Cass. 1re civ., 18 octobre 1994, n° 92-17.770
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Grégoire
Rapporteur :
M. Ancel
Avocat général :
M. Lesec
Avocat :
SCP Waquet, Farge et Hazan
Sur les trois moyens réunis et pris en leurs diverses branches :
Attendu que, selon les juges du fond, la société Breasheather, qui exploite à Paris une galerie d'art à l'enseigne " Paris art center ", a organisé, en 1989, une exposition consacrée à Donatien-Aldonze-François de Sade, à l'occasion de laquelle a été publié un livre-catalogue intitulé " Petits et Grands Théâtres du marquis de Sade ", réunissant des textes de dix-sept auteurs, précédés d'un texte d'introduction de Mme A. Le Brun, commissaire de l'exposition, qui exerçait les fonctions de conseillère artistique de la galerie Paris art center ; que Mme Le Brun, revendiquant la qualité d'auteur de cet ouvrage, a agi en paiement d'une rémunération proportionnelle et en contrefaçon ;
Attendu que Mme Le Brun fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 15 avril 1992), dans un premier moyen, d'avoir qualifié l'ouvrage d'oeuvre collective, dont la société Breasheather était l'auteur, alors qu'il s'agit d'une oeuvre de collaboration à laquelle plusieurs personnes physiques, nommément désignées, ont concouru en cette qualité, par des contributions distinctes ; que cette qualification doit, en outre, se déduire du fait que l'oeuvre n'a pas été diffusée sous le nom de la société Breasheather mais sous la dénomination commerciale " Paris art center " et n'a pas été créée à son initiative et sous sa direction, Mme Le Brun seule ayant eu ce rôle de conception et de réalisation ; que, dans un deuxième moyen, il est reproché à la cour d'appel d'avoir déclaré irrecevable comme nouvelle la demande de Mme Le Brun en paiement d'une rémunération proportionnelle, alors que cette prétention avait été formulée devant les premiers juges et qu'en tout état de cause, elle n'était que le complément et l'accessoire de la demande principale en reconnaissance de ses droits d'auteur ; que le troisième moyen critique l'arrêt attaqué pour avoir rejeté la demande de Mme Le Brun en paiement de ses droits d'auteur et de dommages-intérêts pour contrefaçon, alors qu'il était constaté qu'aucune rémunération n'avait été versée à Mme Le Brun sur les 5 000 exemplaires de l'ouvrage pour lesquels elle avait donné son accord ;
Mais attendu que la cour d'appel a souverainement relevé que l'ouvrage pris dans son ensemble ne résultait pas d'un travail créatif concerté et conduit en commun par plusieurs auteurs, et que la coordination des diverses contributions et l'animation de l'édition avaient été l'oeuvre de Mme Le Brun ; qu'ainsi, ayant retenu l'absence de toute coopération entre les divers auteurs et le rôle d'initiative et de direction joué par Mme Le Brun en sa qualité de salariée de la société Breasheather, la cour d'appel en a exactement déduit que les auteurs ne pouvaient pas se prévaloir d'un droit indivis sur l'ensemble réalisé, et que l'ouvrage devait être qualifié d'oeuvre collective, dont les droits d'auteur appartenaient à la société Breasheather, personne morale sous le nom de laquelle il a été divulgué, par l'utilisation de son appellation commerciale " Paris art center " ;
Et attendu que, s'agissant d'une oeuvre collective, aucun des auteurs des diverses contributions ne peut revendiquer un droit sur l'ensemble réalisé, de sorte que la décision de la cour d'appel se trouve légalement justifiée quant aux demandes de Mme Le Brun concernant une rémunération proportionnelle ou l'indemnisation d'une contrefaçon ;
Qu'aucun des moyens ne peut donc être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.