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Décisions

CA Pau, 2e ch. sect. 1, 18 août 2021, n° 18/04100

PAU

Arrêt

Infirmation partielle

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Salmeron

Conseillers :

M. Magnon, M. Darracq

TGI Dax, du 14 nov. 2018

14 novembre 2018

EXPOSE DU LITIGE

Par acte en date du 1er janvier 1966, Jean B. a donné à bail commercial à M C. un local commercial à destination de bazar dans un immeuble sis à Biarritz.

Le bail n'ayant pas été renouvelé à son terme et s'étant poursuivi par tacite reconduction, le loyer a fait l'objet d'un déplafonnement et un nouveau bail a été conclu le 1er juillet 1996 pour une durée de neuf ans à compter de cette date entre l'indivision B., venant aux droits de M Jean B., et la SARL Noailles venant aux droits de M C..

Par acte en date du 5 juillet 2000, la SARL Noailles a cédé son fonds de commerce à la SNC Chrisma.

Par acte d'huissier en date du 29 mars 2005, l' indivision B. a signi'é à la SNC Chrisma un congé avec offre de renouvellement du bail commercial moyennant un loyer annuel d'un montant de 15 000 euros. La SNC Chrisma a signi'é son accord de principe pour le renouvellement du bail moyennant un loyer annuel de 7833,94 euros.

En l'absence de conciliation des parties, les consorts B. ont assigné la SNC Chrisma devant le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Bayonne aux 'ns de voir 'xer le montant du loyer du local commercial à la somme de 20 000 euros par an.

Un expert a été désigné par jugement du 7 janvier 2009.

Par jugement du 1er décembre 2010, confirmé par arrêt de la Cour d'Appel de Pau du 15 juin 2012, le tribunal a notamment dit que le renouvellement du bail commercial interviendra pour une durée de neuf ans à compter du 30 septembre 2005 pour un loyer annuel de 7833,94 euros.

Par acte en date du 27 décembre 2013, les bailleurs ont délivré congé avec offre de renouvellement à compter du 30 juin 2014 moyennant un loyer annuel d'un montant de 25 000 euros.

Puis par exploit en date du 26 février 2014, l'indivision B. a fait délivrer un nouveau congé annulant et remplaçant le précédent, avec offre de renouvellement au 29 septembre 2014 et maintenant la demande de déplafonnement du loyer.

Par acte extra judiciaire en date des 2 et 4 avril 2014, la SNC Chrisma a déclaré consentir au r enouvellement du bail sollicité et à l'application de la révision du loyer annuel à la somme de 25 000 euros hors charges et hors taxe.

Par acte extra judiciaire rectificatif en date du 24 avril suivant, annulant et remplaçant celui des 2 et 4 avril précédents, la SNC Chrisma a déclaré consentir « au principe du renouvellement du bail sauf en ce qui concerne le montant du loyer du bail à renouveler qui ne saurait excéder la variation intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, de l'indice du coût de la construction, les autres charges et conditions du bail demeurant inchangées ».

Le 23 septembre 2014, la société FONCIA, mandataire du bailleur a appelé le règlement du loyer pour la période du 1er octobre 2014 au 31 décembre 2014, sur la base du loyer initial indexé, avant de notifier un nouvel avis d'échéance, le 17 octobre 2014, sur la base du loyer de 25 000,00 euros HT.

La SNC Chrisma a acquitté le loyer du 4ème trimestre 2014 sur la base du loyer du bail expiré indexé.

Le 19 décembre 2014, les bailleurs ont fait délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire pour une dette de loyer correspondant au différentiel entre le loyer réglé par le preneur et le loyer réclamé lors du congé avec offre de renouvellement.

Par acte en date du 9 janvier 2015, la SNC Chrisma, aux droits de laquelle vient à présent la SAS Marthia, a assigné les consorts B. devant le tribunal de grande instance de Bayonne, au visa des articles 1134 du code civil, L. 145-34 et L. 145-41 du code de commerce, en demandant que le commandement soit déclaré nul et de nul effet et la condamnation des défendeurs au paiement de la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les bailleurs ont conclu au rejet des demandes formées par la SNC Chrisma et demandé que le commandement de payer en date du 19 décembre 2014 soit déclaré valide.

Ils ont fait valoir que la noti'cation de la réponse à la demande de renouvellement signi'ée par la SNC Chrisma le 4 avril 2014 entérinait à la fois le principe du renouvellement et le prix du bail.

Cette noti'cation portant réponse à l'offre de renouvellement avec déplafonnement du loyer, ils en concluent qu'un accord est intervenu entre les parties sur le renouvellement et sur le nouveau loyer, une rétractation étant par conséquent impossible et l'acte en date du 24 avril 2014 devant être considéré comme nul et de nul effet.

A titre reconventionnel, ils ont demandé qu'il soit constaté que par le jeu de la clause résolutoire, le bail est résilié à compter du 20 janvier 2015, que le preneur occupe les locaux loués sans droit ni titre et que soit en conséquence ordonnée sous astreinte son expulsion.

Ils ont sollicité également la condamnation de la SAS Marthia à leur verser la somme de 5012,13 euros au titre des arriérés de loyers et des frais de procédure ainsi qu'une indemnité d'occupation d'un montant journalier de 67,44 euros a compter du 20 janvier 2015 jusqu'à la libération des lieux, avec autorisation de transporter et séquestrer les meubles et objets mobiliers garnissant le local loué dans tel garde- meubles qu'il plaira au demandeur et aux frais de l'expulsé en garantie des indemnités d'occupation et réparations locatives éventuellement dues ainsi que1'autorisation de conserver le dépôt de garantie à titre de dommages et intérêts outre 2500,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par acte en date du 13 mai 2015, la SAS Marthia a assigné la SELARL Cabinet C. et associés et la SCP d'huissiers Alain P., Wilfried N. et Frédéric T. aux 'ns de les entendre condamnés in solidum à la relever indemne de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre au pro't des consorts B. et de toutes conséquences préjudiciables de leurs demandes accueillies judiciairement, aux motifs :

qu'elle avait confié à son mandataire, la SELARL Cabinet C. et associés, la mission de répondre par la négative à la demande d'augmentation du loyer ; que ladite société d'avocats a délégué la rédaction de l'acte à la SCP d'huissiers P. N.T. ;

que les indications portées dans l'acte signifié le 4 avril 2014 ne correspondent pas aux instructions données à son mandataire ;

que celui-ci a, par conséquent, commis dans l'exécution de son mandat une faute dont il doit répondre sur le fondement des articles 1991 et 1992 du code civil ;

que la SCP d'huissiers a de même commis une faute dans l'exécution du mandat à elle donné par la SELARL C. et a engagé sa responsabilité vis-à-vis de la locataire sur le fondement de l'article 1382 du code civil.

En l'état de ses dernières conclusions, la SAS Marthia a sollicité, en cas d'expulsion, la condamnation in solidum de la SELARL Cabinet C. et associés et de la SCP P. /N. T. à lui verser la somme de 348 200 euros, et, en tant que de besoin, la désignation d'un expert ayant pour mission de chiffrer le préjudice subi en raison de l'éviction, et, dans l'hypothèse d'un simple déplafonnement, la condamnation des garants à lui verser la somme de 111 000 euros à titre de dommages et intérêts, au titre de la dépréciation du fonds de commerce ; en toutes hypothèses, leur condamnation au paiement de la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La SELARL Cabinet C. et associés a réfuté avoir commis une quelconque faute au titre de la délivrance de l'acte extra judiciaire litigieux ni dans le cadre de sa mission d'assistance du preneur et fait valoir que la SNC Marthia ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un préjudice indemnisable ou d'une perte de chance et qu'elle doit en conséquence être déboutée de l'ensemble de ses demandes.

A titre subsidiaire, elle a demandé que la SCP P. N.T. soit déclarée seule responsable de l'acte litigieux et condamnée à la relever indemne des condamnations susceptibles d'être mises à sa charge. Elle a sollicité une indemnité de procédure d'un montant de 2000 euros.

La SCP N. T. B. venant aux droits de la SCP P. N.T. a conclu à sa mise hors de cause.

A titre subsidiaire, elle a fait valoir que les instructions reçues de l'avocat du preneur n'étaient pas suffisamment explicites et prêtaient à confusion. Elle a sollicité en conséquence que la SELARL Cabinet C. soit condamnée à la relever indemne de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre arguant, d'autre part, que la SAS Marthia ne justifie pas d'un préjudice né, actuel et certain, ce qui doit conduire au débouté de ses demandes.

Elle a demandé enfin la condamnation de toute partie succombante à lui verser la somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Saisi par la SAS Marthia d'une demande de dépaysement de la procédure devant une juridiction située dans un ressort limitrophe, par application des dispositions de l'article 47 du code de procédure civile, le juge de la mise en état a, par ordonnance en date du 3 décembre 2015, ordonné la transmission de l'affaire au tribunal de grande instance de Dax.

Par jugement du 14 novembre 2018, le tribunal de grande instance de Dax a :

Dit nul et de nul effet le commandement de payer délivré par les consorts B. à la SNC Chrisma le 19 décembre 2014,

Débouté en conséquence les consorts B. de l'ensemble de leurs demandes,

Condamné solidairement Maurice B., Philippe B. et Renée B. à verser à la SAS Marthia la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné solidairement Maurice B., Philippe B. et Renée B. à verser à la SELARL Cabinet C. et associés la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné solidairement Maurice B., Philippe B. et Renée B. à verser à la SCP N. T. B. la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné solidairement Maurice B., Philippe B. et Renée B. aux dépens dont distraction au pro't de la SCP HARFANG AVOCATS conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par déclaration du 27 décembre 2018, les consorts B. ont relevé appel de ce jugement.

L'ordonnance de clôture est du 7 avril 2020 avec une fixation au 26 mai 2020 déplacée au 25 mai 2021 en raison de l'état d'urgence sanitaire.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Vu les conclusions signifiées le 18 mars 2019 par Maurice B., Renée Marie B. née L. et les membres de l'Indivision de Philippe B. qui demandent de :

- les déclarer recevables et bien fondés dans l'appel interjeté du jugement du Tribunal de Grande Instance de Dax du 14 novembre 2018,

- Réformer en totalité le jugement du Tribunal de Grande Instance de Dax du 14 novembre 2018,

- Constater la validité du second congé délivré par les consorts B. le 26 février 2014,

- Déclarer la notification de la réponse à la demande du renouvellement signifiée par la SNC Chrisma, aux droits de laquelle est venue la société Marthia, en date des 02 et 04 avril 2014, comme entérinant à la fois le principe du renouvellement mais également le prix du bail,

Partant,

- Déclarer nulle et de nul effet, la rétractation de la société Marthia du 24 avril 2014,

Et comme conséquence de ce qui précède,

- Constater la validité du commandement de payer signifié le 19 décembre 2014, et la prise d'acte de la clause résolutoire au 20 janvier 2015,

- Constater que par le jeu de la clause résolutoire, le bail intervenu entre les consorts B. et la SNC Chrisma, aux droits de laquelle est venue la société Marthia, est résilié à compter du 20 janvier 2015, et que la société Marthia occupe sans droit ni titre les locaux objets dudit bail, depuis cette date ;

En conséquence,

- Ordonner l'expulsion de la société Marthia, et de tous ces occupants de son chef des locaux sis à [...], dans le mois de la décision à intervenir, avec au besoin le concours de la force publique, et sous astreinte d'une somme de 200 ' par jour de retard, à compter de la signification de la décision à intervenir ;

- Condamner la société Marthia à payer aux consorts B. une somme de 5.012,13 au titre des arriérés de loyer et frais de procédure ;

- Condamner la société Marthia à payer aux consorts B. une indemnité d'occupation d'un montant journalier de 67,44 TTC, à compter du 20 janvier 2015 jusqu'à justification de la libération totale des lieux et de la remise des clés ;

- Autoriser le transport et la séquestration des meubles et objets mobiliers garnissant le local loué dans tel garde-meuble qu'il plaira au demandeur, et ce aux frais de l'expulsé en garantie des indemnités d'occupation et réparations locatives éventuellement dues ;

-Autoriser les consorts B. à conserver le dépôt de garantie à titre de dommages et intérêts ;

-Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;

-Condamner la Société Marthia venant aux droits de la SNC Chrisma à payer la somme de 4.000 ' en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

-Condamner la Société Marthia venant aux droits de la SNC Chrisma aux entiers dépens, tant de première instance que d'appel.

*

Vu les conclusions de la SELARL Cabinet C. & Associés du 25 octobre 2019 qui demande de :

- Rejetant toutes conclusions contraires ;

- Vu les dispositions de l'article 1147 du Code Civil ;

- Vu le jugement du Tribunal de Grande Instance de Dax du 14 Novembre 2018.

- Démettre les consorts B. des fins de leur appel injustifié ;

- Confirmer, en conséquence, le jugement déféré ;

- A titre subsidiaire : Dire et juger que la SCP C. n'a commis aucune faute, à fortiori causale, au titre de la délivrance de l'acte litigieux ;

- Dire et juger, également, que la concluante n'a commis aucune faute dans le cadre de sa mission d'assistance de la Société Marthia ;

- Dire et juger, au surplus, que cette dernière ne rapporte pas la preuve d'un quelconque préjudice indemnisable, à tout le moins au titre d'une perte de chance ;

- La débouter en conséquence de l'intégralité de ses demandes injustifiées ;

- A titre infiniment subsidiaire, déclarer la SCP P., seule responsable des conséquences de l'acte litigieux ;

- La condamner, en conséquence, à relever la SELARL C. de toute improbable condamnation susceptible d'être mise à la charge ;

- Condamner tout succombant à payer à la SELARL C. une indemnité d'un montant de 3.000 ', par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- Condamner le même aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SELARL De G., avocat, sur son affirmation de droit et conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile ;

Vu les conclusions notifiées le 4 septembre 2019 par la SCP N. T. B. venant aux droits de la SCP P. N.T. huissiers de justice qui demande de :

Confirmer le jugement dans toutes ses dispositions

Débouter les consorts B. de leur appel

Y ajoutant

Condamner in solidum Maurice B., Renée B., Bernard B., Jean-Louis B., Marie-Hélène B., Maria G. D. tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de Amaia B.-G. et Andoni B.-G., au paiement d'une indemnité de 5.000 ' au titre de l'article 700 ainsi qu'aux entiers dépens.

Mettre hors de cause la SCP N.-T.-B.

Subsidiairement,

Débouter la SAS Marthia de toutes ses demandes

Dire et juger que la SAS Marthia ne justifie pas d'une perte de chance et d'un préjudice né, actuel et certain,

Dire et juger en toute hypothèse que la SELARL Cabinet C. sera condamnée à garantir et relever indemne la SCP N.-T.-B. de toutes condamnations en principal, intérêts et frais,

Condamner en toute hypothèse la partie succombante au paiement d'une indemnité de 5000  au titre de l'article 700 ainsi qu'aux entiers dépens.

*

Vu les conclusions notifiées le 18 juin 2019 par la société Marthia qui demande à la cour de :

Confirmer en tout point le jugement rendu par Tribunal de Grande Instance de Dax du 14 novembre 2018.

A titre principal :

Vu les articles 1134 du Code Civil, L. 145-34 et L. 145-41 du Code du Commerce,

- Invalider et déclarer nul et de nul effet le commandement préalable pour défaut de paiement délivré par les consorts B. à la SNC Chrisma par acte extrajudiciaire du 19 décembre 2014 visant la clause résolutoire.

- Condamner solidairement les consorts B. au paiement d'une indemnité de 5 000 ' sur le fondement de l'article 700 du CPC.

- Condamner solidairement les consorts B. aux entiers dépens sur le fondement de l'article 696 du CPC dont distribution au profit de la SCP Harfang Avocats.

A titre subsidiaire :

Vu les articles 1991, 1992, 1382 et 1384 du Code Civil, 334 et suivants du CPC,

Condamner in solidum la SELARL Cabinet C. et associés et la SCP P. N.T. à relever indemne la SAS Marthia de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre au profit des consorts B. et de toutes conséquences préjudiciables de leurs demandes accueillies judiciairement.

A ce titre et dans l'hypothèse d'une expulsion, les condamner in solidum au versement d'une somme de 348 200 au profit du preneur ainsi évincé.

Au besoin ordonner une expertise pour chiffrer le préjudice subi en raison de l'éviction.

Dans l'hypothèse d'un simple déplafonnement, condamner in solidum la SELARL Cabinet C. et associés et la SCP P. N.T. au paiement d'une somme de 111 000 à titre de dommages et intérêts au titre de la dépréciation de la valeur du fonds de commerce appartenant à la SAS Marthia.

Au besoin ordonner une expertise afin de chiffrer la dépréciation de la valeur du fonds de commerce.

Condamner in solidum la SELARL Cabinet C. et associés et la SCP P. N.T. au paiement d'une indemnité de 5 000 sur le fondement de l'article 700 du CPC.

Condamner in solidum la SELARL Cabinet C. et associés et la SCP P. N.T. aux entiers dépens sur le fondement de l'article 696 du CPC.

MOTIVATION :

Sur la validité du commandement de payer du 19 décembre 2014 :

A titre liminaire il convient de rappeler que le commandement délivré par le bailleur, le 19 décembre 2014, au visa de la clause résolutoire, porte sur une dette de loyer d'un montant de 3563,59 euros correspondant à la différence entre le loyer réglé par le preneur au titre du 4ème trimestre 2014 et le loyer réclamé lors du congé avec offre de renouvellement délivré par le bailleur le 26 février 2014.

Dès lors, l'acceptation par le preneur de l'offre de renouvellement du bail moyennant le loyer réclamé par le bailleur, tel qu'indiqué dans cette offre, conditionne la validité du commandement de payer délivré le 19 décembre 2014.

Les consorts B. soutiennent que la notification de la réponse à la demande de renouvellement signifiée par la SNC Chrisma, les 2 et 4 avril 2014, a entériné à la fois le principe du renouvellement, mais également le prix du bail, quand bien même l'huissier mandaté par le conseil du preneur a excédé le mandat qui lui avait été donné, en notifiant une acceptation de l'offre de renouvellement au loyer annuel de 25000,00 euros HT voulu par les bailleurs. Les appelants invoquent, sur ce point, un arrêt rendu le 5 juin 2013 par la cour de cassation , 3ème chambre civile ( pourvoi n° 12-12065 ), dans une espèce où l'huissier mandaté par le preneur pour délivrer une demande de renouvellement s'était trompé et avait notifié un congé.

Aux termes de cette jurisprudence, il a été jugé que « la nullité des actes d'huissier de justice est régie par les dispositions qui gouvernent les actes de procédure et que la nullité d'un congé ne peut être prononcée au motif que l'huissier aurait agi en dehors de son mandat ou que cet acte aurait été délivré par erreur et en l'absence de consentement ( du preneur)..., l'absence d'intention (du preneur) ne constituant pas une irrégularité de fond de l'article 117 du code de procédure civile, de sorte que par ce seul motif, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de retenir que l'acte ( délivrant congé ) avait produit ses effets ».

Les appelants en déduisent que l'accord des parties sur le renouvellement du bail moyennant un loyer de 250 000,00 euros HT est devenu définitif et, partant, l'acte de signification en date du 24 avril 2014, revenant sur cet accord, est nul et de nul effet.

La société Marthia, venant aux droits de la SNC Chrisma, s'oppose à cette analyse, aux motifs que ;

par acte extra judiciaire du 24 avril 2014, annulant et remplaçant celui délivré le 4 avril 2014, le preneur a accepté le renouvellement proposé mais contesté toute augmentation du loyer de renouvellement, à l'exception de la variation indiciaire ;

le bail s'est donc renouvelé à effet du 30 septembre 2014 à échéance du 29 septembre 2023 ;

il appartenait dès lors à l'indivision B. de saisir le juge des loyers commerciaux dans les deux ans du point de départ du bail renouvelé, aucun accord sur la chose et sur le prix ne pouvant être retenu ; à défaut de l'avoir fait, avant le 30 septembre 2016, le loyer dû ne peut être que celui fixé initialement ;

