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Décisions

CA Douai, 2e ch. sect. 1, 13 janvier 2022, n° 19/06780

DOUAI

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

French Childrens Wear Limited (SARL)

Défendeur :

Jacadi (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Renard

Conseillers :

M. Gilles, Mme Mimiague

T. com. Lille Métropole, du 3 déc. 2019,…

3 décembre 2019

Par contrat du 31 janvier 2012, la société Jacadi a concédé à titre exclusif à la société de droit anglais Grosvenor resources limited représentée par Mme X la distribution des produits Jacadi dans le quartier de Chelsea à Londres. Ce contrat précise être conclu intuitu personae à l'égard de Mme X, pour une durée d'une année de test suivant l'ouverture du premier magasin, suivi le cas échéant de quatre années, prorogée jusqu'à la fin de la saison en cours. Il est encore précisé (article 24) que le contrat pourra être renouvelé pour une durée de cinq ans, la décision devant être prise et notifiée au moins six mois avant le terme, avec obligation d'établir un nouveau contrat, précision faite qu'en cas de non-renouvellement, aucune indemnité, de quelque nature qu'elle soit, ne sera due, pour quelque cause que ce soit. Par amendement, la société French Chidrens Wear Ltd a été substituée à la première personne morale concessionnaire.

Ce contrat mentionne que le concessionnaire a reçu l'ensemble des informations précontractuelles légalement requises lors d'entretiens et au minimum plus de trente jours avant la signature. Il comporte une clause de non-concurrence post-contractuelle, limitée à une année après la cessation de la relation contractuelle (article 27). Ce contrat a été amendé par acte du 13 septembre 2012, conclu pour étendre le territoire concédé au quartier Knightsbridge à la condition de l'ouverture avant le 30 décembre 2012 d'un magasin dans Brampton Road. Le premier magasin a été ouvert le 6 octobre 2012. Le contrat de concession a été encore amendé par acte du 12 janvier 2015, conclu pour étendre le territoire concédé à 13 nouveaux districts à la condition d'ouvrir 10 nouveaux magasins avec un minimum d'une ouverture par an. Par acte du 24 décembre 2015, les parties sont encore convenues d'étendre le territoire concédé aux quartiers de Hampstead et Windsor, à compter de l'ouverture d'un point de vente. Le contrat a été amendé par acte du 21 mars 2016, portant sur des garanties de marge, sur la reprise d'invendus, sur des règles de fonctionnement dont la soumission du franchisé aux recommandations commerciales et aux prix agréés, avec clause pénale. Un dernier amendement, du 22 novembre 2016, a porté sur le changement d'adresse d'entrepôt du franchiseur.

Cependant, par courriel du 15 octobre 2016, la société Jacadi a informé le concessionnaire que le partenariat prendrait fin à l'échéance quinquennale du contrat de concession.

Par lettre du 2 janvier 2017, la société Jacadi a confirmé que le contrat ne serait pas renouvelé à l'échéance quinquennale, arrêtée au 28 février 2018, date de la fin de la saison d'hiver.

En définitive, la relation commerciale a pris fin le 31 août 2018, après échec d'un processus de rachat négocié des cinq magasins de la société FCW.

Par acte extrajudiciaire du 25 juin 2018, la société FCW a assigné la société Jacadi en responsabilité contractuelle et dommages-intérêts.

C'est dans ces conditions que par jugement du 3 décembre 2019, le tribunal de commerce de Lille a :

- débouté la société FCW de sa demande de condamner la société Jacadi à lui payer la somme de 7 688 521 £ à titre de dommages et intérêts compensant les pertes exposées de 2012 à 2018 du fait des manquements contractuels de la société Jacadi ;

- débouté la société FCW de sa demande de condamner la société Jacadi à lui payer la somme de 16 857 667 £ en réparation de la perte de gains au litre de la période 2018-2025 ;

- débouté la société FCW de sa demande de condamner la société Jacadi à lui payer la somme de 4 894 325 £ au titre de perte de chance de réaliser des gains sur les magasins de Brompton Road et Harrods ;

- débouté la société FCW de sa demande de condamner la société Jacadi à lui payer la somme de 815 251 livres sterling en réparation des frais et dépenses causés par la résiliation fautive de leur relation contractuelle ;

- débouté la société Jacadi de sa demande de condamner la société FCW à lui payer la somme de 2 000 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- condamné la société FCW à payer à la société Jacadi la somme de 26 983,06 livres sterling au titre de factures impayées ou sa contrevaleur en euros au jour du paiement ;

- condamné la société FCW à payer à la société Jacadi des pénalités de retard sur le paiement de ces factures au taux annuel de 10 % applicable à l'échéance de chacune d`elles jusqu'à la date de leur complet paiement incluant la somme de 40 € par facture à titre d'indemnité forfaitaire ;

- condamné la société FCW à payer à la société Jacadi la somme de 12 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société FCW aux entiers frais et dépens de l'instance ;

- dit ne pas avoir lieu à exécution provisoire.

La société FCW a interjeté appel de ce jugement par déclaration reçue au greffe de la Cour le 23 décembre 2019.

Par dernières conclusions déposées et signifiées le 30 juillet 2021, la société FCW demande à la Cour de :

Vu les articles 1134, 1146, 1147, 1148 et 1149 (anciens) du code civil ;

Vu l'article L. 330-2 du code de commerce ;

Vu la loi Sapin 2 ;

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau :

À titre principal :

- dire que les avenants conclus doivent être interprétés comme ayant prorogé la durée initiale ;

- en conséquence, dire fautive la résiliation par la société Jacadi du contrat de franchise, avant terme, et sans justification légitime ;

- et dès lors, condamner la société Jacadi à lui payer :

 18 825 700 euros en réparation de la perte de gains au titre de la période 2018-2025 causée par la résiliation fautive de leur relation contractuelle avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 25 juin 2018 en application des dispositions légales ;

 1 196 210 euros au titre des coûts de fermeture des boutiques et des frais et dépenses consécutifs à la résiliation par Jacadi, avec intérêts au taux légal à compter de la date d'assignation du 25 juin 2018

À titre subsidiaire :

- dire que la société Jacadi a manqué à son obligation légale d'information précontractuelle prévue par l'article L. 330-3 du Code de commerce en signant les avenants du 12 janvier et 24 décembre 2015 ;

En conséquence :

- condamner la société Jacadi à lui payer :

 13 486 133,6 livres sterling au titre du gain manqué (montant correspondant au gain manqué de £ 16 857 667 x 0,8).

 1 071 156 livres sterling au titre des coûts de fermeture des boutiques et des frais et dépenses consécutifs à la résiliation par Jacadi, avec intérêts au taux légal à compter de la date d'assignation du 25 juin 2018

À titre plus subsidiaire :

- dire que la société Jacadi a manqué à son obligation de loyauté à son égard en l'invitant à accepter un avenant qui, alors qu'il lui imposait l'ouverture de treize nouveaux points de vente, prenait fin deux ans plus tard ;

En conséquence,

- condamner la société Jacadi à lui payer la somme de 2 451 840,00 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de loyauté et de coopération s'agissant des magasins de Westfield, Hampstead et Richmond ;

Sur les demandes reconventionnelles de la société Jacadi :

- dire que la société Jacadi est mal fondée en chacune de ses demandes reconventionnelles à son encontre et l'en débouter ;

- condamner la société Jacadi à lui payer la somme de 200 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Jacadi aux entiers dépens de la présente instance et d'appel.

Par dernières conclusions déposées et signifiées le 23 mars 2021, la société Jacadi prie la Cour de :

- confirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a rejeté sa demande en dommages-intérêts à hauteur de 200 000 euros ;

Statuant à nouveau sur ce point :

- dire que la société FCW s'est rendue coupable de graves manquements au contrat, dont les annexes font parties intégrantes, incluant la charte éthique de la marque Jacadi, dans le contexte des lois et règlements internationaux en vigueur tant au moment de la signature du contrat en 2012 qu'au moment de la notification de la cessation de la relation contractuelle en 2016 ;

- dire que la société FCW a commis une violation du contrat lors de la cessation de la relation contractuelle à la fin du préavis au 31 août 2018 :

 D’une part à travers les modalités de son retrait, et de l'utilisation du site internet sous marque - enseigne JACADI pour diffuser des messages erronés, ainsi qu'à travers des messages véhiculés avec attention de nuire auprès de journalistes ;

 D’autre part, en ayant violé la clause de non concurrence du contrat, alors que cette clause est juridiquement protégée au regard tant du droit français que du règlement européen ;

- condamner sur ces différents chefs la société FCW à lui verser une somme totale de 2 000 000 euros à titre de dommages et intérêts, correspondant à l'indemnisation de :

 1 000 000 euros au titre de l'atteinte à sa notoriété et sa réputation au regard des graves manquements par omission dont s'est rendue coupable la société FCW ;

 1 000 000 euros pour dénigrement et atteinte à sa marque dans le cadre du retrait et du changement d'enseigne de la société FCW ;

En tout état de cause :

- condamner la société FCW à payer à la société JACADI la somme de 200 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner la société FCW aux entiers dépens d'instance et d'appel.

