CA Pau, 2e ch. sect. 1, 17 décembre 2020, n° 18/01049
PAU
PARTIES
Demandeur :
Open Sud Gestion (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Alzeari
Conseillers :
M. Magnon, M. Darracq
Avocats :
Me Piault, Me Bernard
EXPOSÉ DES FAITS ET PROCÉDURE :
Selon contrat en date du 1er janvier 2001, C D A et Z X ont donné à bail commercial à la société OPEN SUD GESTION une villa meublée de type T4 sise dans un ensemble immobilier à Moliets, destinée à la location saisonnière.
Le contrat prévoyait que la société devait verser un loyer annuel égal à 50 % du chiffre d'affaires, un revenu correspondant au moins à seize semaines de location annuelle étant garanti.
Un avenant au bail signé le même jour prévoyait les conditions 'nancières relatives au séjour personnel des bailleurs dans la villa.
Par avenant en date du 28 juin 2002, le loyer variable a été transformé en loyer indexé sur l'indice INSEE du coût de la construction.
Selon les bailleurs, la clause d'indexation qui découle de cet avenant n'a pas été respectée.
S'estimant créanciers d'un arriéré de loyers, ils ont fait délivrer le 21 mars 2016 un commandement en matière commerciale aux fins de faire respecter les stipulations contractuelles et de réclamer le paiement de la somme de 9649,30 euros.
La société OPEN SUD GESTION a répondu que ce commandement était infondé.
Par acte en date du 30 juin 2016, les consorts B ont fait assigner la société OPEN SUD GESTION pour demander que soit constatée la résiliation du bail commercial et qu'à défaut de libération des lieux, son expulsion soit ordonnée.
En l' état de leurs dernières conclusions, ils ont sollicité la condamnation de la société preneuse au paiement de :
la somme de 12 181,24 euros au titre de l'arriéré de loyer ainsi qu'une indemnité d'occupation égale au montant du loyer et des charges jusqu'à la libération effective des lieux.
une somme de 7500 euros à titre de dommages intérêts
3000 euros sur le fondement de l'article 700. du code de procédure civile et aux dépens
La société OPEN SUD GESTION a soutenu que le contrat ne prévoit aucune clause d'échelle mobile en vertu de laquelle le loyer devrait être ajusté automatiquement chaque année selon l'évo1ution de l'indice du coût de la construction.
A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où le commandement serait considéré comme fondé, la société OPEN SUD GESTION a sollicité que soient rétroactivement suspendus les effets de 1a clause résolutoire à compter de la délivrance dudit commandement et que lui soit accordé un délai de 6 mois pour s'acquitter du montant des sommes dues et transmettre les documents dont la communication aura été ordonnée.
Elle a demandé en tout état de cause la condamnation de M A et de Mme X au paiement de la somme de 8000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 7 mars 2018, le tribunal de grande instance de Dax a :
Constaté le jeu de la clause résolutoire et la résiliation du bail liant la SA OPEN SUD GESTION et les consorts B à compter du 2l avril 20l6,
Dit que la société OPEN SUD GESTION doit libérer les lieux et ordonné en tant que de besoin son expulsion,
Condamné la SA OPEN SUD GESTION à verser à M A et Mme X la somme de 12181,24 euros au titre de l'arriéré de loyers,
Condamné la SA OPEN SUD GESTION à verser en deniers ou quittances à M A et Mme X une indemnité d'occupation égale au montant du loyer et des charges à compter du 1er mai 2016 et jusqu'à la libération effective des lieux,
Condamné la SA OPEN SUD GESTION à payer à M A et Mme X la somme de 1500 euros à titre de dommages intérêts,
Ordonné l'exécution provisoire,
Condamné la SA OPEN SUD GESTION à verser à M A et Mme X la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Débouté M A et Mme X du surplus de leurs demandes et la SA OPEN SUD GESTION de l'ensemb1e de ses demandes,
Condamné la SA OPEN SUD GESTION aux dépens et au remboursement du coût du commandement de payer en date du 21 mars 2016.
