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Décisions

Cass. com., 8 novembre 1994, n° 92-11.550

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bezard

Rapporteur :

M. Gomez

Avocat général :

M. Curti

Avocats :

SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez

Aix-en-Provence, 2e ch. civ., du 8 oct. …

8 octobre 1991

Attendu que la société Sitram demande que soit prononcée la mise hors de cause de M. X..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la SEFNP ;

Mais attendu qu'il n'y a pas lieu d'accueillir cette demande ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° E 92-11.550, pris en ses trois branches :

Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué, que la société Sitram a acquis, par contrat du 28 juillet 1986, de la société SEFNP, la totalité des droits sur un dessin, intitulé Magnolia, destiné à être reproduit sur des casseroles émaillées de sa fabrication ; que le dessin a fait l'objet d'un dépôt à l'Institut national de la propriété industrielle le 25 février 1987 ; que les sociétés Sitram et SEFNP, après saisie-contrefaçon, ont assigné en contrefaçon et concurrence déloyale les sociétés Vitrex, ADP Del Prete Europe (société ADP) et Y... Olympia, en faisant valoir que la première commercialisait, à la demande de la seconde, des articles portant le dessin contrefait et fabriqués par la troisième ;

Attendu que les sociétés ADP et Y... Olympia font grief à l'arrêt d'avoir accueilli la demande en contrefaçon et en concurrence déloyale, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le dessin ou modèle n'est protégé qu'à compter de son dépôt ; qu'en décidant que cette protection s'appliquait à compter du jour où l'auteur du dessin avait transmis ses droits à la société demanderesse à l'action en contrefaçon (novembre 1985) et, partant, en leur faisant obligation d'établir l'antériorité dont elles se prévalaient avant cette date, au lieu de prendre en considération celle du dépôt (février 1987), la cour d'appel a violé l'article 3 de la loi du 14 juillet 1909 ; alors, d'autre part, que c'est à celui qui prétend à la protection de la loi du 11 mars 1957 de prouver qu'il est bien l'auteur ou l'ayant droit de l'auteur de l'oeuvre de l'esprit prétendument contrefaite et, en conséquence, de rapporter la preuve de l'antériorité de son droit sur celui du prétendu contrefacteur ; qu'en mettant à leur charge, défenderesses à l'action en contrefaçon, l'obligation de justifier de l'antériorité de leur droit sur celui des demanderesses, la cour d'appel, en tant qu'elle a fondé sa condamnation pour contrefaçon sur la loi du 11 mars 1957, a inversé le fardeau de la preuve, en violation de l'article 1315 du Code civil ; alors, enfin, qu'il appartient également au demandeur à une action en concurrence déloyale de démontrer l'antériorité de son droit sur celui de son concurrent ; qu'en déclarant qu'il leur incombait de prouver l'antériorité dont elles se prévalaient, la cour d'appel, dans la mesure où elle a statué sur l'action en concurrence déloyale, a, derechef, inversé le fardeau de la preuve, violant ainsi l'article 1315 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt relève que la société SEFNP apporte la preuve de ce qu'elle a acquis les droits sur le dessin litigieux le 12 novembre 1985 et retient, à bon droit, sans inverser la charge de la preuve, dès lors que le dépôt n'est que déclaratif de droit et qu'il était établi que la société SEFNP était titulaire des droits privatifs sur le dessin à cette date, que les sociétés ADP et Y... Olympia devaient démontrer l'existence d'antériorités avant cette date ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi n P 92-13.168 :

Vu les articles 1382 et 1383 du Code civil ;

Attendu que, pour condamner les sociétés Vitrex, ADP et Y... Olympia au paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale, l'arrêt retient " qu'il suffit de comparer le décor Stéfanie au modèle Magnolia pour retrouver dans le dessin incriminé des ressemblances essentielles, ce qui n'est d'ailleurs pas discuté, la société Vitrex se contentant de faire état de sa bonne foi, laquelle est inopérante en matière de contrefaçon, devant les juridictions civiles " ;

Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, sans constater l'existence d'une faute caractérisant la concurrence déloyale, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision et a violé les textes susvisés ;

Sur les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :

Attendu que les sociétés ADP et Y... Olympia sollicitent, sur le fondement de ce texte, l'allocation d'une somme de 12 000 francs ;

Mais attendu qu'il n'y a pas lieu de d'accueillir cette demande ;

Attendu que la société Sitram et M. X..., ès qualités, sollicitent, sur le fondement de ce texte, l'allocation de la somme de 10 000 francs et la société Sitram la somme de 12 000 francs ;

Mais attendu qu'il n'y a pas lieu de d'accueillir ces demandes ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné les sociétés ADP et Y... Olympia à payer des dommages-intérêts à M. X..., ès qualités, et les sociétés ADP et Vitrex à payer à la société Sitram des dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 8 octobre 1991, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence.