CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 13 janvier 2022, n° 19/04137
PARIS
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Habitat Design International (Sasu)
Défendeur :
Home Group France (SNC)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Prigent
Conseillers :
Mme Renard, Mme Soudry
FAITS ET PROCÉDURE:
La société Habitat Design International (la société Habitat) a pour activités celles liées à l'importation, l'exportation, au commerce, au courtage et au négoce de produits de décoration et d'aménagement intérieur, et autres produits.
La société Home Group opère dans le secteur du meuble, principalement des canapés pour la grande distribution. Elle détient à 100 % des filiales, dont la société Fleming en Estonie, la société GHG en Pologne et la société Home Group France (la société Home), anciennement Fleming Pelletey.
La société Home a pour activité l'achat, la vente, l'importation, l'exportation, la représentation, la distribution de mobilier, sièges, literie et tous accessoires pour l'habitation ou propres à décorer l'habitation.
La société GHG a pour objet principal la production de meubles.
Le 1er septembre 2011, sans contrat écrit, la société Habitat a confié la fabrication de différents modèles de canapés, dont le produit phare « Porto 1 », à la société Home, qui lui a demandé le 20 mars 2014 de transférer les commandes, réceptions et facturations à la société GHG.
En octobre 2012, la société Habitat a demandé à la société GHG que son produit phare, le canapé devenu « Porto 2 », lui soit désormais fabriqué et livré en plusieurs éléments distincts, l'assemblage étant effectué chez le client.
Par courriel du 1er juin 2015, la société Habitat a mis fin à la relation contractuelle et a refusé toutes livraisons. Elle n'a pas réglé des factures.
Par actes des 8 octobre et 10 novembre 2015, la société Habitat a assigné les sociétés Home et GHG devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de les enjoindre, sous astreinte, à récupérer les colis stockés depuis le 1er juin 2015, et de les condamner à lui verser des dommages et intérêts en réparation de manquements contractuels.
Par jugement du 7 février 2019, le tribunal de commerce de Paris a :
- Rejeté la demande de la société GHG en nullité de l'assignation ;
- Dit n'y avoir lieu à radiation de l'affaire ;
- Mis hors de cause la société Home ;
- Rejeté les demandes de la société Habitat ;
- Condamné la société Habitat à payer à la société GHG la somme de 264 761 euros, majorée d'intérêts de retard au taux égal à 3 fois le taux légal à compter du 23 juin 2015, et celle de 2 920 euros à titre d'indemnité forfaitaire de recouvrement ;
- Condamné la société Habitat à payer à la société GHG la somme de 454 481 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de préjudices nés de la rupture brutale de la relation commerciale établie ;
- Condamné la société Habitat à verser à la société GHG la somme de 5 000 euros et à la société Home la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Rejeté les autres demandes de la société GHG et de la société Home ;
- Ordonné l'exécution provisoire ;
- Condamné la société Habitat aux dépens.
Par déclaration du 21 février 2019, la société Habitat a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a :
- Mis hors de cause la société Home ;
- Débouté la société Habitat Design International SASU de l'intégralité de ses demandes ;
- Condamné la société Habitat Design International SASU à payer à la société de droit polonais GHG sp. z o.o. la somme de 264.761 euros majorée d'intérêts de retard au taux égal à 3 fois le taux légal à compter du 23 juin 2015 et 2.920 euros d'indemnité forfaitaire de recouvrement ;
- Condamné la société Habitat Design International SASU à verser à la société de droit polonais GHG sp. z o.o. la somme de 454.481 euros au titre de dommages et intérêts en réparation de préjudices nés de la rupture brutale de la relation commerciale établie ;
- Condamné la société Habitat Design International SASU à verser à la société de droit polonais GHG sp. z o.o. la somme de 5.000 euros et à la société Home, la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Ordonné l'exécution provisoire du présent jugement ;
- Condamné la société Habitat Design International SASU aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 105,84 euros, dont 17,42 euros de TVA.
Par ses dernières conclusions notifiées le 5 octobre 2021, la société Habitat a demandé de :
- Infirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf celles ayant rejeté la demande de la société GHG en nullité de l'assignation et dit que cette assignation était valide et qu'il n'y avait lieu à radiation de l'affaire ;
- Statuant à nouveau, rejeter les demandes des sociétés Home et GHG ;
- Prononcer la résolution des contrats de vente afférents aux factures litigieuses pour un montant de 264 761 euros aux torts des sociétés Home et GHG ;
- Enjoindre aux sociétés Home et GHG de reprendre les colis stockés dans les entrepôts, sous astreinte ;
- Á défaut, ordonner le transport et la séquestration des meubles entreposés appartenant aux sociétés Home et GHG à leurs frais ;
- Se réserver la compétence pour liquider l'astreinte ;
- Condamner solidairement les sociétés Home et GHG à lui payer la somme de 49 356 euros à titre de dommages et intérêts correspondant au surcoût de frais d'entreposage ;
- Condamner solidairement les sociétés Home et GHG à lui payer la somme de 153 078 euros à titre de dommages et intérêts correspondant au surcoût de frais de personnel ;
- Condamner solidairement les sociétés Home et GHG à lui payer la somme de 326 773,17 euros à titre de dommages et intérêts correspondant à la perte de marge nette ;
- Condamner solidairement les sociétés Home et GHG à lui payer la somme de 300 000 euros à titre de dommages et intérêts correspondant à la perte d'image subie ;
- Assortir ces condamnations des intérêts de retard au taux légal à compter du 8 octobre 2015 contre la société Home et du 10 novembre 2015 contre la société GHG ;
- Ordonner la capitalisation des intérêts échus ;
- Condamner solidairement les sociétés Home et GHG à lui payer la somme de 10 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner solidairement les sociétés Home et GHG aux entiers dépens.
Par ses dernières conclusions notifiées le 24 avril 2020, la société Home a demandé de :
- Confirmer le jugement en ce qu'il l'a mise hors de cause ;
- La mettre hors de cause ;
- Déclarer qu'il n'y pas lieu à solidarité avec la société GHG ;
- Condamner la société Habitat à lui payer la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société Habitat aux dépens de première instance et d'appel.
Par ses dernières conclusions notifiées le 4 octobre 2021, la société GHG a demandé de :
- Confirmer le jugement en ce qu'il a :
* Rejeté la demande de la société Habitat en résolution des ventes des pièces livrées après le 18 mars 2015 ;
* Condamné la société Habitat à en régler le montant, soit la somme de 264 761 euros avec intérêts, indemnités forfaitaires et capitalisation ;
* Rejeté la demande de la société Habitat en condamnation sous astreinte à reprendre les 297 pièces détenues ;
* Rejeté les demandes de la société Habitat en dommages et intérêts au titre de frais de stockage, de personnel, de perte de marge, de perte d'image ;
- Réformer le jugement en ce qu'il a rejeté ses demandes relatives aux pièces commandées par la société Habitat dont celle-ci refuse de prendre livraison ;
- Enjoindre à la société Habitat de les recevoir sous astreinte de 500 euros par jour ;
- Condamner la société Habitat à en régler le montant, soit 136 317,50 euros, avec intérêts capitalisés ;
- Condamner la société Habitat à l'indemniser du stockage de ces pièces à concurrence de la somme de 7 890 euros par mois à compter du 4 juin 2015 jusqu'à complète livraison, avec intérêts capitalisés ;
- Réformer le jugement en ce qu'il a rejeté ses demandes au titre des retards de paiement et condamner la société Habitat à lui payer les sommes de 7 760 euros à titre d'indemnités forfaitaires et de 717 euros d'intérêts ;
- Confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société Habitat au titre de la rupture brutale d'une relation commerciale établie ;
- Le réformer en ce qu'il a limité la condamnation à ce titre à la somme de 454 481 euros et condamner la société Habitat à lui payer la somme de 908 960 euros au titre du préjudice né de la rupture brutale de la relation commerciale établie ;
- Condamner la société Habitat à lui payer la somme de 15 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société Habitat aux entiers dépens de première instance et d'appel.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 21 octobre 2021.
La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
* * *
SUR CE,
Le tribunal a rejeté la demande en nullité de l'assignation et dit n'y avoir lieu à radiation de l'affaire. Ces chefs de dispositif ne font l'objet d'aucune demande d'infirmation.
- Sur la rupture :
Aux termes de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages-intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
L'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, dispose :
La condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement.
Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts.
La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.
En vertu des articles 1147 et 1184 du code civil sus-visées, la gravité du comportement d'une partie à un contrat peut justifier que l'autre partie y mettre fin de façon unilatérale à ses risques et périls, dès lors que la faute revêt un degré de gravité suffisant pour justifier la rupture.
En l'espèce, la société Habitat commandait auprès de la société Home, puis de la société GHG, la fabrication de canapés.
Aucun écrit n'a été établi entre la société Habitat, la société Home et la société GHG.
La société Habitat a décidé, fin 2012, de livrer le modèle 'Porto II' en trois colis correspondant aux accoudoirs, au dossier, et à l'assise et au mécanisme, le client devant assembler ces éléments.
La société Home et la société Habitat ont convenu en septembre 2013, à compter d'octobre 2013, d'une livraison depuis les sites de production des éléments de structure et des mécanismes des canapés à l'entrepôt de la société Habitat, pour y être ensuite regroupés afin d'être livrés ensemble aux clients de la société Habitat.
Par courriel du 20 mars 2014, la société Home a informé la société Habitat de son souhait de « basculer l'organisation de réception et facturation des commandes Habitat de la société Fleming Pellety à la société GHG Spolka (Pologne) ».
A compter du 26 mai 2014, la société Habitat a établi ses bons de commandes au nom de la société GHG et les lui a transmis directement par son logiciel « Habitrack » qu'elle lui a fourni pour production et livraison des éléments de canapé qui étaient facturés par la société GHG.
Ainsi, la société Home n'était plus le cocontractant de la société Habitat pour la fabrication et la livraison des canapés, quand bien même elle restait un interlocuteur de la société Habitat.
Il est établi par les échanges de courriels produits aux débats qu'à compter du 13 novembre 2012 jusqu'en mai 2015, la société Habitat s'est plainte à plusieurs reprises de :
- Retards de livraison jusqu'à plusieurs mois, avec notamment des décalages importants entre les livraisons de la structure du canapé et celles du mécanisme,
- Erreurs d'étiquetage et de référencement, perturbant et ralentissant le traitement de la réception des marchandises,
- Références manquantes à la livraison ou non conformes à celles des commandes,
- Etiquetages illisibles,
- Non-conformité (teintes différentes) et défauts de qualité, les lits pliants ne pouvant plus se refermer au bout de six mois d'utilisation.
La société GHG soutient que, pour commander un canapé complet, la société Habitat portait sur son bon de commande 2, 3 ou 4 lignes consécutives portant l'identifiant «SKU» de chaque pièce constitutive sans mentionner aucune donnée, identifiant HDR du canapé complet ou commande client, visant à indiquer que les pièces ainsi commandées étaient constitutives d'un même canapé mais seulement ...l'intitulé commercial du canapé complété de mentions PK1/3, PK2/3 ou PK3/3 ou encore PK1/4, PK2/4, PK3/4 ou PK4/4 ou encore PK1/2 ou PK2/2 et que pour chaque pièce ainsi commandée, la société Habitat stipulait 'une date limite de production (« dispatch date »), une date de livraison (« delivery date ») et même un prix.
La société Habitat soutient qu'elle commandait des canapés « complets », et non par pièces détachées.
Les bons de commande mentionnent des références précises, la description des éléments, la date de livraison.
Il ne ressort pas de ces bons de commandes que la société Habitat aurait commandé des éléments dépareillés et à des dates de livraison différentes, alors que les pièces constitutives d'un canapé étaient regroupées avec une même date de livraison.
Il appartenait à la société GHG de respecter les dates de livraison et les références des articles commandés, la société Habitat se chargeant de les assembler dans son entrepôt.
Il ressort des pièces versées aux débats que plusieurs pièces ont été livrées avec retard, la société GHG indiquant dans ses écritures que les deux tiers des pièces étaient livrés sans retard.
Les sociétés Home et GHG ont reconnu que les retards de livraison leur étaient imputables et n'ont pas contesté les dysfonctionnements relevés en ce qui concerne l'approvisionnement, les délais de livraison et l'étiquetage des colis (en février 2013, le 24 juillet 2013, le 29 mars 2013, le 16 janvier 2014, le 3 février 2014, en avril 2015 et mai 2015).
Par courriel du 1er juin 2015, confirmé par lettre recommandée du 1er juillet 2015, la société Habitat a mis fin à la relation contractuelle et a refusé toutes les livraisons aux motifs de retards, de problèmes d'approvisionnement, d'identification des produits, de qualité et de facturation.
Il résulte des échanges de courriels que des erreurs de référencement ont été commises par la société GHG et que les délais de livraison se sont allongés, avec des ruptures d'approvisionnement.
Les difficultés rencontrées par la société Habitat pour reconstituer les canapés ne sont pas entièrement imputables à la société GHG, la société Habitat ayant fait le choix de recevoir dans son entrepôt les éléments séparés des canapés malgré des dates de livraison différentes selon les sites de production.
Le système de bons de commande, de production et de livraison a été maintenu malgré les difficultés rencontrées par la société Habitat pour reconstituer les canapés, et sans revoir les référencements et étiquetages.
Pour autant, la rupture des relations contractuelles par la société Habitat était justifiée par les manquements graves et répétés de la société GHG à ses obligations contractuelles de livrer les colis aux dates convenues et en respectant les références indiquées, et ce malgré plusieurs protestations.
La résiliation sans préavis étant justifiée, la demande indemnitaire de la société GHG pour rupture abusive sur le fondement des dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce n'est pas fondée.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la société Habitat à payer à la société GHG une somme à titre de dommages et intérêts en réparation de préjudices nés de la rupture brutale de la relation commerciale établie.
- Sur les commandes impayées :
Aux termes de sa lettre recommandée du 1er juillet 2015, en réponse aux mises en demeure de la société GHG, la société Habitat a considéré que son « préjudice étant bien supérieur à l'ensemble » des "factures échues, y compris le coût de stockage de toutes les structures de canapés invendues", elle ne règle pas la somme de 225 554,25 euros réclamée et a relevé que 'les factures échues représentent un montant total de 264 761 euros.
Le montant des factures échues n'est pas contesté.
Ces factures correspondent aux commandes passées avant la résiliation des relations commerciales.
La société GHG a sollicité le règlement de 264 761 euros correspondant à 73 factures impayées relatives à des meubles livrés avant la rupture des relations contractuelles entre le 18 mars et 28 mai 2015.
La société Habitat soutient que ces colis ne correspondent pas à des produits complets et conformes susceptibles d'être commercialisés, mais sans le démontrer, alors qu'elle a fait le choix de commander les canapés par éléments séparés.
La liste produite en date du 11 septembre 2015 est insuffisante à justifier l'annulation de commandes en raison de retards de livraison imputables à la société GHG.
Elle produit par ailleurs une liste de 151 pièces représentant un « état du stockage des structures Porto II non vendables », qui n'est pas datée, tout en refusant la livraison d'éléments.
Les demandes de la société Habitat en résolution des contrats de vente et en condamnation des sociétés Home et GHG à reprendre les colis stockés ne sont donc pas fondées.
Elle est donc redevable du paiement des 73 factures et son refus de prendre livraison des pièces commandées n'est pas justifié.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de la société Habitat en résolution des contrats de vente et en reprise des colis stockés, et l'a condamnée à payer à la société GHG la somme de 264 761 euros, majorée d'intérêts de retard au taux égal à 3 fois le taux légal à compter du 23 juin 2015, et celle de 2 920 euros à titre d'indemnité forfaitaire de recouvrement.
La société GHG demande la capitalisation des intérêts par ses premières conclusions d'appel du 18 octobre 2019.
Les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, seront capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil et à compter du 18 octobre 2019.
La société Habitat a, aux termes de son courriel du 1er juin 2015, refusé de recevoir les pièces commandées auprès de la société GHG avant la rupture de la relation commerciale et qui devaient être livrées postérieurement.
La société GHG réclame à ce titre le paiement de la somme de 136 317,50 euros.
Par son courriel du 1er juin 2015, la société Habitat a entendu « annuler » les commandes en cours non encore facturées et ainsi résilié les contrats de vente, invoquant l'inexécution de la société GHG de ses obligations contractuelles, particulièrement celle de livrer tous les éléments de canapé aux dates prévues.
La société GHG, qui produit une liste d'éléments de canapé sans date de commande ni de livraison, ne démontre pas avoir fabriqué, pour une livraison sans retard, l'intégralité des pièces constitutives des canapés commandés par la société Habitat avant la résiliation du 1er juin 2015.
Elle ne justifie donc pas avoir exécuté les commandes.
Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de la société GHG en paiement d'une somme de 136 317,50 euros, de réception de pièces sous astreinte et d'indemnité pour stockage.
- Sur les préjudices de la société Habitat :
Les préjudices invoqués portent sur des manquements commis par la société GHG à l'occasion des commandes passées avec celle-ci, et non avec la société Home.
Les demandes d'indemnisation de la société Habitat contre la société Home, qui ne sont pas justifiées par une faute contractuelle de celle-ci, seront dès lors rejetées.
La société Habitat fait valoir qu'elle a été contrainte de stocker à ses frais les structures des canapés dans l'attente de la livraison des mécanismes, de consacrer des moyens humains pour réceptionner les livraisons mal étiquetées, organiser le stockage des canapés invendables et gérer le service après-vente sollicité par les clients mécontents.
Cependant ces difficultés proviennent tant des retards de livraison imputables à la société GHG que du système mis en place par la société Habitat.
La production de bulletins de paie est insuffisante pour démontrer un surcoût de frais de personnel pour faire face à une surcharge de travail qui proviendrait des retards de livraison et d'erreurs d'étiquetage.
La société Habitat ne justifie pas d'un surcoût de frais d'entreposage, alors que la location de l'entrepôt était dédiée à la réception des colis commandés.
Si la société Habitat a remboursé et indemnisé quelques clients mécontents en raison de retard de livraison, elle ne justifie pas d'une perte de marge nette directement imputable aux manquements commis par la société GHG.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté ses demandes d'indemnisation de surcoûts de frais d'entreposage et de personnel, et d'une perte de marge nette.
En revanche, la société Habitat a subi une perte d'image, des sites et réseaux sociaux ayant relaté les mécontentements de clients, dont certains étaient causés par des retards de livraison imputables à la société GHG.
Il convient de lui allouer à ce titre une indemnité de 40 000 euros, qui produira intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
Par ses conclusions d'instance et d'appel, la société Habitat a sollicité la capitalisation des intérêts échus.
Les intérêts échus, qui seront dus au moins pour une année entière à compter du présent arrêt, seront capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil.
- Sur les retards de paiement :
Les retards de paiement de factures, autres que celles que la société Habitat a refusé de régler, invoqués par la société GHG, s'élevant à une dizaine de jours, sont justifiés par les retards de livraison d'une durée de plusieurs semaines.
La société GHG n'a d'ailleurs adressé aucune mise en demeure antérieurement à la résiliation des relations contractuelles.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de la société GHG en paiement de pénalités de retard et indemnités forfaitaires.
- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Les sociétés Habitat et GHG, qui succombent chacune partiellement, seront tenues chacune pour moitié aux dépens de première instance et de la procédure d'appel.
Il n'apparaît pas inéquitable de rejeter les demandes des sociétés Habitat, Home et GHG au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la société Habitat aux dépens de première instance et à payer à la société GHG la somme de 5 000 euros et à la société Home la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
- Confirme le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de la société Habitat Design International contre la société Home, rejeté les demandes de la société Habitat en résolution des contrats de vente et en reprise des colis stockés, condamné la société Habitat Design International à payer à la société GHG la somme de 264 761 euros, majorée d'intérêts de retard au taux égal à 3 fois le taux légal à compter du 23 juin 2015, et celle de 2 920 euros à titre d'indemnité forfaitaire de recouvrement, rejeté les demandes de la société Habitat Design International d'indemnités au titre de surcoûts de frais d'entreposage et de personnel et d'une perte de marge nette, rejeté les demandes de la société GHG de paiement de la somme de 136 317,50 euros, de réception de pièces sous astreinte, d'indemnité pour stockage, de pénalités de retard et indemnités forfaitaires ;
- Infirme le jugement en ce qu'il a condamné la société Habitat à payer à la société GHG la somme de 454 481 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de préjudices nés de la rupture brutale de la relation commerciale établie, et condamné la société Habitat aux dépens de première instance et à payer à la société GHG la somme de 5 000 euros et à la société Home la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance ;
- Statuant à nouveau sur les chefs infirmés, et y ajoutant,
- Rejette la demande indemnitaire de la société GHG pour rupture abusive ;
- Condamne la société GHG à payer à la société Habitat la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de perte d'image, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt ;
- Ordonne la capitalisation des intérêts échus sur cette somme de 40 000 euros, dus au moins pour une année entière à compter du présent arrêt, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;
- Ordonne la capitalisation des intérêts échus sur la somme de 264 761 euros, au paiement de laquelle la société Habitat est condamnée au profit de la société GHG, dus au moins pour une année entière, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, et à compter du 18 octobre 2019 ;
- Rejette les demandes des sociétés Habitat, Home et GHG au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel ;
- Condamne les sociétés Habitat et GHG chacune pour moitié aux dépens de première instance et de la procédure d'appel.