Par déclaration en date du 30 mars 2018, la SA OPEN SUD GESTION a relevé appel de ce jugement.
La clôture est intervenue le 07 octobre 2019, l'affaire étant fixée au 14 octobre 2019, puis renvoyée au 23 mars 2020, et, après renvoi à la mise en état en raison de l'état d'urgence sanitaire, fixée au 2 novembre 2020.
Au delà de ce qui sera repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l'espèce des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la cour entend se référer pour l'exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures visées ci dessous.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Vu les conclusions notifiées le 13 septembre 2019 de la SA OPEN SUD GESTION qui demande à la Cour de :
Vu les articles 1102, 1134, 1147 du Code civil dans leur rédaction applicable aux faits de la cause,
Vu l'article 2224 dudit code
Vu les articles L. 145-37, L. 145-38, L. 145-39, L. 145-41 du Code de commerce,
Vu les articles L. 112-1 et L. 112-2 du Code monétaire et financier,
Vu les pièces versées aux débats et le jugement dont appel
Déclarer recevable et bien fondée la société OPEN SUD GESTION en son appel, ainsi qu'en toutes ses demandes ;
Y faisant droit,
Infirmer le Jugement dont appel, rendu le 7 mars 2018 par le Tribunal de Grande Instance de DAX en toutes ses dispositions,
En tout état de cause,
Infirmer le jugement dont appel en ce que le Tribunal a constaté le jeu de la clause résolutoire et la résiliation du bail liant la SA OPEN SUD GESTION et les consorts A X à compter du 21 avril 2016 et dit que la société OPEN SUD GESTION devait libérer les lieux et a ordonné son expulsion,
Infirmer le jugement dont appel en ce que le Tribunal a condamné la SA OPEN SUD GESTION à verser à Monsieur A et Mme X la somme de 12 182,24 euros à titre d'arriérés de loyer,
Infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société OPEN SUD GESTION à verser en denier ou quittances à Monsieur A et Madame X une indemnité d'occupation égale au montant du loyer et des charges à compter du 1er mai 2016 et jusqu'à libération effective des lieux,
Infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société OPEN SUD GESTION à payer à Monsieur A et Madame X une somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts,
Infirmer le Jugement en ce qu'il a condamné la société OPEN SUD GESTION à payer à Monsieur A et Madame X une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens, outre coût du commandement du 21 mars 2016,
Infirmer le Jugement en ce qu'il a débouté la société OPEN SUD GESTION de ses demandes,
Statuant à nouveau,
Dire et Juger qu'il n'existe pas dans les conventions liant les parties de clause d'échelle mobile, que la clause figurant à l'article I alinéa 2 de l'avenant au bail signé le 28 juin 2002, ne peut être interprétée comme instaurant une clause d'indexation annuelle du loyer effective et applicable entre les parties,
Dire et juger en conséquence que la Société OPEN SUD GESTION n'a commis aucune infraction au bail en n'indexant pas automatiquement le loyer chaque année, et qu'elle n'est débitrice d'aucun reliquat ou arriérés de loyers,
En toute hypothèse, dire et juger que le commandement visant la clause résolutoire délivré le 21 mars 2016 par les consorts A et X à la société OPEN SUD GESTION, est nul et de nul effet, en tout état de cause, sans aucun fondement, et qu'il ne saurait emporter acquisition de la clause résolutoire en application de l'article L. 145-41 du Code de commerce,
Débouter les consorts A et X en toutes leurs demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,
Condamner les consorts A et X à rembourser à la société OPEN SUD
GESTION les sommes reçues en exécution du jugement dont appel, soit 15 181,24 €, avec intérêt au taux légal à compter du 26 juin 2018, date du paiement,
Débouter les consorts A et X de leur appel incident,
Vu les conclusions notifiées le 17 septembre 2019, par les consorts A X qui demandent à la Cour de :
Confirmer le jugement entrepris.
Constater la violation des clauses contractuelles par la société OPEN SUD GESTION tant en ce qui concerne le refus d'application de l'indexation annuelle des loyers, que de l'application de l'indice contractuel ou du refus de justifier des charges et des loyers prélevés par elle.
En conséquence, constater que la société OPEN SUD GESTION n'a pas déféré dans le délai légal au commandement en matière commercial qui lui a été délivré le 21 mars 2016, et constater le jeu de la clause résolutoire au 21 avril 2016.
Dire et juger que le bail commercial liant les parties se trouve actuellement résilié et condamner la société OPEN SUD GESTION à la libération effective des lieux loués qu'elle occupe sans droit ni titre.
Ordonner, à défaut de libération effective, l'expulsion de la société OPEN SUD GESTION ainsi que de tout occupant de son chef avec au besoin le concours d'un serrurier et de la force publique dans les conditions prévues par les articles 61 et suivants de la loi du 9 juillet 1991 modifiés et complétés par la loi du 29 juillet 1998.
Condamner la société OPEN SUD GESTION au paiement, à titre provisionnel, d'une indemnité d'occupation équivalente au montant du loyer et des charges et ce jusqu'à la libération effective des lieux loués.
Condamner la société OPEN SUD GESTION au paiement de l'arriéré du loyer et des indemnités d'occupation provisoirement arrêté au 30 septembre 2018 par application de l'indexation annuelle sur l'indice INSEE du coût de la construction, soit :
. à titre principal, la somme de 15 917,58 €, selon le décompte retenu par le Tribunal.
. à titre subsidiaire, la somme de 14 984,94 €, si la Cour retenait une indexation annuelle au 1er janvier avec pour base l'indice INSEE du 4ème trimestre 2001.
. à titre infiniment subsidiaire, la somme de 13 937,61 €, si la Cour retenait une indexation annuelle au 1er janvier avec pour base l'indice INSEE du 1er trimestre 2002.
Débouter la société OPEN SUD GESTION de sa demande de suspension rétroactive des effets de la clause résolutoire et de sa demande de délai de grâce pour lui permettre de régler les sommes dues.
Débouter plus généralement la société OPEN SUD GESTION de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions.
Réformer partiellement le jugement entrepris.
Motifs
La condamner en outre au paiement d'une somme de 7 500,00 € à titre de dommages et intérêt en réparation du préjudice financier et moral subi par les concluants.
La condamner en outre au paiement d'une somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens et ce compris le coût du commandement, celui de la présente assignation et de tous les frais d'exécution à venir.
MOTIVATION :
Sur l'existence d'une clause d'échelle mobile :
A l'appui de leurs demandes, les consorts A X soutiennent que l'article I de l'avenant du 28 juin 2002, qui modifie l'article 5-1du bail signé le 1er janvier 2001, comporte une clause d'indexation rédigée dans les termes suivants :
« I Détermination du loyer :
Le loyer annuel garanti est calculé au regard de l'année civile de référence, soit du 1er janvier au 31 décembre. Dans la mesure où le bail commencerait en cours d'année civile, les loyers seront calculés au prorata temporis en faisant référence à la date de début du bail.
Le loyer annuel versé au bailleur est de 7500 euros TTC indexé sur l'indice INSEE du coût de la construction.
Cet article remplace l'article 5-1 du bail original signé le 1er janvier 2001».
Ils soutiennent que cette clause doit être interprétée en ce sens qu'elle prévoit une indexation automatique et annuelle du loyer, sur la base de l'indice INSEE du coût de la construction, dont le preneur n'a pas tenu compte, manquant ainsi à l'une de ses obligations contractuelles.
#1 Ils considèrent que les trois critères qui caractérisent une clause d'échelle mobile : automaticité, précision de l'indice et périodicité sont bien réunis en l'espèce. Ils soulignent qu'à plusieurs reprises en 2005, 2006 et 2008, ils ont réclamé l'indexation annuelle du loyer se heurtant à la mauvaise foi du preneur.
Enfin, ils rappellent que, selon la jurisprudence, le bailleur, qui ne s'est pas prévalu pendant plusieurs années de la clause d'échelle mobile contractuellement stipulée, n'est pas présumé y avoir renoncé.
La société OPEN SUD GESTION s'oppose à cette lecture du contrat.
Elle fait valoir que le bail initial ne prévoyait pas d'indexation du loyer qui était calculé chaque année sur la base d'une clause recette.
Lorsque le bail a été modifié le 28 juin 2002, les parties ont convenu d'un loyer annuel indexé sur le coût de la construction, ce qui ne suffit pas à établir l'existence d'une clause d'échelle mobile qui obligerait le preneur à appliquer spontanément, chaque année et sans mise en demeure du bailleur, une indexation du loyer.
#2 Elle considère qu'en l'absence d'une clause du bail précise prévoyant les modalités d'une indexation automatique ( périodicité , indice de référence '), la révision du loyer n'était ni annuelle, ni automatique et ne pouvait intervenir qu'en application des dispositions statutaires prévues par les articles L. 145-37 et R. 145-20 du Code de commerce.
En droit, l'article L. 145-39 du code de commerce, reprenant de précédentes dispositions, consacre la validité des clauses d'échelle mobile insérées dans un bail commercial, qui permettent la révision automatique du prix en fonction d'un indice aux échéances choisies par les contractants.
A défaut de clause d'échelle mobile stipulée au bail ou d'accord des parties, le loyer ne peut être révisé que selon la procédure prévue par les articles L. 145-37, L. 145-38 et R. 145-20 et suivants du code de commerce, tous les trois ans.
Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, à défaut de clause claire et précise, il incombe aux juges du fond de rechercher la commune intention des parties.
#3 Toute clause de révision du prix du bail ne constitue pas nécessairement une clause d'échelle mobile, les parties ayant pu se borner à rappeler les règles prévues par les dispositions du code de commerce régissant la révision triennale des loyers commerciaux, selon lesquelles, tous les trois ans, les parties peuvent adresser à leur cocontractant une demande de révision, qui doit être acceptée pour prendre effet, le juge des loyers pouvant être saisi en cas de refus et devant alors fixer le loyer d'après la valeur locative.
Un mécanisme de plafonnement est institué (le loyer révisé ne peut être supérieur à celui qui résulterait de l'évolution de l'indice applicable au loyer d'origine) sauf si est rapportée la preuve d'une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné par elle même une variation de plus de 10% de la valeur locative.
A l'inverse, la seule référence à une révision triennale n'exclut pas l'existence d'une clause d'échelle mobile. Il a ainsi été jugé que la clause selon laquelle « le bail sera révisable tous les trois ans en fonction de l'indice du coût de la reconstruction publié par l'INSEE, l'indice de référence étant celui du 1er trimestre de l'année x », constitue une clause d'échelle mobile.
#4 En effet, la révision légale s'effectue, non pas en fonction de la variation de l'indice du coût de la construction, mais en fonction de la modification de la valeur locative des lieux loués, l'indice visé ne servant qu'au plafonnement du loyer révisé.
Il résulte de la jurisprudence que la référence à un indice précis, à une périodicité de l'indexation et à la période de référence à prendre en considération conduisent à une qualification de clause d'échelle mobile.
En revanche, si la clause est imprécise, si la périodicité d'indexation et l'indice ou la date de référence ne sont pas clairement mentionnés, et à défaut d'établir la commune intention des parties d'appliquer une clause d'échelle mobile, le loyer doit être révisé selon les dispositions statutaires.
En l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats que le 3 juin 2002, la société OPEN SUD GESTION a adressé à C D A un courrier l'informant que suite aux difficultés apparues dans l'interprétation de la clause du bail initial prévoyant un loyer minimum garanti de 16 semaines de location annuelle et afin de maintenir l'équilibre de la convention, elle envisageait de proposer un avenant selon l'option suivante :
#5 soit la mise en place d'un loyer fixe, en lieu et place du loyer variable, soit la mise en place d'un avenant contenant de plus amples précisions afférentes à la détermination du loyer minimum dans le cadre d'un loyer variable.
Dans cette lettre, la société preneuse soulignait les mérites d'un loyer fixe dans les termes suivants : « le loyer garanti indexé sur l'indice INSEE du coût de la construction vous apporte une stabilité des revenus et ce, quelque soit l'activité locative. Les loyers proposés sont plus élevés et donc plus intéressants que ceux initialement prévus lors de l'acquisition avec la société Maisons de Biarritz »
Un délai était imparti aux bailleurs pour accepter l'une ou l'autre de ces propositions, à défaut de quoi, la société OPEN SUD GESTION indiquait devoir dénoncer la convention, à l'issue de la première période triennale, ne pouvant verser les loyers auxquels certains propriétaires aspiraient.
C'est à la suite de cette correspondance qu'a été signé l'avenant du 28 juin 2002 modifiant notamment les modalités de calcul du loyer.
#6 Par courrier du 10 janvier 2005, en réponse à une demande de « réactualisation du loyer » formée par les consorts A X, la société OPEN SUD GESTION leur a rappelé les termes de la clause relative au loyer, résultant de l'avenant du 28 juin 2002, en leur indiquant qu'elle n'effectuerait pas de révision du loyer cette année.
A ce courrier était joint l'avis juridique daté du 1er mars 2001, soit bien avant la modification du bail, remis à la société locataire par un cabinet de juristes consulté sur l'interprétation d'une clause type rédigée dans les termes suivants: «loyer annuel garanti de xxx francs TTC la première année ( puis indexé sur l'indice INSEE du coût de la construction ) payable trimestriellement le 15 du mois suivant le trimestre écoulé».
Cet avis indiquait que dans l'imprécision du contrat, il convenait de se référer au principe général, c'est-à- dire de limiter la révision du loyer à chaque période triennale, sur demande formée soit par acte d'huissier, soit par lettre recommandée avec accusé de réception ( article 26 alinéa 1 du décret de 1953 ).
#7 Par courrier du 7 janvier 2006, faisant suite à une nouvelle demande des bailleurs, la société OPEN SUD GESTION a précisé sa position, en indiquant qu'une indexation de type triennale n'était pas automatique, qu'elle s'effectuait avec une période de minimum trois années entre deux évaluations et devait faire l'objet d'une demande écrite des bailleurs par courrier recommandé avec accusé de réception, ajoutant que cependant, pour leur être agréable, une indexation serait effectuée à compter du 1er janvier 2006.
Par courrier du 16 décembre 2008, la société OPEN SUD GESTION a adressé aux bailleurs un projet d'avenant visant à modifier, de nouveau, les conditions du bail, concernant le loyer et les modalités d'occupation personnelle.
S'agissant du loyer, ce courrier fait référence aux « échanges des bailleurs avec le service propriétaire concernant l'indexation de vos loyers ».
Il poursuit en indiquant « en vertu de l'article 8 du bail qui nous lie, le loyer est soumis à indexation triennale proportionnellement à la variation de l'indice du coût de la construction ».
A ce stade, il convient de relever que le contrat de bail versé aux débats, de part et d'autre, comporte un article 8 mais qui est relatif à l'élection de domicile et non à la révision du loyer.
Suit un passage sur « l'indexation qui est censée maintenir le pouvoir d'achat de votre loyer afin de compenser l'inflation. Néanmoins, depuis maintenant plusieurs années, la progression annuelle de l'indice du coût de la construction est nettement plus forte que celle de l'indice des prix.. ».
La société OPEN SUD GESTION indique ensuite que l'application de cet indice sur les trois dernières années l'obligerait à augmenter le loyer de 12 % alors qu'elle ne peut augmenter ses tarifs en raison d'une concurrence très forte.
Elle propose en conséquence de renégocier l'évolution du loyer en fonction de la variation de l'indice de la construction, dans la limite de 3 % à chaque échéance triennale, en tenant compte d'une inflation en moyenne de 1% l'an.
Cet avenant n'est pas produit par la société appelante. Les intimés produisent également ce courrier auquel est annexé un projet d'avenant rédigé dans des termes curieux.
Tout d'abord , ce document contient un préambule qui précise que le projet d'avenant vise à contenir les effets liés à l'indexation du loyer. Ce préambule fait référence à une date du bail manifestement erronée, « 27 avril 2004 ».
Suit un article 5 relatif au loyer qui contient un protocole transactionnel par référence aux articles 2044 et 2052 du code civil rédigé dans les termes suivants :
« en raison de circonstances financières particulières, afin d'éviter d'éventuels litiges entre les parties et de faire perdurer leurs relations contractuelles, les parties ont convenu de conclure le présent avenant au bail commercial signé « le 29 mars 2004.
#8 Ce dernier, en raison des concessions réciproques qu'il contient a valeur d'accord transactionnel au sens des articles 2044 et suivants du code civil. Ainsi, concomitamment à la signature des présentes, les parties renoncent à tout droit et action judiciaire relatifs à leurs relations contractuelles passées et s'engagent notamment à se désister de toute action judiciaire en cours ou à défaut et à n'intenter aucune action judiciaire. ».
Figure à la suite un paragraphe relatif au « Plafonnement de la révision du loyer » qui remplace l'article 5 du bail commercial signé le 1er janvier 2001 ainsi que l'avenant du 28 juin 2002, «pour ce qui concerne la révision triennale du loyer.», dans les termes suivants :
«Les parties conviennent que le loyer du bail commercial signé le 1er janvier 2001 est révisable tous les trois ans à compter du 1er juillet 2008, en fonction de la variation de l'indice de révision des loyers publié par l'INSEE.
Il est expressément convenu entre les parties que les révisions de loyer seront limitées à la hausse comme ( manque un mot ) à 9 % de variation triennale du loyer.
#9 L'indice de base sera celui du premier trimestre 2006 et l'indice de référence, celui du trimestre applicable à la date anniversaire de la prise d'effet du bail de chacune des années suivantes.. ».
Ce projet d'avenant n'a pas été ratifié par les bailleurs, mais la société OPEN SUD GESTION n'en conteste pas la teneur.
Il ressort également des pièces produites que deux indexations triennales du loyer ont été pratiquées par la société OPEN SUD GESTION :
- l'une au 31 décembre 2005, sur la base d' un indice qui n'est pas précisé mais qui ne correspond pas à l'indice du coût de la construction ( indice T1 2005/ indice de référence T1 2002 = 102,14/ 94,95)
- l'autre au 30 septembre sur la base de l'indice INSEE de révision des loyers ( indice T1
2008/ indice de référence T1 2005= 115,12/109,64).
Par la suite, aucune autre indexation ni révision du loyer n'est intervenue ni n'a été demandée par les bailleurs, jusqu'au commandement de payer délivré par eux le 21 mars 2016, réclamant un arriéré de loyer correspondant à l'indexation annuelle de celui ci depuis 2011.
#10 Après examen des pièces soumises à son appréciation, la cour retient qu'aux termes de l'avenant du 28 juin 2002, les parties ont convenu d'une indexation du loyer annuel, sur la base de l'indice INSEE du coût de la construction, selon des modalités non précisées.
Par la suite et avant même l'expiration de la première période triennale suivant la prise d'effet du bail intervenue le 1er juillet 2002, les bailleurs ont sollicité une réactualisation du loyer qui leur a été refusée. Mais par la suite et avant même toute nouvelle demande de leur part, la société OPEN SUD GESTION a procédé à une indexation triennale du loyer du 4ème trimestre 2005, sur la base d'un indice de référence différent de l'indice du coût de la construction, base 1er trimestre 2002.
Trois ans plus tard et alors qu'il n'est pas justifié d'une demande de révision du loyer par les bailleurs, elle a procédé à une seconde indexation triennale du loyer du 3ème trimestre 2008, sur la base d'un indice là encore non prévu au contrat, valeur au 1er trimestre 2005.
Les bailleurs n'ont pas remis en cause la périodicité des indexations appliquées par le preneur.
Il résulte de ces constats que les parties se sont accordées sur une indexation triennale du loyer.
#11 Des lors, le preneur aurait dû appliquer de lui même une nouvelle indexation du loyer à compter du 1er juillet 2011, soit sur la base de l'évolution de l'indice du coût de la construction convenu dans l'avenant de 2002, soit sur la base de l'indice de référence des loyers appliqué, sans contestation des bailleurs, en 2008 et ce, en retenant la valeur du dernier indice publié avant la date anniversaire de la prise d'effet du bail ( 1er juillet 2011 ), puis en 2014, selon les mêmes règles de calcul, avant le commandement délivré en 2016.
Les bailleurs réclament l'indexation du loyer sur la base de l'indice du coût de la construction. Le dernier indice d'indexation appliqué par le preneur a été l'indice de référence des loyers dont l'évolution a été un peu plus favorable que l'indice du coût de la construction sur la période 2008-2014.
La cour ne pouvant statuer ultra petita, c'est donc l'indice du coût de la construction qui sera retenu pour calculer l'arriéré de loyer résultant de l'indexation triennale.
Etant précisé que la mention dans le commandement de payer d'une somme supérieure à celle due véritablement n'emporte pas nullité du commandement, il appartient aux bailleurs de fournir un nouveau décompte de leur créance en distinguant la période visée par le commandement de payer, selon les règles de calcul suivantes :
loyer servant de base au calcul de l'indexation depuis 2008 : 2157,26 TTC ;
périodicité d'indexation : triennale à la date anniversaire de la prise d'effet du bail, soit les 1er juillet 2011, 1er juillet 2014 et 1er juillet 2017, l'arriéré de loyer étant arrêté au 30 avril 2016 et l'indexation postérieure servant à calculer la variation de l'indemnité d'occupation jusqu'au 30 septembre 2008, date de l'arrêté de créance des intimés ;
indice d'indexation : indice du coût de la construction base valeur du 1er trimestre 2008: 1497 ;
formule d'indexation :
loyer année (n+3) = loyer année (n) x indice 1erTrimestre (n+3) indice 1er Trimestre ( n)
Il convient ainsi de sursoir à statuer sur l'ensemble des demandes des parties, d'ordonner la réouverture des débats aux fins de production d'un nouveau décompte de créance par les intimés, conforme à la demande de la cour. L'affaire est en conséquence renvoyée à une audience ultérieure, sans rabat de l'ordonnance de clôture, les parties étant autorisées, au besoin, à faire toutes observations utiles, par écrit, sur le décompte qui sera établi, dans le respect du contradictoire.
Dispositif
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant pas arrêt mis à disposition au greffe contradictoirement et en dernier ressort,
Constate que les parties ont convenu d'une clause d'échelle mobile prévoyant l'indexation triennale du loyer du bail commercial signé le 1er janvier 2001, modifié par avenant du 28 juin 2002, et ce sur la base de la variation de l'indice du coût de la construction,
Avant dire droit,
Ordonne la réouverture des débats sans rabat de l'ordonnance de clôture,
Invite les intimés à produire et communiquer un nouveau décompte de leur créance faisant figurer l'indexation triennale du loyer et de l'indemnité d'occupation, sur la période comprise entre le 1er juillet 2011 et le 30 septembre 2018, en distinguant la période visée par le commandement de payer de la période postérieure, selon les règles de calcul figurant aux motifs de l'arrêt,
Renvoie l'affaire à l'audience du mardi 27 avril 2021 à 14 heures,
Autorise les parties à faire valoir par écrit toute observation utile sur le décompte qui sera produit,
Sursoit à statuer sur l'ensemble des demandes des parties.
Le présent arrêt a été signé par Madame Marie Paule ALZEARI, Présidente, et par Madame Nathalène DENIS, greffière suivant les dispositions de l'article 456 du Code de Procédure Civile.