Décisions
CA Orléans, ch. com., économique et financière, 11 mars 2021, n° 19/014941
ORLÉANS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
le Cheval Blanc (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Caillard
Conseillers :
Mme Chenot, Mme Michel
Avocats :
Me Laval, SCP LAVAL - FIRKOWSKI, Me Ottavy, SELARL ENVERGURE AVOCATS
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE :
Par acte sous seing privé du 1er février 2008, Mme [X] [N] née [B], Mme [H] [K] née [N] et M. [K] [N] (les consorts [N]) ont consenti un bail commercial d'une durée de 9 ans au profit de M et Mme [Z] aux droits desquels vient la SARL Le Cheval Blanc à laquelle le bail a été cédé par acte notarié du 5 octobre 2012 dans le cadre de la liquidation judiciaire ouverte à l'égard des époux [Z], portant sur un hôtel restaurant situé 5 place Charles Bidault à Bléré (37), moyennant un loyer annuel de 10.500€ HT, à compter du 1er février 2008 jusqu'au 31 janvier 2017.
Par acte d'huissier du 27 juillet 2016, les consorts [N] ont notifié à la SARL Le Cheval Blanc un congé avec offre de renouvellement du bail, moyennant un loyer annuel de 24.000€ HT. Le preneur a accepté l'offre de renouvellement par lettre recommandée avec accusé de réception mais a invoqué le plafonnement du loyer en fonction de l'indice mentionné au bail, soit un loyer mensuel de 975,05€ par mois.
Après ordonnance du juge des loyers commerciaux en date du 31 août 2017 les autorisant à assigner, les consorts [N] ont fait assigner par acte d'huissier du 8 septembre 2017 la SARL Le Cheval Blanc devant le juge des loyers commerciaux près du tribunal de grande instance de Tours, en fixation de prix du bail renouvelé. Ils ont invoqué le déplafonnement du loyer en raison de l'exercice d'une activité monovalente d'hôtel restaurant, et subsidiairement d'une évolution notable des facteurs locaux de commercialité et des caractéristiques des locaux du fait d'importants travaux accomplis par les preneurs pendant l'exécution du bail.
Par jugement du 6 septembre 2018, le juge des loyers commerciaux près du tribunal de grande instance de Tours a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
Dit recevable l'action engagée par les consorts [N],
Débouté les consorts [N] de leurs demandes et la SARL Le Cheval Blanc de ses demandes reconventionnelles,
Fixé le loyer du bail renouvelé à un montant conforme à l'évolution de l'indice du coût de la construction au 1er février 2017,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le premier juge a considéré d'une part que le caractère monovalent des locaux était exclu dès lors que la clientèle du restaurant et celle de l'hôtel étaient distinctes, d'autre part que les travaux d'aménagement des locaux et l'évolution des facteurs locaux de commercialité, n'étaient pas suffisants pour écarter le plafonnement au profit de la valeur locative pour définir le nouveau loyer du bail renouvelé.
Mme [X] [N] née [B], Mme [H] [K] née [N] et M. [K] [N] ont formé appel de la décision par déclaration du 24 avril 2019 en intimant la société SARL Le Cheval Blanc et en critiquant tous les chefs du jugement sauf en ce qu'il a débouté la SARL Le Cheval Blanc de ses demandes reconventionnelles.
Dans leurs dernières conclusions du 17 décembre 2019, ils demandent à la cour de :
Vu la décision en date du 6 septembre 2018,
Vu l'appel des consorts [N],
Vu les articles L. 145 et suivants du Code de Commerce,
Vu le renouvellement du bail pour une période de 9 années à effet du 1 er février 2017,
Vu l'appel incident de la SARL Le Cheval Blanc,
Dire et juger l'appel des consorts [N] recevable et bien fondé.
En conséquence,
A titre principal,
Réformer la décision dont appel et jugeant de nouveau,
Voir fixer le montant du loyer renouvelé à la somme annuelle de 24 000 € hors taxes et hors charges.
A titre subsidiaire,
Voir ordonner une expertise aux fins de :
- Rechercher si l'évolution des facteurs locaux de commercialité énoncée par les consorts [N] ont eu un impact sur la valeur locative du fonds exploité par la SARL Le Cheval Blanc
- Voir déterminer la valeur locative du bail renouvelé.
Dans cette hypothèse,
S'entendre fixer, durant le cours de l'expertise, le loyer provisoire d'un montant annuel de 24 000 € hors taxes et hors charges.
Sur l'appel incident,
Voir rejeter la demande de condamnation pour procédure abusive présentée par la SARL Le Cheval Blanc.
En tout état de cause,
S'entendre condamner la société Hôtel du Cheval Blanc à payer Mme [N] née [B] [X], Mme [K] née [N] [H] et M. [K] [N] la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Ils font valoir, au soutien de leur appel qu'ils n'entendent pas revenir sur la monovalence des locaux mais sollicitent toujours le déplafonnement en raison de l'évolution notable des facteurs locaux de commercialité et des caractéristiques des locaux.
Sur les facteurs locaux de commercialité, ils soutiennent que la ville historique de Bléré, qui se situe sur l'axe autoroutier ouest-est et nord-sud, au centre du bassin touristique des châteaux de la [Localité 2], à proximité du zoo de [Localité 5] et sur le chemin de la "[Localité 2] à Vélo", a vu au cours du bail d'une part, la création d'une piscine en eau naturelle ("[Localité 4] plage") qui draine une très forte clientèle venant grossir celle du restaurant voire de l'hôtel, la photographie produite par le preneur prise à 11 heures en août 2019 n'étant pas probante, la piscine ouvrant à 11h30, d'autre part des travaux d'amélioration du réseau routier et autoroutier qui ont permis une fréquentation touristique supplémentaire. Ils ajoutent que l'hôtel Le Cheval Blanc est au centre de la ville, et est le seul hôtel de Bléré, doté en outre du seul restaurant gastronomique de la ville, et que son chiffre d'affaires est en constante progression depuis 2014. Ils exposent encore que la population de Bléré a progressé de 2 à 5 % et que le chiffre d'affaires des commerces a augmenté de plus de 5 %.
S'agissant des caractéristiques des locaux, ils invoquent les travaux importants effectués par le preneur, en précisant qu'ils ont notamment entraîné une transformation des locaux notamment la partie hôtelière pour rendre les chambres plus luxueuses, ce qui a permis d'augmenter le coût de la nuitée et d'élever la catégorie de l'hôtel qui est passé de 2 à 3 étoiles. Ils indiquent que les aménagements pendant le bail autour de la piscine (jardin, terrasse solarium d'agrément), comme pour les chambres, dépassent les simples travaux d'amélioration et n'ont pas été rendus nécessaires du fait de l'insalubrité de l'immeuble, mais ont amélioré sa valeur commerciale, l'hôtel ayant une apparence " plus select ".
Ils soulignent qu'ils ont pris en charge les travaux de réparation du skydome à l'origine des problèmes antérieurs d'humidité, et ont procédé à de nombreux autres travaux, de 2008 à 2016 (entretien de la toiture pourtant à la charge normale du locataire en 2008, 2012, et 2016, changement du portail du parking en 2010) et ont réalisé en 2017 des travaux de toiture pour un montant de 32 000 € mais n'ont jamais mis en avant ces travaux pour justifier le déplafonnement.
Ils précisent enfin que le loyer annuel de 24000€ qu'ils sollicitent est inférieur à la valeur locative réelle des lieux loués et que leur action n'a rien d'abusive.
La société Le Cheval Blanc demande à la cour, par dernières conclusions du 18 décembre 2019 de:
Vu notamment les articles R.145-6 et R.145-8 du Code de commerce,
Vu notamment l'article 1240 du Code civil (anciennement 1382),
Vu les pièces communiquées,
Vu le Jugement en date du 6 septembre 2018 rendu par le Juge des Loyers commerciaux du
Tribunal de Grande Instance de Tours,
Déclarer les consorts [N] et en conséquence les en débouter,
Confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a fixé le loyer du bail renouvelé à un montant conforme à l'évolution de l'indice du coût de la construction au 1er février 2017, mais l'infirmer uniquement en ce qu'elle a débouté la société Le Cheval Blanc de sa demande de condamnation solidaire des consorts [N] à lui verser des dommages et intérêts pour procédure abusive, et en conséquence,
Statuant à nouveau :
Débouter les consorts [N] de l'ensemble de leurs conclusions, fins et prétentions en ce qu'elles sont contraires aux présentes écritures ; rejeter notamment leur demande subsidiaire tendant à voir désigner un expert, et infiniment subsidiairement en tout état de cause mettre à la charge des appelants l'avance des éventuels frais d'expertise,
Condamner solidairement Mme [X] [N] née [B], Mme [H] [K] née [N], M. [K] [N] à verser à la société Le Cheval Blanc la somme de 5 000 € à titre des dommages et intérêts pour procédure abusive et la somme de 4 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamner les mêmes aux entiers dépens, dont distraction est requise au profit de la Selarl 2BMP, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Elle soutient qu'il n'y a pas eu au cours du bail de travaux notables justifiant un déplafonnement du loyer. Elle souligne que les travaux qu'elle a réalisés pour un montant de 230.000€ étaient en grande partie imposés par une injonction administrative antérieure à l'acquisition puis, pour d'autres travaux, par la sous-commission départementale de sécurité réunie le 28 mars 2013. Elle en déduit que les travaux ont été imposés en raison de la vétusté des locaux et de la nécessité de respecter les normes de sécurité dans un établissement recevant du public et ne sauraient justifier un déplafonnement du loyer, d'autant qu'ils ont été pris en charge par la locataire seule, étant ajouté qu'ils subsistait en mai 2017 des problèmes d'humidité dans les chambres qui ne sont pas la conséquence d'un défaut de nettoyage des gouttières mais d'une dégradation de la toiture.
Elle ajoute que la surface commerciale n'a pas été augmentée du fait des travaux, la capacité d'accueil non plus, que la distribution des locaux n'a pas changé, que la destination de l'immeuble demeure la même et que le fait que la SARL puisse aujourd'hui estimer le fonds à 480.000 €, soit encore une valeur en dessous du prix auquel le prédécesseur l'a acquis (565.000), n'est que la conséquence du travail ardu réalisé depuis l'acquisition.
Elle invoque ensuite l'absence de modification notable des facteurs locaux de commercialité. Elle expose que la seule signalisation dont elle bénéficiait pour guider les touristes vers son hôtel a été supprimée, que le circuit " la [Localité 2] à vélo " ne passe pas par [Localité 4], que l'ouverture par la commune d'une plage sur les rives du Cher n'a pas eu l'attrait touristique escompté en raison de son aspect et des risques sanitaires révélés au cours de la période estivale et que la fréquentation du Camping tout proche, très en deçà des chiffres du département, en atteste. Elle ajoute que la fréquentation touristique de la ville de [Localité 4] a baissé et est en diminution continue depuis 2011, plusieurs commerces ayant en outre fermé.
Elle souligne que la progression du chiffre d'affaire que les appelants mettent en avant n'est pas lié à une modification favorable des facteurs de commercialité, mais aux travaux effectués qui ont rendu le cadre moins vétuste et plus sécurisé. Elle précise que l'hôtel a subi un incendie dans la nuit du samedi 18 au dimanche 19 mai 2019, seule l'activité de restauration ayant pu reprendre à ce jour. Elle s'oppose à la demande d'expertise qui n'est pas nécessaire pour trancher le litige et ne peux suppléer les bailleurs dans l'administration de la preuve. Elle insiste sur sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Il est expressément référé aux écritures des parties pour plus ample exposé des faits ainsi que de leurs moyens et prétentions.
