CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 11 janvier 2022, n° 20/15934
PARIS
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
CREATIONS GUIOT DE BOURG (SAS)
Défendeur :
H. SELLIER (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Douillet
Conseillers :
Mme Barutel, Mme Bohée
Vu le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 30 mars 2017 ;
Vu l'appel interjeté à l'encontre dudit jugement le 6 avril 2017 par la société Créations Guiot de Bourg;
Vu l'ordonnance de radiation du conseiller de la mise en état du 28 mai 2018 ;
Vu l'avis de fixation du 13 novembre 2020 ;
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées, par voie électronique, le 27 octobre 2021 par la société Créations Guiot de Bourg, appelante ;
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées, par voie électronique, le 8 octobre 2021 par la société H. Sellier, intimée ;
Vu l'ordonnance de clôture du 9 novembre 2021 ;
SUR CE, LA COUR,
Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.
Il sera simplement rappelé que la société H. Sellier, à l'origine maison de selliers harnacheurs parisiens fondée en 1837, dont le siège social est situé [...], est connue dans l'univers du luxe en France et à l'étranger dans le monde créatif de la mode, du cuir, de la bijouterie, de l'horlogerie et des parfums. Elle commercialise depuis de nombreuses années un bijou en métal précieux « Chaîne d'Ancre » sous forme de bracelet et de collier composé d'une succession de maillons enlacés entre eux formant une chaîne qui s'attache par un fermoir en forme de T.
Elle expose avoir décliné cette thématique Chaîne d'ancre dans une gamme de bijoux Elle revendique ainsi des droits d'auteur sur les bijoux suivantes :
- des boutons de manchette Marine,
- des boutons de manchette dénommés mini-chaîne d'ancre pour lesquels elle a déposé un modèle international désignant l'Union européenne le 10 juillet 2003 portant le n° 063 981.
- un bracelet Granville à simple tour, et à double tour, ce dernier ayant donné lieu à un dépôt de modèle international désignant l'Union européenne le 8 août 2012 portant le n° 078 873.
- une bague dénommée Chaîne d'ancre mini
- une bague dénommée Maillon d'ancre ayant donné lieu à un dépôt de modèle français le 4 octobre 1982 portant le n° 823 383
- une bague dénommée Chaîne d'Ancre enchaînée grand modèle
- une collection de bijoux Farandole comprenant un bracelet, un collier et des boucles d'oreille.
La société Créations Guiot de Bourg installée dans le quartier du Marais à Paris se présente comme une société de fabrication et de négoce de bijoux notamment en argent, auprès de détaillants.
À la suite d'un contrôle douanier effectué le 31 mars 2015, qui a abouti à la retenue de 52 articles, la société H. Sellier expose avoir découvert que la société Créations Guiot de Bourg commercialisait des bracelets, colliers, boucles d'oreilles, boutons de manchette présumés porter atteinte à ses droits d'auteur sur le bijou « Chaîne d'Ancre » et les bijoux qui en sont dérivés. Elle a donc fait procéder à la saisie réelle des produits litigieux qui lui ont été remis sous scellés le 13 avril 2015. Par courrier du 23 avril 2015 la société H. Sellier a mis en demeure la société Créations Guiot de Bourg de cesser ces agissements. En réponse, par courrier du 13 mai 2015, cette dernière a contesté les contrefaçons alléguées au motif que la maille « Chaîne d'Ancre » de même que le bracelet « Chaîne d'Ancre » faisaient partie du domaine public.
Enfin, la société H. Sellier a fait constater par huissier le 28 avril 2015 sur internet qu'il était aussi possible d'acheter sur des sites marchands les bijoux litigieux fournis par la société Créations Guiot de Bourg.
C'est dans ce contexte que la société H. Sellier a fait assigner la société Créations Guiot de Bourg le 12 mai 2015 devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon et concurrence déloyale.
Par jugement du 30 mars 2017 dont appel, le tribunal de grande instance a':
Dit la société H. Sellier recevable à agir en contrefaçon de droits d'auteur sur le bijou 'Chaîne d'Ancre' exploité sous forme de bracelet et de collier, les boutons de manchette Marine, les boutons de manchette Mini Chaîne d'Ancre, le bracelet Granville, la bague Chaîne d'Ancre mini, la bague Maillon Ancre, le bijou Farandole et les boucles d'oreille Farandole,
Débouté la société Créations Guiot de Bourg de sa demande en nullité du modèle international DM/078873 dont la société H. Sellier est titulaire,
Dit la société H. Sellier recevable à agir en contrefaçon de droits sur les modèles communautaires DM/063 981 et DM/ 078 873 dont elle est titulaire,
Dit que la société Créations Guiot de Bourg a commis des actes de contrefaçon en important et commercialisant le collier et le bracelet Chaîne d'Ancre, les boutons de manchette Marine, les boutons de manchette Mini Chaîne d'Ancre, le bracelet Granville, la bague Chaîne d'Ancre mini, la bague Maillon Ancre, le bijou Farandole et les boucles d'oreille Farandole, portant atteinte aux droits patrimoniaux d'auteur de la société H. Sellier et aux droits de ses modèles communautaires DM/063 981 et DM/ 078 873,
Interdit à la société Créations Guiot de Bourg la poursuite de ces agissements et ce dans un délai de 15 jours à compter de la signification de la présente décision, sous astreinte de 150 euros par produit contrefaisant,
S'est réservé la liquidation des astreintes,
Ordonné la destruction des bijoux saisis aux frais de la société Créations Guiot de Bourg une fois la décision devenue définitive,
Condamné la société Créations Guiot de Bourg à payer à la société H. Sellier la somme de 35 000 euros du fait des atteintes aux droits d'auteur et celle de 5 000 euros du fait des atteintes aux droits des modèles,
Condamné la société Créations Guiot de Bourg à payer à la société H. Sellier la somme de 40 000 euros au titre de la concurrence déloyale et parasitaire,
Dit n'y avoir lieu à publication de la décision,
Ordonné l'exécution provisoire sauf sur la mesure de destruction.
Par ordonnance du 28 mai 2018, le conseiller de la mise en état a prononcé la radiation de l'affaire du fait de la non exécution du jugement.
L'appelante expose que sa gérante a été contrainte de contracter un prêt personnel assorti d'une hypothèque sur son logement personnel afin de payer le montant des condamnations.
L'instance d'appel a repris selon avis de fixation du 13 novembre 2020.
Sur la titularité de la société H. Sellier par cession de droits d'auteur sur le bijou 'chaîne d'ancre' et ses déclinaisons
L'appelante soutient que les formes du bracelet originaire sont incertaines ; qu'il y aurait deux dépôts déclaratifs avec deux photos différentes publiées à la SPADEM les 3 mars 1938 et 2 avril 1959 ; qu'aucun exemplaire originaire du bijou n'est versé aux débats de sorte que son aspect réel au jour de sa création ne peut être connu ; que le seul croquis produit comme preuve fondamentale de création est flou, n'est pas daté ou signé et ne montre aucun dessin complet de bracelet, juste deux mailles marine accrochées ; que les publications presse au fil des ans ne permettent pas une description du bracelet et la vérification d'une adéquation avec le modèle revendiqué.
Elle ajoute qu'au moment de la divulgation, la paternité revenait à la Maison H., seule mentionnée dans les documents administratifs et la majorité des articles et photos ;
qu'aucun contrat de cession de droit d'auteur n'a été établi par écrit même lorsque la loi est venue l'imposer ; que Robert D. prétendu créateur est devenu le dirigeant légal de la maison H. qui ne s'est pas mise en conformité avec le droit en vigueur ; qu'au moment de son accession à la présidence de la société H., aucun contrat de ses droits d'auteur n'a été ratifié, la maison H. et son dirigeant ayant choisi d'effectuer un nouveau dépôt SPADEM d'un bracelet Chaîne d'ancre le 24 avril 1959, au seul nom d'H. ; qu'aucun des trois documents produits par H. ne permet de justifier une cession à la société H. Sellier des droits d'auteur ce qui prouve, selon elle, que la SA H. n'a pas reçu dans son patrimoine lesdits droits, et en conséquence n'a pas pu les transmettre à la société H. Paris.
Elle en conclut que la chaîne de transmission des droits d'auteur sur le bijoux Chaîne d'ancre depuis 1938 n'est pas établie et qu' il n'est donc pas possible d'affirmer qu'ils sont régulièrement dans le patrimoine d'actifs de la société H.. Elle sollicite en conséquence l'irrecevabilité à agir de la société H. Sellier en contrefaçon de droits d'auteur sur le bijou 'chaîne d'ancre' et ses déclinaisons.
La société H. répond qu'il est établi que le bijou 'chaîne d'ancre' a été créé par Robert D. en 1938 puis déposé par son employeur H. auprès de la SPADEM le 3 mars 1938 ; que les droits d'auteur patrimoniaux sur le bijou 'Chaîne d' Ancre' objet d'un dépôt à la SPADEM en 1938, lui ont été transmis, en l'absence de formalisme des cessions de droit antérieures à la loi de 1957, ainsi qu'en atteste l'absence de revendication de Robert D. ou de l'un de ses héritiers alors même que le bijou est exploité intensément, y compris de son vivant, la continuité juridique entre l'entreprise individuelle Emile Maurice H., devenue société H. en 1938, puis H. Paris en 1976, H. SA en 1985 et enfin H. Sellier étant en outre démontrée. Elle prétend que le bijou et ses déclinaisons sont protégés par le droit d'auteur durant les soixante-dix années suivant le décès de l'auteur, soit jusqu'en 2049.
La cour constate que pour justifier de sa titularité de droits d'auteur la société H. Sellier démontre en premier lieu que Robert D., entré chez H. en 1929 à la suite de son mariage avec Jacqueline H., fille de Emile-Maurice H., s'inspirant d'une chaîne marine vue sur un quai du port de Saint-Aubin-sur-Mer, a créé le bijou intitulé 'chaîne d'ancre' en 1938.
Au soutien de sa démonstration elle produit notamment :
- un procès-verbal d'huissier en date du 18 mars 2011 relatif aux cahiers de croquis de Robert D. montrant le dessin des maillons chaîne d'ancre intitulé chaîne d'ancre sur lesquels est apposé le paraphe RD, initiales de Robert D. ;
- l'attestation en date du 22 mai 2013 de la directrice du patrimoine culturel d'H. en charge de la conservation des archives confirmant qu'il s'agit de l'écriture et des cahiers de Robert D. employé comme directeur artistique en plus de ses fonctions de directeur commercial ;
- le dépôt du bracelet chaîne d'ancre à la SPADEM (société de la propriété artistique des dessins et modèles) le 3 mars 1938 sous le n° 1678, le fait que ce dépôt a été effectué au nom de la société H. et non de Robert D. étant compatible, contrairement aux allégations de l'appelante, avec sa création par Robert D. et sa cession de droits au profit de la société H. ;
- le cahier des appointements justifiant de ce qu'à cette époque Robert D. était salarié de la société H. ;
- un extrait du livre de M. G., intitulé 'Souvenirs cousus Sellier - un demi-siècle avec H. dans lequel il relate la création de la 'chaîne d'ancre' par Robert D., le fait que M. G. soit un membre de la famille H. n'étant pas de nature à remettre en cause la force probante de ses déclarations effectuées près de 30 ans avant l'introduction de la présente instance par un témoin direct des circonstances et du processus de création du bijou litigieux ;
- des publications notamment dans le magazine Glamour en 2004, le magazine Newzy en décembre 2007, L'Officiel Homme en 2006 , Madame Figaro le 6 avril 2002 ou encore le Figaro du 7 novembre 2008.