Dans le cours de son délibéré, la Cour a réclamé la pièce communiquée n°116 de la société FCW qui ne la lui avait pas remise.

SUR CE,

LA COUR,

S'agissant de la question de savoir si les avenants conclus entre les parties doivent ou non être interprétés comme ayant prorogé la durée indiquée dans le contrat litigieux, seront retenus les éléments qui suivent.

Les dispositions du contrat de concession du 31 janvier 2012 relatives à sa durée figurent à l'article 24 et se lisent ainsi :

« Article 24 : Durée

24.1 Les Parties conviennent que le Contrat fera l'objet d'un test d'une année à compter de l'ouverture du premier magasin. (la Période test).

24.2 Dans l'hypothèse où le test serait jugé concluant par les Parties, le Contrat se poursuivra pour une durée ferme de 4 ans Pour des raisons de gestion, il se poursuivra jusqu'à la fin de la saison en cours.

24.3 Dans le cas où le test ne serait pas jugé concluant, les Parties tenteront de résoudre la situation en transférant l'activité du Concessionnaire soit au Concédant, soit à un tiers auquel le Concédant accordera un accord de concession.

A défaut, le Contrat se poursuivra jusqu'à son terme. Hormis pour le(s) magasin(s) déjà ouvert(s) par le Concessionnaire ou ceux pour lesquels il est déjà lié par un contrat de location devenu définitif et conclu exclusivement pour l'activité JACADI, aucun magasin ne pourra être ouvert et aucun business plan ne sera conclu. En outre, le Concessionnaire ne bénéficiera plus d'aucune exclusivité.

24.4 Il pourra être renouvelé pour une durée de cinq ans. Les parties conviennent qu'el1es se rencontreront au moins neuf mois avant l'expiration des présentes. La décision de poursuivre ou non la concession devra être prise au moins six mois avant le terme des présentes et sera notifiée par Lettre recommandée avec Accusé de réception. Tout renouvellement devra faire l'objet d'un nouveau contrat.

A l'arrivée du terme du contrat, en cas de non-renouvellement, pour quelque cause que ce soit, les parties conviennent qu'aucune indemnité de quelque nature que ce soit, ne sera due à l'une ou l'autre des parties, et notamment, sans que la liste ne soit limitative, pour perte de clientèle, pour les investissements non-amortis, pour les indemnités de licenciement, pour frais de matériel et de publicité... »

Il résulte de ces stipulations claires et précises qu'une fois jugé concluant le test d'une année à compter de l'ouverture du premier magasin, le contrat s'est poursuivi pour la durée irrévocable de quatre années et qu'à l'issue de cette échéance aucune indemnité n'était due.

C'est vainement que la société FCW soutient que l'avenant n°2 au contrat conclu le 12 janvier 2015, parce qu'il confère une extension de la zone d'exclusivité à condition d'ouvrir au minimum un magasin par an, contient accord de proroger la durée du contrat au-delà de ce qui résulte de l'article 24 déjà mentionné. Cet avenant n'a pas porté atteinte au terme contractuel consenti dans le contrat de concession. D'ailleurs, cet avenant précise expressément, après avoir apporté au contrat de concession des modifications limitées en termes d'exclusivité, de stocks d'invendus, de prix de détail et de modalités de paiement, que les autres charges et conditions du contrat de franchise demeuraient inchangées.

Les besoins de visibilité de la société FCW compte tenu de la situation financière difficile qu'elle invoque n'ont pas pu contraindre la société Jacadi au-delà du terme stipulé, les droits conférés à la société FCW pour la période excédant le terme contractuel s'entendant sans contradiction ni obscurité dans l'éventualité du renouvellement des parties. Semblablement, ce n'est pas parce qu’au Royaume Uni les baux commerciaux sont de 10 ans que l'avenant du 12 janvier 2015 emporte accord de la société Jacadi pour proroger la durée du contrat de concession initialement consentie.