La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 19 décembre 2019.
L'affaire a été appelée à l'audience du 23 janvier 2020 et renvoyée à la demande des parties, la nouvelle date d'audience étant fixée au 21 janvier 2021.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le montant du loyer du bail renouvelé
Les appelants ne sollicitent plus en appel le déplafonnement du loyer au motif du caractère monovalent de l'activité exercée dans les locaux. Seule reste en litige la question du déplafonnement fondée sur la modification de certains des critères prévus par l'article L145-343 du Code de commerce.
L'article L. 145-33 du code de commerce dispose :
" Le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative. A défaut d'accord, cette valeur est déterminée d'après :
1o les caractéristiques du local considéré,
2o la destination des lieux,
3o les obligations respectives des parties,
4o les facteurs locaux de commercialité,
5o les prix couramment pratiqués dans le voisinage.
Un décret en Conseil d'Etat précise la consistance de ces éléments" ;
L'article L. 145-34 du code de commerce dispose quant à lui :
" A moins d'une modification notable des éléments mentionnés aux 1o à 4o de l'article L. 145-33, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d'effet du bail à renouveler, si sa durée n'est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, de l'indice national trimestriel mesurant le coût de la construction ou, s'il est applicable, de l'indice trimestriel des loyers commerciaux mentionné au premier alinéa de l'article L. 112-2 du code monétaire et financier, publiés par l'INSEE".
En application de ces dispositions, lorsque la durée du bail n'est pas supérieure à 9 ans, ce qui est le cas en l'espèce, l'acte sous seing privé du 1er février 2008 mentionnant que la durée du bail a été fixée à neuf années du 1er février 2008 jusqu'au 31 janvier 2017, le loyer du bail renouvelé est normalement plafonné, à moins d'une modification notable, intervenue au cours du bail expiré, des éléments suivants : les caractéristiques du local considéré, la destination des lieux, les obligations respectives des parties et les facteurs locaux de commercialité. Le bail doit toutefois être fixé à la valeur locative du local et non au montant du loyer plafonné si celle-ci est inférieure au montant du loyer plafonné, sans qu'il y ait lieu à établir une modification notable de l'un des quatre critères précités.
En l'espèce, le bail à renouveler est venue à expiration le 31 janvier 2017. Les consorts [N] n'invoquent aucune évolution notable de la destination des lieux et des obligations respectives des parties mais seulement une modification notable des caractérisitiques du local et des facteurs locaux de commercialité. L'intimée, quant à elle, s'oppose au déplafonnement sollicité par les bailleurs mais ne demande plus devant la cour la fixation d'un montant de loyer inférieur au loyer plafonné puisqu'elle sollicite la confirmation du jugement qui a fixé le loyer du bail renouvelé au montant du loyer contractuel indexé.
- sur les caractéristiques du local considéré,
Au terme de l'article R. 145-3 du Code de commerce, "les caractéristiques propres au local s'apprécient en considération :
1o de sa situation dans l'immeuble où il se trouve, de sa surface et de son volume, de la commodité de son accès pour le public ;
2o de l'importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, à l'exploitation ou à chacune des activités diverses qui sont exercées dans les lieux,
3o de ses dimensions, de la conformation de chaque partie et de son adaptation à la forme d'activité qui y est exercée,
4o de l'état d'entretien, de vétusté ou de salubrité et de la conformité aux normes exigées par la législation du travail,
5o de la nature et de l'état des équipements et des moyens d'exploitation mis à la disposition du locataire."
L'article R. 145-8 du code de commerce dispose : " (...) Les améliorations apportées aux lieux loués au cours du bail à renouveler ne sont prises en considération que, si directement ou indirectement, notamment par l'acceptation d'un loyer réduit, le bailleur en a assumé la charge"
Le bail du 1er février 2008 liant les parties stipule en son paragraphe 3- travaux, " Tous embellissements, améliorations et installations faites par les preneurs dans les lieux loués resteront à la sortie desdits preneurs, la propriété du bailleur sans indemnité de sa part, à moins qu'il ne préfère demander le rétablissement des lieux dans leur état primitif aux frais des preneurs, ce qu'il aura toujours le droit de demander même s'il a autorisé les travaux.
