Cass. com., 20 octobre 2021, n° 20-11.095
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Rémery
Avocats :
Me Carbonnier, SCP Thouin-Palat et Boucard
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 novembre 2019), la société BM & VT a été constituée à parts égales entre M. [T], son gérant depuis le 15 juin 2011, et Mme [H]. L'article 17 de ses statuts prévoyait que, dans l'hypothèse où le gérant souhaiterait retirer l'avance en compte courant qu'il aurait effectuée, ses conditions de retrait et de rémunération seraient fixées par décision collective des associés. M. [T] a procédé le 19 décembre 2014 au remboursement de son compte courant d'associé.
2. La société BM & VT a été mise en liquidation judiciaire le 12 mai 2015, la société MJA étant désignée liquidateur et la date de cessation des paiements fixée au 28 avril 2015. Le liquidateur a recherché la responsabilité pour insuffisance d'actif du dirigeant.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première et troisième branches, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
4. La société MJA, ès qualités, fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes, alors « que le remboursement du compte courant d'associé constitue une faute de gestion même si la société dispose sur le moment des liquidités suffisantes pour y procéder puisque, intervenant dans un contexte de difficultés financières, il prive la société de la trésorerie nécessaire au paiement de ses créanciers et à son activité ; que pour écarter la responsabilité du gérant au titre de l'insuffisance d'actif, la cour d'appel a retenu qu'au jour où il a été procédé au retrait du compte courant du gérant, les comptes bancaires de la société BM & VT présentaient un solde créditeur d'une somme supérieure au montant du remboursement ; qu'en statuant ainsi, par un motif impropre à écarter une faute de gestion, la cour d'appel a violé l'article L. 651-2 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 651-2 du code de commerce :
5. Selon ce texte, lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de celle-ci sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion.
6. Pour écarter la faute de gestion de M. [T], l'arrêt relève que celui-ci a procédé au paiement de son compte-courant d'associé tandis que les comptes bancaires de la société étaient créditeurs d'une somme supérieure au montant du remboursement.
7. En statuant par de tels motifs, impropres à exclure à eux seuls la faute du gérant, à qui le liquidateur reprochait d'avoir procédé au remboursement de son compte courant d'associé en parfaite connaissance des difficultés financières de la société et particulièrement de sa situation de trésorerie, pour privilégier sa situation personnelle, la cour d'appel, peu important le caractère potestatif qu'elle a attribué à l'article 7 des statuts, dont le refus d'application par elle ne suffisait pas à écarter le caractère fautif du retrait des fonds, dans les circonstances invoquées par le liquidateur, n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.