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Décisions

TUE, 7e ch. élargie, 19 janvier 2022, n° T-610/19

TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Deutsche Telekom AG

Défendeur :

Commission européenne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Avocats :

P. Linsmeier, U. Soltész, C. von Köckritz, P. Lohs

Président :

R. da Silva Passos (rapporteur)

Juges :

V. Valančius, I. Reine, L. Truchot, M. Sampol Pucurull

TUE n° T-610/19

19 janvier 2022

LE TRIBUNAL (septième chambre élargie),

Arrêt

 Antécédents du litige

1 Le 15 octobre 2014, la Commission européenne a adopté la décision C(2014) 7465 final, relative à une procédure d’application de l’article 102 TFUE et de l’article 54 de l’accord EEE (affaire AT.39523 – Slovak Telekom), rectifiée par sa décision C(2014) 10119 final, du 16 décembre 2014, ainsi que par sa décision C(2015) 2484 final, du 17 avril 2015 (ci-après la « décision de 2014 »). Les articles 1er et 2 de la décision de 2014 se lisent comme suit :

« Article premier

1. L’entreprise composée de Deutsche Telekom AG et de Slovak Telekom a.s. a commis une infraction unique et continue à l’article 102 du traité et à l’article 54 de l’accord EEE.

2. L’infraction a duré du 12 août 2005 au 31 décembre 2010 et a consisté dans les pratiques suivantes :

a) dissimulation aux opérateurs alternatifs des informations relatives au réseau nécessaires pour le dégroupage des boucles locales ;

b) réduction du champ d’application de ses obligations concernant le dégroupage des boucles locales ;

c) fixation de modalités et conditions inéquitables dans son offre de référence en matière de dégroupage concernant la colocalisation, la qualification, les prévisions, les réparations et les garanties bancaires ;

d) application de tarifs inéquitables ne permettant pas à un opérateur aussi efficace s’appuyant sur l’accès de gros aux boucles locales dégroupées de Slovak Telekom a.s. de reproduire les services de détail offerts par Slovak Telekom a.s. sans encourir de perte.

Article 2

Pour l’infraction visée à l’article 1er, les amendes suivantes sont infligées :

a) une amende de 38 838 000 EUR à Deutsche Telekom AG et Slovak Telekom a.s., solidairement ;

b) une amende de 31 070 000 EUR à Deutsche Telekom AG.

Les amendes sont payables en euros dans un délai de trois mois à compter de la date de notification de la présente décision sur le compte bancaire suivant au nom de la Commission européenne :

[…]

Les amendes sont porteuses d’intérêts de plein droit à compter de l’expiration du délai précité, au taux appliqué par la Banque centrale européenne à ses opérations principales de refinancement au premier jour du mois au cours duquel la présente décision a été adoptée, majoré de 3,5 points de pourcentage.

Si une entreprise visée à l’article 1er introduit un recours, elle couvre l’amende dans le délai imparti soit en fournissant une garantie bancaire acceptable, soit en procédant au paiement provisoire de l’amende, conformément à l’article 90 du règlement délégué (UE) no 1268/2012 de la Commission[, du 29 octobre 2012, relatif aux règles d’application du règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union (JO 2012, L 362, p. 1)]. »

2 Le 24 décembre 2014, la requérante, Deutsche Telekom AG, a introduit un recours contre la décision de 2014. Ce recours a été enregistré sous le numéro T 827/14.

3 Le 16 janvier 2015, la requérante a payé l’amende de 31 070 000 euros dont elle était l’unique débitrice.

4 Par arrêt du 13 décembre 2018, Deutsche Telekom/Commission (T 827/14, EU:T:2018:930), le Tribunal a considéré que, dans la décision de 2014, la Commission avait omis de démontrer que la pratique tarifaire de Slovak Telekom a.s., visée à l’article 1er, paragraphe 2, sous d), de ladite décision, avait emporté des effets d’éviction avant le 1er janvier 2006. Par ailleurs, il a jugé que le chiffre d’affaires de la requérante n’était pas de nature à refléter le comportement individuel de celle-ci dans la réalisation de l’infraction en cause et que ledit chiffre d’affaires ne pouvait donc pas servir de fondement pour le calcul d’une amende additionnelle infligée uniquement à celle-ci au titre de la dissuasion.

5 Ainsi, premièrement, le Tribunal a annulé l’article 1er, paragraphe 2, sous d), de la décision de 2014, en tant que cette disposition constatait que, au cours de la période comprise entre le 12 août et le 31 décembre 2005, la requérante avait appliqué des tarifs inéquitables ne permettant pas à un opérateur aussi efficace s’appuyant sur l’accès de gros aux boucles locales dégroupées de Slovak Telekom de reproduire les services de détail offerts par cette dernière sans encourir de perte.

6 Deuxièmement, le Tribunal a annulé l’article 2 de la décision de 2014 en tant qu’il fixait le montant de l’amende au paiement duquel étaient tenues solidairement Slovak Telekom et la requérante à 38 838 000 euros et en tant qu’il fixait le montant de l’amende au paiement duquel était tenue uniquement la requérante à 31 070 000 euros.

7 Troisièmement, d’une part, le Tribunal a réduit le montant de l’amende au paiement duquel étaient tenues solidairement Slovak Telekom et la requérante de 776 037 euros et fixé ce montant à 38 061 963 euros. D’autre part, le Tribunal a réduit le montant de l’amende au paiement duquel était tenue uniquement la requérante de 12 039 019 euros et fixé ce montant à 19 030 981 euros.

8 Quatrièmement, le Tribunal a rejeté le recours pour le surplus et réparti les dépens.

9 À la suite d’un échange de courriers qui a débuté le 13 décembre 2018, la Commission a, le 19 février 2019, remboursé un montant de 12 039 019 euros à la requérante.

10 Le 12 mars 2019, la requérante a demandé à la Commission de lui verser des intérêts moratoires pour la période comprise entre, d’une part, le 16 janvier 2015, date à laquelle elle avait payé le montant de l’amende dont elle était l’unique débitrice (voir point 3 ci-dessus) et, d’autre part, le 19 février 2019, date à laquelle la Commission lui avait remboursé la partie de l’amende jugée indue dans l’arrêt du 13 décembre 2018, Deutsche Telekom/Commission (T 827/14, EU:T:2018:930) (voir point 9 ci-dessus). Les intérêts moratoires dont le paiement était réclamé par la requérante s’élevaient à 1 750 522,83 euros et correspondaient à l’application d’un taux de 3,55 % au montant de 12 039 019 euros qui lui avait été remboursé par la Commission. Le taux de 3,55 % représentait le taux appliqué par la Banque centrale européenne (BCE) à ses opérations principales de refinancement en janvier 2015, à savoir 0,05 %, majoré de trois points et demi de pourcentage.

11 Par lettre du 28 juin 2019 (ci-après la « décision attaquée »), la Commission a refusé de verser des intérêts moratoires à la requérante.

12 Premièrement, la Commission a, dans la décision attaquée, déclaré qu’elle avait, le 19 février 2019, remboursé le montant nominal de l’amende excédentaire, c’est-à-dire la différence entre le montant de l’amende initialement infligée à la requérante dans la décision de 2014 et le montant de l’amende effectivement due à la suite de la réduction opérée par le Tribunal dans l’arrêt du 13 décembre 2018, Deutsche Telekom/Commission (T 827/14, EU:T:2018:930). La Commission a précisé que le montant nominal de l’amende excédentaire n’était pas accompagné d’intérêts au motif que les rendements tirés de ce montant étaient négatifs.

13 Dans la décision attaquée, la Commission s’est référée à l’article 90 de son règlement délégué (UE) no 1268/2012, du 29 octobre 2012, relatif aux règles d’application du règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union (JO 2012, L 362, p. 1).

14 À cet égard, la Commission a expliqué que, lorsque les amendes étaient payées provisoirement dans l’attente de l’épuisement des voies de recours, elle devait veiller à la préservation des montants encaissés à titre provisoire « en les investissant dans des actifs financiers, assurant ainsi la sécurité et la liquidité des fonds tout en visant à obtenir un retour sur investissement positif ». Ces explications correspondent, en substance, aux dispositions de l’article 90, paragraphe 2, du règlement délégué no 1268/2012.

15 La Commission a également rappelé les dispositions de l’article 90, paragraphe 4, sous a), du règlement délégué no 1268/2012, à savoir que, « lorsque l’amende […] a été annulée ou réduite, […] les montants indûment perçus, majorés des intérêts produits, sont remboursés […] [et, si] le rendement global obtenu pour la période en cause a été négatif, la valeur nominale des montants indûment perçus est remboursée ».

16 Deuxièmement, dans la décision attaquée, la Commission a examiné l’argument de la requérante selon lequel cette dernière était en droit, conformément à l’arrêt du 12 février 2019, Printeos/Commission (T 201/17, EU:T:2019:81), de percevoir des intérêts moratoires à concurrence du taux appliqué par la BCE à ses opérations principales de refinancement, majoré de trois points et demi de pourcentage. En réponse à cet argument, elle a expliqué que cet arrêt ne constituait pas la base juridique du paiement des intérêts moratoires dont le versement était réclamé par la requérante. En outre, elle a fait valoir que ledit arrêt n’avait pas abrogé les obligations qui pesaient sur elle en application de l’article 90, paragraphe 4, sous a), du règlement délégué no 1268/2012. Enfin, elle a indiqué qu’elle avait formé un pourvoi contre cet arrêt, qui n’était donc pas définitif.

17 Sur la base de ces explications, la Commission a conclu qu’elle n’était pas en mesure de satisfaire la demande formulée par la requérante visant à ce qu’elle lui verse des intérêts moratoires sur la partie du montant de l’amende qui avait été jugée indue par le Tribunal dans l’arrêt du 13 décembre 2018, Deutsche Telekom/Commission (T 827/14, EU:T:2018:930).

 Procédure et conclusions des parties

18 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 9 septembre 2019, la requérante a introduit le présent recours.

19 Le 2 octobre 2019, la Commission a demandé la suspension de la procédure en application de l’article 69, sous a), du règlement de procédure du Tribunal, dans l’attente de la décision mettant fin à l’instance dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 20 janvier 2021, Commission/Printeos (C 301/19 P, EU:C:2021:39). Le 10 octobre 2019, la requérante s’est opposée à cette demande. Le 22 octobre 2019, le président de la neuvième chambre du Tribunal a décidé de ne pas suspendre la procédure.

20 La phase écrite de la procédure a été close le 8 mai 2020.

21 Le 25 février 2021, les parties ont été invitées, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, à présenter leurs observations sur les conclusions qu’elles tiraient, dans le cadre de la présente affaire, de l’arrêt du 20 janvier 2021, Commission/Printeos (C 301/19 P, EU:C:2021:39). Les parties ont répondu à cette invitation dans le délai imparti.

22 Sur proposition de la septième chambre, le Tribunal a décidé, en application de l’article 28 du règlement de procédure, de renvoyer l’affaire devant une formation de jugement élargie.

23 Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (septième chambre élargie) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et a invité les parties à répondre à plusieurs questions écrites. La Commission a également été invitée à produire un document. Les parties ont déféré à ces demandes dans le délai imparti.

24 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 30 juin 2021.

25 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler la décision attaquée ;

– condamner l’Union européenne, représentée par la Commission, à l’indemniser financièrement à concurrence de 2 580 374,07 euros pour le préjudice qu’elle a subi du fait que, durant la période allant du 16 janvier 2015 au 19 février 2019, elle n’a pas été en mesure d’utiliser le montant qu’elle avait indûment payé, de sorte qu’elle n’a pas pu obtenir le rendement que ce montant lui aurait normalement permis d’obtenir ou pu réduire son coût du capital en conséquence ;

– à titre subsidiaire, au cas où le Tribunal ne ferait pas droit au deuxième chef de conclusions, l’indemniser à concurrence d’un montant de 1 750 522,83 euros pour le préjudice qu’elle a subi du fait que la Commission a, en ce qui concerne la période allant du 16 janvier 2015 au 19 février 2019, refusé de lui verser des intérêts moratoires sur le montant de 12 039 019 euros, et ce sur la base du taux appliqué par la BCE à ses opérations principales de refinancement, majoré de trois points et demi de pourcentage ;

– à titre encore plus subsidiaire, l’indemniser à concurrence d’un autre montant que le Tribunal estimera approprié, calculé sur la base d’un taux d’intérêts moratoires que ce dernier considèrera comme approprié ;

– constater que le montant devant être payé par la Commission conformément au deuxième, au troisième ou au quatrième chef de conclusions portera des intérêts durant la période allant de la date du prononcé de l’arrêt rendu dans la présente affaire à la date du paiement complet par la Commission sur la base du taux appliqué par la BCE à ses opérations principales de refinancement, majoré de trois points et demi de pourcentage ou, à titre subsidiaire, sur la base d’un autre taux d’intérêts moratoires que le Tribunal estimera approprié ;

– condamner la Commission et l’Union aux dépens.

26 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours ;

– condamner la requérante aux dépens.

 En droit

27 Par son premier chef de conclusions, la requérante demande l’annulation de la décision attaquée. Par ses deuxième à quatrième chefs de conclusions, elle demande, à titre principal, l’indemnisation d’un manque à gagner en raison de la privation de la jouissance du montant principal de la partie de l’amende indûment payée et, à titre subsidiaire, la réparation du préjudice qu’elle aurait subi en raison du refus de la Commission de verser des intérêts moratoires sur ce montant. Par son cinquième chef de conclusions, elle demande la condamnation de la Commission à verser des intérêts moratoires, à compter du prononcé de l’arrêt à intervenir et jusqu’à complet paiement, sur le montant devant être payé par celle-ci conformément au deuxième, au troisième ou au quatrième chef de conclusions.

28 Dans les circonstances de l’espèce, le Tribunal estime opportun d’examiner, dans un premier temps, les demandes en indemnité ainsi que la demande de condamnation au paiement d’intérêts moratoires à compter du prononcé du présent arrêt. Dans un second temps, il y aura lieu d’aborder la demande en annulation.

 Sur les demandes en indemnité

29 Par son deuxième chef de conclusions, la requérante demande, à titre principal, la réparation d’un manque à gagner en raison de la privation de la jouissance du montant de l’amende qu’elle a indûment payé au cours de la période comprise entre le 15 janvier 2015 et le 19 février 2019. Par son troisième chef de conclusions, elle demande, à titre subsidiaire, la réparation du préjudice qu’elle aurait subi durant la même période en raison du refus de la Commission, contraire à l’article 266, premier alinéa, TFUE, de lui verser des intérêts moratoires sur la base du taux appliqué par la BCE à ses opérations principales de refinancement, majoré de trois points et demi de pourcentage. Par son quatrième chef de conclusions, elle demande, à titre encore plus subsidiaire, la réparation du préjudice qu’elle aurait subi en raison d’intérêts moratoires non payés sur la base d’un taux d’intérêts moratoires que le Tribunal estimera approprié. Par son cinquième chef de conclusions, elle demande la condamnation de la Commission à verser des intérêts moratoires à compter du prononcé de l’arrêt à intervenir.

30 L’article 340, deuxième alinéa, TFUE prévoit que, en matière de responsabilité non contractuelle, l’Union doit réparer, conformément aux principes généraux communs aux droits des États membres, les dommages causés par ses institutions ou par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions.

31 Selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre la violation de l’obligation qui incombe à l’auteur de l’acte et le dommage subi par les personnes lésées (voir arrêt du 10 septembre 2019, HTTS/Conseil, C 123/18 P, EU:C:2019:694, point 32 et jurisprudence citée).

32 Dès lors que l’une de ces conditions n’est pas remplie, le recours doit être rejeté dans son ensemble sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions de la responsabilité non contractuelle de l’Union. En outre, le juge de l’Union n’est pas tenu d’examiner ces conditions dans un ordre déterminé (voir arrêt du 5 septembre 2019, Union européenne/Guardian Europe et Guardian Europe/Union européenne, C 447/17 P et C 479/17 P, EU:C:2019:672, point 148 et jurisprudence citée).

33 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les demandes formulées par la requérante.

 Sur la demande en indemnité formulée à titre principal et visant à la réparation d’un manque à gagner en raison de la privation de la jouissance du montant de l’amende indûment payé

34 À titre principal, la requérante demande l’indemnisation d’un manque à gagner qui s’élève à 2 580 374,07 euros et qui correspond, en substance, au rendement annuel de ses capitaux engagés (ci après le « RCE ») ou au coût moyen pondéré de son capital (ci-après le « CMPC ») au cours de la période comprise entre 2015 et 2018. La requérante soutient que ce préjudice lui a été causé par une violation suffisamment caractérisée de l’article 266, premier alinéa, TFUE et de l’article 23, paragraphes 2 et 3, du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 et 102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1).

35 Plus précisément, la requérante invoque un manque à gagner au motif que, si elle avait pu continuer à gérer la somme dont elle avait illégalement été privée, elle aurait pu obtenir des gains. Elle explique que, avec la somme correspondant au montant de l’amende indûment payé, elle aurait pu réaliser des activités économiques et financer des investissements. Dans ce cas, elle se serait procurée moins de capitaux externes (et aurait, de ce fait, économisé des frais de capital) ou aurait pu, avec le montant de l’amende indûment payé, financer des investissements supplémentaires et réaliser un rendement plus important.

36 À cet égard, d’une part, la requérante détaille son RCE entre 2015 et 2018. Elle explique que l’application de ce rendement à la somme de 12 039 019 euros, à savoir le montant de l’amende indûment payé, permet d’évaluer son préjudice à 2 580 374,07 euros. Elle précise que, entre 2015 et 2018, elle a concrétisé de nombreuses possibilités d’investissement telles que le développement de réseaux de fibre optique, la construction de nouvelles antennes de réseau de téléphonie mobile ou l’élargissement de l’offre de services de stockage dans le cadre de l’informatique en nuage. Elle en déduit que, si elle avait disposé du montant indûment payé à la Commission, elle aurait pu utiliser celui-ci également pour lesdites activités d’investissement.

37 D’autre part, la requérante explique qu’une image très similaire apparaît si elle fonde le calcul de son préjudice sur son CMPC après impôts au cours de la même période. Elle précise que, dans le secteur des télécommunications, le CMPC constitue une valeur de référence reconnue pour se livrer à une estimation économique de mesures d’investissement et est déterminant pour les objectifs de rendement d’une entreprise. Elle renvoie à cet égard au point 2 de la communication de la Commission relative au calcul du coût du capital pour l’infrastructure historique dans le cadre de l’examen par cette dernière des notifications nationales dans le secteur des communications électroniques dans l’Union européenne (JO 2019, C 375, p. 1). Selon elle, le fait que les valeurs du CMPC constituent, en ce qui la concerne, des données individuelles exactes ressort des valeurs qui sont déterminées annuellement par la Bundesnetzagentur (Agence fédérale des réseaux, Allemagne) et qui sont supérieures au CMPC moyen sur lequel elle fonde son droit à réparation. Elle produit également une estimation, effectuée par un cabinet de conseil, des CMPC réglementaires dans les États membres.

38 La Commission conteste les allégations de la requérante.

39 Selon une jurisprudence constante, le dommage dont il est demandé réparation dans le cadre d’une action en responsabilité non contractuelle de l’Union doit être réel et certain, ce qu’il appartient à la partie requérante de prouver (voir arrêt du 9 novembre 2006, Agraz e.a./Commission, C 243/05 P, EU:C:2006:708, point 27 et jurisprudence citée). Il incombe à cette dernière d’apporter des preuves concluantes tant de l’existence que de l’étendue du préjudice qu’elle invoque (voir arrêt du 16 septembre 1997, Blackspur DIY e.a./Conseil et Commission, C 362/95 P, EU:C:1997:401, point 31 et jurisprudence citée).

40 Premièrement, il y a lieu de relever que la requérante ne démontre pas qu’elle aurait nécessairement investi la somme dont elle a été privée dans ses activités. En effet, la somme qui a été jugée indue par le Tribunal et qui avait été préalablement payée en trop par la requérante pouvait être utilisée à de nombreuses autres fins.

41 Deuxièmement, la requérante ne démontre pas que la privation de la jouissance du montant de l’amende indûment payé à la Commission l’a conduite à renoncer à des projets spécifiques qui étaient susceptibles de lui rapporter un montant équivalent au RCE ou au CMPC.

42 En ce qui concerne le RCE, invoqué par la requérante, il y a lieu de relever qu’il correspond à une rentabilité moyenne de l’ensemble de ses investissements au moyen de l’ensemble du capital (fonds propres et dettes à long terme) qu’elle a utilisé.

43 Certes, dans la réplique, la requérante mentionne, au sujet du RCE, plusieurs investissements, à savoir des investissements à concurrence d’environ 1,7 milliard d’euros pour l’acquisition de nouvelles licences de téléphonie mobile, des investissements à concurrence d’environ 108,1 millions d’euros pour des dépenses de recherche et de développement et des investissements à concurrence d’environ 101,3 millions d’euros dans des immobilisations incorporelles devant être activées, qu’elle a elle-même constituées.

44 Toutefois, la requérante se limite, sans autres précisions, à faire valoir que, avec la somme dont elle a été privée, elle aurait pu financer des investissements supplémentaires. Elle n’identifie donc pas concrètement un projet précis dans lequel elle aurait pu investir et auquel elle aurait renoncé. Au contraire, elle soutient que, entre 2015 et 2018, elle a concrétisé de nombreuses possibilités d’investissements. Par ailleurs, elle ne fournit pas le rendement de chacun des projets qu’elle cite.

45 En ce qui concerne le CMPC, il se définit comme la moyenne pondérée du coût de l’ensemble des sources de financement de l’entreprise. Plus précisément, il constitue la moyenne pondérée du coût des capitaux propres (un taux sans risque associé à une prime de risque de marché adaptée aux caractéristiques de l’entreprise via un coefficient bêta) et du coût de la dette. Le coût des capitaux propres et le coût de la dette sont des coûts prévus et non des coûts historiques. En effet, le CMPC correspond à une attente des investisseurs ex ante en contrepartie d’une prise de risque.

46 Or, au soutien de ses prétentions, la requérante invoque un CMPC annuel, à savoir un taux moyen pour l’ensemble de ses projets et non le taux applicable à un projet particulier. Comme pour sa demande fondée sur le RCE, elle n’a pas identifié de projet spécifique auquel elle aurait affecté la somme dont elle a été privée et elle n’identifie pas davantage le taux de rendement qu’elle aurait obtenu si le projet spécifique en cause avait effectivement été réalisé, ce qui a encore été confirmé lors de l’audience en réponse à une question du Tribunal.

47 Troisièmement, la requérante ne démontre pas qu’elle ne disposait pas des fonds nécessaires pour saisir une opportunité d’investissement relative à un investissement spécifique ou, plus généralement, qu’elle ne disposait pas d’une source alternative de financement. À cet égard, il est vrai que, dans la réplique, la requérante explique que son niveau d’endettement est important et qu’elle travaille à la limite de ses possibilités financières. Toutefois, il y a lieu de relever que la somme dont elle a été privée est modeste par rapport à son bilan, ses fonds propres et ses dettes qui s’élèvent à plusieurs dizaines de milliards d’euros. Comme le relève la Commission, les éléments de preuve produits par la requérante dans la réplique montrent que cette dernière disposait de capitaux propres d’un montant de 45,6 milliards d’euros pour le troisième trimestre de 2019. Par ailleurs, il ressort des éléments de preuve produits par la requérante que cette dernière a disposé également de liquidités et d’équivalents de liquidités considérables pour la période 2015-2019, s’élevant en moyenne à 5,4 milliards d’euros. Or, le montant de l’amende payé indûment correspond à environ 0,22 % de ces liquidités et équivalents de liquidités moyens.

48 Ainsi, la requérante n’a pas démontré qu’elle avait été empêchée de réaliser un investissement qui aurait produit un rendement correspondant au RCE ou au CMPC qu’elle invoque.

49 Cette conclusion n’est pas remise en cause par les arguments de la requérante tirés de ce que, dans le secteur des télécommunications, le CMPC constitue une valeur de référence reconnue pour se livrer à une estimation économique de mesures d’investissement et est déterminant pour les objectifs de rendement d’une entreprise.

50 En effet, d’une part, la Commission explique, au point 2 de sa communication relative au calcul du coût du capital pour l’infrastructure historique dans le cadre de [son] examen des notifications nationales dans le secteur des communications électroniques dans l’Union européenne, que le coût du capital est le coût d’opportunité d’un « investissement donné » par rapport à un autre investissement présentant un niveau de risque semblable. Elle ajoute que le coût du capital est donc le taux de rendement exigé par une entreprise pour réaliser un « investissement donné ». D’autre part, l’application automatique du CMPC de la requérante à toute privation d’une somme d’argent dont elle a été victime aboutirait à considérer qu’il est certain qu’elle a été privée de l’opportunité d’investir dans un projet donné qui aurait produit un rendement équivalent à ce CMPC. Or, une telle approche ne serait pas compatible avec le fait que le CMPC intègre une prime de risque. Elle ne serait pas davantage compatible avec l’obligation qui pèse sur la requérante de démontrer qu’elle a subi un préjudice réel et certain.

51 Dans ces conditions, la requérante n’a pas démontré qu’elle avait subi un manque à gagner réel et certain qui pourrait être fondé soit sur le RCE soit sur le CMPC.

52 Il s’ensuit que la demande formulée à titre principal et visant à la réparation d’un manque à gagner, équivalant au RCE ou au CMPC de la requérante, en raison de la privation de la jouissance du montant de l’amende indûment payé doit être rejetée au motif que la condition tirée de la démonstration de la réalité et de la certitude du préjudice n’est pas remplie, sans qu’il soit nécessaire d’examiner, d’une part, si la Commission a commis des violations suffisamment caractérisées d’une règle de droit conférant des droits aux particuliers et, d’autre part, s’il existe un lien de causalité entre lesdites violations suffisamment caractérisées et le prétendu manque à gagner (voir point 32 ci-dessus).

 Sur la demande en indemnité formulée à titre subsidiaire et visant à la réparation du préjudice résultant du refus de la Commission de verser des intérêts moratoires

53 Premièrement, la requérante soutient que le refus de la Commission de lui verser des intérêts moratoires constitue non seulement une illégalité qui entache la décision attaquée mais également une violation suffisamment caractérisée de l’article 266, premier alinéa, TFUE. Deuxièmement, elle fait valoir que cette violation suffisamment caractérisée est la cause directe du préjudice qu’elle a subi et qui consiste dans les intérêts moratoires dont elle a été privée.

–  Sur l’existence d’une violation suffisamment caractérisée de l’article 266, premier alinéa, TFUE

54 La requérante fait d’abord valoir que, lorsque le juge de l’Union constate que le montant d’une amende a été versé indûment, l’article 266, premier alinéa, TFUE oblige la Commission, lorsqu’elle rembourse ce montant, à verser des intérêts moratoires. Ainsi, un refus total de versement d’intérêts moratoires violerait d’une manière suffisamment caractérisée ladite disposition.

55 Ensuite, la requérante soutient que le droit au versement d’intérêts moratoires n’est pas affecté par l’article 90, paragraphe 4, sous a), du règlement délégué no 1268/2012. À supposer que cette disposition puisse être interprétée en ce sens qu’elle réglementerait le droit au versement d’intérêts moratoires, la requérante invoque, sur le fondement de l’article 277 TFUE, l’illégalité de cette disposition.

56 Enfin, la requérante considère que l’obligation de payer des intérêts moratoires naît dès le moment où les ressources ne sont plus à la disposition de l’intéressé, c’est-à-dire, en l’espèce, à la date à laquelle elle a payé l’amende.

57 La Commission rétorque, sur la base des arguments avancés en réponse à la demande en annulation, qu’elle n’a pas violé l’article 266, premier alinéa, TFUE et qu’une telle violation, si elle devait être admise, ne serait pas suffisamment caractérisée.

58 Premièrement, la Commission soutient qu’il résulte de l’article 266, premier alinéa, TFUE qu’elle est uniquement tenue de procéder à un remboursement fondé sur le principe de l’enrichissement sans cause. En d’autres termes, ladite disposition ne lui imposerait pas d’assortir d’intérêts moratoires le remboursement d’une amende indûment perçue. La Commission ajoute que les juridictions de l’Union distinguent différents types d’intérêts, à savoir les intérêts moratoires, qui ont un caractère forfaitaire et sanctionnent un retard de paiement, les intérêts compensatoires, qui sont dus pour un préjudice causé illégalement, et les intérêts produits, qui sont à restituer en cas de remboursements.

59 Deuxièmement, la Commission fait valoir que le paiement qu’elle a effectué en faveur de la requérante tient compte des intérêts produits conformément aux dispositions combinées de l’article 90 du règlement délégué no 1268/2012 et de l’article 83 du règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298, p. 1, ci-après le « règlement financier »). Selon elle, le versement des intérêts produits vise à indemniser la requérante en raison de son enrichissement sans cause dû à l’amende excédentaire. Elle explique que, en l’espèce, elle a placé le montant de l’amende que la requérante avait payé, mais que le rendement de ce placement a été négatif. Ainsi, son « enrichissement » en raison de l’amende excédentaire payée par la requérante aurait été négatif ou égal à zéro. De plus, la Commission affirme que, à la suite du prononcé de l’arrêt du 13 décembre 2018, Deutsche Telekom/Commission (T 827/14, EU:T:2018:930), elle a tenu compte, sans tarder, des intérêts produits afin de restituer à la requérante l’enrichissement sans cause, résultant du montant de l’amende indûment perçu.

60 Troisièmement, la Commission soutient qu’elle n’était pas tenue de verser des intérêts moratoires.

61 D’abord, la Commission explique que les intérêts moratoires ne peuvent pas avoir pour but de l’inciter à rembourser, avant le prononcé de l’arrêt réduisant le montant de l’amende, la somme qu’elle a indûment perçue. Elle ajoute que lesdits intérêts ne doivent pas être calculés à partir de la date du paiement de l’amende, à savoir, en l’espèce, le 16 janvier 2015. En effet, elle estime ne pas pouvoir se trouver en situation de retard de paiement avant même que le Tribunal ait constaté l’existence d’une obligation de paiement en ce qui la concerne, à savoir, en l’espèce, avant l’arrêt du 13 décembre 2018, Deutsche Telekom/Commission (T 827/14, EU:T:2018:930).

62 Ensuite, la Commission soutient qu’elle est tenue de payer des intérêts moratoires uniquement lorsqu’elle refuse de rembourser une amende et les intérêts produits à la suite d’un arrêt prononcé par le juge de l’Union qui réduit ou annule le montant de cette amende. Dans ce cas, le point de départ de l’obligation de payer des intérêts moratoires serait fixé après le prononcé de l’arrêt en cause.

63 Enfin, la Commission considère que l’exception d’illégalité soulevée à l’encontre de l’article 90, paragraphe 4, sous a), du règlement délégué no 1268/2012 n’est pas fondée.

64 Quatrièmement, la Commission considère que l’arrêt du 20 janvier 2021, Commission/Printeos (C 301/19 P, EU:C:2021:39), introduit l’obligation pour elle de verser un nouveau type d’intérêts que la Cour qualifie également d’« intérêts moratoires ». Elle interprète ledit arrêt en ce sens qu’elle devrait payer ce type d’intérêts sans même se trouver en retard de paiement, c’est-à-dire sans qu’elle soit dans la situation d’un débiteur qui n’aurait pas payé dans les délais une somme exigible et déterminée. Selon elle, il s’agit, au contraire, d’intérêts de nature compensatoire.

65 En outre, la Commission explique que l’obligation de verser des intérêts moratoires poursuit deux objectifs, à savoir l’indemnisation du créancier et la sanction de l’illégalité du comportement du débiteur qui entraînerait le paiement tardif de sa dette. Or, elle estime qu’il existe une certaine contradiction entre ces deux objectifs. En effet, l’amende qu’elle inflige ne pourrait pas, au cours de la même période et simultanément, d’une part, être exigible en application d’une décision valable et exécutoire sur le fondement de l’article 299 TFUE et, d’autre part, devoir être remboursée par elle. C’est uniquement dans l’hypothèse exceptionnelle où sa décision serait qualifiée d’inexistante que l’obligation de payer l’amende contenue dans cette décision serait, ex tunc, dépourvue de tout fondement juridique. Ainsi, l’arrêt du 20 janvier 2021, Commission/Printeos (C 301/19 P, EU:C:2021:39), devrait être compris en ce sens que l’obligation de payer des intérêts moratoires ne vise pas à sanctionner un retard dans le remboursement de l’amende. L’obligation de rembourser l’amende existerait à compter de l’arrêt du 13 décembre 2018, Deutsche Telekom/Commission (T 827/14, EU:T:2018:930), ainsi que cela résulterait de l’article 266, premier alinéa, TFUE.

66 Cinquièmement, la Commission considère que les principes posés dans l’arrêt du 20 janvier 2021, Commission/Printeos (C 301/19 P, EU:C:2021:39), ne sont pas applicables en l’espèce.

67 À cet égard, la Commission explique que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 20 janvier 2021, Commission/Printeos (C 301/19 P, EU:C:2021:39), le Tribunal avait préalablement annulé dans son intégralité la partie de sa décision infligeant une amende à Printeos SA, en raison d’une insuffisance de motivation. Ainsi, à la suite de l’arrêt du 12 février 2019, Printeos/Commission (T 201/17, EU:T:2019:81), la Commission aurait pu reprendre la procédure au stade de l’irrégularité constatée et exercer à nouveau son pouvoir d’infliger des amendes.

68 En revanche, dans l’arrêt du 13 décembre 2018, Deutsche Telekom/Commission (T 827/14, EU:T:2018:930), le Tribunal aurait réduit et donc modifié le montant de l’amende dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction sur le fondement de l’article 261 TFUE et de l’article 31 du règlement no 1/2003.

69 Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 13 décembre 2018, Deutsche Telekom/Commission (T 827/14, EU:T:2018:930), le pouvoir d’infliger des sanctions aurait été transféré au juge de l’Union et le Tribunal se serait substitué à la Commission pour procéder à une nouvelle fixation du montant de l’amende. L’exercice de ce pouvoir par le Tribunal pourrait uniquement produire des effets ex nunc. La réduction du montant de l’amende serait le résultat de la propre appréciation du Tribunal qui aurait remplacé celle de la Commission. Le Tribunal aurait, lui-même, apprécié la situation factuelle et exercé le pouvoir d’infliger des sanctions. Cette réduction du montant de l’amende aurait été fixée pour la première fois à la date de l’arrêt prononcé par le Tribunal. Auparavant, il n’y aurait pas eu de dette à la charge de la Commission ni, a fortiori, un montant déterminé.

70 La Commission en déduit que, lorsque les juridictions de l’Union exercent leur compétence de pleine juridiction, une application ex tunc d’intérêts moratoires n’est pas possible.

71 Il convient, à titre liminaire, de constater que l’article 266, premier alinéa, TFUE constitue une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers. En effet, cette disposition prévoit une obligation absolue et inconditionnelle de l’institution dont émane l’acte annulé de prendre, dans l’intérêt du requérant ayant obtenu gain de cause, les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt d’annulation, à laquelle correspond un droit du requérant au plein respect de cette obligation.

72 S’agissant de l’existence d’une violation suffisamment caractérisée de l’article 266, premier alinéa, TFUE, il importe de rappeler que, lorsque des sommes ont été perçues en violation du droit de l’Union, il découle de ce droit une obligation de les restituer avec des intérêts. Tel est, notamment, le cas lorsque des sommes ont été perçues en application d’un acte de l’Union déclaré invalide ou annulé par le juge de l’Union (voir arrêt du 20 janvier 2021, Commission/Printeos, C 301/19 P, EU:C:2021:39, points 66 et 67 et jurisprudence citée).

73 En particulier, en cas d’annulation, par le juge de l’Union, d’un acte ayant impliqué le versement d’une somme à l’Union, le versement d’intérêts moratoires constitue une mesure d’exécution de l’arrêt d’annulation, au sens de l’article 266, premier alinéa, TFUE, en ce qu’il vise à indemniser forfaitairement la privation de jouissance d’une créance et à inciter le débiteur à exécuter, dans les plus brefs délais, l’arrêt d’annulation (arrêts du 12 février 2015, Commission/IPK International, C 336/13 P, EU:C:2015:83, point 30, et du 20 janvier 2021, Commission/Printeos, C 301/19 P, EU:C:2021:39, point 68 ; voir également, en ce sens, arrêt du 5 septembre 2019, Union européenne/Guardian Europe et Guardian Europe/Union européenne, C 447/17 P et C 479/17 P, EU:C:2019:672, point 55).

74 En ce qui concerne la détermination des obligations qui incombent à la Commission au titre de l’article 266 TFUE en exécution d’un arrêt qui annule et réduit le montant d’une amende imposée à une entreprise pour infraction aux règles de concurrence, celles-ci comportent, au premier chef, l’obligation pour la Commission de restituer tout ou partie du montant de l’amende payée par l’entreprise en cause, dans la mesure où ce paiement doit être qualifié d’indu à la suite de l’arrêt. Cette obligation vise non seulement le montant en principal de l’amende indûment payée, mais aussi les intérêts moratoires produits par ce montant [voir, en ce sens, arrêts du 10 octobre 2001, Corus UK/Commission, T 171/99, EU:T:2001:249, points 52 et 53 ; du 8 juillet 2004, Corus UK/Commission, T 48/00, EU:T:2004:219, point 223, et ordonnance du 4 mai 2005, Holcim (France)/Commission, T 86/03, EU:T:2005:157, point 30].

75 L’octroi d’intérêts moratoires sur le montant indûment versé apparaît comme une composante indispensable de l’obligation de remise en état qui pèse sur la Commission à la suite d’un arrêt d’annulation ou de pleine juridiction (arrêt du 10 octobre 2001, Corus UK/Commission, T 171/99, EU:T:2001:249, point 54 ; voir également, en ce sens, arrêt du 12 février 2019, Printeos/Commission, T 201/17, EU:T:2019:81, point 56).

76 Il s’ensuit que, en n’octroyant aucun intérêt moratoire sur le montant en principal de l’amende remboursé à la suite d’un arrêt annulant ou réduisant le montant d’une amende imposée à une entreprise pour infraction aux règles de concurrence, la Commission s’abstient de prendre une mesure que comporte l’exécution de cet arrêt et méconnaît, de ce fait, les obligations qui lui incombent au titre de l’article 266 TFUE [ordonnance du 4 mai 2005, Holcim (France)/Commission, T 86/03, EU:T:2005:157, point 31 ; voir également, en ce sens, arrêt du 8 juillet 2008, BPB/Commission, T 53/03, EU:T:2008:254, point 488].

77 Il est vrai, d’abord, que, en vertu de l’article 299 TFUE, les décisions de la Commission qui comportent, à la charge des personnes autres que les États membres, une obligation pécuniaire forment titre exécutoire. Ensuite, en vertu de l’article 278 TFUE, les recours formés devant la Cour contre de tels types de décisions n’ont pas d’effet suspensif. Enfin, les décisions de la Commission bénéficient d’une présomption de validité aussi longtemps qu’elles n’ont pas été annulées ou retirées (voir arrêt du 17 juin 2010, Lafarge/Commission, C 413/08 P, EU:C:2010:346, point 81 et jurisprudence citée).

78 Il est également vrai que l’obligation de verser des intérêts moratoires ne peut être envisagée que lorsque la créance principale est certaine quant à son montant ou du moins déterminable sur la base d’éléments objectifs établis (arrêt du 20 janvier 2021, Commission/Printeos, C 301/19 P, EU:C:2021:39, point 55).

79 Toutefois, en premier lieu, il importe de relever que l’article 83 du règlement financier, applicable en l’espèce, prévoyait notamment :

« 1. Les montants perçus au titre d’amendes, astreintes et sanctions, et tous intérêts ou autres revenus produits par ceux-ci ne sont pas enregistrés à titre de recettes budgétaires aussi longtemps que les décisions correspondantes sont susceptibles d’être infirmées par la [Cour].

2. Les montants visés au paragraphe 1 sont enregistrés à titre de recettes budgétaires dans les plus brefs délais et au plus tard dans l’année qui suit l’épuisement de toutes les voies de recours. Les montants devant être remboursés à l’entité qui les a payés à la suite d’un arrêt de la [Cour] ne sont pas enregistrés à titre de recettes budgétaires.

[…]

4. La Commission est habilitée à adopter des actes délégués […] en ce qui concerne l’établissement de règles détaillées en matière de montants perçus grâce aux amendes, aux sanctions et aux intérêts produits. »

80 L’article 90 du règlement délégué no 1268/2012, applicable en l’espèce, prévoyait notamment :

« 1. Lorsqu’un recours est introduit devant la [Cour] contre une décision de la Commission imposant une amende ou d’autres sanctions au titre du TFUE ou du traité Euratom et aussi longtemps que toutes les voies de recours ne sont pas épuisées, le débiteur verse à titre provisoire les montants en question sur le compte bancaire indiqué par le comptable ou constitue une garantie financière acceptable pour le comptable. La garantie est indépendante de l’obligation de payer l’amende ou d’autres sanctions et est exécutable à première demande. Elle couvre le principal et les intérêts visés à l’article 83, paragraphe 4.

2. La Commission veille à la préservation des montants encaissés à titre provisoire en les investissant dans des actifs financiers, assurant ainsi la sécurité et la liquidité des fonds tout en visant à obtenir un retour sur investissement positif.

[…]

4. Après épuisement de toutes les voies de recours et si l’amende ou la sanction a été annulée ou réduite, il convient de prendre l’une des mesures suivantes :

a) les montants indûment perçus, majorés des intérêts produits, sont remboursés au tiers concerné. Si le rendement global obtenu pour la période en cause a été négatif, la valeur nominale des montants indûment perçus est remboursée ;

b) lorsqu’une garantie financière a été constituée, cette dernière est libérée en conséquence. »

81 L’article 24, paragraphe 2, de la décision C(2013) 2488 final de la Commission, du 2 mai 2013, relative aux dispositions de procédure interne pour le recouvrement des créances nées de la gestion directe et le recouvrement des amendes, sommes forfaitaires et astreintes au titre des traités, qui remplace la décision C(2011) 4212 final, du 17 juin 2011, et qui a été modifiée par la décision C(2014) 2786 de la Commission, du 30 avril 2014, montre également que, lorsqu’un recours est introduit par le débiteur devant une juridiction de l’Union contre une décision de la Commission imposant une amende, le comptable encaisse « à titre provisoire » les montants en question auprès du débiteur. Cette disposition prévoit en outre que, en fonction de la décision judiciaire définitive, les montants encaissés à titre provisoire, tant en principal qu’en intérêts, seront soit définitivement comptabilisés en recettes soit « remboursés » aux opérateurs économiques au pro rata de cette décision.

82 Ainsi, il ressort de la réglementation applicable mentionnée aux points 79 à 81 ci-dessus que, lorsqu’une société introduit un recours devant le juge de l’Union afin de contester une décision par laquelle la Commission lui a infligé une amende, le paiement de l’amende effectué par cette société présente un caractère provisoire jusqu’à l’épuisement des voies de recours. Ladite réglementation prévoit également, ex ante, qu’une société qui a payé une amende ultérieurement annulée ou réduite dispose d’un droit au remboursement des montants indûment perçus et donc d’une créance de restitution.

83 En deuxième lieu, la Commission invoque le fait que, dans l’arrêt du 13 décembre 2018, Deutsche Telekom/Commission (T 827/14, EU:T:2018:930), le Tribunal a réduit le montant de l’amende dans le cadre de l’exercice de sa compétence de pleine juridiction.

84 Cependant, d’abord, il y a lieu de constater que, préalablement à l’exercice de sa compétence de pleine juridiction et à la réduction du montant de l’amende infligée à la requérante, le Tribunal a, dans l’arrêt du 13 décembre 2018, Deutsche Telekom/Commission (T 827/14, EU:T:2018:930), annulé partiellement la disposition qui constatait la matérialité de la pratique visée à l’article 1er, paragraphe 2, sous d), de la décision de 2014 (voir point 5 ci-dessus). Par ailleurs, le Tribunal a annulé l’article 2 de cette même décision en tant qu’il fixait le montant de l’amende au paiement duquel était tenue uniquement la requérante à 31 070 000 euros (voir point 6 ci-dessus).

85 S’agissant des effets de l’annulation d’un acte prononcée par le juge de l’Union, il convient de rappeler que celle-ci opère ex tunc et a donc pour effet d’éliminer rétroactivement l’acte annulé de l’ordre juridique (voir, en ce sens, arrêts du 26 avril 1988, Asteris e.a./Commission, 97/86, 99/86, 193/86 et 215/86, EU:C:1988:199, point 30 ; du 13 décembre 1995, Exporteurs in Levende Varkens e.a./Commission, T 481/93 et T 484/93, EU:T:1995:209, point 46, et du 10 octobre 2001, Corus UK/Commission, T 171/99, EU:T:2001:249, point 50).

86 Ensuite, il convient de souligner que ni les dispositions ou les textes mentionnés aux points 79 à 81 ci-dessus ni la jurisprudence rappelée aux points 74 à 76 ci-dessus ne procèdent à une distinction selon que le juge de l’Union a uniquement annulé tout ou partie de l’amende infligée à une partie requérante ou qu’il a réduit cette amende après l’avoir annulée.

87 Enfin, lorsque le juge de l’Union substitue sa propre appréciation à celle de la Commission et qu’il réduit le montant de l’amende dans le cadre de l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, il remplace, au sein de la décision de la Commission, le montant initialement fixé dans cette décision par celui qui résulte de sa propre appréciation. Cette réduction opère modification rétroactive de la décision de la Commission. L’amende réduite à la suite de la nouvelle appréciation du juge de l’Union est censée avoir toujours été celle infligée par la Commission. En ce qui concerne ladite réduction, la décision de la Commission est donc censée, en raison de l’effet substitutif de l’arrêt prononcé par le juge de l’Union, avoir toujours été celle qui résulte de l’appréciation de ce dernier (voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 1995, CB/Commission, T 275/94, EU:T:1995:141, points 60 à 65 et 85 à 87).

88 En troisième lieu, d’une part, l’incitation « à exécuter, dans les plus brefs délais, l’arrêt d’annulation » n’est que l’un des deux objectifs du versement d’intérêts moratoires envisagés par la Cour au point 30 de l’arrêt du 12 février 2015, Commission/IPK International (C 336/13 P, EU:C:2015:83). Or, l’allocation d’intérêts moratoires à compter de la date du paiement provisoire de l’amende en cause poursuit l’autre objectif envisagé par la Cour, à savoir l’indemnisation forfaitaire de l’entreprise ayant payé cette amende pour la privation de la jouissance de ses fonds pendant la période allant de la date du paiement provisoire de ladite amende à la date du remboursement de celle-ci. D’autre part, en cas d’annulation d’une décision ayant impliqué le paiement, à titre provisoire, d’une somme telle qu’une amende infligée pour violation des règles de la concurrence, l’obligation de rembourser la somme payée assortie d’intérêts moratoires calculés à partir de la date du paiement de cette somme constitue une incitation pour l’institution concernée à faire preuve d’une attention particulière lors de l’adoption de telles décisions, qui peuvent impliquer, pour un particulier, l’obligation de verser immédiatement des sommes considérables (voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2021, Commission/Printeos, C 301/19 P, EU:C:2021:39, points 85 et 86).

89 Dans l’arrêt du 20 janvier 2021, Commission/Printeos (C 301/19 P, EU:C:2021:39), la Cour a donc considéré que l’allocation d’intérêts moratoires à compter de la date du paiement provisoire de l’amende ne poursuivait pas l’objectif d’inciter la Commission « à exécuter, dans les plus brefs délais, l’arrêt d’annulation ».

90 Ainsi, certes, l’obligation de verser des intérêts moratoires ne peut pas avoir pour objectif d’inciter la Commission à rembourser, avant le prononcé de l’arrêt annulant et réduisant le montant de l’amende qu’elle a infligée, la somme qu’elle a indûment perçue. Toutefois, l’obligation de verser des intérêts moratoires en cas d’annulation et de réduction, par le juge de l’Union, du montant d’une amende infligée par la Commission ne poursuit pas l’objectif de sanctionner un retard fautif de cette institution. L’obligation de verser des intérêts moratoires dans une telle situation vise notamment à indemniser forfaitairement un retard objectif qui découle, premièrement, de la durée de la procédure devant le juge de l’Union, deuxièmement, de ce que la réglementation financière pertinente prévoit qu’une société qui a payé à titre provisoire une amende ultérieurement annulée ou réduite dispose d’une créance de restitution (voir points 79 à 82 ci-dessus) et, troisièmement, de la rétroactivité de la réduction du montant de l’amende opérée par le juge de l’Union (voir points 84 à 87 ci-dessus).

91 La Commission soutient que, si elle devait être considérée comme débitrice d’intérêts moratoires à une date antérieure à l’arrêt du juge de l’Union annulant ou réduisant le montant d’une amende, cela irait à l’encontre de la fonction dissuasive des amendes dans les affaires de concurrence. À cet égard, elle explique, d’abord, qu’il existe un lien intrinsèque entre l’interdiction des pratiques anticoncurrentielles au titre des articles 101 et 102 TFUE et l’imposition d’amendes, ensuite, que lesdits articles seraient inopérants s’ils n’étaient pas accompagnés de sanctions, prévues à l’article 103, paragraphe 2, sous a), TFUE et, enfin, qu’il conviendrait que les amendes ne soient pas atténuées par des circonstances extérieures.

92 Cependant, premièrement, il convient de rappeler que la notion de dissuasion constitue l’un des éléments à prendre en compte dans le calcul du montant de l’amende (arrêts du 26 septembre 2013, Alliance One International/Commission, C 679/11 P, non publié, EU:C:2013:606, point 73, et du 4 septembre 2014, YKK e.a./Commission, C 408/12 P, EU:C:2014:2153, point 84). Il s’ensuit que la fonction dissuasive des amendes a nécessairement été prise en compte par le Tribunal dans l’arrêt du 13 décembre 2018, Deutsche Telekom/Commission (T 827/14, EU:T:2018:930), lorsqu’il a exercé sa compétence de pleine juridiction pour réduire, avec effet rétroactif, le montant de l’amende dont était redevable la requérante (voir point 87 ci-dessus).

93 Deuxièmement, il y a lieu de relever que la fonction dissuasive des amendes doit être conciliée avec le principe de protection juridictionnelle effective figurant à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Or, le respect dudit principe est assuré au moyen du contrôle de légalité prévu à l’article 263 TFUE, complété par la compétence de pleine juridiction quant au montant de l’amende, prévue à l’article 31 du règlement no 1/2003. Le juge de l’Union est en effet en mesure d’exercer un contrôle tant de droit que de fait et d’apprécier les preuves, d’annuler la décision attaquée et de modifier le montant des amendes (voir, en ce sens, arrêt du 6 novembre 2012, Otis e.a., C 199/11, EU:C:2012:684, points 62 et 63 et jurisprudence citée). Il a également été jugé que, afin de satisfaire aux exigences d’un contrôle de pleine juridiction au sens de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux en ce qui concerne l’amende, le juge de l’Union est tenu, dans l’exercice des compétences prévues aux articles 261 et 263 TFUE, d’examiner tout grief, de droit ou de fait, visant à démontrer que le montant de l’amende n’est pas en adéquation avec la gravité et la durée de l’infraction (arrêts du 10 juillet 2014, Telefónica et Telefónica de España/Commission, C 295/12 P, EU:C:2014:2062, point 200, et du 26 septembre 2018, Infineon Technologies/Commission, C 99/17 P, EU:C:2018:773, point 195). La compétence de pleine juridiction constitue une garantie supplémentaire dont bénéficient les entreprises (voir, en ce sens, arrêts du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C 189/02 P, C 202/02 P, C 205/02 P à C 208/02 P et C 213/02 P, EU:C:2005:408, point 445 ; du 6 octobre 1994, Tetra Pak/Commission, T 83/91, EU:T:1994:246, point 235, et du 17 décembre 2015, Orange Polska/Commission, T 486/11, EU:T:2015:1002, point 91).

94 Troisièmement, la fonction dissuasive des amendes doit également être conciliée avec les objectifs poursuivis par l’allocation d’intérêts moratoires à la suite de l’exercice, par le juge de l’Union, de ses compétences et, notamment, de sa compétence de pleine juridiction, à savoir, d’une part, l’indemnisation forfaitaire de l’entreprise ayant payé provisoirement cette amende pour la privation de la jouissance de ses fonds pendant la période allant de la date du paiement provisoire de ladite amende à la date du remboursement de celle-ci et, d’autre part, l’incitation pour l’institution concernée à faire preuve d’une attention particulière lors de l’adoption de décisions, telles que des décisions infligeant des amendes, qui peuvent impliquer, pour un particulier, l’obligation de verser immédiatement des sommes considérables (voir point 88 ci-dessus).

95 Par conséquent, à la lumière des motifs adoptés aux points 79 à 94 ci-dessus, il y a lieu de considérer que, d’une part, la créance principale détenue par la requérante en l’espèce existait et était certaine quant à son montant maximal ou du moins déterminable sur la base d’éléments objectifs établis à la date du paiement provisoire de l’amende par cette dernière, à savoir le 16 janvier 2015. D’autre part, la Commission était tenue, en application de l’article 266, premier alinéa, TFUE, de verser des intérêts moratoires sur la partie du montant de l’amende jugée indue par le Tribunal dans l’arrêt du 13 décembre 2018, Deutsche Telekom/Commission (T 827/14, EU:T:2018:930), pour la période comprise entre la date du paiement provisoire de l’amende et la date du remboursement de la partie du montant de l’amende jugée indue.

96 Cette conclusion n’est pas remise en cause par les arguments de la Commission tirés, premièrement, des dispositions de l’article 90, paragraphe 4, du règlement délégué no 1268/2012 et, deuxièmement, de ce que les intérêts dus à compter du paiement de l’amende doivent être qualifiés d’intérêts compensatoires.

97 En effet, en ce qui concerne les arguments de la Commission tirés des dispositions de l’article 90 du règlement délégué no 1268/2012 (voir point 80 ci-dessus), il ne découle pas de cet article que, lorsque la Commission est tenue de rembourser le montant d’une amende encaissée à titre provisoire, elle est, en toute hypothèse, dispensée de l’obligation d’assortir ce montant d’intérêts moratoires (arrêt du 20 janvier 2021, Commission/Printeos, C 301/19 P, EU:C:2021:39, point 73).

98 En outre, lorsque les intérêts « produits » visés à l’article 90, paragraphe 4, du règlement délégué no 1268/2012 sont d’un montant inférieur à celui des intérêts moratoires dus, voire lorsqu’il n’y a pas d’intérêts produits, le rendement du capital investi ayant été négatif, la Commission est tenue, pour satisfaire à son obligation découlant de l’article 266 TFUE, de verser à l’intéressé la différence entre le montant des éventuels « intérêts produits », au sens de l’article 90, paragraphe 4, dudit règlement délégué, et celui des intérêts moratoires dus pour la période allant de la date du paiement de la somme en question à la date de son remboursement (voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2021, Commission/Printeos, C 301/19 P, EU:C:2021:39, points 75 et 76).

99 Ainsi, en l’espèce, dans la mesure où il est constant que l’investissement, par la Commission, du montant de l’amende payée par la requérante en exécution de la décision de 2014 n’a pas produit d’intérêts, la Commission était tenue, à la suite de l’arrêt du 13 décembre 2018, Deutsche Telekom/Commission (T 827/14, EU:T:2018:930), de rembourser à la requérante la partie du montant de l’amende jugée indue, assortie d’intérêts moratoires, sans que l’article 90 du règlement délégué no 1268/2012 y fasse obstacle (voir, par analogie, arrêt du 20 janvier 2021, Commission/Printeos, C 301/19 P, EU:C:2021:39, point 77).

100 Il convient d’ajouter que la Commission ne peut utilement se prévaloir de la circonstance que la requérante n’a pas, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 13 décembre 2018, Deutsche Telekom/Commission (T 827/14, EU:T:2018:930), contesté l’article 2 de la décision de 2014, dont le quatrième alinéa se fondait sur l’article 90 du règlement délégué no 1268/2012. Elle ne peut davantage invoquer la circonstance que le Tribunal a annulé partiellement l’article 2 de ladite décision sans remettre en cause la référence à l’article 90 de ce règlement délégué.

101 Certes, dans l’arrêt du 13 décembre 2018, Deutsche Telekom/Commission (T 827/14, EU:T:2018:930), le Tribunal a annulé l’article 2 de la décision de 2014 uniquement en tant qu’il fixait le montant de l’amende au paiement duquel était tenue la seule requérante à 31 070 000 euros. Par ailleurs, il a fixé le montant de l’amende au paiement duquel était tenue uniquement la requérante à 19 030 981 euros.

102 Toutefois, le quatrième alinéa de l’article 2 de la décision de 2014 ne concerne pas les conditions dans lesquelles la Commission, en cas d’annulation de ladite décision et de réduction du montant de l’amende que cette décision prévoit, remboursera le montant de l’amende payée à titre provisoire par ladite entreprise (voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2021, Commission/Printeos, C 301/19 P, EU:C:2021:39, point 92).

103 Par ailleurs, en cas d’annulation d’une décision infligeant une amende pour violation des règles de concurrence et en cas de réduction du montant de l’amende que cette décision prévoit, l’obligation de la Commission de rembourser tout ou partie du montant de l’amende payée à titre provisoire assorti d’intérêts moratoires pour la période allant de la date du paiement provisoire de cette amende jusqu’à la date du remboursement de celle-ci découle directement de l’article 266 TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2021, Commission/Printeos, C 301/19 P, EU:C:2021:39, point 94).

104 Il s’ensuit que la Commission ne dispose pas de la compétence pour arrêter, par une décision individuelle, les conditions dans lesquelles elle versera des intérêts moratoires en cas d’annulation de la décision ayant infligé une amende et en cas de réduction du montant de l’amende que cette décision prévoit et qui a été payée à titre provisoire (voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2021, Commission/Printeos, C 301/19 P, EU:C:2021:39, point 95).

105 Dès lors, les arguments de la Commission tirés des dispositions de l’article 90 du règlement délégué no 1268/2012 doivent être rejetés sans qu’il soit besoin de se prononcer sur l’exception d’illégalité de cette disposition soulevée par la requérante.

106 En ce qui concerne les arguments de la Commission tirés de ce que les intérêts dus à compter du paiement de l’amende doivent être qualifiés d’intérêts compensatoires, il convient de souligner que la catégorie des intérêts compensatoires vise à compenser l’écoulement du temps jusqu’à l’évaluation juridictionnelle du montant du préjudice, indépendamment de tout retard imputable au débiteur (voir arrêt du 20 janvier 2021, Commission/Printeos, C 301/19 P, EU:C:2021:39, point 56 et jurisprudence citée).

107 Or, l’obligation pour la Commission de verser des intérêts moratoires en l’espèce à compter du paiement provisoire effectué par la requérante découle directement de l’obligation d’exécuter, conformément à l’article 266, premier alinéa, TFUE, l’arrêt du 13 décembre 2018, Deutsche Telekom/Commission (T 827/14, EU:T:2018:930).

108 La créance principale de la requérante était une créance de restitution qui était liée au paiement d’une amende qui avait été effectué à titre provisoire. Cette créance existait et était certaine quant à son montant maximal ou du moins déterminable sur la base d’éléments objectifs établis à la date dudit paiement (voir points 79 à 95 ci-dessus) et ne devait pas faire l’objet d’une évaluation juridictionnelle.

109 Les intérêts dus dans cette hypothèse sont des intérêts moratoires et il ne saurait être question, en l’espèce, du paiement d’intérêts compensatoires (voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2021, Commission/Printeos, C 301/19 P, EU:C:2021:39, points 78 et 79).

110 La Commission n’est donc pas fondée à soutenir que les intérêts dont elle pourrait être redevable pour la période comprise entre la date du paiement provisoire de l’amende par la requérante et l’expiration du délai pour exécuter l’arrêt du 13 décembre 2018, Deutsche Telekom/Commission (T 827/14, EU:T:2018:930), doivent être qualifiés d’intérêts compensatoires.

111 Il s’ensuit que la Commission a méconnu l’article 266, premier alinéa, TFUE lorsqu’elle a refusé de verser des intérêts moratoires à la requérante sur la partie du montant de l’amende qu’elle avait perçue indûment, pour la période comprise entre le 16 janvier 2015, date du paiement de l’amende, et le 19 février 2019, date du remboursement de la partie du montant de l’amende finalement jugée indue par le Tribunal dans l’arrêt du 13 décembre 2018, Deutsche Telekom/Commission (T 827/14, EU:T:2018:930).

112 Enfin, il ressort des points 71 à 95 ci-dessus que, à la suite de l’arrêt du 13 décembre 2018, Deutsche Telekom/Commission (T 827/14, EU:T:2018:930), la Commission était, conformément à une jurisprudence établie, tenue de rembourser à la requérante la partie du montant de l’amende payée indûment à titre provisoire, assortie d’intérêts moratoires, et ne disposait d’aucune marge d’appréciation quant à l’opportunité de verser de tels intérêts (voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2021, Commission/Printeos, C 301/19 P, EU:C:2021:39, point 104).

113 Par conséquent, compte tenu de l’obligation absolue et inconditionnelle imposée à la Commission par l’article 266, premier alinéa, TFUE de verser des intérêts moratoires, sans qu’elle dispose d’une marge d’appréciation à cet égard, il y a lieu de constater, en l’espèce, l’existence d’une violation suffisamment caractérisée de cette règle de droit qui est susceptible d’engager la responsabilité non contractuelle de l’Union au sens de l’article 266, second alinéa, TFUE, lu conjointement avec l’article 340, deuxième alinéa, TFUE.

–  Sur le lien de causalité et sur le préjudice à réparer

114 La requérante soutient que la violation suffisamment caractérisée de l’article 266, premier alinéa, TFUE commise par la Commission est la cause directe du préjudice qu’elle a subi et qui consiste dans les intérêts moratoires dont elle a été privée. Elle explique que, en application de l’article 83, paragraphe 2, sous b), et de l’article 111, paragraphe 4, sous a), du règlement délégué no 1268/2012, le taux des intérêts moratoires approprié est le taux appliqué par la BCE à ses opérations principales de refinancement, majoré de trois points et demi de pourcentage. Selon elle, le taux des intérêts moratoires à appliquer est, en l’espèce, le taux de 3,55 % qui correspond au taux appliqué par la BCE à ses opérations principales de refinancement, soit 0,05 % applicable en janvier 2015, majoré de trois points et demi de pourcentage. Elle estime que l’application de ce taux à la somme de 12 039 019 euros, indûment payée par elle, permet d’évaluer son préjudice à 1 750 522,83 euros.

115 La Commission rétorque qu’elle a refusé de verser des intérêts moratoires uniquement à compter de la décision attaquée, du 28 juin 2019, de sorte qu’une indemnisation n’aurait pu, en tout état de cause, être réclamée qu’à partir de cette date. Par ailleurs, elle fait valoir que la requérante n’a pas respecté la procédure prévue à l’article 111 du règlement délégué no 1268/2012 et ne peut donc pas réclamer des intérêts de retard au sens de l’article 111, paragraphe 4, sous a), lu en combinaison avec l’article 83, dudit règlement délégué. Enfin, elle soutient que, dans l’hypothèse où le Tribunal considérerait que les principes dégagés dans l’arrêt du 20 janvier 2021, Commission/Printeos (C 301/19 P, EU:C:2021:39), sont applicables en l’espèce, le taux des intérêts moratoires applicable devrait être le taux appliqué par la BCE à ses opérations principales de refinancement, majoré d’un point et demi de pourcentage, par analogie avec l’article 83, paragraphe 4, de ce règlement délégué.

116 En premier lieu, il convient de rappeler que, afin que la responsabilité non contractuelle de l’Union soit susceptible d’être engagée, le préjudice doit découler de façon suffisamment directe du comportement illégal des institutions (arrêt du 30 mai 2017, Safa Nicu Sepahan/Conseil, C 45/15 P, EU:C:2017:402, point 61).

117 En l’espèce, il y a lieu de constater que la méconnaissance, par la Commission, de son obligation d’octroyer des intérêts moratoires au titre de l’article 266, premier alinéa, TFUE présente un lien de cause à effet suffisamment direct avec le préjudice qui consiste dans la perte, au cours de la période comprise entre le 16 janvier 2015 et le 19 février 2019, des intérêts moratoires sur le montant dont la requérante a été indûment privée (voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2021, Commission/Printeos, C 301/19 P, EU:C:2021:39, point 105).

118 En second lieu, à la lumière de la jurisprudence mentionnée au point 39 ci-dessus, la requérante est fondée à soutenir qu’elle a subi un préjudice réel et certain qui est équivalent à la perte, au cours de la période comprise entre le 16 janvier 2015 et le 19 février 2019, des intérêts moratoires qui représentent l’indemnisation forfaitaire pour la privation de la jouissance du montant de l’amende indûment payé durant cette même période.

119 La Commission soutient que, à supposer qu’elle doive verser des intérêts moratoires, le taux de ces intérêts devrait être fixé à un taux forfaitaire correspondant à la privation de jouissance pendant la période en cause, ce qui dépendrait à son tour, au moins en partie, des circonstances de l’espèce. D’abord, l’arrêt du 20 janvier 2021, Commission/Printeos (C 301/19 P, EU:C:2021:39), ne permettrait pas de déterminer le taux des intérêts moratoires applicables dans la présente affaire. En effet, cet arrêt n’indiquerait pas quel taux d’intérêt serait applicable aux intérêts moratoires. Ensuite, à supposer que la Cour ait entendu, par analogie, imposer à la Commission de payer des intérêts au taux prévu par l’article 83, paragraphe 2, sous b), du règlement délégué no 1268/2012, elle estime que ce taux n’est pas applicable par analogie en l’espèce. En effet, le montant de la dette de la Commission aurait été fixé uniquement dans le cadre de l’exercice, par le Tribunal, de sa compétence de pleine juridiction dans l’arrêt du 13 décembre 2018, Deutsche Telekom/Commission (T 827/14, EU:T:2018:930). Enfin, le point 81 de l’arrêt du 20 janvier 2021, Commission/Printeos (C 301/19 P, EU:C:2021:39), pourrait être compris en ce sens que le taux prévu à l’article 83, paragraphe 4, de ce règlement délégué, à savoir le taux appliqué par la BCE à ses opérations principales de refinancement, majoré d’un point et demi de pourcentage, pourrait s’appliquer mutatis mutandis en l’espèce.

120 Il convient de rappeler que, aux fins de la détermination du montant des intérêts moratoires qui doivent être versés à une entreprise ayant payé une amende infligée par la Commission, à la suite de l’annulation de cette amende, cette institution doit appliquer le taux fixé à cet effet par le règlement délégué no 1268/2012 (arrêt du 5 septembre 2019, Union européenne/Guardian Europe et Guardian Europe/Union européenne, C 447/17 P et C 479/17 P, EU:C:2019:672, point 56).

121 Selon la Cour, il en ressort que la Commission doit appliquer le taux fixé à l’article 83 du règlement délégué no 1268/2012, qui fixe le taux d’intérêt pour les créances non remboursées à la date limite (voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2021, Commission/Printeos, C 301/19 P, EU:C:2021:39, point 81).

122 L’article 83 du règlement délégué no 1268/2012 figurait à la section 3 du chapitre 5 du titre IV dudit règlement délégué. Ledit chapitre concernait les « [o]pérations de recettes » et ladite section était relative à la « [c]onstatation de créances ». Cet article, qui mettait en œuvre l’article 78 du règlement financier, était intitulé « Intérêts de retard » et disposait :

« 1. Sans préjudice des dispositions spécifiques découlant de l’application de la réglementation sectorielle, toute créance non remboursée à la date limite visée à l’article 80, paragraphe 3, point b), porte intérêt conformément aux paragraphes 2 et 3 du présent article.

2. Le taux d’intérêt pour les créances non remboursées à la date limite visée à l’article 80, paragraphe 3, point b), est le taux appliqué par la Banque centrale européenne à ses opérations principales de refinancement tel que publié au Journal officiel de l’Union européenne, série C, en vigueur le premier jour de calendrier du mois de la date limite, majoré de :

a) huit points de pourcentage lorsque la créance a pour fait générateur un marché public de fournitures et de services visé au titre V ;

b) trois points et demi de pourcentage dans tous les autres cas.

[…]

4. Dans le cas des amendes, lorsque le débiteur constitue une garantie financière acceptée par le comptable en lieu et place d’un paiement, le taux d’intérêt applicable à compter de la date limite visée à l’article 80, paragraphe 3, point b), est le taux visé au paragraphe 2 du présent article qui est en vigueur le premier jour du mois au cours duquel a été arrêtée la décision imposant une amende, majoré seulement d’un point et demi de pourcentage. »

123 L’article 111 du règlement délégué no 1268/2012 figurait à la section 5 du chapitre 6 du titre IV dudit règlement délégué. Ledit chapitre concernait les « [o]pérations de dépenses » et ladite section était relative aux délais des opérations de dépenses. Cet article, qui mettait en œuvre l’article 92 du règlement financier, était intitulé « Délais de paiement et intérêts de retard » et disposait notamment :

« 1. Par délai prévu pour effectuer les paiements, on entend le délai nécessaire pour la liquidation, l’ordonnancement et le paiement des dépenses.

Il commence à courir à compter de la date de réception de la demande de paiement.

La demande de paiement est enregistrée par le service habilité de l’ordonnateur compétent dès que possible et est réputée reçue à la date de son enregistrement.

La date de paiement est réputée être la date à laquelle le compte de l’institution est débité.

[…]

4. À l’expiration des délais visés à l’article 92, paragraphe 1, du règlement financier, le créancier a droit au versement d’intérêts aux conditions suivantes :

a) les taux d’intérêt sont ceux visés à l’article 83, paragraphe 2, du présent règlement ;

b) les intérêts sont dus pour le temps écoulé à partir du jour de calendrier suivant l’expiration du délai de paiement défini à l’article 92, paragraphe 1, du règlement financier et jusqu’au jour du paiement. »

124 À titre liminaire, il convient de relever que, lorsque la Commission invoque la circonstance que le montant de sa dette aurait été fixé par le Tribunal uniquement dans le cadre de l’exercice de sa compétence de pleine juridiction dans l’arrêt du 13 décembre 2018, Deutsche Telekom/Commission (T 827/14, EU:T:2018:930), elle continue de soutenir qu’elle n’était pas tenue de verser des intérêts moratoires à la requérante pour la période comprise entre la date du paiement de l’amende et la date du remboursement qu’elle a effectué. Or, cette argumentation doit être rejetée pour les motifs qui figurent aux points 71 à 95 ci-dessus. Il y a lieu d’ajouter que l’obligation pour la Commission de verser des intérêts moratoires à la requérante découle directement de l’article 266, premier alinéa, TFUE de sorte que, contrairement à ce que soutient la Commission, la requérante n’est pas tenue de présenter de demande de paiement selon la procédure prévue à l’article 111 du règlement délégué no 1268/2012.

125 En premier lieu, il convient de rappeler que, en cas d’annulation d’une décision ayant impliqué le paiement provisoire d’une amende, l’allocation d’intérêts moratoires à compter de la date de ce paiement vise, d’une part, à indemniser d’une manière forfaitaire l’entreprise ayant payé cette amende pour la privation de la jouissance de ses fonds et, d’autre part, à inciter la Commission à faire preuve d’une attention particulière lors de l’adoption d’une telle décision (voir point 88 ci-dessus).

126 Il en va également ainsi en cas d’annulation et de réduction du montant de l’amende par le juge de l’Union.

127 En deuxième lieu, au regard des objectifs poursuivis par les intérêts moratoires dus par la Commission à la suite d’un arrêt annulant et réduisant le montant d’une amende, la Commission se trouve dans une situation factuelle et juridique différente d’une société qui est destinataire d’une décision lui infligeant une amende et qui constitue une garantie bancaire. Les droits et obligations de la Commission vis-à-vis d’une société qui a payé l’amende sont en effet différents des droits et obligations d’une société qui constitue une garantie bancaire vis-à-vis de la Commission.

128 À cet égard, il y a lieu de souligner que, lorsque l’entreprise sanctionnée procède au paiement immédiat de l’amende infligée, elle ne fait que se plier au dispositif d’une décision exécutoire conformément au régime ordinaire prévu par le traité [ordonnance du 12 décembre 2007, Atlantic Container Line e.a./Commission, T 113/04, non publiée, EU:T:2007:377, point 44 ; voir également, en ce sens, arrêt du 21 avril 2005, Holcim (Deutschland)/Commission, T 28/03, EU:T:2005:139, point 126]. En revanche, la substitution d’un sursis de paiement assorti d’une garantie bancaire à un tel paiement de l’amende constitue une dérogation au régime ordinaire prévu par le traité (voir, en ce sens, ordonnance du 12 décembre 2007, Atlantic Container Line e.a./Commission, T 113/04, non publiée, EU:T:2007:377, point 44).

129 Si l’entreprise sanctionnée opte pour le paiement immédiat de l’amende, tout en introduisant un recours visant à l’annulation de celle-ci, elle peut s’attendre à ce que la Commission, dans l’hypothèse d’une annulation ou d’une réduction du montant de l’amende imposée, lui restitue non seulement la somme correspondant au montant en principal de l’amende indûment payée, mais aussi les intérêts moratoires produits par cette somme (voir, en ce sens, ordonnance du 12 décembre 2007, Atlantic Container Line e.a./Commission, T 113/04, non publiée, EU:T:2007:377, point 43, ainsi que la jurisprudence citée aux points 74 à 76 ci-dessus).

130 Certes, la substitution d’un sursis de paiement assorti d’une garantie bancaire au paiement immédiat de l’amende est désormais prévue par la réglementation financière pertinente et est offerte, sous conditions, par la Commission (voir points 80 et 122 ci-dessus). Toutefois, en cas d’annulation de la décision infligeant une amende ou de réduction du montant de celle-ci, les conséquences sont différentes selon que l’entreprise a opté pour le paiement immédiat de l’amende ou pour un sursis de paiement assorti de la constitution d’une garantie bancaire (voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 1995, CB/Commission, T 275/94, EU:T:1995:141, points 82 à 86, et ordonnance du 12 décembre 2007, Atlantic Container Line e.a./Commission, T 113/04, non publiée, EU:T:2007:377, point 44).

131 En effet, lorsque le sursis de paiement a été accordé, la Commission n’a pas à restituer une amende indûment perçue, puisque, par hypothèse, cette amende n’a pas été payée. Pour la même raison, l’entreprise sanctionnée n’a donc pas été privée de la jouissance de la somme correspondant au montant de l’amende indûment perçu. Le seul préjudice financier éventuellement subi par l’entreprise concernée résulte de sa propre décision de constituer une garantie bancaire [voir, en ce sens, arrêt du 21 avril 2005, Holcim (Deutschland)/Commission, T 28/03, EU:T:2005:139, point 129, et ordonnance du 12 décembre 2007, Atlantic Container Line e.a./Commission, T 113/04, non publiée, EU:T:2007:377, point 45].