Ces éléments, qui ne sont contredits par aucune pièce, la société Guiot de Bourg alléguant faussement que Gaëtan P. en serait un co-auteur ce qui est démenti par le fait que ni Gaetan de P. ni sa société qui était le fabricant d'H. ne se sont jamais prévalus d'aucune qualité d'auteur ainsi qu'en atteste un associé de la société de P. de 1942 à 1953, étant au surplus observé qu'ils doivent être appréciés en tenant compte de ce qu'il s'agit d'une création de 1938, ancienne de plus de 80 ans, rendant plus difficile la conservation des documents, établissent à suffisance que le bijou 'chaîne d'ancre' litigieux a été créé par Robert D..
La société H. prétend en second lieu que par l'effet d'une chaîne de droits elle est cessionnaire implicite des droits d'auteur de Robert D. sur le bijou litigieux.
La cour rappelle que les dispositions en vigueur avant la loi du 11 mars 1957 n'imposaient pas un écrit pour la cession des droits d'auteurs, et qu'à compter de cette date et jusqu'à la loi du 7 juillet 2016, seuls certains contrats, à savoir les contrats de représentation, d'édition et de production audiovisuelle, devaient être constatés par écrit en application de l'article L. 131-2 du code de la propriété intellectuelle dans sa version applicable à la cause.
La cour rappelle en outre que l'exigence d'un écrit, posée pour défendre les intérêts des auteurs, n'est qu'une règle de preuve et non de forme, opposable par l'auteur à l'exploitant de l'oeuvre.
En l'espèce, ainsi que l'a relevé pertinemment le tribunal, il est constant que la société H. a exploité sous son nom le bijou créé par Robert D. pendant 40 ans sans revendication de sa part, en toute connaissance de cause, alors que ce dernier a été salarié d'H. jusqu'en 1951, puis Directeur général adjoint et Président de 1951 à sa mort en 1978, et que cela est confirmé par les ayants-droits de Robert D. qui ne contestent pas la cession des droits d'auteur opérée au profit de la société H., ce dont il résulte une cession implicite des droits d'auteur au profit de la société H. transmise à la société H. Sellier en conséquence d'une chaîne de droits dont il est justifié, contrairement aux allégations de l'appelante, par la production notamment des procès-verbaux d'assemblées générales et des actes d'apport d'actifs et de transfert de fonds de commerce, de l'entreprise individuelle Emile Maurice H., à la société H., devenue H. Paris, puis H. SA et désormais dénommée H. Sellier.
Il s'ensuit que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a reconnu que la société H. Sellier est titulaire des droits patrimoniaux sur le bijou intitulé 'chaîne d'ancre' créé en 1938 par Robert D., et ce pour une durée de 70 ans courant à compter du décès de l'auteur, soit jusqu'au 1er janvier 2049, et qu'il l'a jugée en conséquence recevable à agir en contrefaçon de droit d'auteur sur le bijou 'chaîne d'ancre' et son exploitation sous forme de bracelet, collier, boutons de manchette Marine, boutons de manchette Mini chaîne d'ancre, bracelet Granville, bague Chaîne d'ancre, bague Maillon d'Ancre, bijou Farandole et boucles d'oreille Farandoles.
Sur l'originalité des bijoux
La société Créations Guiot de Bourg soutient que le modèle originaire dit 'chaîne d'ancre' n'est pas original puisqu'il se compose d'une chaîne consistant en la transposition non stylisée du maillon d'une chaîne maritime de mouillage au secteur de la bijouterie, qui se ferme par un fermoir massif de type T dit clavier.
Elle fait valoir que les modèles antérieurs à 1938 et les modèles vendus postérieurement, démontrent que le procédé de détournement du maillon maritime industriel vers un maillon de bijoux était connu pour des chaînes de montre fermées par un clavier (1869 et 1900), des colliers (1910) et bracelets art deco (1925) et qu'il est utilisé de manière banale et courante dans la bijouterie, régulièrement depuis au moins trente ans et encore aujourd'hui par d'autres concurrents. Elle considère que cette combinaison de deux éléments du domaine public ne traduit pas un effort créatif suffisant reflétant un parti pris inédit pour être originale et répond à une nécessité technique et utilitaire.
Elle soutient que les modèles dérivés du bijou originaire chaîne d'ancre ne sont pas non plus originaux. À ce titre, elle fait valoir que ces derniers sont revendiqués par H. comme une variation du modèle fondateur iconique, par la reprise d'une de ses composantes, maillon ou fermoir, sous sa configuration la plus simple, pour un montage comme bague, boucle d'oreille ou en bouton de manchette, ou encore en association de plusieurs mailles marines avec des chaînes de format différent, ce qui n'est que la déclinaison d'un genre, le bijou évoquant l'univers marin grâce au pouvoir évocateur de la maille marine. Or, une telle revendication de l'appropriation d'un univers, détourne selon elle les fondements du droit d'auteur en restreignant de manière excessive la liberté de commerce, de concurrence et de création. Elle précise en outre que la démonstration de l'originalité pour chaque bijou de la collection chaîne d'ancre fait défaut car elle repose uniquement sur une description technique et fonctionnelle des composantes de chacun des bijoux et sur la seule idée de transposer dans le domaine de la bijouterie des éléments du domaine public sans effort d'innovation ou de stylisation puisque la démarche affichée d'H. est de rester le plus fidèle possible au pouvoir évocateur de l'univers marin dans lequel les bijoux s'inscrivent.
La société H., s'agissant du bijou Chaîne d'Ancre, fait valoir que quand bien même il est inspiré des chaînes de navire qui existent dans l'industrie navale, il est original du seul fait de la transposition au domaine de la bijouterie d'éléments grossiers de l'industrie marine, de la modification de la matière, des dimensions et de la forme générale des maillons mais aussi de la combinaison des maillons avec un fermoir spécifique. Elle soutient que Robert D. a été le premier à transposer en le modifiant, ce maillon dans le domaine de la bijouterie, et que les pièces versées au débat par la société appelante sont non datées ou postérieures aux droits invoqués par H., et ne comportent pas en tout état de cause une antériorité de la maille H. à tige droite telle que revendiquée en combinaison avec un fermoir à bâtonnet cylindrique.
Elle soutient que la bague dénommée Maillon Ancre est originale du fait de la transposition au domaine de la bijouterie d'un maillon d'une chaîne de navire combiné avec un anneau de bague avec le parti pris d'isoler un des maillons et de l'incurver pour l'utiliser seul et de façon horizontale sur le doigt. Elle expose qu'il en va de même des boutons de manchette Marine dont l'originalité résulte de la transposition d'un élément de l'industrie navale en boutons de manchette et de sa combinaison avec un mécanisme de fermoir rappelant celui du bracelet. Elle soutient que l'application d'un fermoir en ornementation d'une bague et de boutons de manchette révèle l'originalité de la bague Chaîne d'Ancre mini et des boutons de manchette Mini-chaîne d'Ancre. Concernant le bracelet, le collier et la paire de boucles Farandoles, elle indique que le parti pris esthétique a été celui d'isoler les maillons Chaîne d'Ancre et de les relier à une chaînette, puis de les associer à un fermoir spécifique pour le bracelet et le collier ou de le faire pendre à l'extrémité de la boucle d'oreille sans le relier à un quelconque élément contrairement à la façon dont ce maillon est utilisé dans l'industrie marine. Elle prétend que c'est dans la combinaison de ces éléments se démarquant de la chaîne originaire de l'industrie navale pour créer un bijou léger que réside l'originalité de cette collection. Elle soutient enfin que la bague Chaîne d'Ancre Enchaînée Grand Modèle est originale en ce qu'elle transpose un élément de l'industrie navale, s'approprie un bijou classique et emblématique d'H. pour créer une bague avec des caractéristiques propres résolument modernes, le maillon de la Chaîne d'Ancre étant figé en un anneau rigide constitué d'une chaîne entremêlée et de maillons Chaîne d'Ancre de différentes tailles sous forme de 3 rangées.
La cour rappelle qu'en application de l'article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle, l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, et selon l'article L.112-1 du même code, ce droit est conféré à l'auteur de toutes les oeuvres de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination.
Sont notamment considérées comme oeuvres de l'esprit aux termes de l'article L. 112-2 du code de la propriété intellectuelle :
10° Les oeuvres des arts appliqués ;
(...)
14° Les créations des industries saisonnières de l'habillement et de la parure. Sont réputées industries saisonnières de l'habillement et de la parure les industries qui, en raison des exigences de la mode, renouvellent fréquemment la forme de leurs produits, et notamment la couture, la fourrure, la lingerie, la broderie, la mode, la chaussure, la ganterie, la maroquinerie, la fabrique de tissus de haute nouveauté ou spéciaux à la haute couture, les productions des paruriers et des bottiers et les fabriques de tissus d'ameublement.
Il se déduit de ces dispositions le principe de la protection d'une oeuvre sans formalité du seul fait qu'elle constitue une création originale.
Néanmoins lorsque cette protection est contestée en défense, l'originalité de l'oeuvre doit être explicitée par celui qui se prévaut d'un droit d'auteur.
Il convient en outre de rappeler que la notion d'antériorité est indifférente en droit d'auteur, qui exige plutôt que celui qui se prévaut de ses dispositions justifie de ce que l'oeuvre revendiquée présente une physionomie propre traduisant des efforts créatifs et un parti pris esthétique reflétant l'empreinte de la personnalité de son auteur.