Les travaux de mise aux normes seront à la charge des locataires ".
Pour justifier le déplafonnement du loyer, les bailleurs précisent expressément dans leurs écritures qu'ils ne se fondent pas sur les travaux qu'ils ont eux-même réalisés en cours de bail mais sur les travaux effectués par le preneur. Il sera donc statué uniquement sur ce dernier point.
Les appelants prétendent que le preneur a réalisé des "travaux modifiant l'exploitation et ayant un impact sur la valeur locative" (page 10), que ces travaux n'étaient pas ceux qui étaient normalement à sa charge pour répondre aux injonctions administratives, qu'il ne s'agit pas de simples travaux d'amélioration mais de travaux impactant la valeur commerciale du bien exploité, et qu'ils ont entraîné une transformation des locaux, notamment la transformation des surfaces commerciales des chambres qui a entraîné la démolition des cloisonnements des chambres, la création de salles de bains dont la surface a été modifiée et de WC, la modification de la distribution des pièces, la création de pièces supplémentaires.
L'intimée réplique que les travaux qu'elle a réalisés étaient en grande partie imposés par une injonction administrative antérieure à l'acquisition du fonds de commerce, plus largement par la vétusté des locaux.
Pour résoudre le litige, il convient de rechercher si les travaux effectués par le preneur pendant le bail expiré ont modifié notablement les caractéristiques du local au sens de l'article R. 145-3 du Code de commerce précité et/ou s'il s'agit de travaux d'amélioration au sens de l'article R. 145-8 du même code, ou si ces travaux ont été réalisés à seule fin de mettre les lieux en conformité avec leur destination contractuelle.
En effet, ces catégories de travaux n'obéissent pas aux même règles quant au déplafonnement. La cour rappelle que si des travaux exécutés au cours du bail à renouveler, modifient notablement les caractéristiques du local au sens de l'article R. 145-3 du code de commerce, ils peuvent constituer un motif de déplafonnement du prix du bail renouvelé en vertu de l'article L.145-34 du même code, mais que si ces travaux ont amélioré les lieux loués au sens de l'article R. 145-8 du code de commerce, cela constitue un motif de déplafonnement, soit lors du premier renouvellement du bail au cours duquel ils ont été réalisés si le bailleur en a assumé la charge, directement ou indirectement, soit lors du deuxième renouvellement si c'est le preneur qui les a pris en charge, sauf si le bail stipule que le bailleur ne devient propriétaire des améliorations et embellissements qu'à la sortie des preneurs ou en fin de jouissance du locataire.
La cour rappelle également d'une part que lorsque les travaux modifient notablement les caractéristiques des lieux loués et en même temps améliorent aussi notablement ces locaux, la qualification qui prime est celle de travaux d'amélioration, d'autre part que les travaux de mise en conformité des lieux à leur destination contractuelle ne constituent pas des améliorations et ne donnent pas lieu à déplafonnement (cf pour exemple C. Cass 3ème civ. 30 juin 1999 no97-1900).
En l'espèce, le bail du 1er février 2008 décrivait les locaux loués comme suit :
une maison à usage commercial comprenant :
- au rez-de-chaussée : une grande salle, un hall d'entrée, un vestibule dans lequel se trouve la cage d'escalier, une salle à manger avec cheminée, caves voutées au-dessous, une cuisine rénovée et agrandie. Cave sous le bâtiment de la rue des Déportés ainsi qu'un appartement de fonction composé de deux pièces, réserve et un bureau, douches et toilettes pour le personnel
- au premier étage : 12 chambres aux normes 2 étoiles et toilettes hommes et femmes
- au deuxième étage : grenier
- grenier sur ces bâtiments, couvert en tuiles et en ardoises,
- petite cour au nord transformée en terrasse et jardin d'agrément
* un ensemble de dépendances comprenant une buanderie, un séchoir, deux réserves dont une avec une chambre froide, un garage couvert, un atelier, jardin avec appentis et piscine, cour devant à usage de parking."