132 En troisième lieu, la Commission ne démontre pas, par des éléments concrets, que l’application, aux créances de restitution, d’intérêts moratoires au taux appliqué par la BCE pour ses opérations principales de refinancement, majoré de trois points et demi de pourcentage, prévu à l’article 83, paragraphe 2, sous b), du règlement délégué no 1268/2012, serait disproportionnée au regard des objectifs poursuivis par de tels intérêts moratoires. Elle n’explique pas davantage que le calcul des intérêts moratoires sur cette base aurait une incidence négative sur l’obligation, pour une société destinataire d’une décision lui infligeant une amende, de s’acquitter immédiatement du montant de cette amende.

133 En quatrième lieu, il est vrai que, au point 81 de l’arrêt du 20 janvier 2021, Commission/Printeos (C 301/19 P, EU:C:2021:39), la Cour n’a pas indiqué les dispositions précises de l’article 83 du règlement délégué no 1268/2012 auxquelles elle faisait référence.

134 Toutefois, il convient de relever que, dans le même arrêt du 20 janvier 2021, Commission/Printeos (C 301/19 P, EU:C:2021:39), la Cour a statué définitivement sur le litige après avoir annulé le point 2 du dispositif de l’arrêt du 12 février 2019, Printeos/Commission (T 201/17, EU:T:2019:81), au motif que le Tribunal avait commis une erreur de droit en rejetant la demande de versement d’intérêts moratoires formulée par Printeos pour la période débutant le 31 mars 2017. C’est ainsi que, au point 129 de l’arrêt du 20 janvier 2021, Commission/Printeos (C 301/19 P, EU:C:2021:39), la Cour a jugé qu’il y avait lieu d’allouer des intérêts moratoires à Printeos au taux appliqué par la BCE à ses opérations principales de refinancement, majoré de trois points et demi de pourcentage, par analogie avec l’article 83, paragraphe 2, sous b), du règlement délégué no 1268/2012.

135 En cinquième lieu, la requérante explique, d’une manière pertinente, que, si elle n’avait pas payé le montant de l’amende irrégulièrement fixé, elle aurait elle aussi dû payer des intérêts moratoires au taux appliqué par la BCE à ses opérations principales de refinancement, majoré de trois points et demi de pourcentage, prévu à l’article 83, paragraphe 2, sous b), du règlement délégué no 1268/2012. La requérante en déduit à bon droit que, après l’annulation et la réduction de l’amende, la Commission doit être tenue de payer des intérêts moratoires sur la base du même taux pour la période pendant laquelle elle a recouvré à tort le montant payé en trop.

136 Compte tenu de ce qui précède, l’indemnisation forfaitaire de la requérante pour la privation de la jouissance de ses fonds peut être fixée au moyen de l’application, par analogie, du taux prévu à l’article 83, paragraphe 2, sous b), du règlement délégué no 1268/2012, à savoir le taux appliqué par la BCE à ses opérations principales de refinancement en janvier 2015, soit 0,05 %, majoré de trois points et demi de pourcentage.

137 Il y a donc lieu d’accueillir la demande formulée à titre subsidiaire dans le cadre du troisième chef de conclusions et d’accorder une indemnité d’un montant de 1 750 522,83 euros à la requérante à titre de réparation du préjudice que lui a causé la violation suffisamment caractérisée de l’article 266, premier alinéa, TFUE et qui consiste dans la perte d’intérêts moratoires au taux de 3,55 %, au cours de la période comprise entre le 16 janvier 2015 et le 19 février 2019, sur la partie du montant de l’amende qu’elle a payée indûment.

138 Par voie de conséquence, il n’y a pas lieu de se prononcer sur la demande formulée à titre encore plus subsidiaire par la requérante dans son quatrième chef de conclusions.

 Sur les intérêts afférents à l’indemnité que le Tribunal accorde à la requérante

139 La requérante demande au Tribunal de majorer l’indemnité qu’il est susceptible de lui accorder d’intérêts moratoires à compter du prononcé de l’arrêt à intervenir et jusqu’à complet paiement. Cette majoration devrait être fondée sur le taux appliqué par la BCE à ses opérations principales de refinancement, majoré de trois points et demi de pourcentage ou, à titre subsidiaire, sur un autre taux d’intérêts moratoires que le Tribunal estimera approprié.

140 La Commission conclut au rejet de cette demande au motif que la requérante n’a pas droit à une indemnisation.

141 S’agissant d’une demande fondée sur la responsabilité non contractuelle de l’Union prévue à l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, il ressort de la jurisprudence que, en l’absence de circonstances particulières, l’obligation de payer des intérêts moratoires naît à partir de l’arrêt qui constate l’obligation de réparer le préjudice (voir, en ce sens, arrêt du 26 juin 1990, Sofrimport/Commission, C 152/88, EU:C:1990:259, point 32 et jurisprudence citée).

142 Pour la fixation du taux des intérêts moratoires, il est approprié de tenir compte de l’article 99, paragraphe 2, sous b), du règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juillet 2018, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, modifiant les règlements (UE) no 1296/2013, (UE) no 1301/2013, (UE) no 1303/2013, (UE) no 1304/2013, (UE) no 1309/2013, (UE) no 1316/2013, (UE) no 223/2014, (UE) no 283/2014 et la décision no 541/2014/UE, et abrogeant le règlement financier (JO 2018, L 193, p. 1). En application de cette disposition, le taux d’intérêt applicable est calculé sur la base du taux appliqué par la BCE à ses opérations principales de refinancement tel qu’il est publié dans la série C du Journal officiel de l’Union européenne en vigueur le premier jour civil du mois du délai, majoré de trois points et demi de pourcentage (voir, par analogie, ordonnances du 14 janvier 2016, Commission/Marcuccio, C 617/11 P DEP, non publiée, EU:C:2016:17, point 12, et du 7 octobre 2020, Argus Security Projects/Commission et EUBAM Libya, T 206/17 DEP, non publiée, EU:T:2020:476, point 61).

143 En l’espèce, l’indemnité visée au point 137 ci-dessus doit être majorée d’intérêts moratoires, à compter du prononcé du présent arrêt et jusqu’à complet paiement. Le taux des intérêts moratoires sera celui appliqué par la BCE à ses opérations principales de refinancement à la date du présent arrêt, majoré de trois points et demi de pourcentage.

 Sur la demande en annulation

144 Dans le cadre de sa demande en annulation, la requérante invoque deux moyens. Le premier moyen est tiré d’une violation de l’article 266, premier alinéa, TFUE en ce que, dans la décision attaquée, la Commission a refusé de lui verser des intérêts moratoires. Le second moyen est tiré d’une violation de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE en ce que la décision attaquée serait entachée d’un défaut ou d’une insuffisance de motivation.

145 S’agissant du second moyen, tiré d’une violation de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, il y a lieu de souligner que, à la lumière du libellé de la décision attaquée (voir points 12 à 17 ci-dessus), du contexte de son adoption (voir points 1 à 10 ci-dessus) ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée, la requérante a été en mesure de comprendre que la Commission avait refusé de lui verser des intérêts moratoires aux motifs, d’une part, que l’article 266 TFUE lui imposait uniquement de verser les intérêts « produits » mentionnés à l’article 90, paragraphe 4, sous a), du règlement délégué no 1268/2012 et, d’autre part, que l’arrêt du 12 février 2019, Printeos/Commission (T 201/17, EU:T:2019:81), n’imposait pas, en l’espèce, à ladite institution de lui verser des intérêts moratoires. La compréhension de la décision attaquée par la requérante est d’ailleurs corroborée par les arguments soulevés par cette dernière dans le cadre de son recours. En outre, il ressort des points 72 à 111 ci-dessus que le Tribunal a été en mesure d’apprécier, sur le fond, la légalité du refus de la Commission de verser des intérêts moratoires à la requérante.

146 Le second moyen est donc rejeté.

147 S’agissant du premier moyen, tiré d’une violation de l’article 266, premier alinéa, TFUE en raison du refus de la Commission de verser des intérêts moratoires, il ressort des points 72 à 111 ci-dessus que la Commission a méconnu cette disposition lorsque, dans la décision attaquée, elle a refusé de verser des intérêts moratoires à la requérante sur la partie du montant de l’amende qu’elle avait perçue indûment, pour la période comprise entre le 16 janvier 2015, date du paiement de l’amende, et le 19 février 2019, date du remboursement de la partie du montant de l’amende finalement jugée indue par le Tribunal dans l’arrêt du 13 décembre 2018, Deutsche Telekom/Commission (T 827/14, EU:T:2018:930).

148 Il y a donc lieu d’accueillir le premier moyen et d’annuler la décision attaquée.

 Sur les dépens

149 En vertu de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure, chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. Toutefois, si cela apparaît justifié au vu des circonstances de l’espèce, le Tribunal peut décider que, outre ses propres dépens, une partie supporte une fraction des dépens de l’autre partie.

150 En l’espèce, la requérante a succombé sur son deuxième chef de conclusions. Cependant, ses premier, troisième et cinquième chefs de conclusions ont été accueillis. Par ailleurs, la Commission est condamnée à payer une grande partie de l’indemnité que la requérante a demandée à titre de réparation du préjudice qu’elle a subi. Enfin, il ne ressort pas du dossier que, postérieurement au prononcé de l’arrêt du 20 janvier 2021, Commission/Printeos (C 301/19 P, EU:C:2021:39), la Commission a décidé de verser des intérêts moratoires à la requérante pour la période comprise entre le 16 janvier 2015 et le 19 février 2019. Dans ces conditions, il y a lieu de décider que la Commission supportera ses propres dépens et la moitié des dépens exposés par la requérante. La requérante supportera la moitié de ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre élargie)

déclare et arrête :

1) La Commission européenne est condamnée à payer une indemnité d’un montant de 1 750 522,83 euros à Deutsche Telekom AG à titre de réparation du préjudice subi.

2) L’indemnité visée au point 1 sera majorée d’intérêts moratoires, à compter du prononcé du présent arrêt et jusqu’à complet paiement, au taux appliqué par la Banque centrale européenne (BCE) à ses opérations principales de refinancement, majoré de trois points et demi de pourcentage.

3) La décision de la Commission du 28 juin 2019 portant refus de verser des intérêts moratoires à Deutsche Telekom, pour la période comprise entre le 16 janvier 2015 et le 19 février 2019, sur le montant principal de l’amende remboursé à la suite de l’arrêt du 13 décembre 2018, Deutsche Telekom/Commission (T 827/14, EU:T:2018:930), est annulée.

4) Le recours est rejeté pour le surplus.

5) La Commission est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, la moitié des dépens exposés par Deutsche Telekom.

6) Deutsche Telekom est condamnée à supporter la moitié de ses propres dépens.