le mandataire du bailleur, Foncia, a appelé le loyer du 4ème trimestre 2014 sur la base du loyer initial indexé ;

dans ces conditions, le bailleur a lui-même reconnu que le montant du loyer renouvelé n'avait pas été amiablement fixé et a renoncé à réclamer le loyer de renouvellement proposé dans son congé, renonçant ainsi expressément à contester la validité de l'acte extra-judiciaire du preneur en date du 24 avril 2014 portant contestation de toute augmentation du loyer;

en infraction avec la situation juridique acquise précitée, le bailleur a demandé à son mandataire d'émettre un nouvel appel de loyer, le 17 octobre 2014, sur la base du loyer de 25000,00 euros HT/HC réclamé dans l'offre de renouvellement;

 il est de règle qu'en cas de désaccord des parties sur le montant du loyer du bail commercial renouvelé, tant que le montant n'a pas été fixé judiciairement, c'est l'ancien loyer expiré qui reste exigible, de sorte que le commandement de payer ne pouvait viser le loyer réclamé dans l'offre de renouvellement.

La société Marthia ajoute qu'à supposer le déplafonnement du loyer encouru, les nouvelles dispositions de l'article L. 145-34 dernier alinéa du code de commerce applicables aux baux conclus ou renouvelés après le 1er septembre 2014 imposaient une augmentation par palier annuel de 10 % qui est loin d'atteindre la somme visée au commandement de payer.

Elle considère que le commandement de payer délivré au visa de la clause résolutoire n'a pas été mis en oeuvre de bonne foi, mais pour l'évincer des locaux loués en fraude de ses droits en faisant l'économie de l'indemnité d'éviction.

Aux termes de l'article 145-33 du code de commerce, le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative.

A défaut d'accord, cette valeur est déterminée d'après :

1 Les caractéristiques du local considéré ;

2 La destination des lieux ;

3 Les obligations respectives des parties ;

4 Les facteurs locaux de commercialité ;

5 Les prix couramment pratiqués dans le voisinage ;

Un décret en Conseil d'Etat précise la consistance de ces éléments.

Selon l'article L. 145-34 du même code, dans sa rédaction applicable à compter du 1er septembre 2014 :

A moins d'une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d'effet du bail à renouveler, si sa durée n'est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation, intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires mentionnés aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 112-2 du code monétaire et financier, publiés par l'Institut national de la statistique et des études économiques. A défaut de clause contractuelle fixant le trimestre de référence de cet indice, il y a lieu de prendre en compte la variation de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires, calculée sur la période de neuf ans antérieure au dernier indice publié.

En cas de renouvellement postérieur à la date initialement prévue d'expiration du bail, cette variation est calculée à partir du dernier indice publié, pour une période d'une durée égale à celle qui s'est écoulée entre la date initiale du bail et la date de son renouvellement effectif.

Les dispositions de l'alinéa ci-dessus ne sont plus applicables lorsque, par l'effet d'une tacite prolongation, la durée du bail excède douze ans.

En cas de modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33 ou s'il est fait exception aux règles de plafonnement par suite d'une clause du contrat relative à la durée du bail, la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente.

Conformément au 21 II de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, ces dernières dispositions sont applicables aux contrats conclus ou renouvelés à compter du 1er septembre 2014.

En droit, si un accord des parties, sur un nouveau loyer, est toujours possible et si aucune forme particulière à respecter n'est exigée pour formaliser cet accord, l'acceptation de l'offre de renouvellement moyennant un loyer déplafonné doit être pure et simple et révéler la volonté non équivoque du preneur d'accepter le renouvellement du bail moyennant le loyer indiqué dans l'offre du bailleur. A défaut, le contrat n'est pas formé et toute demande du preneur d'un loyer inférieur constitue une contre-proposition qui doit être acceptée purement et simplement par l'auteur de l'offre initiale, pour que le contrat de bail se forme moyennant le loyer proposé par le preneur.

En revanche, l'acceptation pure et simple des conditions de l'offre de renouvellement, et notamment du loyer demandé par le bailleur, rend le contrat de bail parfait lequel est alors figé dans les termes de l'offre acceptée. Le bailleur ne peut retirer son offre ou la modifier unilatéralement et le preneur ne peut assortir son acceptation de conditions nouvelles.

En revanche, les parties peuvent, d'un commun accord, renoncer au bail ou convenir de modifier les conditions de l'offre de renouvellement initiale.

En l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats que par acte d'huissier signifié le 27 décembre 2013, les consorts B. ont fait délivrer un premier congé à effet du 30 juin 2014, contenant offre de renouvellement subordonnée à la fixation du prix du loyer annuel à 25 000,00 euros hors taxe et charges.

Par acte d'huissier délivré le 26 février 2014, annulant le précédent, le bailleur a fait délivrer un nouveau congé pour le 29 septembre 2014, afin de tenir compte du point de départ du bail expiré fixé au 30 septembre 2005 par jugement du tribunal de grande instance de Bayonne du 1er décembre 2010 confirmé par arrêt de la cour d'appel de Pau du 15 juin 2012. Ce congé contenait une offre de renouvellement à compter du 30 septembre 2014 moyennant un loyer annuel hors taxe et charges de 25 000,00 euros.

Par actes d'huissier signifiés les 2 et 4 avril 2014, de la SCP P. N.T., la SNC Chrisma a déclaré consentir « en principe au renouvellement du bail sollicité et à l'application de la révision du montant du loyer annuel à la somme hors charges et hors taxe de 25000,00 euros, les autres clauses et conditions du bail demeurant inchangées ».

A ce stade, il convient de relever le caractère ambigüe de la formulation de l'acte, la révision du loyer annuel étant un concept emprunté au mécanisme de révision triennale des baux, renouvelés ou non, prévu par les articles L. 145-37 et suivants du code de commerce.

En réalité, il ressort des pièces communiquées par la SELARL C. et associés que le conseil du preneur avait demandé à la SCP P. N.T. de préparer un acte d'acceptation du renouvellement du bail moyennant l'indexation légale du loyer. Le 24 mars 2014, l'huissier mandaté à transmis au conseil de la société Chrisma un projet d'acte contenant la réponse suivante : « la requérante ( la SNC Chrisma ) déclare par la présente notification qu'elle consent en principe au renouvellement du bail sollicité ».

En lecture de ce projet, la SELARL C. et associés a demandé à la SCP P. N.T. de rajouter que « la SNC Chrisma consent au principe du renouvellement du bail, moyennant l'application de la révision légale ou une phrase équivalente que je laisse à votre libre appréciation et ce afin d'éviter toute difficulté ultérieure d'interprétation ».

Il est donc manifeste que le preneur entendait accepter le principe du renouvellement du bail mais en aucun cas le loyer déplafonné réclamé par le bailleur.

L'huissier mandaté a ainsi outrepassé le mandat qui lui avait été donné par le conseil de la société Chrisma, en signifiant un acte d'acceptation du loyer de 25000,00 euros hors taxe et hors charges réclamé par le bailleur dans son offre de renouvellement.

Informée de l'erreur commise, la SNC Chrisma a, par actes d'huissier des 24 et 25 avril 2014, de la SCP P.N. T., annulant et remplaçant ceux des 2 et 4 avril 2014, fait signifier aux membres de l'indivision B. son acceptation du renouvellement du bail, « moyennant un loyer qui ne saurait excéder la variation, intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, de l'indice du coût de la construction, les autres charges et conditions du bail demeurant inchangées ».

Toutefois, cet acte rectificatif n'a pu anéantir les effets produits par l'acte d'acceptation signifié les 2 et 4 avril 2014 qui n'était atteint d'aucune irrégularité de forme ou de fond de nature à affecter sa validité, quand bien même l'huissier a agi en dehors de son mandat, ni d'une erreur manifeste et grossière susceptible d'être rectifiée. Il s'ensuit que l'acception de l'offre de renouvellement moyennant un loyer déplafonné de 25000,00 euros ne pouvait être annulée unilatéralement, le contenu du contrat du bail renouvelé étant figé dans les termes de l'offre acceptée le 2 avril 2014, sauf nouvel accord des parties sur d'autres modalités de calcul du loyer.

Cependant, par avis d'échéance du 23 septembre 2014, le mandataire du bailleur, la société Foncia, a appelé le loyer du quatrième trimestre 2014, première échéance du loyer du bail renouvelé, en calculant celui-ci sur la base du loyer du bail expiré, corrigé de la variation de l'indice du coût de la construction depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, entérinant tacitement la demande modificative de la SNC Chrisma du maintien d'un loyer plafonné.

Il importe peu à cet égard que la loi 2014-626 du 18 juin 2014, dite loi Pinel, ait supprimé l'indice du coût de la construction comme indice de référence pour calculer la révision triennale légale ou le plafonnement du loyer du bail renouvelé, pour les contrats conclus ou renouvelés depuis le 1er septembre 2014, l'essentiel étant que, par cet avis d'échéance, le mandataire du bailleur a calculé le loyer du bail renouvelé en tenant compte de la demande de plafonnement formulée en dernier lieu par le preneur.

Par la suite, la société Foncia est revenue sur cet accord en émettant un nouvel avis d'échéance annulant le précédent et calculant le loyer du 4ème trimestre 2014 sur la base du loyer annuel déplafonné de 25 000,00 euros.

Au terme de ces revirements croisés, il se déduit qu'aucun accord des parties sur le montant du loyer du bail renouvelé n'est intervenu, de sorte qu'il incombait à la partie la plus diligente, et en tout cas au bailleur qui y avait intérêt, de saisir le juge des loyers commerciaux pour faire fixer le prix du loyer du bail renouvelé, celui-ci restant en l'état celui du bail expiré corrigé de la variation de l'indice trimestriel des loyers commerciaux applicable depuis le 1er septembre 2014.

Il s'ensuit que la SAS Marthia n'est pas débitrice des sommes réclamées dans le commandement de payer délivré le 19 décembre 2014, cet acte étant dès lors privé de tout fondement et de nul effet.

Sur les demandes subsidiaires de la société Marthia :

Dès lors qu'il est fait droit à la demande d'annulation du congé, les demandes présentées à titre subsidiaire par la société Marthia contre la SELARL C. et associés et la SCP N. T. B. ne seront pas examinées.

Sur les demandes reconventionnelles des consorts B. :

L'annulation du congé délivré par le bailleur, faute de dette locative établie, rend infondées les demandes des consorts B. tendant à faire constater la résiliation du bail par le jeu de la clause résolutoire, à voir ordonner l'expulsion du preneur, avec fixation d'une indemnité d'occupation, et sa condamnation au paiement de la somme de 5012,13 euros au titre de l'arriéré de loyer et des frais du commandement de payer.

Le jugement est ainsi confirmé en ce qu'il a rejeté ces prétentions.

Sur les demandes annexes :

Les consorts B. qui succombent sont condamnés aux dépens de première instance et d'appel, avec distraction, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Au regard des circonstances de la cause et de la position respective des parties, l'équité justifie de condamner les consorts B. à payer à la SAS Marthia une somme de 3500,00 euros au titre des frais non compris dans les dépens de l'entière procédure, en application de l'article 700 du code de procédure civile.

En revanche, l'équité ne justifie pas de faire application des mêmes dispositions au bénéfice de la SELARL C. et associés et de la SCP N. T. B..

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement en ce qu'il a dit nul et de nul effet le commandement de payer délivré par les consorts B. à la SNC Chrisma le 19 décembre 2014 et débouté en conséquence les consorts B. de l'ensemble de leurs demandes.

L'infirme sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Condamne les consorts B. aux dépens de l'entière procédure, avec distraction en application de l'article 699 du code de procédure civile,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne les consorts B. à payer à la SAS Marthia, venant aux droits de la SNC Chrisma, la somme de 3500,00 euros au titre des frais qu'elle a exposés, non compris dans les dépens de l'entière procédure,

Déboute la SELARL C. et associés et la SCP N. T. B., venant aux droits de la SCP P. N.T., de leur demande respective au titre de leurs frais irrépétibles.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Marc MAGNON, Conseiller, suite à l'empêchement de Madame Valérie SALMERON, Président, et par Madame Nathalène DENIS, greffière suivant les dispositions de l'article 456 du Code de Procédure Civile.