Selon le courrier du 5 octobre 2012 adressé par le preneur aux bailleurs afin d'être autorisés à effectuer des travaux, l'objet de ces travaux a été :
Selon le courrier du 5 octobre 2012 adressé par le preneur aux bailleurs afin d'être autorisés à effectuer des travaux, l'objet de ces travaux a été :
- le réaménagement intérieur de 4 chambres existantes,
- l'assemblage des chambres 5 et 6, 10 et 11, 17et 18 soit six chambres transformées en trois
chambres, le courrier précisant que les chambres 11 et 18 étaient inexploitables,
- la chambre 9 : réaménagée pour être utilisée en chambre ou salle de réunion.
La locataire a effectué les travaux pour un montant total de 230.580,46€ et produit les factures correspondantes, émises en 2013, en pièce 7. Il est établi et non contesté que ces travaux ont tous été financés par la locataire sans participation des bailleurs.
Le fait qu'à la suite des travaux, le classement de l'hôtel qui était en catégorie 2 étoiles ait été élevé à 3 étoiles ne permet pas à lui seul d'en déduire une modification notable des caractéristiques du local et il convient d'analyser les travaux qui ont été réalisés.
Il est établi par les pièces produites par la locataire qu'une partie des factures versées aux débats, pour un total de 78.569,21€, fait suite aux prescriptions de la commission de sécurité en date des 13 avril 2010, 4 janvier 2012 et 28 mars 2013 qui avait donné des avis défavorables notamment en raison du non respect des normes de sécurité (local chaufferie non isolé, absence de l'article PE36 concernant l'éclairage de sécurité, absence de vérification des installations de gaz, de chauffage et des installations électriques, absence de système d'alarme incendie cf pièces 3, 4, 30, 31). Ces travaux ont consisté dans l'installation d'un système d'alarme anti incendie, le remplacement de la chaudière, la mise en place de portes coupes-feu et d'une trappe de désenfumage, la vérification et la mise aux normes des installations électriques (pièce 7 produite par la locataire, postes 3, 4, 8, 9, 13, 15, 16, 17, 20, 23, 24, 25). Ces travaux ne peuvent donner lieu à déplafonnement.
Les autres factures correspondent à l'entretien du jardin (pour 11 702,70€ poste 26 pièce 7) et à des travaux de rénovation de l'intérieur des chambres, des salles de bain et des toilettes, avec création de toilettes pour personnes handicapées (pièce 7 postes 2, 5 à 7, 10 à 12, 14, 18, 19, 22). Il n'est pas démontré que ces derniers travaux ont entraîné une augmentation des surfaces affectées à la réception du public, ou de la capacité d'accueil, ou encore aient changé notablement la distribution des locaux. Notamment, ainsi que le premier juge l'a retenu, il n'y a pas eu, par exemple, d'agrandissement du restaurant ou d'augmentation du nombre de chambres, qui a même diminué du fait de regroupements de certaines chambres par abattement de cloisons interieures. Il résulte des photographies des lieux avant et après les travaux, produites tant par les bailleurs (pièces 20 et 9-29) et la locataire (pièce 8) que ces travaux ont assurément permis un embellissement et une amélioration des lieux loués, notamment des chambres d'hôtel rendues plus confortables et modernes, sans pour autant qu'il y ait lieu de retenir une modification des caractéristiques des lieux, a fortiori notable, le fait que le fonds de commerce ait été mis en vente au prix de 480.000€ étant indifférent en tant que tel, étant au surplus observé qu'il s'agit seulement d'un prix proposé.
Le moyen tiré d'une modification notable des caractéristiques du local de nature à justifier un déplafonnement du loyer doit dès lors être écarté.
- sur les facteurs locaux de commercialité
Il appartient aux bailleurs d'établir qu'il y a eu, ainsi qu'ils l'allèguent, une modification notable des facteurs locaux de commercialité pendant la durée du bail à renouveler, entre le 1er février 2008 et le 1er février 2017.
Ils produisent en pièces 24, 25, 26, 27, 30, divers articles ou revues de presse, une enquête de fréquentation hôtelière 2017 en Centre Val de [Localité 2], dont il ressort principalement que la saison estivale 2017 dans la région Centre Val de [Localité 2], a été réussie avec une fréquentation en hausse des nuitées d'hôtels (taux d'occupation en hausse de 2,2 points par rapport à la même période de 2016) et des lieux de visite. Ces pièces portent toutefois sur l'année 2017 et surtout sur l'été 2017, soit après le bail expiré et ne sont donc pas probantes pour évaluer le loyer du bail renouvelé au 31 janvier 2017. Il en va de même des pièces 15 et 19 produites par la locataire qui concernent l'année 2017 comparée à l'année 2016.
Les appelants produisent aussi une enquête de satisfaction hôtelière 2015 dont il ressort une hausse du nombre d'arrivées de 2,1% en 2015 par rapport à l'année 2014 et une hausse du nombre de nuitées totales de 1,8 % sur la même période, mais cette enquête porte sur la ville de [Localité 6] et il n'est pas établi que les hôtels de la ville de [Localité 4] sont inclus dans l'enquête (pièce 15).
L'enquête de fréquentation hôtelière 2016 produite en pièce 16 porte sur toute la région centre Val de [Localité 2] et pointe de manière globale une baisse du taux d'occupation de 0,7 point en 2016 par rapport à 2015. L'article de presse du 10 octobre 2016 (pièce 15) établit que la fréquentation de l'aéroport de [Localité 6] entre août 2015 et août 2016 a augmenté de 12,1%, sans que l'impact pour la ville de [Localité 4] puisse être mesuré.
Il ressort au contraire des statistiques de fréquentations touristiques des années 2015 et 2016 produits en pièce 16 par l'intimée que la fréquentation touristique à Bléré a baissé de 10, 26% en 2016 comparativement à l'année 2015. De même, selon les chiffres de l'office de tourisme Chenonceaux-[Localité 4]-Val de Cher produites par l'intimée en pièce 18, le nombre de toursistes a baissé en 2014 (9321 touristes) par rapport à 2012 (12554) et même 2008 (11 799).
Il ressort aussi de l'article de presse de la Nouvelle République publié le 6 octobre 2017 concernant la saison estivale 2017 dans la région centre Val de [Localité 2], que la saison estivale 2016 a été " gâchée par des attentats, des grèves et la météo " (pièce 24 produite par les appelants).
Il résulte des pièces 18 et 28 que la plage de [Localité 4] en bord de Cher a rouvert le 9 juillet 2018 après une fermeture de plus de trente ans et a connu une " belle fréquentation " durant l'été 2016 avec la venue de 1500 personnes entre le 23 juillet et le 31 août 2016, malgré les intempéries et les rumeurs qui ont couru sur la mauvaise qualité de l'eau. Il s'agit d'un élément nouveau et favorable survenu pendant le bail expiré mais insuffisant pour caractériser une modification notable des facteurs locaux de commercialité.
Les appelants évoquent aussi les travaux d'amélioration du réseau routier et autoroutier mais les pièces invoquées sur ce point, soit ne caractérisent pas précisément, ce qui a évolué pendant la durée du bail expiré s'agissant du réseau routier et autoroutier, ainsi que les impacts en résultant (pièces 24), soit concernent le parcours de la [Localité 2] à vélo (pièce 45).