En l'espèce, c'est par des motifs exacts et pertinents tant en fait qu'en droit, que la cour adopte, que le tribunal a reconnu l'originalité du bracelet et du collier 'chaîne d'ancre', constatant notamment que les choix personnels de Robert D. étaient clairement explicités et tout à fait identifiables sans équivoque sur la photographie annexée au dépôt Spadem de 1938, et que les chaînes marines préexistantes qui étaient constituées de formes approchantes avaient des dimensions et des fonctions complètement différentes, Robert D. ayant fait oeuvre de création en modifiant de façon substantielle tant la taille, la matière que les caractéristiques mêmes de la tige interne qui est perpendiculaire chez H. et non évasée de chaque côté comme pour les chaînes de navire, transformant pour la première fois les chaînes de l'industrie marine en bijou en les combinant avec un fermoir spécifique en forme de T ne répondant pas seulement à une nécessité technique et fonctionnelle mais résultant d'un choix créatif, aucune des pièces produites par la société Guiot de Bourg en première instance comme en appel ne démontrant que la combinaison de ces choix était la seule reprise d'un fonds commun ou qu'elle se distinguait des productions antérieures seulement par des différences de détail.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a dit éligible à la protection du droit d'auteur le bijou chaîne d'ancre dans sa forme bracelet et collier.
C'est également par des motifs exacts et pertinents tant en fait qu'en droit que la cour adopte, que le tribunal, qui a décrit chacune des caractéristiques des autres bijoux de la collection chaîne d'ancre revendiqués, à savoir les boutons de manchettes Marine, les boutons de manchette Mini-chaîne d'ancre, le bracelet Granville, la bague Chaîne d'ancre mini, la bague Maillon d'ancre, les collier, bracelet et boucle d'oreille Farandole, a jugé qu'ils avaient une physionomie propre traduisant un parti pris esthétique dont l'originalité ne pouvait être contestée par la seule référence à l'absence d'originalité du bijou 'chaîne d'ancre' dont ils sont une déclinaison, alors que l'originalité du bijou chaîne d'ancre avait été retenue.
En outre, aucune des prétendues antériorités opposées par la société Guiot de Bourg en première instance comme en appel ne comprend la combinaison des choix revendiqués pour chacun de ces bijoux. Ainsi, la bague Céline qui comprend un très gros maillon plat et large en métal doré, porté dans la longueur du doigt, et monté par le biais de deux autres anneaux ne reproduit pas les caractéristiques de la bague H. Maillon d'ancre dont le maillon de petite taille est placé sur une monture reliée à ses côtés par un brin arrondi et monté de façon horizontale sur un seul anneau produisant une impression d'ensemble tout à fait différente. De même la bague attribuée à la société Gucci présentée sur le site de produits d'occasion vestiaire collective, dont la date antérieure n'est pas démontrée, ne reprend pas en tout état de cause la combinaison des éléments caractéristiques de la bague Chaîne d'ancre mini d'H., la tige du bâtonnet étant plate et non cylindrique, et l'anneau de la bague étant constitué d'une chaîne de petits maillons à la différence de la bague Maillon d'ancre dont la monture est un grand anneau rond. Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a retenu l'originalité des bijoux invoqués par la société H., sauf à préciser que l'originalité est une condition de fond et non de recevabilité à agir en contrefaçon de droit d'auteur.
La société H. Sellier invoque pour la première fois en appel au titre de la contrefaçon la bague Chaîne d'ancre enchaînée grand modèle. Cette demande est recevable s'agissant d'une bague appartenant à la même collection de bijoux 'chaîne d'ancre' invoquée en complément des demandes formées en première instance, et ce à la suite de l'allégation d'un nouveau fait postérieur au jugement dont appel relatif à la vente en octobre 2018 d'une bague par la société Créations Guiot de Bourg à la société Temps Présent.
La société H. revendique pour cette bague la combinaison d'un anneau ouvert fait de l'assemblage de trois chaînes incurvées composées de maillons Chaîne d'Ancre sous forme de 3 rangées de tailles différentes, juxtaposées les uns aux autres, ladite combinaison spécifique traduisant des parti pris esthétiques lui conférant une originalité empreinte de modernité, la société Guiot de Bourg ne démontrant pas que cette combinaison est la reprise d'un fonds commun ou qu'elle se distingue de productions antérieures seulement par des différences de détail. La bague 'chaîne d'ancre enchaînée grand modèle' de la société H. est dès lors protégée par le droit d'auteur.
Sur la nullité du modèle 078873
La société Créations Guiot de Bourg soutient que le modèle international visant l'Union européenne déposé en août 2012 n°078873 est nul en ce qu'elle commercialisait antérieurement depuis 2008 des modèles de bijoux composés de bracelets en cuir associés à un maillon en argent constituant l'antériorité du modèle litigieux.
L'article L. 511-2 du code de la propriété intellectuelle dispose : Seul peut être protégé le dessin ou modèle qui est nouveau et présente un caractère propre.
Selon l'article L. 511-3 du même code : Un dessin ou modèle est regardé comme nouveau si, à la date dépôt de la demande d'enregistrement ou à la date de la priorité revendiquée, aucun dessin ou modèle identique n'a été divulgué. Des dessins au modèles sont considérés comme identiques lorsque leurs caractéristiques ne différent que par des détails insignifiants'.
L'article L. 511- 4 du même code dispose : Un dessin ou modèle a un caractère propre lorsque l'impression visuelle d'ensemble qu'il suscite chez l'observateur averti diffère de celle produite par tout dessin ou modèle divulgué avant la date de dépôt de la demande d'enregistrement ou avant la date de priorité revendiquée. Pour l'appréciation du caractère propre, il est tenu compte de la liberté laissée au créateur dans la réalisation du dessin ou modèle'.
Enfin, selon l'article L.511- 6 du même code : Un dessin ou modèle est réputé avoir été divulgué s'il a été rendu accessible au public par une publication, un usage ou tout autre moyen. Il n'y a pas divulgation lorsque le dessin ou modèle n'a pu être raisonnablement connu, selon la pratique courante des affaires dans le secteur intéressé, par des professionnels agissant dans la Communauté européenne, avant la date du dépôt de la demande d'enregistrement ou avant la date de priorité revendiquée.
En l'espèce, pour combattre la validité du modèle litigieux, la société Créations Guiot de Bourg produit une facture du 10 janvier 2008 d'une société Hongkongaise relative à la commande de 10 bracelets de cuir sans aucun maillon en métal associé, une facture du 17 octobre 2007 d'une société thaïlandaise relative à 12 bracelets de cuir sans maillon ni système d'attaches, une facture de la société Créations Guiot de Bourg du 31 janvier 2008 dont le libellé des produits et l'absence d'illustrations ne permet pas de savoir à quels produits elle correspond, et en tout état de cause sans correspondance avec le catalogue non daté prétendument diffusé en 2012, de sorte que la société Guiot de Bourg échoue à démontrer avoir divulgué une antériorité de nature à invalider le modèle déposé par la société H. le 8 août 2012, étant au surplus observé que la société H. démontre exploiter des bracelets de cuir depuis 1971 et avoir déposé le maillon 'chaîne d'ancre' seul à titre de modèle international visant la France le 18 février 2002 sous le n° 58979.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du modèle international visant l'Union européenne n°078873.
Sur la contrefaçon
La société Créations Guiot de Bourg soutient pour chacun des bijoux que les différences permettent d'écarter le grief de contrefaçon constitué par la reprise des caractéristiques qui fondent l'originalité ou, s'agissant des dessins et modèles déposés, que l'impression d'ensemble est différente. Elle expose que si la contrefaçon s'apprécie par les ressemblances, lorsque lesdites ressemblances portent sur des éléments du domaine public, du fonds commun de la bijouterie, ou du simple assemblage d'au maximum deux de ces éléments, les divergences doivent permettre d'outrepasser les ressemblances.
Elle soutient qu'il ressort de la comparaison in concreto des modèles litigieux que les ressemblances ne reposent que sur la reprise d'éléments du domaine public et que l'importance des différences entre les modèles en cause exclut toute copie servile.
La cour rappelle que l'article L.122-4 du code de la propriété intellectuelle dispose que Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l'adaptation ou la transformation, l'arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque.
Par ailleurs, l'article 19 (1) du règlement (CE) 6/2002 dispose que Le dessin ou modèle communautaire enregistré confère à son titulaire le droit exclusif de l'utiliser et d'interdire à tout tiers de l'utiliser sans son consentement. Par utilisation au sens de la présente disposition, on entend en particulier la fabrication, l'offre, la mise sur le marché, l'importation, l'exportation ou l'utilisation d'un produit dans lequel le dessin ou modèle est incorporé ou auquel celui-ci est appliqué, ou le stockage du produit à ces mêmes fins.
L'article L. 515-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que '
Toute atteinte aux droits définis par l'article 19 du règlement (CE) n° 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur.
Sur la contrefaçon des bracelets et colliers chaîne d'ancre
Ainsi que l'a retenu le tribunal par des motifs que la cour adopte, il résulte de l'examen comparatif des bijoux en litige que la société Guiot de Bourg commercialise des bracelets et des colliers identifiés sous les références 7,8,9,10 par les douanes qui reprennent les caractéristiques originales des bijoux Chaîne d'Ancre, à savoir une succession de maillons de même taille, comportant un brin cylindrique de forme ovale, traversés en leur milieu, dans le sens de la largeur, par une tige interne droite, qui entrelacés entre eux forment une chaîne, qui s'attache à l'aide d'un fermoir composé d'un grand anneau rond et d'un bâtonnet cylindrique, les différences de forme et de taille des maillons et de l'anneau du fermoir se révélant mineures et insignifiantes et ne permettant pas d'écarter le grief de contrefaçon.
Sur la contrefaçon des boutons de manchette Marine
Ainsi que l'a jugé pertinemment le tribunal par des motifs que la cour adopte, les boutons de manchette identifiés sous la référence 6 par les douanes reproduisent servilement les éléments caractéristiques des boutons de manchette Marine H., à savoir un maillon comportant un brin cylindrique de forme ovale, traversé en son milieu, dans le sens de la largeur, par une tige interne droite, la légère différence de mécanisme de fermeture n'altérant pas la perception d'ensemble de ces boutons de manchette.
Sur la contrefaçon des boutons de manchette Mini-Chaîne d'Ancre
Ainsi que l'a retenu le tribunal par des motifs que la cour adopte, les éléments caractéristiques de ces boutons de manchette, à savoir un grand anneau rond traversé par un bâtonnet cylindrique lié à une tige à l'extrémité de laquelle se trouve un second bâtonnet qui permet de maintenir fermés les deux côtés de la manchette d'une chemise, sont reproduits servilement dans les boutons de manchette identifiés sous la référence 5 par les douanes. La contrefaçon de droit d'auteur ainsi que du modèle communautaire 063 981 est dès lors constituée.
Sur la contrefaçon du bracelet Granville
Ainsi que l'a retenu le tribunal par des motifs que la cour adopte le bracelet saisi sous la référence 2 reprend les caractéristiques du bracelet Granville, à savoir un maillon de grand format, comportant un brin cylindrique de forme ovale, traversé en son milieu, dans le sens de la largeur, par une tige interne et, un bracelet en cuir avec des surpiqûres blanches, attaché au maillon en métal par le biais de deux boutons d'assemblage en métal de forme arrondie, les différences recensées étant insignifiantes. La contrefaçon de droit d'auteur ainsi que du modèle communautaire 078873 est dès lors caractérisée.
