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Décisions

CJUE, 2e ch., 20 janvier 2022, n° C-51/20

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Commission européenne

Défendeur :

République hellénique

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Arabadjiev

Juges :

Mme Ziemele, M. von Danwitz, M. Xuereb, M. Kumin

Avocat général :

M. Pitruzzella

CJUE n° C-51/20

19 janvier 2022

1 Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour :

– de constater que, en n’ayant pas pris toutes les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt de la Cour du 9 novembre 2017, Commission/Grèce (C‑481/16, non publié, ci-après l’« arrêt constatant le manquement », EU:C:2017:845), la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cet arrêt et de l’article 260, paragraphe 1, TFUE ;

– d’ordonner à la République hellénique de verser à la Commission une astreinte journalière d’un montant de 26 697,89 euros par jour de retard dans l’exécution de l’arrêt constatant le manquement, à compter du jour du prononcé de l’arrêt dans la présente affaire jusqu’à l’exécution complète de l’arrêt constatant le manquement ;

– d’ordonner à la République hellénique de verser à la Commission une somme forfaitaire dont le montant est obtenu en multipliant le montant journalier de 3 709,23 euros par le nombre de jours écoulés entre le prononcé de l’arrêt constatant le manquement et le jour auquel cet État membre a mis fin à l’infraction ou, à défaut d’avoir mis fin à l’infraction, jusqu’au jour du prononcé de l’arrêt dans la présente affaire, et

– de condamner la République hellénique aux dépens.

 Les antécédents du litige

2 Dans le cadre de son programme d’ajustement économique, la République hellénique a mis en œuvre un programme de privatisation. Larco General Mining & Metallurgical Company SA (ci-après « Larco »), une entreprise minière et métallurgique grecque, figure parmi les sociétés devant être privatisées. Cette société est spécialisée dans l’extraction et la transformation du minerai de latérite, l’extraction de lignite et la production de ferronickel et de sous-produits. Ses activités comprennent la prospection, le développement, l’exploitation minière, la fusion et la négociation de ses produits à l’échelle mondiale.

3 Au mois de mars 2012, le Hellenic Republic Asset Development Fund, une société créée en vue de gérer le processus de privatisation, a informé la Commission du projet de privatisation de Larco.

4 La Commission a alors procédé à un examen préliminaire de ce projet, afin de vérifier que celui-ci ne comporte pas d’éléments d’aide d’État.

5 Elle a adressé un questionnaire aux autorités helléniques. Il ressort explicitement des réponses à celui-ci, parvenues à la Commission le 16 mars 2012, que Larco avait déjà bénéficié d’interventions de l’État grec. Puis, la Commission a demandé des informations supplémentaires, par courriers électroniques des 18 avril 2012, 24 avril 2012, 5 juillet 2012, 22 août 2012 et 7 décembre 2012, et par courriers des 4 mai 2012 et 14 janvier 2013, auxquels les autorités helléniques ont répondu les 20 avril 2012, 26 avril 2012, 3 octobre 2012, 13 novembre 2012, 15 novembre 2012, 7 décembre 2012, 24 décembre 2012 et 18 janvier 2013. Des réunions entre les services de la Commission et des représentants des autorités helléniques ont eu lieu les 30 avril 2012 et 11 septembre 2012 à Athènes (Grèce) et le 25 janvier 2013 à Bruxelles (Belgique).

6 Par lettre du 6 mars 2013, la Commission a notifié à la République hellénique sa décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE à l’égard de diverses mesures, telles que des garanties de l’État accordées à Larco pour les années 2008, 2010 et 2011, une augmentation de capital au cours de l’année 2009, un accord de règlement de dettes signé en 1998 ou encore la possibilité de déposer des lettres de garantie à hauteur de 1,5 million d’euros au lieu de payer une amende fiscale de 190 millions d’euros.

7 Puis, la Commission a invité les autorités helléniques et les tiers intéressés à présenter leurs observations sur ces mesures.

8 La Commission n’a reçu que les observations des autorités helléniques, le 30 avril 2013.

9 Le 27 mars 2014, la Commission a adopté la décision 2014/539/UE, concernant l’aide d’État SA.34572 (13/C) (ex 13/NN) accordée par la Grèce à Larco General Mining & Metallurgical Company SA (JO 2014, L 254, p. 24), dont les articles 2 à 5 du dispositif disposent que les mesures en cause sont des aides illégales et incompatibles avec le marché intérieur, que ces aides doivent être récupérées auprès de Larco et que des informations doivent être fournies à la Commission, notamment en ce qui concerne les mesures déjà prises ou prévues afin de se conformer à cette décision.

10 Par ailleurs, la République hellénique ayant informé la Commission de son intention de vendre certains actifs de Larco par deux appels d’offres distincts, la Commission a adopté, le même jour, la décision concernant l’aide d’État SA.37954 (2013/N) relative à cette vente (ci-après la « décision relative à la vente de certains actifs de Larco »). Dans cette dernière décision, la Commission indique que, selon les informations fournies par la République hellénique, les deux procédures d’appel d’offres seraient menées respectivement par l’État et par Larco, en tant que propriétaires des actifs concernés par chaque appel d’offres. En particulier, le premier appel d’offres concernerait l’usine métallurgique de Larymna (Grèce) ainsi que 40 % des droits d’exploitation du minerai de latérite d’Agios Ioannis (Grèce), tandis que le second porterait sur 73 % des droits d’extraction de la latérite d’Eubée (Grèce) et sur l’ensemble des droits d’extraction de la latérite de Kastoria (Grèce). À l’issue des deux procédures d’appel d’offres et indépendamment de leurs résultats, Larco serait mise en faillite conformément à la législation nationale et ses actifs restants seraient vendus dans le cadre de la procédure de liquidation.

11 Compte tenu de ces informations, la Commission a estimé, dans la décision relative à la vente de certains actifs de Larco, que, pour autant qu’une série de dispositions et de conditions sont respectées, ladite vente, premièrement, ne constituait pas une aide d’État et, deuxièmement, n’entraînait pas de continuité économique entre Larco et le ou les propriétaires des actifs qui seront vendus. La Commission a considéré que, dans ces conditions, la question de la récupération des aides d’État illégales et incompatibles qui avaient été versées à Larco ne concernera pas les nouveaux propriétaires des actifs destinés à être vendus.

12 Le délai de deux mois imparti à la République hellénique par l’article 5 de la décision 2014/539 pour fournir les renseignements quant aux mesures prises pour la récupération des aides en cause a expiré le 28 mai 2014, sans que la Commission ait reçu d’information à cet égard.

13 Par lettre du 23 juin 2014, la Commission a rappelé aux autorités helléniques leurs obligations résultant de la décision 2014/539 et leur a demandé d’être informée, dans un délai de 20 jours ouvrables, des modalités de mise en œuvre de cette décision. Ces autorités ont répondu, par un courrier électronique du 18 juillet 2014, qu’elles n’étaient pas en mesure de lui fournir des indications dans ce délai.

14 Par ailleurs, la Commission a également rappelé à la République hellénique que cette dernière était tenue de respecter le délai de quatre mois prévu à l’article 4, paragraphe 2, de la décision 2014/539. Ce délai a toutefois expiré le 28 juillet 2014, sans que la Commission ait obtenu des informations relatives à la mise en œuvre de cette décision.

15 La Commission a invité, par lettres des 6 octobre 2014 et 18 décembre 2015, cet État membre à lui fournir ces informations et à organiser un échange portant sur les modalités de récupération des aides en cause. Ledit État membre n’a cependant pas répondu à ces lettres. Au cours d’une réunion qui s’est tenue à Athènes entre la Commission et les autorités helléniques, ces dernières n’ont avancé aucun argument de nature à justifier l’absence de mesures d’exécution de la décision 2014/539.

16 Le 2 septembre 2016, estimant que la République hellénique ne s’était pas conformée aux obligations qui lui incombent en vertu de la décision 2014/539, la Commission a introduit, en application de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, un recours en manquement contre cet État membre ayant pour objet de faire constater que celui-ci n’avait pas pris, dans les délais prescrits, toutes les mesures nécessaires pour se conformer à cette décision ou, en tout état de cause, n’avait pas, en méconnaissance des prescriptions de l’article 5 de ladite décision, suffisamment informé la Commission des mesures prises.

17 Le 9 novembre 2017, par l’arrêt constatant le manquement, la Cour a jugé que la République hellénique n’avait pas pris, dans les délais prescrits, toutes les mesures nécessaires à l’exécution de la décision 2014/539 et n’avait pas informé la Commission des mesures prises en application de cette décision.

 La procédure précontentieuse

18 À la suite du prononcé de l’arrêt constatant le manquement, la Commission a adressé, le 15 novembre 2017, une lettre aux autorités helléniques leur demandant de récupérer les aides illégales et incompatibles avec le marché intérieur, à laquelle ces dernières n’ont pas répondu.

19 Le 13 novembre 2018, par une lettre adressée au ministre des Finances grec, la Commission a demandé des renseignements sur l’état de la procédure de recouvrement des aides en cause et a indiqué qu’elle pouvait introduire un recours en manquement au titre de l’article 260 TFUE. Cette lettre est également restée sans réponse.

20 Le 25 janvier 2019, constatant que la décision 2014/539 n’avait pas encore été exécutée, la Commission a envoyé une lettre de mise en demeure à la République hellénique conformément à l’article 260, paragraphe 2, TFUE, l’invitant à présenter ses observations dans un délai de deux mois.

21 Le 29 mars 2019, cet État membre a répondu à la lettre de mise en demeure en exposant, notamment, les difficultés auxquelles il a été confronté ainsi que sa volonté de coopérer.

22 C’est dans ces conditions que la Commission a décidé d’introduire le présent recours.

 Les développements intervenus au cours de la présente procédure

23 Le 14 février 2020, la République hellénique a adopté la loi 4664/2020. L’article 21 de cette loi prévoit le placement de Larco sous un régime d’administration spéciale, devant conduire, au moyen d’une procédure rapide et simplifiée, à la liquidation de cette société (ci-après l’« administration spéciale »).

24 À la suite d’une demande de cet État membre agissant en sa qualité de créancier de Larco, le Monomeles Efeteio Athinon (cour d’appel à juge unique d’Athènes, Grèce) a, par la décision n° 1407/2020, du 28 février 2020, placé cette société sous le régime de l’administration spéciale, lequel n’a pas entraîné la cessation du fonctionnement de ladite société. Par cette même décision, ladite juridiction a désigné un administrateur spécial chargé de procéder à l’inventaire de l’ensemble des actifs et des passifs de cette même société et tenu de recourir à une procédure d’appel d’offres publique aux fins de la cession des actifs de cette société.

25 Le 13 mars 2020, les autorités helléniques ont, d’une part, invité Larco à verser, dans un délai de trente jours calendaires, le montant correspondant aux aides déclarées illégales et incompatibles avec le marché intérieur, majoré des intérêts applicables, et ont, d’autre part, informé la Commission du régime d’administration spéciale applicable à Larco.

26 Le 26 mars 2020, la Cour a, par son arrêt Larko/Commission (C‑244/18 P, EU:C:2020:238), fait droit au pourvoi formé par Larco contre l’arrêt du Tribunal du 1er février 2018, Larko/Commission (T‑423/14, EU:T:2018:57), par lequel celui-ci avait rejeté le recours de cette société tendant à l’annulation de la décision 2014/539. Elle a annulé l’arrêt du Tribunal en tant que celui-ci avait rejeté la première branche du premier moyen du recours qui porte sur la garantie accordée au cours de l’année 2008 par l’État grec à Larco et relative à un prêt de 30 millions d’euros consenti par ATE Bank à cette société (ci-après la « mesure n° 2 »).

27 À la suite de l’arrêt de la Cour, Larco a formulé des objections contre le montant de l’aide concernant la mesure n° 2 qui doit être récupéré.

28 Le 7 avril 2020, l’administrateur spécial de Larco a assigné la République hellénique afin d’obtenir le règlement arbitral du différend portant sur le régime de propriété de l’usine de Larymna.

29 Par lettre du 27 avril 2020, les autorités helléniques ont fait part à la Commission des objections de Larco concernant la mesure n° 2, auxquelles cette institution a répondu par lettre du 6 mai 2020.

30 Le 14 mai 2020, ces autorités ont envoyé aux autorités fiscales helléniques une lettre par laquelle elles ont demandé la récupération intégrale des aides en cause auprès de Larco.

31 À la suite d’une demande de renseignements de la Cour fondée sur l’article 62, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, la République hellénique a produit des documents concernant la récupération des aides en cause.

32 Il ressort de la réponse à cette demande de renseignements, premièrement, que, à la date du 22 mars 2021, Larco était toujours placée sous le régime d’administration spéciale, compte tenu du temps nécessaire au prononcé de la sentence arbitrale relative au régime de propriété de l’usine de Larymna et du fait que ce régime devait prendre fin à l’issue d’une période de douze mois qui courrait à compter de la date à laquelle il a été mis en œuvre ou d’une période de neuf mois qui courrait à compter du prononcé de cette sentence.

33 Deuxièmement, par ladite sentence, prononcée le 24 septembre 2020 et rectifiée le 8 octobre 2020, le tribunal arbitral a reconnu le droit de propriété de l’État grec sur l’usine métallurgique et le complexe minier de Larymna. Larco est demeurée locataire de ces actifs de l’État grec.

34 Troisièmement, à la suite de cette même sentence, les deux appels d’offres mentionnés au point 10 du présent arrêt, par lesquels la République hellénique a manifesté son intention de vendre certains actifs de Larco, ont été actualisés et l’administrateur spécial a procédé à la préparation définitive de l’inventaire de l’ensemble des actifs et des passifs de Larco.

35 Quatrièmement, les procédures relatives à ces appels d’offres ont été menées en parallèle et devaient être achevées au plus tard le 8 juillet 2021.

 Sur le manquement

 Argumentation des parties

36 En premier lieu, la Commission reproche à la République hellénique de ne pas avoir pris les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt constatant le manquement, dès lors que plus de cinq ans après l’adoption de la décision 2014/539 et plus de deux ans après le prononcé de cet arrêt, les autorités helléniques n’ont pas récupéré les aides d’État en cause auprès de Larco.

37 Selon la Commission, les autorités helléniques n’ont adopté de mesures en vue de la récupération de ces aides qu’après le 29 janvier 2020, date d’introduction du présent recours, en méconnaissance de l’exigence d’exécution immédiate et effective de cette décision. Tout d’abord, la loi 4664/2020 qui prévoit le placement de Larco sous un régime d’administration spéciale n’aurait été adoptée que le 14 février 2020. Ensuite, le placement de Larco sous le régime d’administration spéciale aurait été effectué le 28 février 2020. Enfin, les autorités grecques auraient, le 13 mars 2020, invité Larco à reverser, dans un délai de 30 jours, le montant correspondant à ces aides.

38 En ce qui concerne le régime d’administration spéciale de Larco, la Commission relève, premièrement, que l’article 21, paragraphe 4, de la loi 4664/2020 dispose que cette société peut bénéficier d’une subvention étatique afin qu’elle puisse couvrir ses dépenses associées à l’application de ce régime. Selon la Commission, les aides relatives au fonctionnement de Larco prévues par cette disposition et visant à libérer cette société des coûts qu’elle aurait normalement dû supporter dans le cadre de sa gestion courante ou de ses activités normales constituent une catégorie d’aides particulièrement préjudiciable à la concurrence. En l’occurrence, les autorités helléniques auraient déjà octroyé à Larco des aides au fonctionnement dans le cadre de l’administration spéciale.

39 Deuxièmement, la Commission estime que la République hellénique était tenue de déclencher une procédure d’insolvabilité contre Larco et d’inscrire au tableau des créances celles relatives à la restitution des aides concernées dans le délai de quatre mois visé à l’article 4 de la décision 2014/539. Une telle inscription aurait dû être suivie soit de la récupération intégrale des aides en cause, soit de la liquidation du bénéficiaire et de la cessation définitive de ses activités.

40 Or, en l’occurrence, la République hellénique n’aurait pas inscrit au tableau des créances celles relatives à la restitution des aides concernées. En vertu de l’article 21, paragraphe 9, de la loi 4664/2020, une telle inscription formelle ne pourrait être effectuée qu’après le transfert des actifs de Larco au plus offrant, à l’issue de la vente aux enchères de ces actifs.

41 Selon la Commission, à supposer même que la créance de la République hellénique relative à la restitution des aides en cause ait été formellement inscrite au tableau des créances après le transfert des actifs de Larco, ainsi que le prévoit le régime d’administration spéciale, l’arrêt constatant le manquement ne pourrait être entièrement exécuté que dans l’hypothèse où le produit de la liquidation suffirait pour récupérer l’intégralité du montant des aides en cause. À défaut, seules la liquidation et la cessation définitive des activités de Larco permettraient d’assurer l’exécution complète de cet arrêt.

42 En second lieu, quant à l’obligation de l’État hellénique d’informer la Commission, cette institution fait valoir que les autorités de cet État membre n’ont pas communiqué, dans les délais impartis, des éléments permettant de vérifier l’exactitude du calcul du montant des aides à récupérer.

43 Ainsi, ces autorités n’auraient pas exécuté l’arrêt constatant le manquement.

44 Par ailleurs, la Commission estime que le fait que le recours de Larco tendant à l’annulation de la décision 2014/539 soit, à la suite de l’arrêt du 26 mars 2020, Larko/Commission (C‑244/18 P, EU:C:2020:238), toujours pendant devant le Tribunal est dénué de pertinence pour la présente affaire. Elle fait valoir que la procédure en manquement au titre de l’article 260, paragraphe 2, TFUE est indépendante de celle engagée au titre de l’article 263 TFUE. Cette institution précise que, par cet arrêt, la Cour a annulé en partie l’arrêt du 1er février 2018, Larko/Commission (T‑423/14, EU:T:2018:57), mais n’a toutefois pas annulé la décision 2014/539, laquelle demeure pleinement exécutoire. La République hellénique serait donc tenue d’exécuter cette décision dans son intégralité.

45 En défense, la République hellénique soutient, en premier lieu, que les autorités helléniques ont adopté une série de mesures qui constituent un progrès substantiel dans l’exécution de l’arrêt constatant le manquement. Ainsi, en raison des difficultés financières de Larco, les autorités helléniques auraient, le 14 février 2020, prévu le placement de Larco sous un régime d’administration spéciale, qui lui aurait été appliqué le 28 février 2020 et qui devait prendre fin à l’issue d’une période de douze mois qui courrait à compter de la date à laquelle il a été appliqué ou d’une période de neuf mois qui courrait à compter du prononcé de la sentence arbitrale portant sur le différend concernant le régime de propriété de l’usine de Larymna.

46 Premièrement, la République hellénique relève que, par rapport à la procédure de faillite de droit commun et à la procédure spéciale établie par la loi 4307/2014, l’administration spéciale est une procédure d’insolvabilité spécifique, dans le cadre de laquelle l’administrateur spécial procède rapidement à la vente des actifs de l’entreprise concernée et organise une procédure d’appel d’offres publique afin d’éviter une dépréciation des actifs.

47 Certes, le placement de Larco sous un régime d’administration spéciale n’entraînerait pas la cessation de ses activités dans l’immédiat. Le maintien en activité de l’usine de Larymna aurait toutefois été considéré comme étant nécessaire afin, d’une part, de maximiser le prix des actifs de Larco et, d’autre part, d’assurer la poursuite de la production de nickel en Grèce, laquelle est particulièrement importante tant pour l’économie grecque que pour l’économie européenne.

48 En outre, le ministère de l’Environnement et de l’Énergie grec disposerait en droit national de la faculté d’accorder des subventions étatiques visant à prendre en charge les frais nécessaires à la mise en œuvre de l’administration spéciale ainsi que les frais de fonctionnement aux fins de maintenir l’activité de l’entreprise jusqu’au terme de cette dernière. Toutefois, les montants éventuellement versés à ce titre devraient être déduits du prix de vente des actifs et être restitués à l’État, sans qu’il soit tenu compte des autres créances inscrites au tableau des créances.

49 Deuxièmement, la République hellénique relève que, dans les cinq jours suivant la fin de la procédure d’appel d’offres, l’administrateur spécial doit inviter les créanciers à inscrire définitivement leurs créances puis établir le tableau du classement définitif des créances. S’agissant, plus particulièrement, de la date à laquelle est effectuée l’inscription au tableau des créances, la République hellénique fait valoir que, à la différence de la procédure de faillite de droit commun dans le cadre de laquelle l’inscription au tableau des créances a lieu avant la liquidation de l’entreprise, dans la procédure d’administration spéciale, cette inscription est effectuée après la vente des actifs de la société concernée. Par dérogation aux dispositions générales applicables, les créances de l’État ayant trait au recouvrement des aides illégales et incompatibles primeraient sur tout privilège général ou spécial des autres créanciers.

50 Troisièmement, la République hellénique soutient que la cessation définitive des activités de Larco interviendra avec la vente des actifs de cette société, de telle sorte que l’absence de continuité économique et de distorsion de la concurrence sur le marché concerné sera garantie. Ainsi, le placement de Larco sous un régime d’administration spéciale constituerait une procédure irréversible devant aboutir à la liquidation de cette société et à la cessation définitive de son activité. En tout état de cause, la République hellénique fait valoir que, en cas d’échec de la procédure d’appel d’offres publique, Larco serait placée en faillite et ses actifs seraient liquidés selon la procédure de faillite de droit commun. Un tel échec devrait être constaté si, au cours de la procédure d’administration spéciale, 75 % des actifs de cette entreprise n’ont pas été vendus.

51 Au demeurant, la République hellénique ne conteste pas que la décision 2014/539 demeure pleinement exécutoire après le prononcé de l’arrêt du 26 mars 2020, Larko/Commission (C‑244/18 P, EU:C:2020:238). Toutefois, selon cet État membre, dans sa communication sur la récupération des aides d’État illégales et incompatibles avec le marché intérieur, la Commission considère que, lorsqu’un recours contre une décision de récupération est pendant, l’exécution provisoire de cette décision peut être assurée, par exemple, au moyen du versement, par le bénéficiaire des aides, de l’intégralité du montant à récupérer sur un compte séquestre.

52 En second lieu, la République hellénique fait valoir que, par sa lettre du 13 mars 2020, elle a informé la Commission de l’ensemble des mesures prises en vue de la récupération des aides en cause. Le 14 mai 2020, elle aurait ordonné la récupération du montant total de ces aides.

 Appréciation de la Cour

53 À titre liminaire, il y a lieu de relever que le recours en annulation introduit par Larco contre la décision 2014/539, lequel a donné lieu à l’arrêt du 26 mars 2020, Larko/Commission (C‑244/18 P, EU:C:2020:238), est sans incidence sur le caractère exécutoire de cette décision et, par voie de conséquence, sur le présent litige. En effet, selon la jurisprudence de la Cour, ainsi que cela ressort de l’article 278 TFUE, à défaut d’une décision du Tribunal allant dans le sens contraire, un recours en annulation n’a pas d’effet suspensif. Ainsi, en principe, l’introduction d’un recours en annulation ne modifie pas le caractère exécutoire de la décision dont l’annulation est demandée (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2015, Commission/France, C‑63/14, EU:C:2015:458 , point 47).

54 Quant à l’argument de la République hellénique selon lequel, dans sa communication sur la récupération des aides d’État illégales et incompatibles avec le marché intérieur, la Commission prévoit que, lorsqu’un recours contre une décision de récupération est pendant, l’exécution provisoire de cette décision peut être assurée, par exemple, au moyen du versement, par le bénéficiaire de l’aide, de l’intégralité du montant à récupérer sur un compte séquestre, il suffit de relever que, en l’occurrence, cet État membre n’a pas fourni d’éléments qui attesteraient d’un tel versement.

55 À titre principal, il convient, en premier lieu, de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour que l’État membre destinataire d’une décision l’obligeant à récupérer des aides illégales déclarées incompatibles avec le marché intérieur est tenu, en vertu de l’article 288 TFUE, quatrième alinéa, de prendre toutes les mesures propres à assurer l’exécution de cette décision. Il doit parvenir à un recouvrement effectif des sommes dues afin d’éliminer la distorsion de concurrence causée par l’avantage concurrentiel procuré par ces aides (arrêt du 14 novembre 2018, Commission/Grèce, C‑93/17, EU:C:2018:903, point 68 et jurisprudence citée).

56 En effet, la récupération d’une aide illégale déclarée incompatible avec le marché intérieur doit être effectuée sans délai et conformément aux procédures prévues par le droit national de l’État membre concerné, pour autant que ces dernières permettent l’exécution immédiate et effective de la décision de la Commission. À cette fin, les États membres concernés sont tenus de prendre toutes les mesures prévues par leurs systèmes juridiques respectifs, y compris les mesures provisoires, sans préjudice du droit de l’Union (arrêt du 14 novembre 2018, Commission/Grèce, C‑93/17, EU:C:2018:903, point 69 et jurisprudence citée).

57 S’agissant des hypothèses dans lesquelles les aides d’État illégalement versées et déclarées incompatibles avec le marché intérieur doivent être récupérées auprès d’entreprises bénéficiaires en difficulté ou en état de faillite, il y a lieu de rappeler que de telles difficultés n’affectent pas l’obligation de récupération de l’aide. L’État membre est, dès lors, tenu, selon le cas, de provoquer la liquidation de la société, de faire inscrire sa créance au passif de celle-ci ou de prendre toute autre mesure permettant le remboursement de l’aide (arrêt du 17 janvier 2018, Commission/Grèce, C‑363/16, EU:C:2018:12, point 36).

58 En particulier, selon une jurisprudence constante, le rétablissement de la situation antérieure et l’élimination de la distorsion de concurrence résultant de ces aides peuvent, en principe, être accomplis par l’inscription au tableau des créances de celles relatives à la restitution des aides concernées (arrêt du 17 janvier 2018, Commission/Grèce, C‑363/16, EU:C:2018:12, point 37 et jurisprudence citée).

59 Toutefois, il importe de relever qu’une telle inscription ne permet de satisfaire à l’obligation de récupération que si, dans le cas où les autorités étatiques ne pourraient récupérer l’intégralité du montant des aides, la procédure de faillite aboutit à la liquidation de l’entreprise, c’est-à-dire à la cessation définitive de son activité, que les autorités étatiques peuvent provoquer en leur qualité d’actionnaires ou de créanciers (arrêt du 17 janvier 2018, Commission/Grèce, C‑363/16, EU:C:2018:12, point 38).

60 Il en découle que la cessation définitive des activités de l’entreprise bénéficiaire d’une aide d’État ne s’impose que dans le cas où la récupération de l’intégralité du montant de l’aide reste impossible au cours de la procédure de faillite (arrêt du 17 janvier 2018, Commission/Grèce, C‑363/16, EU:C:2018:12, point 39).

61 Il convient également de relever que, en ce qui concerne la procédure en manquement au titre de l’article 260, paragraphe 2, TFUE, il y a lieu de retenir comme date de référence pour apprécier l’existence d’un tel manquement celle de l’expiration du délai fixé dans la lettre de mise en demeure émise en vertu de cette disposition (arrêt du 14 novembre 2018, Commission/Grèce, C‑93/17, EU:C:2018:903, point 73 et jurisprudence citée).

62 En l’occurrence, ainsi qu’il a été rappelé au point 20 du présent arrêt, la Commission ayant adressé, le 25 janvier 2019, à la République hellénique une lettre de mise en demeure, conformément à la procédure prévue à l’article 260, paragraphe 2, TFUE, la date de référence mentionnée au point précédent du présent arrêt est celle de l’expiration du délai fixé dans cette lettre, à savoir le 25 mars 2019.

63 Il est manifeste que, à cette date, les autorités helléniques n’avaient pas respecté l’obligation de récupération des aides en cause.

64 En effet, ainsi que cela résulte des points 23 à 25, 45 et 52 du présent arrêt, les autorités helléniques n’ont adopté des mesures aux fins de la récupération des aides en cause qu’après le 29 janvier 2020, date d’introduction du présent recours. En effet, premièrement, la loi 4664/2020 instaurant le régime d’administration spéciale a été adoptée le 14 février 2020, soit presque un an après l’expiration du délai fixé dans la lettre de mise en demeure et presque six ans après la date d’expiration du délai d’exécution initial de la décision 2014/539. Deuxièmement, il est constant que la République hellénique a placé Larco sous le régime d’administration spéciale le 28 février 2020. Troisièmement, l’invitation à reverser, dans un délai de 30 jours, le montant correspondant aux aides en cause a été adressée à Larco le 13 mars 2020. Enfin quatrièmement, le 14 mai 2020, les autorités helléniques ont envoyé aux autorités fiscales helléniques une lettre par laquelle elles ont demandé la récupération intégrale des aides en cause auprès de Larco.

65 Dans ces conditions, la République hellénique ne saurait valablement soutenir que, à la date de l’expiration du délai fixé dans la lettre de mise en demeure, elle avait pris toutes les mesures nécessaires afin de mettre en œuvre la procédure de récupération des aides d’État en cause.

66 En second lieu, s’agissant du défaut d’information de la Commission, il convient de relever que, à la date d’expiration du délai fixé dans la lettre du 25 janvier 2019, la République hellénique n’avait pas présenté à la Commission les informations énumérées à l’article 5 de la décision 2014/539.

67 Il convient donc de constater que, en n’ayant pas pris toutes les mesures nécessaires que comporte l’exécution de l’arrêt constatant le manquement, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 260, paragraphe 1, TFUE.

 Sur les sanctions pécuniaires

 Sur l’astreinte

 Argumentation des parties

68 La Commission estime que le manquement reproché à la République hellénique perdure à la date de l’examen des faits par la Cour.

69 Elle propose de sanctionner l’absence d’exécution de l’arrêt constatant le manquement notamment par le paiement d’une astreinte, en se fondant sur sa communication SEC(2005) 1658, du 12 décembre 2005, intitulée « Mise en œuvre de l’article [260 TFUE] » (JO 2007, C 126, p. 15 ci-après la « communication de 2005 »), sur sa communication relative à la modification de la méthode de calcul des sommes forfaitaires et des astreintes journalières proposées par la Commission dans le cadre des procédures d’infraction devant la Cour de justice de l’Union européenne (JO 2019, C 70, p. 1) ainsi que sur sa communication intitulée « Mise à jour des données utilisées pour le calcul des sommes forfaitaires et des astreintes que la Commission proposera à la Cour de justice de l’Union européenne dans le cadre des procédures d’infraction » (JO 2019, C 309, p. 1). La Commission relève que, selon la formule mentionnée dans la communication de 2005, l’astreinte journalière est égale au forfait de base uniforme, de 3 116 euros, multiplié par le coefficient de gravité, le coefficient de durée et le facteur « n ».

70 S’agissant du coefficient de gravité, la Commission fait valoir que les dispositions du traité FUE en matière d’aides d’État qui ont été enfreintes en l’espèce revêtent un caractère fondamental. Cette institution met en exergue l’effet préjudiciable que les aides illégales et incompatibles, non récupérées, ont eu sur le marché sur lequel Larco exerce son activité. Compte tenu des caractéristiques de ce marché, la Commission considère que l’effet néfaste sur la concurrence des aides non récupérées affecte les entreprises non seulement en Grèce, mais aussi plus généralement dans l’Union européenne.

71 Quant au point de savoir s’il existe des circonstances aggravantes ou atténuantes, la Commission, d’une part, attire l’attention sur les manquements répétés de la République hellénique dans le domaine des aides d’État et, d’autre part, estime qu’aucune circonstance atténuante ne peut être retenue dans la présente affaire. En conséquence, elle propose d’appliquer un coefficient de gravité de 7 sur l’échelle de 1 à 20 établie dans la communication de 2005.

72 En ce qui concerne la durée de l’infraction, la Commission fait valoir que, à la date à laquelle elle a décidé de saisir la Cour dans la présente affaire, à savoir le 27 novembre 2019, la durée de l’infraction, dont le point de départ est fixé à la date de prononcé de l’arrêt constatant le manquement, soit le 9 novembre 2017, était de 24 mois, de sorte qu’il y a lieu d’appliquer un coefficient de durée de 2,4 sur l’échelle de 1 à 3 également établie dans cette communication.

73 S’agissant de la capacité de paiement de l’État membre poursuivi et, plus particulièrement, du facteur « n », la Commission relève que, dans son arrêt du 14 novembre 2018, Commission/Grèce (C‑93/17, EU:C:2018:903), la Cour a considéré que, depuis le 1er avril 2017, le système de vote au sein du Conseil de l’Union européenne ayant changé, le facteur « n » ne pouvait plus prendre en compte le nombre de voix de l’État membre concerné au sein du Conseil et qu’il convenait de s’appuyer sur le produit intérieur brut (PIB) des États membres en tant que facteur prédominant.

74 Or, selon la Commission, il convient de conserver le poids institutionnel dans l’Union de l’État membre concerné en tant qu’élément essentiel du calcul du facteur « n », aux fins de l’imposition de sanctions qui soient à la fois proportionnées et suffisamment dissuasives. Selon elle, la prise en compte du seul PIB augmente considérablement l’écart entre les États membres pour ce facteur. La Commission fait valoir que la méthode de calcul du facteur « n » doit être fondée non pas uniquement sur le poids démographique ou économique, mais également sur le fait que chaque État membre possède une valeur intrinsèque dans le cadre institutionnel de l’Union. Dès lors, afin de maintenir un équilibre entre la capacité de paiement et le poids institutionnel dans l’Union d’un État membre, le facteur « n » devrait être calculé sur la base, d’une part, du PIB et, d’autre part, du nombre de sièges au Parlement européen attribué à l’État membre concerné. Partant, cette institution estime que ce facteur « n » doit être fixé à 0,51 pour la République hellénique.

75 Cela étant, le recours au PIB et au nombre de sièges au Parlement européen, sans ajustement possible, aboutirait à une valeur de référence nettement inférieure à la valeur résultant de l’application de l’ancienne méthode de calcul du facteur « n ». Ainsi, aux fins du calcul du forfait de base uniforme pour l’astreinte, la Commission propose de recourir à un facteur d’ajustement de 4,5 afin de garantir que les montants des sanctions proposés par la Commission à la Cour restent proportionnés et suffisamment dissuasifs.

76 Enfin, s’agissant de la périodicité de l’astreinte, la Commission est d’avis que celle-ci devrait être journalière et non pas semestrielle. Elle estime que, en l’espèce, les astreintes journalières doivent être dépourvues de toute dégressivité.

77 La République hellénique objecte qu’il n’y a pas lieu d’infliger des sanctions financières dans la présente affaire, au motif que des progrès substantiels ont été réalisés par l’adoption même de la loi 4664/2020 et le placement de Larco sous le régime de l’administration spéciale. En outre, cet État membre souligne que ce régime vise, dans son ensemble, à assurer rapidement la liquidation de Larco, soit par la vente de ses actifs par l’administrateur spécial de manière à obtenir le prix le plus élevé possible, soit, dans l’hypothèse où la vente de 75 % des actifs n’est pas réalisée dans une période de douze mois, en la soumettant à la procédure de faillite de droit commun.

78 La République hellénique estime que, dans l’hypothèse où la Cour considèrerait qu’une astreinte doit néanmoins être imposée, le montant de l’astreinte demandée par la Commission n’est pas adapté aux circonstances particulières de l’espèce et n’est pas conforme au principe de proportionnalité.

79 Pour ce qui est de la gravité de l’infraction, la République hellénique fait valoir, en premier lieu, qu’il convient de tenir compte, d’une part, des mesures prises à ce stade et, d’autre part, du fait que, dans la présente affaire, le montant devant être récupéré, majoré des intérêts, calculés au 14 mai 2020, s’élève à 160 millions d’euros, alors que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 14 novembre 2018, Commission/Grèce (C‑93/17, EU:C:2018:903), le montant à récupérer était de 670 millions d’euros. Dans ce contexte, eu égard au temps qui serait nécessaire pour réaliser un progrès substantiel dans la procédure de liquidation de Larco, cet État membre demande que l’astreinte soit fixée sur une base semestrielle.

80 En deuxième lieu, la République hellénique fait valoir qu’il est improbable que ces aides aient eu de fortes répercussions sur les conditions de concurrence au sein de l’Union et aient été à l’origine de distorsions de la concurrence.

81 En troisième lieu, cet État membre soutient que, s’agissant de la prétendue répétition de son comportement infractionnel dans le domaine des aides d’État, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 14 novembre 2018, Commission/Grèce (C‑93/17, EU:C:2018:903), les autorités helléniques avaient pris les mesures nécessaires pour achever la procédure de récupération en procédant à la liquidation des actifs de la société concernée.

82 En conséquence, la République hellénique estime qu’il n’est pas approprié d’appliquer dans la présente affaire un coefficient de gravité supérieur à 1.

83 En ce qui concerne le coefficient de durée, la République hellénique estime que celui-ci ne doit pas excéder 1.

84 Enfin, s’agissant de la capacité de paiement et, plus particulièrement, du facteur « n », à l’instar de la Commission, la République hellénique estime que, aux fins du calcul de la valeur de ce facteur, il convient de prendre en compte non seulement le poids économique, mais également le poids institutionnel dans l’Union de l’État membre concerné. Il y aurait donc lieu de tenir compte du nombre de sièges au Parlement européen attribué à cet État membre.

 Appréciation de la Cour

85 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que la procédure prévue à l’article 260, paragraphe 2, TFUE a pour objectif d’inciter un État membre défaillant à exécuter un arrêt en manquement et, partant, d’assurer l’application effective du droit de l’Union et que les mesures prévues par cette disposition, à savoir l’astreinte et la somme forfaitaire, visent toutes deux ce même objectif [arrêt du 12 mars 2020, Commission/Italie (Aides illégales au secteur hôtelier en Sardaigne), C‑576/18, non publié, EU:C:2020:202, point 134 et jurisprudence citée].

86 Il y a lieu de rappeler, également, qu’il appartient à la Cour, dans chaque affaire et en fonction des circonstances de l’espèce dont elle se trouve saisie ainsi que du niveau de persuasion et de dissuasion qui lui paraît requis, d’arrêter les sanctions pécuniaires appropriées, notamment pour prévenir la répétition d’infractions analogues au droit de l’Union (arrêt du 14 novembre 2018, Commission/Grèce, C‑93/17, EU:C:2018:903, point 107 et jurisprudence citée).

87 Selon une jurisprudence constante de la Cour, l’infliction d’une astreinte ne se justifie, en principe, que pour autant que perdure le manquement tiré de l’inexécution d’un précédent arrêt jusqu’à l’examen des faits par la Cour [arrêt du 12 mars 2020, Commission/Italie (Aides illégales au secteur hôtelier en Sardaigne), C‑576/18, non publié, EU:C:2020:202, point 137 et jurisprudence citée].

88 Afin de déterminer si le manquement qui est reproché à la partie défenderesse a perduré jusqu’à l’examen des faits de l’espèce par la Cour, il y a lieu d’apprécier les mesures qui, selon l’État défendeur, ont été adoptées postérieurement au délai fixé dans la lettre de mise en demeure (voir, en ce sens, arrêts du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 98, et du 17 septembre 2015, Commission/Italie, C‑367/14, non publié, EU:C:2015:611, point 89).

89 En l’espèce, la République hellénique affirme que le régime d’administration spéciale de Larco n’a pas pris fin et que les deux procédures d’appel d’offres par lesquelles la vente des actifs de Larco pourrait être effectuée devaient être achevées le 8 juillet 2021.

90 Il suffit cependant de constater que la République hellénique n’a pas démontré que, à la date de l’examen des faits de l’espèce par la Cour, elle a pris toutes les mesures nécessaires aux fins de l’exécution de l’arrêt constatant le manquement.

91 Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de constater que le manquement reproché à la République hellénique a perduré jusqu’à l’examen des faits de l’espèce par la Cour.

92 Dans ces conditions, la condamnation de la République hellénique au paiement d’une astreinte constitue un moyen financier approprié afin d’inciter cette dernière à prendre les mesures nécessaires pour mettre fin au manquement constaté et pour assurer l’exécution complète de l’arrêt constatant le manquement.

93 Il est de jurisprudence constante que l’astreinte doit être arrêtée en fonction du degré de persuasion nécessaire pour que l’État membre défaillant à exécuter un arrêt en manquement modifie son comportement et mette fin au comportement incriminé [voir, en ce sens, arrêt du 12 mars 2020, Commission/Italie (Aides illégales au secteur hôtelier en Sardaigne), C‑576/18, non publié, EU:C:2020:202, point 147 et jurisprudence citée].

94 Dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation en la matière, il incombe à la Cour de fixer l’astreinte de telle sorte que celle-ci soit, d’une part, adaptée aux circonstances et, d’autre part, proportionnée au manquement constaté ainsi qu’à la capacité de paiement de l’État membre concerné [arrêts du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 118 et jurisprudence citée ; du 22 février 2018, Commission/Grèce, C‑328/16, EU:C:2018:98, point 90 et jurisprudence citée, ainsi que du 12 mars 2020, Commission/Italie (Aides illégales au secteur hôtelier en Sardaigne), C‑576/18, non publié, EU:C:2020:202, point 148 et jurisprudence citée].

95 Les propositions de la Commission concernant l’astreinte ne sauraient lier la Cour et ne constituent qu’une base de référence utile. De même, des lignes directrices telles que celles contenues dans les communications de la Commission ne lient pas la Cour, mais contribuent à garantir la transparence, la prévisibilité et la sécurité juridique de l’action menée par la Commission elle-même lorsque cette institution fait des propositions à la Cour. En effet, dans le cadre d’une procédure fondée sur l’article 260, paragraphe 2, TFUE, relative à un manquement qui persiste de la part d’un État membre nonobstant le fait que ce même manquement a déjà été constaté à l’occasion d’un premier arrêt rendu au titre de l’article 258 TFUE ou de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, la Cour doit demeurer libre de fixer l’astreinte infligée au montant et sous la forme qu’elle considère adéquats pour inciter cet État membre à mettre fin à l’inexécution des obligations découlant de ce premier arrêt de la Cour (arrêt du 14 novembre 2018, Commission/Grèce, C‑93/17, EU:C:2018:903, point 119 et jurisprudence citée).

96 Aux fins de la fixation du montant de l’astreinte, les critères de base qui doivent être pris en considération pour assurer la nature coercitive de cette dernière, en vue d’une application uniforme et effective du droit de l’Union, sont, en principe, la gravité de l’infraction, sa durée et la capacité de paiement de l’État membre en cause. Pour l’application de ces critères, il y a lieu de tenir compte, en particulier, des conséquences du défaut d’exécution sur les intérêts privés et publics ainsi que de l’urgence à ce que l’État membre concerné se conforme à ses obligations [arrêt du 12 mars 2020, Commission/Italie (Aides illégales au secteur hôtelier en Sardaigne), C‑576/18, non publié, EU:C:2020:202, point 149 et jurisprudence citée].

97 En premier lieu, s’agissant de la gravité de l’infraction, il convient de souligner le caractère fondamental des dispositions du traité FUE en matière d’aides d’État [arrêt du 12 mars 2020, Commission/Italie (Aides illégales au secteur hôtelier en Sardaigne), C‑576/18, non publié, EU:C:2020:202, point 150 et jurisprudence citée].

98 En effet, les règles faisant l’objet de la décision 2014/539 et de l’arrêt constatant le manquement constituent l’expression de l’une des missions essentielles conférée à l’Union en vertu de l’article 3, paragraphe 3, TUE, à savoir l’établissement d’un marché intérieur, ainsi que du protocole (no 27) sur le marché intérieur et la concurrence, lequel, en application de l’article 51 TUE, fait partie intégrante des traités, et aux termes duquel le marché intérieur comprend un système garantissant que la concurrence n’est pas faussée.

99 L’importance des dispositions de l’Union enfreintes dans un cas tel que celui de la présente espèce se reflète notamment dans le fait que, par le remboursement des aides déclarées illégales et incompatibles avec le marché intérieur, se trouve éliminée la distorsion de concurrence causée par l’avantage concurrentiel procuré par celles-ci et que, par cette restitution, le bénéficiaire perd l’avantage dont il avait bénéficié sur le marché par rapport à ses concurrents [arrêt du 12 mars 2020, Commission/Italie (Aides illégales au secteur hôtelier en Sardaigne), C‑576/18, non publié, EU:C:2020:202, point 151 et jurisprudence citée].

100 Quant au manquement constaté dans la présente affaire, il convient de rappeler, premièrement, que, nonobstant le fait que la République hellénique a pris des mesures en vue de la récupération des aides d’État en cause, elle n’a pas récupéré intégralement ces aides. Cela étant, au vu de la règle, rappelée au point 94 du présent arrêt, selon laquelle l’astreinte doit être adaptée aux circonstances et proportionnée au manquement constaté, il convient de tenir compte du fait que, bien que Larco est demeurée locataire de l’usine métallurgique et du complexe minier de Larymna, à la suite de la sentence arbitrale prononcée le 24 septembre 2020 et rectifiée le 8 octobre 2020, le tribunal arbitral a reconnu le droit de propriété de l’État grec sur ces actifs.

101 Deuxièmement, il y a lieu de souligner le caractère substantiel du montant de l’aide non récupérée. En effet, ce montant, majoré des intérêts, s’élevait, le 14 mai 2020, à 160 millions d’euros.

102 Troisièmement, il convient de tenir compte du fait que le marché sur lequel Larco exerce son activité, notamment celui du ferronickel, est transfrontalier. Par conséquent, les aides illégales et incompatibles non récupérées ont un effet préjudiciable sur le marché, qui ne se limite pas au territoire de la République hellénique.

103 Enfin, il y a lieu de constater une répétition du comportement infractionnel de cet État membre dans le domaine des aides d’État. En effet, la République hellénique a été condamnée, d’une part, dans le cadre de recours en vertu de l’article 108, paragraphe 2, TFUE pour défaut de mise en œuvre de décisions de récupération d’aides, dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts du 1er mars 2012, Commission/Grèce (C‑354/10, non publié, EU:C:2012:109), du 28 juin 2012, Commission/Grèce (C‑485/10, non publié, EU:C:2012:395), du 17 octobre 2013, Commission/Grèce (C‑263/12, non publié, EU:C:2013:673), du 9 novembre 2017, Commission/Grèce (C‑481/16, non publié, EU:C:2017:845), et du 17 janvier 2018, Commission/Grèce (C‑363/16, EU:C:2018:12), ainsi que, d’autre part, dans le cadre de recours en vertu de l’article 228, paragraphe 2, troisième alinéa, CE dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 7 juillet 2009, Commission/Grèce (C‑369/07, EU:C:2009:428).

104 Force est de constater que, en l’espèce, l’atteinte aux règles du traité FUE en matière d’aides d’État revêt un caractère conséquent.

105 En deuxième lieu, s’agissant de la durée de l’infraction, celle-ci doit être évaluée en prenant en considération le moment auquel la Cour apprécie les faits et non pas celui où cette dernière est saisie par la Commission [arrêt du 12 mars 2020, Commission/Italie (Aides illégales au secteur hôtelier en Sardaigne), C‑576/18, non publié, EU:C:2020:202, point 156 et jurisprudence citée].

106 Dans ces conditions, la République hellénique n’ayant pu démontrer qu’il a été mis fin au manquement à son obligation d’exécuter pleinement l’arrêt constatant le manquement, il y a lieu de considérer que ledit manquement perdure depuis plus de quatre ans depuis la date de prononcé dudit arrêt, ce qui constitue une durée considérable.

107 En troisième lieu, en ce qui concerne la capacité de paiement de l’État membre en cause, il ressort de la jurisprudence constante de la Cour qu’il convient de prendre en compte l’évolution récente du PIB de cet État membre, telle qu’elle se présente à la date de l’examen des faits par la Cour [arrêts du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 131 ; du 12 mars 2020, Commission/Italie (Aides illégales au secteur hôtelier en Sardaigne), C‑576/18, non publié, EU:C:2020:202, point 158 et jurisprudence citée, ainsi que du 25 février 2021, Commission/Espagne (Directive données à caractère personnel – Domaine pénal), C‑658/19, EU:C:2021:138, point 83 et jurisprudence citée].

108 Afin de garantir le caractère proportionné et dissuasif des sanctions, la Commission propose de prendre en compte, outre le PIB de l’État membre concerné, le poids institutionnel de celui-ci dans l’Union exprimé par le nombre de voix dont cet État membre dispose au sein du Parlement européen. Cette institution estime également qu’il convient d’utiliser un coefficient d’ajustement de 4,5 afin de garantir le caractère proportionné et dissuasif des sanctions.

109 À cet égard, il convient de rappeler, ainsi qu’il ressort du point 95 du présent arrêt, que les propositions de la Commission concernant l’astreinte ne sauraient lier la Cour et ne constituent qu’une base de référence utile.

110 En effet, les variables mathématiques utilisées par la Commission pour calculer le montant d’une astreinte étant des règles indicatives, qui définissent les lignes de conduite que la Commission entend suivre, elles contribuent à garantir la transparence, la prévisibilité et la sécurité juridique de son action, ainsi que le caractère proportionné du montant des astreintes qu’elle entend proposer (voir, en ce sens, arrêt du 4 juillet 2000, Commission/Grèce, C‑387/97, EU:C:2000:356, points 86 et 87).

111 Dans ce contexte, d’une part, il ressort de la jurisprudence postérieure au 1er avril 2017, date depuis laquelle l’ancien système des voix pondérées déterminant le nombre de voix des États membres au sein du Conseil n’est plus applicable, que la Cour prend en compte, aux fins de l’appréciation de la capacité de paiement de l’État membre en cause, le PIB de cet État membre en tant que facteur prédominant (voir, en ce sens, arrêt du 14 novembre 2018, Commission/Grèce, C‑93/17, EU:C:2018:903, points 141 et 142).

112 D’autre part, s’agissant de la prise en compte du poids institutionnel dans l’Union de l’État membre concerné afin de garantir le caractère proportionné et dissuasif des sanctions, il convient, premièrement, de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence constante de la Cour visée au point 94 du présent arrêt que la proportionnalité des sanctions financières est appréciée au regard du manquement constaté ainsi que de la capacité de paiement de l’État membre concerné.

113 Deuxièmement, il convient de considérer, à l’instar de M. l’avocat général au point 35 de ses conclusions, que l’objectif consistant à fixer des sanctions qui soient suffisamment dissuasives n’exige pas nécessairement la prise en compte du poids institutionnel dans l’Union de l’État membre concerné.

114 En effet, ainsi que l’a relevé, en substance, M. l’avocat général au point 29 de ses conclusions, le poids institutionnel dans l’Union de l’État membre concerné est indépendant des caractéristiques du manquement en cause.

115 Dès lors, la prise en compte du poids institutionnel de l’État membre concerné n’apparaît pas indispensable pour garantir une dissuasion suffisante et amener cet État membre à modifier son comportement actuel ou futur ayant trait à l’octroi des aides d’État.

116 Dans ces conditions, sans préjudice de la possibilité pour la Commission de proposer des sanctions financières fondées sur une pluralité de critères, en vue de permettre, notamment, de maintenir un écart raisonnable entre les divers États membres, il y a lieu de s’appuyer sur le PIB de la République hellénique en tant que facteur prédominant, aux fins de l’appréciation de sa capacité de paiement, sans tenir compte du poids institutionnel de la République hellénique exprimé par le nombre de voix dont cet État membre dispose au sein du Parlement européen aux fins de la fixation de sanctions suffisamment dissuasives et proportionnées.

117 Par ailleurs, quant à la proposition de la Commission d’utiliser un coefficient d’ajustement de 4,5, cette institution n’a pas démontré les critères objectifs sur le fondement desquels elle a fixé la valeur de ce coefficient.

118 En ce qui concerne la périodicité de l’astreinte, la Commission considère que celle-ci doit être journalière.

119 Il convient toutefois de prendre en compte la spécificité des opérations de récupération des aides en cause.

120 À cet égard, il y a lieu de tenir compte du fait que les autorités helléniques ont pris certaines mesures qui pourraient servir de base pour l’exécution de l’arrêt constatant le manquement. Cependant, les conséquences de ces mesures ne pourraient être perçues immédiatement. Il apparaît donc que l’exécution complète de la décision 2014/539 et, partant, de l’arrêt constatant le manquement ne pourra être obtenue à brève échéance.

121 Il s’ensuit que la constatation éventuelle de la fin de l’infraction ne pourrait intervenir qu’au terme d’une période raisonnable permettant une évaluation d’ensemble des résultats obtenus.

122 Dès lors, il convient de déterminer une astreinte semestrielle afin de permettre à la Commission d’apprécier l’état d’avancement des mesures d’exécution de l’arrêt constatant le manquement, eu égard à la situation prévalant à l’issue de la période en question.

123 Au vu de ce qui précède et au regard du pouvoir d’appréciation reconnu à la Cour par l’article 260, paragraphe 3, TFUE, il convient de condamner la République hellénique à payer à la Commission une astreinte de 4 368 000 euros pour chaque période de six mois de retard dans la mise en œuvre des mesures nécessaires pour se conformer à l’arrêt constatant le manquement, à compter de la date de prononcé du présent arrêt et jusqu’à la date de l’exécution complète de l’arrêt constatant le manquement.

 Sur la somme forfaitaire

 Argumentation des parties

124 La Commission propose à la Cour de déterminer le montant de la somme forfaitaire en multipliant un montant journalier par le nombre de jours de persistance de l’infraction.

125 Cette institution propose d’appliquer, pour le calcul de la somme forfaitaire, le même coefficient de gravité et le même facteur « n » que ceux retenus dans le cadre de l’astreinte. En revanche, elle fixe à 1 039 euros par jour le forfait de base. À la différence du calcul de l’astreinte, un coefficient de durée ne serait pas appliqué, au motif que la durée de l’infraction serait déjà prise en compte en multipliant un montant journalier par le nombre de jours de persistance du manquement.

126 La Commission propose ainsi que le montant de la somme forfaitaire soit égal au forfait de base, de 1 039 euros, multiplié par le coefficient de gravité (7) et le facteur « n » (0,51), soit la somme de 3 709,23 euros, elle-même multipliée par le nombre de jours entre la date de prononcé de l’arrêt constatant le manquement et la date d’exécution par l’État membre de ses obligations ou, à défaut, celle de prononcé du présent arrêt.

127 La République hellénique objecte que la somme forfaitaire proposée par la Commission n’est pas adaptée aux circonstances particulières et n’est pas conforme au principe de proportionnalité.

 Appréciation de la Cour

128 Il convient de rappeler, à titre liminaire, que la Cour est habilitée, dans l’exercice du pouvoir d’appréciation qui lui est conféré dans le domaine considéré, à imposer, de façon cumulative, une astreinte et une somme forfaitaire [arrêt du 12 mars 2020, Commission/Italie (Aides illégales au secteur hôtelier en Sardaigne), C‑576/18, non publié, EU:C:2020:202, point 163 et jurisprudence citée].

129 La condamnation au paiement d’une somme forfaitaire et la fixation du montant éventuel de cette somme doivent, dans chaque cas d’espèce, demeurer fonction de l’ensemble des éléments pertinents ayant trait tant aux caractéristiques du manquement constaté qu’à l’attitude propre à l’État membre concerné par la procédure engagée sur le fondement de l’article 260 TFUE. À cet égard, celui-ci investit la Cour d’un large pouvoir d’appréciation afin de décider de l’infliction ou non d’une telle sanction et de déterminer, le cas échéant, son montant [arrêt du 12 mars 2020, Commission/Italie (Aides illégales au secteur hôtelier en Sardaigne), C‑576/18, non publié, EU:C:2020:202, point 164 et jurisprudence citée].

130 Dans la présente affaire, l’ensemble des éléments juridiques et factuels ayant abouti à la constatation du manquement constitue un indicateur de ce que la prévention effective de la répétition future d’infractions analogues au droit de l’Union est de nature à requérir l’adoption d’une mesure dissuasive, telle que l’imposition d’une somme forfaitaire.

131 Dans ces circonstances, il appartient à la Cour, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, de fixer le montant de cette somme forfaitaire de telle sorte qu’elle soit, d’une part, adaptée aux circonstances et, d’autre part, proportionnée à l’infraction commise (arrêt du 14 novembre 2018, Commission/Grèce, C‑93/17, EU:C:2018:903, point 156 et jurisprudence citée).

132 Figurent notamment au rang des facteurs pertinents à cet égard des éléments tels que la gravité de l’infraction constatée et la période durant laquelle celle-ci a persisté depuis le prononcé de l’arrêt l’ayant constatée (arrêt du 14 novembre 2018, Commission/Grèce, C‑93/17, EU:C:2018:903, point 157 et jurisprudence citée).

133 Les circonstances de l’espèce devant être prises en compte ressortent notamment des motifs figurant aux points 97 à 117 du présent arrêt, relatifs à la gravité et à la durée de l’infraction ainsi qu’à la capacité de paiement de l’État membre en cause.

134 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il est fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce en fixant à 5 500 000 euros le montant de la somme forfaitaire que la République hellénique devra acquitter.

135 Il convient, par conséquent, de condamner la République hellénique à payer à la Commission une somme forfaitaire de 5 500 000 euros.

 Sur les dépens

136 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République hellénique et le manquement ayant été constaté, il y a lieu de condamner cette dernière aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) déclare et arrête :

1) En n’ayant pas pris toutes les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du 9 novembre 2017, Commission/Grèce (C‑481/16, non publié, EU:C:2017:845), la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 260, paragraphe 1, TFUE.

2) La République hellénique est condamnée à payer à la Commission européenne une astreinte d’un montant de 4 368 000 euros pour chaque période de six mois à compter de la date de prononcé du présent arrêt jusqu’à la date de l’exécution complète de l’arrêt du 9 novembre 2017, Commission/Grèce (C‑481/16, non publié, EU:C:2017:845).

3) La République hellénique est condamnée à verser à la Commission européenne une somme forfaitaire de 5 500 000 euros.

4) La République hellénique est condamnée aux dépens.