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Décisions

Cass. com., 20 octobre 2021, n° 20-15.736

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Vaissette

Avocat :

SCP L. Poulet-Odent

Reims, du 28 janv. 2020

28 janvier 2020

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 28 janvier 2020), la société Au Chantilly, dont M. [B] était le gérant et l'associé, a été mise en liquidation judiciaire le 13 décembre 2016, la cessation des paiements étant fixée au 2 octobre 2016 et la société [R] [G] désignée liquidateur. La date de la cessation des paiements a été reportée au 13 juin 2015 par un jugement du 22 mai 2018.

2. Sur la requête du procureur de la République, le tribunal a prononcé la faillite personnelle de M. [B] pour une durée de cinq ans.

Examen des moyens

Sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. M. [B] fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que le virement de la somme de 34 075,21 euros correspondant au remboursement de son compte courant d'associé constituait un détournement d'actif et de prononcer sa faillite personnelle pour une durée de 18 mois, alors « que le remboursement d'un compte courant d'associé ne peut constituer un détournement d'actif, car il s'agit du remboursement d'une dette de société ; qu'en ayant jugé le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 653-4 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 653-4, 5°et L. 653-5, 4° du code de commerce :

4. L'avance en compte courant consentie par un associé à une société est, sauf stipulation contraire, remboursable à tout moment. Son remboursement constitue dès lors le paiement d'une dette de la société, sans pouvoir être qualifié de détournement d'actif pour l'application du premier de ces textes.

5. Selon le second, une mesure de faillite personnelle peut être prononcée contre un dirigeant ayant payé ou fait payer, après cessation des paiements et en connaissance de cause de celle-ci, un créancier au préjudice des autres créanciers.

6. Pour prononcer la faillite personnelle de M. [B], l'arrêt retient que le remboursement de son compte courant, effectué par virement le 10 mars 2015, a été opéré avant la cessation des paiements de la société Au Chantilly, alors que la société n'avait plus d'activité, qu'elle avait un passif très important et que, nonobstant l'acquittement partiel des dettes sociales par M. [B], celui-ci ne pouvait ignorer que le remboursement du compte courant d'associé pour un montant conséquent de 34 075,21 euros allait précipiter la chute d'une entreprise qui n'avait plus de rentrées d'argent et entraîner de manière inéluctable l'état de cessation des paiements qui est d'ailleurs survenu quelques semaines après. Il en déduit que ce comportement peut être analysé comme un paiement préférentiel réalisé au détriment des autres créanciers de la société et que le tribunal a retenu, à bon droit, que ce virement constituait un détournement d'actif.

7. En statuant ainsi, alors que le remboursement du compte courant ne pouvait constituer un détournement d'actif et qu'intervenu avant le 10 mars 2015 quand la date de la cessation des paiements avait été reportée au 13 juin 2015, il ne pouvait davantage être qualifié de paiement préférentiel permettant de prononcer une faillite personnelle, la cour d'appel a violé les texte susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

9. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'infirmant le jugement, il dit que les griefs tenant à l'absence de comptabilité et au détournement d'actif de la somme de 14 395,30 euros au profit de Mme [B] ne peuvent être retenus à l'encontre de M. [B], l'arrêt rendu le 28 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Reims.