Sur la contrefaçon de la bague Chaîne d'Ancre Mini
Ainsi que l'a retenu le tribunal par des motifs que la cour adopte, les éléments caractéristiques sont reproduits servilement dans les bagues saisies sous les références 11 et 12, à savoir un grand anneau rond, sur lequel est apposé un autre anneau rond de plus petite dimension, traversé par un bâtonnet cylindrique plus long que l'anneau rond et entouré lui-même en son centre par un petit anneau dont les différences mineures n'écartent pas le grief de contrefaçon.
Sur la contrefaçon de la bague Maillon d'Ancre
Ainsi que l'a jugé à juste titre le tribunal par des motifs que la cour adopte, la bague objet de la saisie référencée 13 reproduit servilement les caractéristiques de la bague Maillon d'ancre, à savoir un maillon comportant un brin cylindrique de forme ovale légèrement incurvé afin d'épouser la forme du doigt, traversé en son milieu, dans le sens de la largeur, par une tige interne droite et relié à un anneau, les différences relevées étant insignifiantes et insuffisantes pour écarter le grief de contrefaçon.
Sur la contrefaçon des bracelets Farandole
Ainsi que l'a retenu le tribunal par des motifs que la cour adopte, les bracelets saisis sous la référence 1 reproduisent les éléments caractéristiques du bracelet Farandole, à savoir un maillon comportant un brin cylindrique de forme ovale traversé en son milieu dans le sens de la largeur par une tige interne droite, lié à une chaîne faite de maillons ronds de plus petite dimension, qui s'attache à l'aide d'un fermoir composé d'un grand anneau rond et d'un bâtonnet cylindrique, les différences n'étant pas significatives et ne modifiant pas l'impression d'ensemble commune des bijoux en cause.
Sur la contrefaçon des boucles d'oreilles Farandoles
Ainsi que l'a retenu le tribunal par des motifs que la cour adopte, les boucles d'oreille saisies sous la référence 4 constituent la copie à l'identique des boucles d'oreille Farandoles en reproduisant un maillon comportant un brin cylindrique de forme ovale traversé en son milieu, dans le sens de la largeur, par une tige interne droite, lié à une chaînette faite de maillons ronds de plus petites dimensions, les différences mineures n'écartant pas la reprise des caractéristiques originales du bijou.
Sur la contrefaçon de la bague Chaîne d'ancre enchaînee grand modèle
La société H. soutient que la société Créations Guiot de Bourg a fourni à la société Temps Présent une bague dénommée 'bague entrelacée' reproduisant selon elle servilement sa bague Chaîne d'ancre enchaînée grand Modèle.
Cependant la seule production de factures et d'une mise en demeure dénuées de photographies de la bague arguée de contrefaçon ne permet pas à la cour d'effectuer la comparaison entre les bagues en cause de sorte que la demande de la société H. Sellier de ce chef sera rejetée.
Sur la concurrence déloyale et parasitaire
L'appelante soutient que la santé financière de la société H. est excellente ; que les modèles de la société Créations Guiot de Bourg sont commercialisés dans des écrins et dans des conditions de présentation au public qui excluent une présentation dévalorisante. Elle soutient que l'écart de prix lié à la qualité et à la renommée de la Maison H. exclut tout risque de confusion.
S'agissant du parasitisme, elle soutient exploiter plus de 2 000 références de bijoux principalement en argent, et que sa volonté de se placer dans le sillage de la société H. Sellier n'est pas caractérisée alors qu'elle a acquis une grande partie des bijoux objets du litige auprès de la société Saga, et qu'elle ne fait aucune référence à H. Sellier ou à ses créations dans sa publicité ; qu'il n'est aucunement prouvé qu'elle exploite la notoriété, l'image ou les investissements de la société H. Sellier ni ne crée volontairement une confusion par des agissements distincts.
La société H. Sellier reproche à la société Créations Guiot de Bourg de banaliser et d'avilir ses créations originales par la commercialisation d'une gamme entière de bijoux à une moindre qualité et à bas prix.
Elle rappelle qu'elle commercialise les bijoux Chaîne d'Ancre sans discontinuité depuis des décennies ; que ces bijoux sont associés dans l'esprit du public à H. dont ils constituent un emblème et qu'elle y a consacré des efforts promotionnels importants de sorte que la société Créations Guiot de Bourg a nécessairement cherché à tirer profit sans bourse délier des ses efforts promotionnels autour du Bijou Chaîne d'Ancre, devenu un produit iconique de la Maison H., porteur d'une valeur économique forte et d'une identité.
La cour rappelle que le principe est celui de la liberté du commerce, et que ne sont sanctionnés au titre de la concurrence déloyale que des comportements fautifs tels que ceux visant à créer un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit, ou ceux, parasitaires, qui consistent à tirer profit sans bourse délier d'une valeur économique d'autrui lui procurant un avantage concurrentiel injustifié, fruit d'un savoir-faire, d'un travail intellectuel et d'investissements.