Peu importe également que, dans les pourparlers concernant cet avenant et par courriel du 22 octobre 2014, les parties aient discuté d'un plan de développement sur 10 ans, allant au-delà du terme contractuel stipulé dans le contrat de concession.

Les développements de la société FCW pris du courrier électronique échangé en anglais entre les parties et faisant l'objet, dans les conclusions de cette société, de traductions libres et non contestées est sans conséquence en l'espèce, car la preuve de l'accord de volonté nécessaire à la prorogation du terme du contrat de concession n'en résulte pas. Il en va ainsi en particulier des échanges du 22 octobre 2014 qui portent sur le plan de développement, du courriel de FCW à Jacadi du 18 novembre 2014 mentionnant le projet d'ouverture d'une nouvelle boutique par an entre aujourd'hui et 2024. Enfin, la Cour souligne que s'agissant du prétendu courriel du 22 avril 2015 de la société Jacadi à la société FCW, la pièce n°116 citée dans les conclusions de celle-ci, qui ne figurait pas dans les pièces remises à la Cour, ce qui l'a obligée à demander cette pièce dans le cadre de son délibéré, est manifestement étrangère à la traduction fournie, car il ne s'agit nullement d'un courriel du 22 avril 2015. La traduction figurant dans les conclusions, à supposer qu'elle se rattache à une autre pièce communiquée, n'établit pas davantage l'accord de volonté des parties sur la prorogation du terme du contrat de concession. Il en va de même du courriel de la société FCW du 5 mai 2015 et du courriel de M. D. du 20 octobre 2015 qui se limitent à faire référence au plan de développement de la société FCW, sans modifier le terme contractuel convenu.

Semblablement, les considérations économiques prises des conditions imposées pour l'ouverture de toute nouvelle boutique qui impliquerait une collaboration supérieure à 10 ans, tout comme le tableau des marges et prix dégressifs arrêtés jusqu'à prévoir l'hypothèse de 15 magasins ne sont pas de nature à démontrer un accord de volonté ayant prorogé le terme du contrat de concession.

Il sera ajouté que la circonstance suivant laquelle la société Jacadi, par lettre de mise en demeure datée du 23 septembre 2016, s'est prévalue de la faculté de résiliation possible du contrat pour non-paiement d'une dette échue ne peut étayer l'existence d'une prorogation du terme du contrat initial qui n'est nullement corroborée par cette pièce.

Ainsi, ni la recherche de la commune intention des parties, ni les règles d'interprétation des conventions, voulant que toutes les clauses s'interprètent les unes par les autres en donnant à chacune le sens qui résulte de l'acte entier, ni la règle que dans le doute la convention s'interprète contre celui qui a stipulé ne sont valablement invoquées par la société FCW et ne peuvent faire retenir que le terme contractuel défini dans le contrat de concession a été modifié.

D'ailleurs, aucun des cinq avenants au contrat de concession n'a modifié le terme du contrat et chacun comporte la mention selon laquelle les autres conditions du contrat demeurent inchangées.

Par conséquent, les premiers juges doivent être approuvés d'avoir retenu que la société Jacadi n'avait pas modifié le terme contractuel quinquennal du contrat de concession.

Il est constant en effet que l'échéance du terme contractuel est intervenue à compter du mois d'octobre 2017, puisque le premier magasin ouvert l'a été le 6 octobre 2012.

Par lettre d'avocat du 2 janvier 2017, la société Jacadi a octroyé à la société FCW un délai supplémentaire au 28 février 2018 afin de terminer la saison d'hiver 2017/2018, ce qui apparaît conforme aux prévisions contractuelles.

Il est également établi que la période de 6 mois supplémentaire accordée par la société Jacadi jusqu'au 31 août 2018 n'a été qu'un allongement du préavis dans le cadre de la négociation du rachat des magasins de la société FCW par la société Jacadi, sans incidence sur l'échéance du terme quinquennal du contrat de concession.

Il résulte de ce qui précède que les demandes principales de la société FCW sur la résiliation du contrat de concession avant l'échéance du terme contractuel sont mal fondées.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

S'agissant de la responsabilité prétendue de la société Jacadi pour manquement à son obligation précontractuelle d'information prévue par l'article L.330-3 du code de commerce au sujet des avenants du 12 janvier 2015 et 24 décembre 2015, la Cour retient en premier lieu que dès lors que les parties ont stipulé à l'article 39 que le contrat de concession est régi par le droit français, rien n'autorise à écarter l'application de l'article L.330-3 du code de commerce, texte d'ordre public, étant indifférente la circonstance que le contrat a été signé avec un partenaire étranger opérant à l'étranger.

Il est en outre constant que nul document d'information précontractuel (DIP) n'a été remis à la société FCW à l'occasion des avenants des 12 janvier et 24 décembre 2015.

Cependant, s'agissant des éventuels dommages-intérêts dus à la société FCW à cause de la violation par la société Jacadi de son obligation précontractuelle d'information, il ne peut s'agir que de la compensation de la perte de la chance de ne pas contracter ou de contracter à des conditions plus avantageuses et non du gain manqué ou des pertes subies.

Or, en l'espèce, la société FCW se borne à demander indemnisation pour le gain manqué et les pertes subies.

Par conséquent, les demandes en dommages-intérêts de la société FCW sur le fondement du manquement à l'obligation précontractuelle d'information sont également mal fondées.

S'agissant de l'obligation de loyauté pris, en troisième rang, pour fondement d'une obligation d'indemnisation, la Cour retient en l'espèce, au regard des dispositions claires et précises du contrat de concession quant à sa durée, que le manquement à l'obligation de loyauté allégué n'est nullement caractérisé en l'espèce, dès lors que contrairement à ce que soutient la société FCW, la loyauté de la société Jacadi n'a pas été prise en défaut pour lui avoir proposé un avenant imposant l'ouverture de treize nouveaux points de vente dans le cadre d'un contrat pouvant prendre fin deux ans plus tard. Compte tenu de la clarté des stipulations résultant du contrat de concession et de l'avenant du 12 janvier 2015 qui a permis l'ouverture des magasins de Westfield, Hampstead, et Richmond, la société FCW s'est engagée en connaissance de cause du risque qu'elle prenait en cas de mise en jeu du droit de la société Jacadi de ne pas renouveler le contrat de concession.

S'agissant de la demande en paiement de factures, la société FCW, qui demande au dispositif de ses conclusions l'infirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions, n'articule aucun moyen de fait ou de droit permettant à la Cour de réformer sur ce point la décision des premiers juges qui, par ailleurs, ont remarqué que, déjà, la société FCW n'avait pas conclu sur ce point.

A l'appui de cette demande en paiement de factures, la société Jacadi, annonce à son bordereau de communication de pièces la production en pièce n°64 d’ « un décompte des factures échues et impayées + copie des 196 factures impayées » Elle produit notamment un décompte de factures impayées qui n'est nullement contesté.

Il s'en déduit que le jugement entrepris qui a fait droit à la demande de la société Jacadi sur ce point sera confirmé.

S'agissant de la demande en dommages-intérêts pour atteinte à la notoriété et à la réputation de la société Jacadi, celle-ci affirme, à l'appui de son appel incident, que son action est « recevable et bien fondée », compte tenu des explications qu'elle a développées aux termes des 72 pages de conclusions qui précèdent le point 4.2 de ses écritures, exposant que les « graves manquements par omission dont s'est rendue coupable » la société FCW justifie l'allocation de 1 000 000 d'euros.

A cet égard, la Cour retiendra les éléments suivants.

La société Jacadi, qui en a la charge, ne précise pas les manquements contractuels qu'elle considère avoir été dommageables.

En outre, il n'est nullement établi qu'ait causé un dommage né et actuel à la société Jacadi la prétendue atteinte portée par la société FCW aux obligations de transparence et de sincérité ayant affecté le lien de confiance placé en la personne de Mme X, du fait de la personne du mari de celle-ci, M. Y, qui a été un temps l'interlocuteur de la société Jacadi sans que celle-ci ne connaisse les mises en cause inquiétantes sur le plan de l'éthique et de la transparence financière dont celui-ci faisait l'objet comme suite à des activités en Russie.

Cependant, la société Jacadi reproche également à la société FCW, en amont des moyens consacrés à la demande présentement examinée, d'avoir violé l'obligation contractuelle de confidentialité, pour avoir pris contact avec des journalistes français et anglais qui ont publié la nouvelle selon laquelle la société Jacadi se retirait du marché anglais. La société Jacadi écrit à ce sujet (p.27 de ses conclusions) que, ce faisant, la société « FCW a sciemment et gravement violé l'obligation de confidentialité » résultant de l'article 20.1 du contrat.

Toutefois, s'il est constant qu'en vertu de l'article 20.1 du contrat, la société FCW était tenue de ne pas divulguer d'information relative au bon fonctionnement, aux méthodes, aux produits ainsi qu'à la logistique de la société Jacadi, il demeure néanmoins que l'article de presse publié dans « Fashion United », qui est la seule pièce produite pour caractériser le manquement prétendu, ne prouve pas la violation de l'obligation contractuelle de moyen mise à la charge du concessionnaire aux termes du contrat litigieux.

La Cour considère qu'aucun autre manquement contractuel par omission allégué aux termes de ses conclusions n'est susceptible de caractériser le dommage invoqué à sa notoriété et à sa réputation.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la société Jacadi de la demande formée à ce titre.

S'agissant de la demande en dommages-intérêts pour dénigrement et atteinte à sa marque, dans le cadre du retrait et du changement d'enseigne, la société Jacadi, qui réclame également 1 000 000 d'euros à ce titre, fait état de :

- ventes promotionnelles sur produits de la saison en cours dégradant l'image de marque dans le cadre du réseau français et européen,

- l'utilisation du site internet Jacadi pour délivrer des messages à la clientèle lors du passage à la concurrence,

- la violation de la clause de non-concurrence.

Cependant, s'agissant du premier grief, la société Jacadi explique elle-même dans ses conclusions (p.29) que « finalement et à titre exceptionnel, compte tenu de la fin proche du contrat, [elle] consentait à FCW la possibilité de voir appliquer des rabais limités à 30% sur la nouvelle collection. » Le manquement contractuel dommageable invoqué n'est donc pas établi.

S'agissant du deuxième grief pris de l'utilisation frauduleuse du site internet pour avoir proposé à la vente des produits Jacadi après l'expiration de la relation contractuelle, les faits - contestés - ne sont établis ni par le constat d'huissier objet de la pièce n°40 de la demanderesse, ni par la lettre d'avocat objet de sa pièce n° 41.

S'agissant de la violation de la clause de non-concurrence post-contractuelle, qui, à la supposer imputable, ne caractérise à elle seule aucun dénigrement, la Cour retiendra que la clause est nulle pour défaut de limitation dans l'espace, ainsi que le fait valoir la société FCW.

En effet, toute clause non-concurrence post-contractuelle, même conclue, comme en l'espèce, avant l'entrée en vigueur de l'article L. 341-2 du code de commerce issu de la loi du 6 août 2015, doit être proportionnée, ce qui suppose qu'elle soit limitée quant à l'activité, dans le temps et dans l'espace.

Or, cette clause se lit ainsi :

« 27.1 Dans les cas où les parties viendraient à mettre fin à leur collaboration, pour quelle que cause que ce soit, le Concessionnaire et/ou ses actionnaires et/ou dirigeants s'engagent dès à présent, à ne pas participer directement ou indirectement à une société exerçant la même activité que le Concédant ni à exercer une activité de vente de produits similaires ou de nature à concurrencer directement ou indirectement les produits objet des présentes.

27.2 Cette interdiction devra être respectée pendant une durée d’une année à compter de la date de cessation des relations contractuelles, quelle qu'en soit la cause, terme du contrat ou de ses avenants ultérieurs ou résiliation ».

Il résulte de la rédaction de cette clause que si elle est limitée quant à l'activité et dans le temps, elle ne l'est nullement dans l'espace, sans que la volonté contractuelle des parties sur ce point se soit exprimée par ailleurs pour compléter cette lacune.

Par conséquence cette clause de non-concurrence post-contractuelle n'est pas valable et ne peut servir de fondement à la présente action en dommages-intérêts.

Le jugement entrepris, qui a exactement statué sur ce point, sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté ces demandes en dommages-intérêts.

Il résulte de ce qui précède que la société FCW succombe en ses demandes.

Il s'ensuit que le jugement entrepris sera également confirmé sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile.

En outre, la société FCW sera condamnée aux dépens d'appel.

En équité, elle sera condamnée à payer à la société Jacadi une somme de 12 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris ;

Déboute la société FCW de toutes ses demandes en indemnisation ;

Condamne la société FCW à payer à la société Jacadi une somme de 12 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procvédure civile en appel ;

Condamne la société FCW aux dépens d'appel.