Sur ce dernier point, les parties produisent des pièces contradictoires sur la question de savoir si le parcours de la [Localité 2] à vélo passe ou non par [Localité 4] (pièce 61 produite par l'intimée). En tout état de cause, même en tenant compte de la pièce 45 produite par les appelants, il en résulte que la région centre et le conseil départemental terminent en 2015 les travaux d'une boucle de la [Localité 2] à vélo permettant de relier [Localité 7] à [Localité 8] en passant par [Localité 4] mais les seuls chiffres qui sont donnés quant au nombre de cyclistes concernent l'année 2019 et il n'en ressort donc pas la preuve d'une évolution notable des facteurs locaux de commercialité durant le bail expiré.
Enfin, il n'est pas démontré que l'augmentation du chiffre d'affaires de l'hôtel-restaurant soit en lien avec la modification notable des facteurs locaux de commercialité.
Il se déduit de l'ensemble de ces développements, sans qu'il y ait lieu d'ordonner une expertise, que les bailleurs ne rapportent pas la preuve d'une modification notable des facteurs locaux de commercialité durant le bail expiré.
En conséquence, en l'absence de preuve d'une modification notable des éléments mentionnés aux 1o à 4o de l'article L145-33 du Code de commerce, et en l'absence de tout élément de nature à établir que la valeur locative des lieux loués à l'expiration du bail à renouveler, serait inférieure au montant du loyer plafonné, il convient de retenir qu'il n'y a pas lieu à déplafonnement du loyer et que le loyer du bail renouvelé doit être fixé au montant prévu contractuellement, avec indexation, le jugement étant confirmé de ce chef.
Sur la demande de dommages et intérêts
La SARL Le Cheval Blanc motive sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 5000€ par le fait en premier lieu que lors de l'acquisition du fonds le 5 octobre 2012, il ne pouvait être exploité en l'état compte tenu des injonctions administratives et le prix du bail aurait dû être moindre, en second lieu qu'avant l'incendie, l'immeuble se trouvait encore affecté de désordres dont la réparation aurait dû être effectuée par les bailleurs, en troisième lieu sur le fait que l'incendie survenue en mai 2019 provient manifestement d'un défaut électrique et que les conséquences en sont lourdes pour elle, outre l'acharnement procédural des bailleurs.
En premier lieu, la cour observe SARL Le Cheval Blanc a acquis le fonds de commerce après avoir eu la possibilité de le visiter, et de se renseigner sur son exploitation. Elle ne peut donc de manière opérante remettre en cause son acceptation des conditions de la cession du fonds et du droit au bail notamment le montant du loyer, en formant contre les bailleurs une demande de dommages et intérêts huit ans après.
En second lieu, il ne ressort pas des pièces produites par l'intimée (ses pièces 50 à 54) la preuve de désordres nécessitant des réparations incombant au bailleur, les photographies produites en pièces 50 et 51 n'ayant pas de date certaine et les bailleurs justifiant en outre avoir procédé à des travaux d'entretien et de réfection de la toiture.
En troisième lieu, s'agissant de l'incendie survenu en 2019 et de ses conséquences, la SARL Le Cheval Blanc ne démontre aucune faute des bailleurs.
Enfin, l'exercice d'une action en justice ou d'un appel est un droit qui ne dégénère en abus que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi, étant rappelé que l'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est pas en soi constitutive d'une faute. L'intimée ne démontre pas "l'acharnement procédural" des bailleurs qu'elle dénonce.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la SARL Le Cheval Blanc de sa demande de dommages et intérêts.
Sur les autres demandes
Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles.
Les appelants qui succombent doivent supporter in solidum les dépens d'appel et régler à l'intimée une indemnité de 3500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
- Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions critiquées ;
Y ajoutant,
- Condamne in solidum Mme [X] [N] née [B], Mme [H] [K] née [N] et M. [K] [N] à verser à la SARL Le Cheval Blanc une indemnité de 3500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne in solidum Mme [X] [N] née [B], Mme [H] [K] née [N] et M. [K] [N] aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d' ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.