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Décisions

Cass. crim., 12 janvier 2022, n° 20-80.440

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Avocats :

SCP Piwnica et Molinié, SCP Foussard et Froger

Avocat général :

Mme Zientara-Logeay

Président :

M. Soulard

Rapporteur :

M. Wyon

Lyon, 1er prés., du 26 nov. 2019

26 novembre 2019

Faits et procédure

1. Il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Sur la requête de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Auvergne Rhône-Alpes (DIRECCTE), qui enquêtait sur l'existence d'éventuelles pratiques prohibées dans le secteur de la collecte, de la gestion et du traitement des déchets, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Lyon a autorisé cette administration, par ordonnance en date du 1er octobre 2018, à effectuer des opérations de visites domiciliaires dans les locaux des sociétés [7], [6] et [10] ([10]). Cette ordonnance a été suivie par deux ordonnances rectificatives du même juge, rendues les 4 et 18 octobre 2018.

3. Les opérations de visites et saisies se sont déroulées le 18 octobre 2018 dans les locaux visés par l'ordonnance du 1er octobre 2018 rectifiée, à [Localité 2] (38), [Localité 1] et [Localité 9] (69), [Localité 8] (75) et [Localité 4] (93).

4. Les sociétés [7] et [6] ont fait appel des ordonnances du juge des libertés et de la détention.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche et sur le second moyen  

5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le premier moyen, pris en ses trois premières branches  

Énoncé du moyen

6. Le moyen, en ses première, deuxième et troisième branches, critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit que l'ordonnance du 1er octobre 2018 et les ordonnances rectificatives des 4 et 18 octobre 2018 n'ont pas lieu d'être annulées, alors :  

« 1°) que le champ d'application d'une autorisation de visites et saisies ne saurait excéder la portée de l'infraction pouvant être suspectée sur le fondement des indices examinés ; qu'en affirmant, pour confirmer l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, ayant autorisé des opérations de visites et saisies dans les locaux des sociétés [6] et [7] aux fins de rechercher, sans aucune limitation, la preuve des agissements qui entrent dans le champ des pratiques prohibées par l'article L. 420-1 du code de commerce et 101 du TFUE relevés dans le secteur de la collecte, de la gestion et du traitement des déchets, ainsi que toute manifestation de ces comportements prohibés, que « dans le cadre de la recherche d'une entente illicite, il n'est pas nécessaire que l'enquête définisse un marché précis et une zone géographique », la conseillère déléguée par le premier président de la cour d'appel qui a ainsi refusé de limiter l'autorisation de visites et saisies aux seuls marchés de la région Rhône-Alpes compte tenu de l'implantation locale de la société [10], a violé les articles 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, 6, 8, 13 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 450-4 du code de commerce, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

2°) que lorsqu'une autorité nationale de concurrence entend appliquer le droit de l'Union européenne, le champ des opérations de visites et saisies qu'elle sollicite, doit être circonscrit aux seules pratiques, produits ou territoires pour lesquels elle dispose effectivement d'indices suffisamment sérieux ; qu'en affirmant au contraire « qu'il pouvait être suspecté des agissements analogues avec d'autres entreprises que la société [10], sur d'autres secteurs géographiques », sans disposer du moindre élément laissant présumer d'autres ententes possibles, ni mettre en cause aucune autre entreprise, la conseillère déléguée par le premier président de la cour d'appel a violé les articles 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, 6, 8, 13 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 450-4 du code de commerce, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

3°) que la demande d'autorisation de visites et saisies doit comporter des indices permettant de présumer l'existence des pratiques dont la preuve est recherchée ; qu'ainsi, l'ordonnance d'autorisation de visites n'est valable que si elle vise à rechercher la preuve d'une entente économique déterminée ; que dès lors, en justifiant l'absence de définition précise du marché et de la zone géographique concernée par l'enquête par la compétence « nationale » de la DIRECCTE, la conseillère déléguée par le premier président de la cour d'appel qui a statué par des motifs impropres à établir des présomptions d'infractions, a privé sa décision de base légale au regard des articles 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, 6, 8, 13 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 450-4 du code de commerce, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

7. Pour rejeter le grief des sociétés [7] et [6] soutenant que l'ordonnance du 1er octobre 2018 et les ordonnances rectificatives des 4 et 18 octobre 2018 autorisant les opérations de visites et de saisies seraient générales et disproportionnées, et refuser d'annuler celles-ci, l'ordonnance attaquée énonce notamment que le juge des libertés et de la détention n'avait pas à définir plus avant le secteur d'activité concerné, le libellé incluant les différentes phases de traitement des déchets depuis leur collecte jusqu'au recyclage, et n'avait pas à restreindre son autorisation à la seule région Rhône-Alpes au motif que la requête n'évoquait que des marchés relatifs à une seule autorité, soit [Localité 3]-Alpes métropole, dès lors qu'il était précisé que les marchés évoqués dans les différents domaines du bois, déchets verts et déchets en apport volontaire, ne l'étaient qu'à titre d'exemples non exhaustifs, et que du fait de l'envergure nationale de la société [5], non contestée, il pouvait être suspecté des agissements analogues avec d'autres entreprises que la société [10], sur d'autres secteurs géographiques.

8. Le premier président ajoute que dans le cadre de la recherche d'une entente illicite, il n'est pas nécessaire que l'enquête définisse un marché précis et une zone géographique limitée, étant relevé que la compétence de la DIRECCTE est nationale, et que dès lors l'ordonnance du juge des libertés et de la détention n'a pas l'obligation d'être plus restrictive.

9. En prononçant ainsi, le premier président a justifié sa décision et n'a pas méconnu les textes visés au moyen.  

10. En effet, dès lors que l'ordonnance confirmée précisait le secteur d'activité économique concerné, en l'espèce celui de la collecte, de la gestion et du traitement des déchets, il a pu souverainement apprécier, au vu des indices de pratiques prohibées produits par l'administration, que des agissements analogues étaient susceptibles d'avoir été commis dans ce secteur d'activité, avec d'autres entreprises, et dans d'autres lieux.

11. Par ailleurs, la détermination des locaux pouvant renfermer les preuves des ententes prohibées recherchées relève également de l'appréciation souveraine des juges du fond.

12. Ainsi, le moyen n'est pas fondé.

13. Par ailleurs l'ordonnance est régulière en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi