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Décisions

Cass. 1re civ., 22 novembre 1994, n° 92-16.423

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. de Bouillane de Lacoste

Rapporteur :

Mme Delaroche

Avocat général :

Mme Le Foyer de Costil

Avocats :

Me Le Prado, SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin

Poitiers, du 8 avr. 1992

8 avril 1992

Sur le premier moyen :

Attendu que M. X... et l'Assurance dentaire font grief à la cour d'appel d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, que l'information délivrée par un médecin ne doit porter que sur les risques normalement prévisibles, à l'exception des risques exceptionnels ; qu'il ne saurait donc être reproché à M. X... de ne pas avoir informé les parents d'un risque qui, aux dires mêmes des experts, repris par la cour d'appel, ne se réalisait qu'exceptionnellement ; que celle-ci a en conséquence violé l'article 1147 du Code civil ;

Mais attendu que, loin de qualifier le risque d'exceptionnel, la cour d'appel a, dans son pouvoir souverain d'appréciation, retenu que l'appareil, par sa conception, présentait un danger certain que connaissait le praticien en sa qualité de spécialiste puisqu'il n'ignorait pas l'existence des graves accidents survenus en Allemagne et aux Etats-Unis ; qu'elle a pu en déduire qu'en ne signalant pas aux parents le danger inhérent à l'appareil, ce qui aurait pu les conduire à refuser le traitement, le praticien avait manqué à son obligation de renseigner ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que M. X... et son assureur reprochent encore à la cour d'appel d'avoir statué ainsi qu'elle l'a fait, alors, selon le moyen, d'une part, qu'en homologuant le rapport d'expertise qui considérait que le praticien avait établi un diagnostic précis et exact et proposé un mode de traitement justifié, s'appuyant sur les anomalies constatées, et que la technique préconisée " head cap " avec force extraorale couramment employée dans le monde depuis plus de 30 ans était compatible avec l'âge de l'enfant, et en retenant néanmoins que le praticien avait commis une faute en prescrivant un appareil largement utilisé et dont l'indication était conforme aux données actuelles et acquises de la science, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui s'imposaient, violant ainsi l'article 1147 du Code civil ; alors, d'autre part, que l'obligation de résultat qui pèse sur le chirurgien-dentiste consiste à fournir des appareils aptes à rendre le service qu'on en attend, en sorte que la cour d'appel, qui n'a pas constaté que l'appareil fourni comportait un défaut, a privé sa décision de base légale au regard du texte précité ; alors, enfin, que les agissements d'un mineur peuvent constituer une cause totale ou partielle d'exonération de responsabilité ; que la cour d'appel ne pouvait déclarer qu'aucune faute ne pouvait être retenue contre l'enfant, dont il n'est pas contesté qu'il avait commis une grave imprudence en procédant au retrait de son appareil sans suivre les conseils éclairés qui lui avaient été prodigués par M. X..., sans violer l'article 1147 précité ;

Mais attendu, d'abord, qu'appréciant souverainement la portée et la teneur de l'expertise qu'elle n'a pas entérinée, la cour d'appel a retenu que les experts avaient eux-mêmes relaté les accidents semblables publiés en 1985 et en 1986 dans des pays étrangers, et qu'ils partageaient la préoccupation des parents de voir limiter, sinon supprimer l'indication d'un tel procédé thérapeutique à moins que celui-ci ne subisse des modifications dans le sens d'une sécurité d'emploi absolue ; qu'ensuite, sans avoir à constater que l'appareil comportait un défaut dès lors qu'en lui-même il constituait un danger, la cour d'appel a énoncé à bon droit que, procédant à un acte de fourniture d'un appareil, le chirurgien-dentiste orthodontiste est tenu à une obligation de résultat concernant la sécurité tenant tant à la conception de l'appareil qu'à ses conditions d'utilisation ; qu'enfin, elle a pu décider qu'aucune faute ne pouvait être imputée à l'enfant, dès lors que le praticien n'avait pas donné d'information sur le caractère dangereux de l'appareil ; que la décision ainsi légalement justifiée n'encourt aucune des critiques du moyen ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.