à son statut de mandataire indépendant, puisque ce mode de rémunération aboutit à un contrôle quotidien de l'activité de l'agent, nécessairement incompatible avec la liberté que l'agent commercial a d'organiser son activité comme il l'entend.

De la même façon, elle considère que l'atteinte à son indépendance est caractérisée également par le fait pour les sociétés mandantes de fixer à l'avance des dates de congés pour leurs agents commerciaux et d'exiger d'eux des comptes rendus d'activité très détaillés.

Elle fait valoir par ailleurs que la clause du mandat imposant à l'agent de ne pas prendre une activité supplémentaire est contraire au statut des agents commerciaux et plus particulièrement à l'article L. 134-3 du code de commerce.

Enfin, elle souligne que la clause 3 du contrat d'agence, prévoyant que la clientèle reste la propriété du mandant, marque la volonté de ce dernier de rejeter les règles applicables au contrat d'agent commercial.

Au contraire, les sociétés ALIBON et PROMATEL font valoir que le contrat a été librement négocié et que la rémunération de l'agent est conforme aux dispositions du code de commerce, dans la mesure où l'article L. 134-16 du même code, qui stipule non écrites les clauses ou conventions contraires aux dispositions d'ordre public du statut des agents commerciaux, ne vise pas l'article L. 134-5 consacré à la rémunération de l'agent commercial.

Elles soulignent que la clause indiquant que la société mandante reste propriétaire de sa clientèle ne fait que rappeler une réalité juridique qui découle de la qualité de mandataire de l'agent commercial, qui ne conclut pas d'opérations pour son propre compte. Cette clause est une incidente de l'absence de clause de non concurrence post mandat. Il ne peut donc exister de propriété de l'agent commercial sur la clientèle développée pour le compte du mandant.

Elles ajoutent que l'agent commercial organise librement ses tournées et n'a pas l'obligation de travailler tous les jours.

Enfin, elles estiment que les comptes rendus d'activité sont conformes à l'obligation de loyauté et au devoir réciproque d'information qui pèsent sur l'agent commercial et qu'il ne lui a jamais été imposé de fixer à l'avance ses congés. A cet égard, elles soulignent qu'en présence d'une rémunération forfaitaire, c'est la réalité de cette activité et non son résultat économique qui amène la facturation émise par l'agent qui doit justifier au mandant de son exécution du mandat, contrepartie de la rémunération forfaitaire perçue.

Elles en concluent qu'aucun des éléments liés à la formation du contrat, à son contenu puis à son exécution conforme, ne caractérisent d'une part, une inexécution ou une imparfaite exécution des obligations contractuelles par les mandants qui autoriserait la résolution judiciaire des mandats à leurs torts, ni d'autre par les circonstances imputables au mandant visées par le 2° de l'article L. 134-13 justifiant la rupture unilatérale du mandat par l'agent et le maintien d'une indemnité en compensation du préjudice subi du fait de cette rupture.

En droit, les modalités de rémunération de l'agent commercial sont définies par les articles L. 134-5 à L. 134-10 du code de commerce.

Selon l'article L. 134-5 « tout élément de la rémunération variant avec le nombre ou la valeur des affaires constitue une commission au sens du présent chapitre. Les articles L. 134-6 à L. 134-9 s'appliquent lorsque l'agent est rémunéré en tout ou en partie à la commission ainsi définie.

Dans le silence du contrat, l'agent a droit à une rémunération conforme aux usages pratiqués dans le secteur d'activité couvert par son mandat, là où il exerce son activité. En l'absence d'usages, l'agent commercial a droit à une rémunération raisonnable qui tient compte de tous les éléments qui ont trait à l'opération. »

L'article L. 134-6 dispose que « pour toute opération commerciale conclue pendant la durée du contrat d'agence, l'agent commercial a droit à la commission définie à l'article L. 134-5 lorsqu'elle a été conclue grâce à son intervention ou lorsque l'opération a été conclue avec un tiers dont il a obtenu antérieurement la clientèle pour des opérations du même genre.

Lorsqu'il est chargé d'un secteur géographique ou d'un groupe de personnes déterminé, l'agent commercial a également droit à la commission pour toute opération conclue pendant la durée du contrat d'agence avec une personne appartenant à ce secteur ou à ce groupe. »

Toutefois, les articles L. 134-5 et L. 134-6 ne sont pas visés par l'article L. 134-16 du code de commerce qui répute non écrites les clauses et conventions contraires aux dispositions d'ordre public du statut des agents commerciaux limitativement énumérées.

Il est donc loisible aux parties de convenir, lors de la négociation du contrat d'agence commerciale, d'un mode de rémunération autre qu'un commissionnement sur le chiffre d'affaires réalisé par l'intermédiaire de l'agent.

De ce point de vue, un forfait journalier tel que celui prévu par les deux contrats dénoncés, prenant en compte les diverses tâches incombant à l'agent, n'est pas contraire aux dispositions d'ordre public du statut d'agent commercial, à partir du moment où il n'en résulte pas pour celui-ci l'obligation de s'astreindre à un démarchage quotidien de la clientèle de son secteur, ce qui reviendrait, dans ce cas, à lui imposer une organisation de son activité contraire au principe d'indépendance qui le distingue du représentant salarié.

De la même façon, la clause prévoyant le remboursement des frais de restauration, d'hébergement et de déplacement sur la base d'un relevé détaillé n'est pas de nature à porter atteinte à l'indépendance de l'agent, mais constitue un élément de sa rémunération librement négocié.

Sur le grief tenant au contrôle de l'activité de l'agent portant atteinte à son indépendance, force est de constater que si la SARLU GC soutient que les sociétés ALIBON et PROMATEL exigent de l'agent commercial « des rapports de visite hebdomadaires écrits extrêmement détaillés qui doivent reprendre jour par jour et presque heure par heure le détail de son activité de prospection », le tableau produit en pièce 7 rend compte d'une activité sur plusieurs mois, rien n'indiquant que sa présentation résulte d'exigences du mandant contraires à l'indépendance de l'agent commercial dans l'organisation de son travail.

Au demeurant, comme le relèvent les sociétés intimées, l'article L. 134-4 du code de commerce impose au mandant et à son mandataire une obligation de loyauté et un devoir d'information réciproque qui justifient que l'agent commercial soit tenu de rendre compte régulièrement de l'exécution du mandat, ce qui implique notamment une remontée d'informations suffisamment complètes sur l'activité déployée par l'agent à destination de la clientèle existante et des prospects, et sur les résultats obtenus.

Ce grief n'est donc pas fondé, pas plus que ne l'est celui qui voudrait que les mandants aient imposé à l'agent commercial de fixer, à l'avance, la date de ses congés.

En effet, le courriel, pour partie illisible, qui fonde cet argument, demande aux agents commerciaux de préciser leurs dates de congés en vue de programmer une réunion téléphonique, pour leur retour, avec un représentant du fournisseur Bayer.

Sont également infondés les manquements allégués découlant de la clause 3 des contrats de mandat.

Le premier alinéa de cette disposition ne fait que rappeler que la clientèle reste la propriété des sociétés mandantes, en vertu du principe que les ventes conclues par l'intermédiaire de l'agent commercial, simple mandataire, ne produisent leurs effets juridiques qu'entre le mandant et ses clients, avec lesquels l'agent n'a aucun lien de droit.

A cet égard, en cas de cessation amiable ou judiciaire du mandat, l'indemnisation qui lui est versée par le mandant ne relève pas d'un rachat de clientèle mais de l'indemnisation du préjudice subi par l'agent du fait de la perte de son mandat.

Cette clause ne peut donc être interprétée, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, comme de nature à priver l'agent commercial de l'indemnité à laquelle il peut prétendre en cas de rupture de son contrat.

Le second alinéa de la clause 3 rappelle quant à lui la règle énoncée par l'article L. 134-3, selon laquelle l'agent commercial ne peut accepter la représentation d'une entreprise concurrente de celle de l'un de ses mandants, sans accord de ce dernier.

Ainsi les moyens invoqués par la SARLU GC, à l'appui de son action, ne sont pas fondés, la rupture des mandats à l'issue de la décision déférée étant de son seul fait en l'absence de démonstration des manquements imputés aux sociétés ALIBON et PROMATEL, ce qui justifie de la débouter de l'ensemble de ses demandes et d'infirmer le jugement en ce qu'il a résolu les contrats d'agent commercial aux torts partagés des co contractants.

Sur les demandes reconventionnelles des sociétés ALIBON et PROMATEL

Les sociétés intimées reprochent à l'agent commercial l'absence de fourniture aux mandants de la copie des justificatifs des dépenses réelles exposées et refacturées par l'agent commercial et d'avoir maximiser ses frais de déplacements au préjudice des sociétés représentées. Elles expliquent que jusqu'au changement de responsable de la coordination, en avril 2018, les agents commerciaux ne communiquaient qu'un simple tableau excel dépourvu de toute copie des justificatifs des frais exposés, à l'appui de leur facturation. Le commissaire aux comptes des sociétés mandantes a ainsi informé ces dernières de la nécessité, d'un point de vue comptable, de produire ces justificatifs.

Les intimées demandent en conséquence la condamnation de l'appelante à leur communiquer la copie des pièces justificatives établissant la réalité des paiements dont le remboursement a été obtenu au cours de la période d'exécution du mandat, sur la base de l'obligation faite à chaque partie de communiquer à l'autre les informations nécessaires à l'exécution du mandat.

Cependant, les sociétés mandantes se sont contentées pendant l'exécution des mandats et jusqu'au mois d'octobre 2018 du relevé détaillé qui leur était communiqué par l'agent commercial, sans estimer nécessaire d'exiger en même temps la production des justificatifs correspondants, étant précisé que la réalité de l'activité déployée et des déplacements effectués pouvait être corroborée à l'aide des comptes rendus d'activité qui leur étaient communiqués régulièrement et sur lesquels elles pouvaient faire apporter toute précision complémentaire.

Le remboursement sur production d'un relevé détaillé, pratiqué pendant trois ans, était en outre conforme à la lettre du mandat.

Si cette pratique a été modifiée à partir d'octobre 2018, les sociétés mandantes n'ont pas estimé utile, avant la rupture des contrats d'agence commerciale, de remettre en cause la réalité des frais exposés antérieurement dont elles avaient accepté le remboursement sans réserve.

Cette demande est en conséquence rejetée.

Les sociétés ALIBON et PROMATEL demandent en outre la condamnation de la société GC à leur payer une somme de 30 000,00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son attitude déloyale à l'égard de ses mandants, laquelle a consisté à rechercher une faute imaginaire de leur part, dans le but de les faire condamner à une somme indue, en recherchant par là à leur occasionner un préjudice économique, agissement constitutif d'une intention de nuire caractérisée.

Cependant, l'action en justice découlant de la contestation de la validité du contrat d'agent commercial, destinée à obtenir une indemnité en application des articles L. 134-12 et L. 134-13 2° du code de commerce, ne constitue pas un manquement à l'obligation de loyauté du mandataire dans l'exécution du mandat.

En outre, si ces dommages et intérêts sont destinés à réparer le préjudice résultant d'une procédure jugée abusive, comme le suggère la référence à la notion d'intention de nuire, cette intention n'est nullement caractérisée en l'espèce, la rédaction des mandats pouvant donner lieu à des interprétations divergentes.

Les sociétés ALIBON et PROMATEL sont en conséquence déboutées de leurs demandes reconventionnelles.

Sur les demandes annexes :

La société GC qui succombe pour l'essentiel, supportera la charge des dépens de première instance et d'appel.

Au regard des circonstances de la cause et de l'issue du litige, l'équité justifie de la condamner à payer aux sociétés ALIBON et PROMATEL une somme de 2 000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le jugement est infirmé de ces chefs.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement en ce qu'il a débouté la SARL GC de ses demandes d'indemnités de rupture, respectivement d'un montant de 94 000,00 euros envers la société ALIBON et de 50 000,00 euros envers la société PROMATEL, et de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 15 000,00 euros.

Le confirme en ce qu'il a débouté les sociétés ALIBON et PROMATEL de leurs demandes reconventionnelles,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Déboute la SARL GC de ses demandes tendant à voir dire et juger que les contrats d'agent commercial confiés à la société GC, respectivement, par la société ALIBON et par la société PROMATEL ont été rompus du fait de ces dernières,

Condamne la SARL GC aux dépens de première instance et d'appel.

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SARL GC à payer aux sociétés ALIBON et PROMATEL, ensemble, une somme de 2 000,00 euros au titre des frais non compris dans les dépens de l'entière procédure.