En l'espèce, ainsi que l'a retenu le tribunal par des motifs que la cour approuve, la commercialisation par la société Guiot de Bourg d'une gamme entière de bijoux reproduisant les bijoux chaîne d'ancre de la société H. qui les exploite depuis de nombreuses années au point que ce motif 'chaîne d'ancre devenu son motif iconique auquel la société a consacré d'importants budgets promotionnels, est reconnu par les professionnels comme l'emblème de la société H., caractérise des actes de concurrence déloyale et parasitaire. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
Sur la réparation des préjudices
La société H. Sellier soutient qu'elle réalisait une marge brute de 68,8 % en 2013, puis de 66,1 % en 2015 ; que la cour ne doit pas se cantonner aux 52 bijoux saisis pour déterminer la masse contrefaisante ; qu'outre les bijoux vendus dans sa boutique dont il a été saisi 52 exemplaires par les douanes, la société Créations Guiot de Bourg offre en vente et distribue ses bijoux contrefaisants par le biais des sites internet de plusieurs détaillants ; que les factures de la société Saga de 2014 et 2015 versées aux débats par la société Créations Guiot de Bourg elle-même portent sur 585 pièces ; que ces factures ne représentent nullement l'intégralité de la masse contrefaisante, et ce, d'autant que la société Créations Guiot de Bourg a continué à commercialiser les produits en cause postérieurement à la saisie pratiquée par les douanes et au jugement du 30 mars 2017. Elle demande en conséquence à la cour d'ajouter à la condamnation de première instance la somme de 45.000 € au titre des conséquences économiques négatives du fait des atteintes aux droits d'auteur, la somme de 25.000 € au titre des conséquences économiques négatives du fait des atteintes aux droits des modèles communautaires et la somme de 20 000 € au titre des actes de concurrence déloyale et parasitaire.
La société Créations Guiot de Bourg soutient que les demandes indemnitaires de la société H. Sellier ne sont aucunement étayées par des éléments chiffrés tangibles et qu'une condamnation sur ces bases est totalement déconnectée de la situation économique de la société Créations Guiot de Bourg et menace son existence.
C'est par de juste motifs que la cour adopte que les premiers juges, après avoir constaté que 52 bijoux avaient été saisis et que certains des bijoux contrefaisants étaient en outre commercialisés sur internet par plusieurs détaillants dont la société Guiot de Bourg est le grossiste, et après avoir relevé que la vente desdits bijoux contrefaisants à un prix très inférieur banalise les bijoux originaux et porte atteinte à leur valeur patrimoniale, et que la société H. ne fait état d'aucune baisse de son chiffre d'affaires ni de sa marge, ni ne précise la part de ladite marge relative aux bijoux litigieux, ces données n'étant pas davantage justifiées en appel, ont, au vu de ces éléments appréciés distinctement, fixé à 35 000 euros les dommages-intérêts en réparation du préjudice au titre des droit d'auteur, 5 000 euros en réparation du préjudice de contrefaçon des dessins et modèles, et 40 000 euros le montant des dommages-intérêts au titre de la concurrence déloyale et parasitaire.
Les premiers juges ayant ainsi justement apprécié le montant des dommages-intérêts dûs en réparation des préjudices subis, et la société H. Sellier ne démontrant pas une aggravation de son préjudice depuis lors, la continuation des actes de contrefaçon n'étant pas avérée, il convient de confirmer le jugement entrepris de ces chefs, tout comme en ce qu'il a ordonné la destruction des bijoux saisis, et prononcé une mesure d'interdiction sous astreinte.
Les préjudices étant ainsi suffisamment réparés, il n'y a pas lieu d'ordonner une mesure de publication. Le jugement entrepris sera également confirmé de ce chef.
Sur le dénigrement
La société Créations Guiot de Bourg soutient que la société H. poursuit à son encontre une véritable campagne de dénigrement en informant la communauté des bijoutiers revendeurs qu'elle a été condamnée pour contrefaçon, alors que le jugement invoqué était frappé d'appel et que l'instance devant la cour était simplement suspendue par l'effet de la radiation administrative intervenue en mai 2018. Elle sollicite la condamnation de la société H. Sellier à lui payer la somme de 100 000 euros de dommages-intérêts pour atteinte déloyale à sa réputation professionnelle et à sa crédibilité commerciale.
La société H. soutient que ce n'est que suite à la contestation des droits d'H. par ces sociétés et s'agissant de la société Temps Présent, de la désignation de la société Créations Guiot de Bourg comme étant son fournisseur, qu'elle a fait état de la décision rendue par le tribunal de grande instance à l'égard de cette dernière, qui certes n'était pas définitive, mais qui était assortie de l'exécution provisoire.
En l'espèce, les deux courriers adressés par la société H. à la société Chrysalia Orfèvre en 2017, puis à la société Temps Présent en 2019, mentionnant à la suite des contestations de ces dernières, la décision rendue le 30 mars 2017 par le tribunal de grande instance de Paris assortie de l'exécution provisoire, rédigés aux fins de défendre les droits de la société H. Sellier contestés par lesdites sociétés, en des termes objectifs et modérés ne cherchant pas à porter atteinte à l'image de la société Guiot de Bourg ou à détourner sa clientèle, ne caractérisent pas des actes de dénigrement fautif.
Les demandes indemnitaires de la société Guiot de Bourg de ce chef seront donc rejetées.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Dit que la bague chaîne d'ancre enchaînée grand modèle' de la société H. Sellier est protégée par le droit d'auteur ;
Rejette la demande de la société H. Sellier en contrefaçon de la bague 'chaîne d'ancre enchaînée grand modèle' ;
Déboute la société Créations Guiot de Bourg de ses demandes au titre du dénigrement ;
Rejette toutes autres demandes des parties contraires à la motivation ;
Condamne la société Créations Guiot de Bourg aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions et, vu l'article 700 dudit code, la condamne à payer à ce titre à la société H. Sellier une somme de 15 000 euros comprenant les frais de saisie-contrefaçon.