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Décisions

CJUE, 3e ch., 20 janvier 2022, n° C-891/19 P

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Commission européenne

Défendeur :

Hubei Xinyegang Special Tube Co. Ltd, ArcelorMittal Tubular Products Roman SA, Válcovny trub Chomutov a.s., Vallourec Deutschland GmbH

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

A. Prechal (rapporteure)

Juges :

J. Passer, F. Biltgen, L. S. Rossi, N. Wahl

Avocat général :

G. Pitruzzella

Avocat :

G. Berrisch

CJUE n° C-891/19 P

20 janvier 2022

LA COUR (troisième chambre),

Arrêt

1 Par son pourvoi, la Commission européenne demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 24 septembre 2019, Hubei Xinyegang Special Tube/Commission (T 500/17, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2019:691), par lequel celui-ci a annulé le règlement d’exécution (UE) 2017/804 de la Commission, du 11 mai 2017, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de certains tubes et tuyaux sans soudure en fer (à l’exclusion de la fonte) ou en acier (à l’exclusion de l’acier inoxydable), de section circulaire et d’un diamètre extérieur excédant 406,4 mm, originaires de la République populaire de Chine (JO 2017, L 121, p. 3, ci-après le « règlement litigieux »), en tant que ce règlement concernait les produits fabriqués par Hubei Xinyegang Special Tube Co. Ltd (ci-après « Hubei »).

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Organisation mondiale du commerce

2 Par la décision 94/800/CE du Conseil, du 22 décembre 1994, relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, des accords des négociations multilatérales du cycle de l’Uruguay (1986-1994) (JO 1994, L 336, p. 1), le Conseil de l’Union européenne a approuvé l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC), signé à Marrakech le 15 avril 1994, ainsi que les accords figurant aux annexes 1 à 3 de cet accord, au nombre desquels figure l’accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (JO 1994, L 336, p. 103, ci-après l’« accord antidumping »).

3 L’article 3 de l’accord antidumping, intitulé « Détermination de l’existence d’un dommage », prévoit :

« 3.1 La détermination de l’existence d’un dommage aux fins de l’article VI [de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) de 1994] se fondera sur des éléments de preuve positifs et comportera un examen objectif a) du volume des importations faisant l’objet d’un dumping et de l’effet des importations faisant l’objet d’un dumping sur les prix des produits similaires sur le marché intérieur, et b) de l’incidence de ces importations sur les producteurs nationaux de ces produits.

3.2 [...] Pour ce qui concerne l’effet des importations faisant l’objet d’un dumping sur les prix, les autorités chargées de l’enquête examineront s’il y a eu, dans les importations faisant l’objet d’un dumping, sous-cotation notable du prix par rapport au prix d’un produit similaire du membre importateur, ou si ces importations ont, d’une autre manière, pour effet de déprimer les prix dans une mesure notable ou d’empêcher dans une mesure notable des hausses de prix qui, sans cela, se seraient produites. Un seul ni même plusieurs de ces facteurs ne constitueront pas nécessairement une base de jugement déterminante.

[...]

3.5 Il devra être démontré que les importations faisant l’objet d’un dumping causent, par les effets du dumping, tels qu’ils sont définis aux paragraphes 2 et 4, un dommage au sens du présent accord. La démonstration d’un lien de causalité entre les importations faisant l’objet d’un dumping et le dommage causé à la branche de production nationale se fondera sur l’examen de tous les éléments de preuve pertinents dont disposent les autorités. Celles-ci examineront aussi tous les facteurs connus autres que les importations faisant l’objet d’un dumping qui, au même moment, causent un dommage à la branche de production nationale, et les dommages causés par ces autres facteurs ne devront pas être imputés aux importations faisant l’objet d’un dumping. [...]

[...] »

 Le règlement de base

4 Le considérant 3 du règlement (UE) 2016/1036 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de l’Union européenne (JO 2016, L 176, p. 21, ci-après le « règlement de base »), énonce :

« Afin d’assurer une application appropriée et transparente des règles de l’accord antidumping [...], il convient de transposer, dans toute la mesure du possible, les termes de cet accord dans le droit de l’Union. »

5 L’article 1er du règlement de base, intitulé « Principes », dispose :

« 1. Peut être soumis à un droit antidumping tout produit faisant l’objet d’un dumping lorsque sa mise en libre pratique dans l’Union cause un préjudice.

2. Un produit est considéré comme faisant l’objet d’un dumping lorsque son prix à l’exportation vers l’Union est inférieur au prix comparable, pratiqué au cours d’opérations commerciales normales pour un produit similaire dans le pays exportateur.

[...]

4. Aux fins de l’application du présent règlement, on entend par “produit similaireˮ un produit identique, c’est-à-dire semblable à tous égards au produit considéré, ou, en l’absence d’un tel produit, un autre produit qui, bien qu’il ne lui soit pas semblable à tous égards, présente des caractéristiques ressemblant étroitement à celles du produit considéré. »

6 L’article 2 de ce règlement, intitulé « Détermination de l’existence d’un dumping », est libellé comme suit :

« [...]

D. Marge de dumping

11. Sous réserve des dispositions pertinentes régissant la comparaison équitable, l’existence de marges de dumping au cours de la période d’enquête est normalement établie sur la base d’une comparaison d’une valeur normale moyenne pondérée avec la moyenne pondérée des prix de toutes les exportations vers l’Union ou sur la base d’une comparaison des valeurs normales individuelles et des prix à l’exportation individuels vers l’Union, transaction par transaction. Toutefois, une valeur normale établie sur une moyenne pondérée peut être comparée aux prix de toutes les exportations individuelles vers l’Union si la configuration des prix à l’exportation diffère sensiblement entre les différents acquéreurs, régions ou périodes et si les méthodes spécifiées dans la première phrase du présent paragraphe ne permettraient pas de refléter l’ampleur réelle du dumping pratiqué. Le présent paragraphe n’exclut pas le recours à l’échantillonnage conformément à l’article 17.

[...] »

7 Aux termes de l’article 3 du règlement de base, intitulé « Détermination de l’existence d’un préjudice » :

« 1. Pour les besoins du présent règlement, le terme “préjudiceˮ s’entend, sauf indication contraire, d’un préjudice important causé à l’industrie de l’Union, d’une menace de préjudice important pour l’industrie de l’Union ou d’un retard sensible dans la création d’une telle industrie, et est interprété conformément aux dispositions du présent article.

2. La détermination de l’existence d’un préjudice se fonde sur des éléments de preuve positifs et comporte un examen objectif :

a) du volume des importations faisant l’objet d’un dumping et de l’effet de ces importations sur les prix des produits similaires sur le marché de l’Union ; et

b) de l’incidence de ces importations sur l’industrie de l’Union.

3. En ce qui concerne le volume des importations faisant l’objet d’un dumping, on examine s’il y a eu une augmentation notable des importations faisant l’objet d’un dumping, soit en quantités absolues, soit par rapport à la production ou à la consommation dans l’Union. En ce qui concerne l’effet des importations faisant l’objet d’un dumping sur les prix, on examine s’il y a eu, pour les importations faisant l’objet d’un dumping, une sous-cotation notable du prix par rapport au prix d’un produit similaire de l’industrie de l’Union ou si ces importations ont, d’une autre manière, pour effet de déprimer sensiblement les prix ou d’empêcher dans une mesure notable des hausses de prix qui, sans cela, se seraient produites. Un seul ou plusieurs de ces facteurs ne constituent pas nécessairement une base de jugement déterminante.

[...]

5. L’examen de l’incidence des importations faisant l’objet d’un dumping sur l’industrie de l’Union concernée comporte une évaluation de tous les facteurs et indices économiques pertinents qui influent sur la situation de cette industrie [...].

6. Il doit être démontré à l’aide de tous les éléments de preuve pertinents présentés en relation avec le paragraphe 2 que les importations faisant l’objet d’un dumping causent un préjudice au sens du présent règlement. En l’occurrence, cela implique la démonstration que le volume et/ou les niveaux des prix visés au paragraphe 3 ont un impact sur l’industrie de l’Union au sens du paragraphe 5 et que cet impact est tel qu’on puisse le considérer comme important.

7. Les facteurs connus, autres que les importations faisant l’objet d’un dumping, qui, au même moment, causent un préjudice à l’industrie de l’Union sont aussi examinés de manière que le préjudice causé par ces autres facteurs ne soit pas attribué aux importations faisant l’objet d’un dumping au sens du paragraphe 6. [...]

8. L’effet des importations faisant l’objet d’un dumping est évalué par rapport à la production de l’industrie de l’Union du produit similaire lorsque les données disponibles permettent d’identifier cette production séparément sur la base de critères tels que les procédés de production, les ventes et les bénéfices des producteurs. [...]

[...] »

8 L’article 4 de ce règlement, intitulé « Définition de l’industrie de l’Union », énonce :

« 1. Aux fins du présent règlement, on entend par “industrie de l’Unionˮ l’ensemble des producteurs de l’Union de produits similaires ou ceux d’entre eux dont les productions additionnées constituent une proportion majeure au sens de l’article 5, paragraphe 4, de la production de l’Union totale de ces produits ; [...]

[...]

4. Les dispositions de l’article 3, paragraphe 8, s’appliquent au présent article. »

9 L’article 17 du règlement de base, intitulé « échantillonnage », prévoit :

« 1. Dans les cas où le nombre de plaignants, d’exportateurs ou d’importateurs, de types de produits ou de transactions est important, l’enquête peut se limiter à un nombre raisonnable de parties, de produits ou de transactions en utilisant des échantillons statistiquement représentatifs d’après les renseignements disponibles au moment du choix ou au plus grand volume de production, de ventes ou d’exportations sur lequel l’enquête peut raisonnablement porter compte tenu du temps disponible.

2. Le choix final des parties, types de produits ou transactions, effectué en application desdites dispositions relatives à l’échantillonnage, appartient à la Commission, mais la préférence est accordée au choix d’un échantillon en concertation avec les parties intéressées ou avec leur consentement, sous réserve que ces parties se fassent connaître et fournissent suffisamment de renseignements dans les trois semaines suivant l’ouverture de l’enquête afin de permettre le choix d’un échantillon représentatif.

[...] »

 Les antécédents du litige

10 Les antécédents du litige ont été exposés aux points 1 à 7 de l’arrêt attaqué et peuvent, pour les besoins du présent arrêt, être résumés comme suit.

11 Le 13 février 2016, à la suite du dépôt d’une plainte, la Commission a ouvert une enquête antidumping concernant les importations de certains tubes et tuyaux sans soudure en fer, à l’exclusion de la fonte, ou en acier, à l’exclusion de l’acier inoxydable, de section circulaire et d’un diamètre extérieur excédant 406,4 mm (ci-après le « produit considéré ») en provenance de la Chine.

12 Au cours de l’enquête, Hubei, une société établie en Chine qui produit et exporte vers l’Union des tubes et des tuyaux sans soudure, a été sélectionnée pour faire partie de l’échantillon des producteurs-exportateurs chinois en application de l’article 17 du règlement de base.

13 Le 11 novembre 2016, la Commission a adopté le règlement (UE) 2016/1977 instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de certains tubes et tuyaux sans soudure en fer (à l’exclusion de la fonte) ou en acier (à l’exclusion de l’acier inoxydable), de section circulaire et d’un diamètre extérieur excédant 406,4 mm, originaires de la République populaire de Chine (JO 2016, L 305, p. 1).

14 Le 11 mai 2017, la Commission a adopté le règlement litigieux dont l’article 1er prévoit l’imposition d’un droit antidumping définitif à tous les producteurs-exportateurs chinois du produit considéré. S’agissant des produits fabriqués et exportés par Hubei, le taux du droit antidumping a été fixé à 54,9 %.

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

15 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 août 2017, Hubei a demandé l’annulation du règlement litigieux.

16 Par ordonnance du 24 janvier 2018, le président de la septième chambre du Tribunal a admis ArcelorMittal Tubular Products Roman SA, Válcovny trub Chomutov a.s. et Vallourec Deutschland GmbH (ci-après « ArcelorMittal e.a. ») à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

17 À l’appui de son recours, Hubei a invoqué quatre moyens. Le premier moyen était tiré d’une violation de l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base et de l’article 3, paragraphes 3.1 et 3.2, de l’accord antidumping. Le deuxième moyen était tiré d’une violation de l’article 3, paragraphe 6, de ce règlement et de l’article3, paragraphe 3.5, de cet accord. Le troisième moyen était tiré d’une erreur manifeste d’appréciation dans l’établissement du lien de causalité, au sens de l’article 3, paragraphes 6 et 7, du règlement de base. Enfin, le quatrième moyen était pris de la violation de « l’obligation de diligence et de bonne administration ». Seuls les premier et deuxième moyens ont été examinés par le Tribunal et présentent donc un intérêt pour la présente procédure.

18 Par son premier moyen, pris en sa première branche, Hubei faisait valoir que, en analysant, dans le cadre de la détermination de l’existence d’un préjudice, la sous-cotation des prix sur la base de la période d’enquête, à savoir l’année 2015, la Commission a commis une erreur de droit. Cette première branche fut rejetée par le Tribunal aux points 48 à 52 de l’arrêt attaqué qui ne sont pas concernés par le présent pourvoi.

19 En revanche, le Tribunal a fait droit à la seconde branche du premier moyen invoqué par Hubei relative à la méthode retenue par la Commission, dans le cadre de la détermination de l’existence d’un préjudice, pour comparer les prix des importations en dumping et ceux des produits vendus par l’industrie de l’Union aux fins de l’analyse de la sous-cotation des prix.

20 À cet égard, d’une part, le Tribunal a, en substance, jugé, aux points 59 à 67 de l’arrêt attaqué, que, alors que la Commission avait relevé l’existence de trois segments de marché relatifs au produit considéré ayant trait, le premier, au pétrole et au gaz, le deuxième, à la construction et, le troisième, à la production d’électricité, la Commission n’a pas tenu compte de cette segmentation dans le cadre de son analyse de la sous-cotation des prix et, d’une façon plus générale, dans le cadre de l’examen de l’effet des importations faisant l’objet d’un dumping sur les prix des produits similaires sur le marché de l’Union. Partant, la Tribunal a retenu que la Commission n’a pas fondé son analyse sur l’ensemble des données pertinentes du cas d’espèce, en violation de l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base.

21 Pour parvenir à cette conclusion, le Tribunal s’est notamment fondé sur le rapport de l’organe d’appel établi par l’organe de règlement des différends de l’OMC dans le différend « Chine – Mesures imposant des droits antidumping sur les tubes, sans soudure, en acier inoxydable haute performance “HP-SSST” en provenance du Japon » (WT/DS 454/AB/R et WT/DS 460/AB/R, rapport du 14 octobre 2015, ci–après le « rapport de l’organe d’appel “HP-SSST” ») et sur son propre arrêt du 28 octobre 2004, Shanghai Teraoka Electronic/Conseil (T 35/01, EU:T:2004:317).

22 D’autre part, aux points 68 à 75 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé, en substance, que la Commission, en ce qu’elle n’a pas pris en compte, dans le cadre de l’analyse de la sous-cotation des prix, un certain volume de produit considéré fabriqué par les producteurs de l’Union échantillonnés, à savoir les 17 des 66 types de produits, dénommés « numéros de contrôle de produit » (ci-après le ou les « NCP »), représentant 8 % du volume des ventes desdits producteurs, non exportés par les producteurs-exportateurs chinois échantillonnés, n’a pas tenu compte de l’ensemble des données pertinentes du cas d’espèce, en violation de l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base.

23 Enfin, le Tribunal a considéré, aux points 77 à 79 de l’arrêt attaqué, que les conclusions auxquelles il était parvenu ne pouvaient être remises en cause par les éléments versés par la Commission au dossier après l’audience.

24 Aux points 82 à 89 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a également fait droit au deuxième moyen soulevé par Hubei en jugeant, en substance, que, ayant retenu, dans le cadre du premier moyen, que la Commission n’a pas tenu compte de tous les éléments pertinents aux fins de la détermination de la sous-cotation des prix et de l’effet des importations sur les prix des produits similaires sur le marché de l’Union, il y avait lieu de considérer que, en conséquence, la conclusion de la Commission relative à l’existence d’un lien de causalité, au sens de l’article 3, paragraphe 6, du règlement de base, reposait sur une base factuelle incomplète, de sorte que la Commission n’avait pas tenu compte, dans l’analyse du lien de causalité, de l’ensemble des données pertinentes du cas d’espèce.

25 Partant, le Tribunal a accueilli les premier et deuxième moyens du recours et, en conséquence, a annulé le règlement litigieux, en tant qu’il concerne Hubei, sans examiner les deux autres moyens avancés par celle-ci.

 Les conclusions des parties

26 La Commission demande à la Cour :

– d’annuler l’arrêt attaqué ;

– de rejeter, comme étant non fondés en droit, les premier et deuxième moyens du recours en première instance ;

– de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il examine les autres moyens, et

– de réserver les dépens du pourvoi et de la procédure en première instance.

27 Hubei demande à la Cour :

– de rejeter le pourvoi ;

– à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal afin que celui-ci examine les troisième et quatrième moyens du recours en première instance, et

– de condamner la Commission aux dépens du pourvoi et de la procédure en première instance.

28 ArcelorMittal e.a. demandent à la Cour :

– d’annuler l’arrêt attaqué ;

– de rejeter les premier et deuxième moyens du recours en première instance comme étant non fondés en droit ;

– de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour que celui-ci statue sur les troisième et quatrième moyens du recours en première instance ;

– de condamner Hubei à supporter les dépens du pourvoi, et

– de réserver les dépens pour le surplus.

 Sur le pourvoi

29 Au soutien de son pourvoi, la Commission avance six moyens tirés, le premier, de ce que le Tribunal a jugé à tort qu’elle était tenue d’effectuer une analyse de la sous-cotation des prix par segment de marché, le deuxième, de ce que le Tribunal a jugé à tort que la méthode des NCP n’était pas adéquate pour tenir compte de la segmentation du marché, le troisième, d’une erreur d’interprétation de l’obligation de motivation et de la dénaturation des éléments de preuve commises par le Tribunal, le quatrième, d’une interprétation erronée de l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base, le cinquième, d’une violation de l’article 17 de ce règlement, et, le sixième, d’une erreur de droit, en ce que le Tribunal a exercé un contrôle juridictionnel trop intensif lors de son examen de l’analyse de la sous-cotation des prix effectuée par la Commission.

 Observations liminaires

30 À titre liminaire, il convient, en premier lieu, de relever qu’il ressort du considérant 3 de ce règlement que, afin d’assurer une application appropriée et transparente des règles de l’accord antidumping, ledit règlement a notamment pour objet de transposer, dans toute la mesure du possible, les termes de cet accord dans le droit de l’Union. Comme l’a souligné le Tribunal au point 54 de l’arrêt attaqué, qui ne fait pas l’objet des critiques de la Commission dans son pourvoi, les dispositions de l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base sont substantiellement identiques à celles de l’article 3, paragraphes 3.1 et 3.2, dudit accord, qui ont spécialement fait l’objet d’une interprétation dans le rapport de l’organe d’appel « HP-SSST ».

31 À cet égard, il convient de rappeler que la primauté des accords internationaux conclus par l’Union sur les textes de droit dérivé de l’Union commande d’interpréter ces derniers, dans la mesure du possible, en conformité avec ces accords (voir, notamment, arrêt du 10 novembre 2011, X et X BV, C 319/10 et C 320/10, non publié, EU:C:2011:720, point 44 ainsi que jurisprudence citée).

32 En outre, la Cour a déjà jugé que le principe de droit international général de respect des engagements contractuels (pacta sunt servanda), consacré à l’article 26 de la convention de Vienne sur le droit des traités, du 23 mai 1969 (Recueil des traités des Nations unies, vol. 1155, p. 331), implique que le juge de l’Union doit, aux fins de l’interprétation et de l’application de l’accord antidumping, tenir compte de l’interprétation des différentes dispositions de cet accord que l’organe de règlement des différends de l’OMC a adoptée [voir, par analogie, arrêt du 6 octobre 2020, Commission/Hongrie (Enseignement supérieur), C 66/18, EU:C:2020:792, point 92].

33 Ainsi, la Cour s’est déjà référée à des rapports d’un groupe spécial ou de l’organe d’appel de l’OMC au soutien de son interprétation de certaines dispositions d’accords figurant en annexe de l’accord instituant l’OMC (voir, notamment, arrêt du 10 novembre 2011, X et X BV, C 319/10 et C 320/10, non publié, EU:C:2011:720, point 45 ainsi que jurisprudence citée).

34 Partant, c’est à juste titre que le Tribunal, ainsi qu’il ressort notamment des points 53 et 54 de l’arrêt attaqué, a considéré, en substance, que rien ne s’opposait, en l’espèce, à ce qu’il fasse référence au rapport de l’organe d’appel « HP-SSST » relatif à l’interprétation de l’article 3, paragraphes 3.1. et 3.2, de l’accord antidumping aux fins de procéder à l’interprétation des dispositions, substantiellement identiques, de l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base.

35 En second lieu, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, dans le domaine de la politique commerciale commune, et tout particulièrement en matière de mesures de défense commerciale, les institutions de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation en raison de la complexité des situations économiques et politiques qu’elles doivent examiner (arrêt du 18 octobre 2018, Gul Ahmed Textile Mills/Conseil, C 100/17 P, EU:C:2018:842, point 63 et jurisprudence citée).

36 Il est également de jurisprudence constante que ce large pouvoir d’appréciation porte notamment sur la détermination de l’existence d’un préjudice causé à l’industrie de l’Union dans le cadre d’une procédure antidumping. Le contrôle juridictionnel d’une telle appréciation doit ainsi être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation de ces faits ou de l’absence de détournement de pouvoir. Tel est, notamment, le cas en ce qui concerne la détermination des facteurs qui causent un préjudice à l’industrie de l’Union dans le cadre d’une enquête antidumping (arrêt du 10 septembre 2015, Bricmate, C 569/13, EU:C:2015:572, point 46 et jurisprudence citée).

37 La Cour a aussi itérativement jugé que le contrôle par le Tribunal des éléments de preuve sur lesquels les institutions de l’Union fondent leurs constatations ne constitue pas une nouvelle appréciation des faits remplaçant celle de ces institutions. Ce contrôle n’empiète pas sur le large pouvoir d’appréciation desdites institutions dans le domaine de la politique commerciale, mais se limite à relever si ces éléments sont de nature à étayer les conclusions tirées par celles-ci. Il appartient, dès lors, au Tribunal non seulement de vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également de contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à fonder les conclusions qui en sont tirées (arrêt du 10 juillet 2019, Caviro Distillerie e.a./Commission, C 345/18 P, non publié, EU:C:2019:589, point 16 ainsi que jurisprudence citée).

 Sur les premier à troisième moyens

38 Par ses premier à troisième moyens, la Commission, soutenue par ArcelorMittal e.a., conteste les points 59 à 67 de l’arrêt attaqué par lesquels le Tribunal a jugé, en substance, que la Commission, en ne tenant pas compte de la segmentation du marché du produit considéré dans le cadre de son analyse de la sous-cotation des prix et, d’une façon plus générale, de l’effet des importations faisant l’objet d’un dumping sur les prix des produits similaires sur le marché de l’Union, n’a pas fondé son analyse sur l’ensemble des données pertinentes du cas d’espèce, en violation de l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base.

 Argumentation des parties

–  Sur le premier moyen, tiré de ce que le Tribunal a jugé à tort que la Commission était tenue d’effectuer une analyse de la sous-cotation des prix par segment de marché

39 Par la première branche de son premier moyen, la Commission reproche au Tribunal d’avoir enfreint l’article 1er, paragraphes 2 et 4, l’article 3, paragraphes 2, 3 et 8, ainsi que l’article 4 du règlement de base, en jugeant qu’elle était tenue d’effectuer un examen distinct de la sous-cotation des prix pour chaque segment de marché du produit considéré.

40 Il découlerait de ces dispositions qu’il est suffisant que la Commission analyse la sous-cotation des prix au niveau du « produit similaire », au sens de l’article 1er, paragraphe 4, du règlement de base, en examinant son incidence sur l’« industrie de l’Union », au sens de l’article 4 de ce règlement.

41 En revanche, rien dans lesdites dispositions n’indiquerait une obligation d’effectuer une analyse de la sous-cotation des prix séparément pour chaque segment de marché du produit considéré.

42 En imposant une telle obligation, le Tribunal aurait exigé une analyse de la sous-cotation des prix qui est fondée sur la notion du marché du produit pertinent propre au droit de la concurrence de l’Union. Or, cette notion serait très différente de celle du « produit similaire » retenue par le législateur de l’Union dans le cadre de la réglementation antidumping, en particulier aux fins de l’analyse de la sous-cotation des prix.

43 Par la deuxième branche de son premier moyen, la Commission fait grief au Tribunal d’avoir erronément fondé l’exigence d’une analyse de la sous-cotation des prix séparément pour chaque segment de marché uniquement sur deux précédents, à savoir le rapport de l’organe d’appel « HP-SSST » et l’arrêt du 28 octobre 2004, Shanghai Teraoka Electronic/Conseil (T 35/01, EU:T:2004:317).

44 Ainsi, le Tribunal aurait dénaturé les faits sous-tendant ces précédents qui sont tout à fait différents de ceux sous-tendant la présente espèce.

45 En effet, d’une part, dans les cas de figure en cause dans ces deux précédents, aucune sous-cotation des prix n’aurait été constatée au niveau du produit similaire alors que, dans le règlement litigieux, la Commission aurait constaté une sous-cotation des prix à ce niveau.

46 D’autre part, contrairement à la situation en cause dans le rapport de l’organe d’appel « HP-SSST », dans laquelle les importations en dumping et les ventes intérieures étaient concentrées dans différents segments de marché, dans le règlement litigieux, la Commission aurait constaté une concentration des ventes intérieures et des importations en dumping dans les mêmes segments de marché et à des niveaux similaires.

47 Par la troisième branche de son premier moyen, la Commission reproche au Tribunal d’avoir interprété erronément le règlement litigieux ou, à titre subsidiaire, d’avoir effectué une qualification juridique erronée des faits lorsqu’il a jugé, au point 67 de l’arrêt attaqué, que les faits, constatés aux points 59, 61, 62 et 64 de cet arrêt, constituaient des circonstances exceptionnelles nécessitant une analyse de la sous-cotation des prix par segment de marché.

48 À titre liminaire, Hubei soutient que le pourvoi est inopérant dans la mesure où la Commission conteste l’arrêt attaqué en tant qu’il impose une analyse de la sous-cotation des prix séparément pour chaque segment de marché. En effet, le Tribunal n’aurait pas imposé une telle analyse, mais aurait uniquement considéré, aux points 45, 66 et 67 de l’arrêt attaqué, que le règlement litigieux enfreint l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base en ce que, au vu des éléments de fait dont elle disposait, la Commission n’a pas tenu compte de la segmentation du marché du produit considéré dans le cadre de son analyse de la sous-cotation des prix. En outre, dans la mesure où la Commission met en cause la pertinence de certaines constatations factuelles opérées par le Tribunal sans invoquer une dénaturation d’éléments de preuve, son argumentation serait irrecevable.

49 Sur le fond, Hubei soutient que la première branche du premier moyen n’est pas fondée. En effet, il découlerait de la référence, à l’article 3, paragraphe 2, sous a), et à l’article 4, paragraphe 1, dudit règlement, à des « produits similaires », que la notion de « produit similaire » est susceptible de recouvrir plusieurs types de produits et, partant, plusieurs segments, ce qui est corroboré par la jurisprudence de la Cour.

50 En outre, l’organe d’appel établi par l’organe de règlement des différends de l’OMC aurait souligné l’importance d’examiner l’existence de différents segments de marché dans l’analyse de la sous-cotation des prix et l’arrêt attaqué serait conforme à ces constatations.

51 Selon Hubei, s’il n’existe aucune obligation d’établir l’existence d’une sous-cotation des prix pour chaque type de produit ou segment de marché, la Commission est tenue d’examiner tous les éléments de preuve pertinents, y compris le point de savoir si l’existence de différents segments de marché peut avoir une incidence globale sur l’analyse des effets des importations en dumping sur les prix et, en particulier, sur la sous-cotation des prix.

52 S’agissant de la deuxième branche du premier moyen, Hubei soutient que la base juridique sur laquelle s’est fondé le Tribunal pour annuler le règlement litigieux est la violation de l’obligation, imposée à la Commission en vertu de l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base, de fonder son analyse en matière de sous-cotation des prix sur l’ensemble des données pertinentes et, partant, la violation de l’obligation de déterminer le préjudice sur des éléments de preuve positifs et sur un examen objectif.

53 Le Tribunal se serait référé à bon droit à deux précédents, à savoir le rapport de l’organe d’appel « HP-SSST » et l’arrêt du 28 octobre 2004, Shanghai Teraoka Electronic/Conseil (T 35/01, EU:T:2004:317), pour affirmer que, lorsqu’il existe différents segments de marché qui présentent des différences de prix substantielles, il est nécessaire de tenir compte de l’incidence de cette segmentation sur l’analyse de la sous-cotation des prix.

54 En outre, plusieurs allégations de la Commission concernant ces deux précédents seraient inexactes.

55 Enfin, l’affirmation de la Commission selon laquelle, dans la présente affaire, tant les importations chinoises que les produits vendus par l’industrie de l’Union se concentraient dans le même segment de marché ne figurerait pas dans le règlement litigieux, comme le Tribunal l’a correctement constaté. Or, Hubei aurait soutenu, dès la procédure administrative, que les importations chinoises se concentraient dans un segment de marché autre que celui dans lequel étaient concentrés les produits fabriqués par l’industrie de l’Union.

56 Hubei fait valoir que la troisième branche du premier moyen doit également être rejetée. En effet, d’une part, les parties intéressées auraient abordé la question de l’existence de différents segments de marché non pas dans le contexte de la définition du produit considéré, mais dans celui du préjudice et du lien de causalité. D’autre part, quant à l’ajustement auquel a procédé la Commission pour calculer la marge de préjudice en raison de la situation économique et de la rentabilité de la plus grande société de l’échantillon de producteurs de l’Union dont fait état le considérant 8 du règlement 2016/1977, Hubei soutient que ces éléments ont clairement une incidence importante sur l’analyse du préjudice.

–  Sur le deuxième moyen, tiré de ce que le Tribunal a jugé à tort que la méthode des NCP n’était pas adéquate pour tenir compte de la segmentation du marché

57 Par son deuxième moyen, la Commission conteste les points 60 et 67 de l’arrêt attaqué dans lesquels le Tribunal a, en substance, considéré que la méthode des NCP n’était pas adéquate pour tenir compte de la segmentation du marché. Ce faisant, le Tribunal aurait mal interprété le considérant 24 du règlement litigieux ainsi que les explications fournies au cours de la procédure administrative et dans les observations orales et écrites de la Commission devant le Tribunal. À titre subsidiaire, la Commission soutient que le Tribunal a dénaturé les éléments de preuve produits à cet égard.

58 La Commission soutient que la méthode des NCP constitue l’analyse la plus détaillée pouvant être effectuée afin de comparer le produit considéré et le produit similaire. Cette méthode, qui ne serait d’ailleurs pas utilisée par des partenaires commerciaux principaux de l’Union, consisterait en une analyse beaucoup plus approfondie que celle effectuée au niveau des segments de marché du produit similaire. En effet, la construction des NCP tiendrait compte de toutes les caractéristiques du produit considéré et permettrait ainsi à la Commission de mettre en correspondance chaque tube ou tuyau produit par le producteur chinois retenu dans l’échantillon avec un tube ou tuyau produit par le producteur de l’Union retenu dans l’échantillon qui est le plus comparable possible. Ainsi, le premier chiffre des NCP ferait référence à l’un des trois segments de marché concernés. Rien ne permettrait de conclure que la Commission, en se fondant sur les NCP, n’a pas tenu compte de certaines caractéristiques propres au produit considéré ou au marché, dont les variations des prix. La méthode des NCP garantirait, par sa conception et son fonctionnement, une analyse par segment de marché.

59 Hubei soutient que, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a uniquement jugé que, au vu des éléments de fait dont la Commission disposait, l’application de la méthode des NCP était en soi insuffisante pour tenir compte de la segmentation du marché.

60 Certes, cette méthode aurait permis à la Commission de déterminer si les importations chinoises relevant d’un NCP ou d’un type de produit spécifique dans un segment de marché spécifique sous-cotaient les prix de vente facturés par les producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon pour le même NCP ou type de produit relevant du même segment de marché. Toutefois, ainsi que le Tribunal l’a correctement indiqué au point 67 de l’arrêt attaqué, cette même méthode n’aurait pas permis à la Commission d’établir l’effet des importations en dumping dans un segment donné sur les prix de vente de l’industrie de l’Union pour des produits relevant d’autres segments.

–  Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur d’interprétation de l’obligation de motivation et d’une dénaturation des éléments de preuve

61 Par la première branche de son troisième moyen, tirée d’une erreur d’interprétation de l’obligation de motivation telle que prescrite à l’article 296 TFUE, la Commission fait grief au Tribunal d’avoir jugé, aux points 77 à 79 de l’arrêt attaqué, que certains éléments de preuve présentés par elle après l’audience à la suite d’une demande du Tribunal et démontrant qu’il existait une sous-cotation des prix pour les trois segments de marché du produit considéré et que les ventes des producteurs de l’Union échantillonnés étaient concentrées, à l’instar des importations en dumping, dans le segment de la construction, ne pouvaient être pris en compte dès lors qu’ils avaient été avancés à un stade tardif de la procédure devant le Tribunal et concernaient des motifs qui n’étaient pas contenus dans le règlement litigieux.

62 Par la seconde branche de son troisième moyen, la Commission soutient que le Tribunal a dénaturé les éléments de preuve dont il disposait en jugeant, au point 78 de l’arrêt attaqué, que l’analyse par segment de marché n’a été effectuée qu’ex post. La distinction entre les différents segments de marché aurait délibérément été internalisée dans l’analyse par la méthode des NCP dont le Tribunal a ignoré ou méconnu et dénaturé le fonctionnement.

63 S’agissant de la première branche du troisième moyen, Hubei soutient que la Commission se fonde à tort sur l’arrêt du 10 septembre 2015, Fliesen-Zentrum Deutschland (C 687/13, EU:C:2015:573), pour soutenir que le Tribunal a commis une erreur d’interprétation de l’obligation de motivation telle que prescrite à l’article 296 TFUE.

64 En effet, ainsi qu’il ressortirait du point 73 de cet arrêt, celui-ci est intervenu dans le contexte d’une situation particulière dans laquelle un importateur n’ayant pas participé à la procédure administrative invoquait une violation de l’obligation de motivation en ce qui concerne des allégations qu’il n’avait pas formulées lui-même. Hubei soutient que sa position est foncièrement différente car, dès le début de la procédure administrative, elle a fait valoir que l’existence de différents segments avait de l’importance pour l’analyse de la sous-cotation des prix.

65 Or, il serait de jurisprudence constante que les institutions sont tenues d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision en cause et que la motivation d’un acte doit figurer dans le corps même de celui-ci.

66 Enfin, Hubei soutient qu’il est inexact de dire qu’elle savait, grâce au dossier administratif, que les ventes des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon et les importations en dumping se concentraient dans le même segment, à savoir celui de la construction, et qu’une sous-cotation des prix avait été constatée dans les trois segments. En effet, pour des raisons de confidentialité, elle n’aurait pas eu accès aux calculs de sous-cotation des prix des autres producteurs chinois.

67 En ce qui concerne la seconde branche du troisième moyen, Hubei fait valoir que, au point 78 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a reproché à la Commission non pas de ne pas avoir appliqué la méthode des NCP par segment, mais de ne pas avoir effectué une analyse par segment. Partant, le Tribunal aurait reproché à la Commission que la méthode des NCP lui a seulement permis d’établir une sous-cotation des prix dans un segment donné, mais ne lui a pas permis d’analyser les effets de la sous-cotation constatée dans un segment sur les prix de vente facturés par des producteurs de l’Union dans un autre segment.

 Appréciation de la Cour

–  Observations liminaires

68 À titre liminaire, il y a lieu de préciser, tout d’abord, ce qu’a reproché exactement le Tribunal à la Commission dans l’arrêt attaqué pour ce qui concerne l’analyse de la sous-cotation des prix que celle-ci a effectuée en l’espèce, dès lors que, sur ce point, les parties s’opposent sur la portée exacte de cet arrêt.

69 À cet égard, ainsi que l’a également relevé, en substance, M. l’avocat général au point 59 de ses conclusions, il ressort des points 65 à 67 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a admis que, dans le cadre de l’analyse de la sous-cotation des prix, la Commission, dès lors qu’elle a appliqué la méthode des NCP, a, dans une certaine mesure, tenu compte de la segmentation du produit considéré. Il a toutefois estimé que, eu égard à quatre éléments factuels de l’espèce caractérisant cette segmentation, à savoir la difficulté d’interchangeabilité du côté de la demande entre produits relevant de différents segments, la variation des prix entre différents segments, la concentration des opérations de la plus grande entreprise échantillonnée de l’industrie de l’Union sur le secteur du pétrole et du gaz et la concentration des importations des producteurs-exportateurs chinois échantillonnés sur le segment de la construction, l’utilisation de cette méthode n’était pas suffisante pour tenir compte de manière adéquate de la segmentation du marché aux fins de l’analyse des effets des importations en dumping sur les prix de l’industrie de l’Union et que, partant, la Commission n’avait pas fondé son analyse sur l’ensemble des données pertinentes du cas d’espèce.

70 Plus précisément, au point 67 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a reproché à la Commission, compte tenu de ces quatre éléments factuels caractérisant la segmentation de l’espèce, de ne pas s’être, à tout le moins, assurée, dans le cadre de son analyse de la sous-cotation des prix, que la baisse des prix de l’industrie de l’Union ne provenait pas d’un segment sur lequel les importations chinoises avaient une faible présence ou un niveau de sous-cotation, à supposer qu’il existe, qui ne pouvait pas être considéré comme « notable », au sens de l’article 3, paragraphe 3, du règlement de base.

71 En effet, comme l’a également relevé M. l’avocat général au point 60 de ses conclusions, par ce point 67 le Tribunal a implicitement mais nécessairement retenu que, si tel était le cas, cette baisse des prix sur le marché de l’Union ne pourrait être considérée comme étant la conséquence des importations faisant l’objet d’un dumping.

72 Ensuite, il y a lieu de relever que, aux termes de l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base, la détermination du préjudice doit s’accompagner d’un examen objectif du volume des importations faisant l’objet d’un dumping, de leur effet sur les prix pratiqués sur le marché de l’Union et de leur incidence sur l’industrie de l’Union. L’article 3, paragraphe 3, de ce règlement prévoit que, en ce qui concerne l’effet des importations faisant l’objet d’un dumping sur les prix, il y a lieu d’examiner s’il y a eu, pour les importations faisant l’objet d’un dumping, une sous-cotation notable du prix par rapport au prix d’un produit similaire de l’industrie de l’Union.

73 Ainsi que l’a observé le Tribunal au point 33 de l’arrêt attaqué, le règlement de base n’impose aucune méthode particulière pour analyser la sous-cotation des prix.

74 Toutefois, comme le souligne la Commission, il ressort des termes mêmes de l’article 3, paragraphe 3, de ce règlement que la méthode suivie pour déterminer une éventuelle sous-cotation des prix doit, en principe, être opérée au niveau du « produit similaire », au sens de l’article 1er, paragraphe 4, dudit règlement, même si celui-ci peut, comme c’est le cas en l’espèce, être composé de différents types de produits relevant de plusieurs segments de marché (voir, en ce sens, arrêt du 5 avril 2017, Changshu City Standard Parts Factory et Ningbo Jinding Fastener/Conseil, C 376/15 P et C 377/15 P, EU:C:2017:269, points 58 et 59).

75 Partant, le règlement de base n’impose, en principe, pas d’obligation à la Commission d’effectuer une analyse de l’existence de la sous-cotation des prix à un niveau autre que celui du produit similaire.

76 Cette interprétation est confirmée par le point 5.180 du rapport de l’organe d’appel « HP-SSST » aux termes duquel l’autorité chargée de l’enquête antidumping n’est pas tenue, au titre de l’article 3, paragraphe 3.2, de l’accord antidumping, d’établir l’existence d’une sous-cotation des prix pour chacun des types de produits visés par l’enquête ou en ce qui concerne toute la gamme des produits constituant le produit national similaire.

77 Toutefois, ainsi que le confirme ce même point 5.180, dès lors que, en vertu de l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base, la Commission est tenue de procéder à un « examen objectif » de l’effet des importations faisant l’objet d’un dumping sur les prix des produits similaires de l’industrie de l’Union, cette institution est obligée de tenir compte dans son analyse de la sous-cotation des prix de tous les éléments de preuve positifs pertinents, y compris, le cas échéant, ceux relatifs aux différents segments de marché du produit considéré.

78 Partant, afin d’assurer l’objectivité de l’analyse de la sous-cotation des prix, la Commission peut, dans certaines circonstances, être tenue de procéder à une telle analyse au niveau des segments du marché du produit en cause, même si le large pouvoir d’appréciation dont dispose cette institution pour déterminer, notamment, l’existence d’un préjudice selon la jurisprudence rappelée au point 36 du présent arrêt s’étend, ainsi que l’a également relevé M. l’avocat général au point 167 de ses conclusions, à tout le moins, aux décisions relatives au choix de la méthode d’analyse, aux données et aux preuves à recueillir, à la méthode de calcul à utiliser pour déterminer la marge de sous-cotation ainsi qu’à l’interprétation et à l’évaluation des données recueillies.

79 Enfin, il y a lieu d’indiquer qu’il en va ainsi, en premier lieu, dans une situation telle que celle en cause dans l’arrêt du 28 octobre 2004, Shanghai Teraoka Electronic/Conseil (T 35/01, EU:T:2004:317), caractérisée par le fait que les importations faisant l’objet de l’enquête antidumping étaient très majoritairement concentrées dans l’un des segments du marché du produit en cause.

80 En effet, comme l’a jugé, en substance, le Tribunal aux points 127 et 129 de cet arrêt, dans une telle situation de segmentation particulièrement caractérisée des importations concernées, l’article 3 du règlement de base ne fait pas obstacle à ce que les institutions de l’Union procèdent à l’évaluation du préjudice séparément au niveau du segment concerné, sous réserve, toutefois, que le produit similaire dans son ensemble soit dûment pris en compte.

81 En second lieu, ainsi que l’a également relevé, en substance, M. l’avocat général au point 77 de ses conclusions, aux fins de l’interprétation de l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base, les enseignements issus du rapport de l’organe d’appel « HP-SSST » peuvent être résumés en ce sens que, dans une situation particulière caractérisée par une forte concentration des ventes intérieures et des importations faisant l’objet d’un dumping sur des segments distincts ainsi que par des différences de prix tout à fait notables entre ces segments, afin de garantir l’objectivité de l’analyse relative à l’existence de la sous-cotation des prix, la Commission, même si elle dispose d’une large marge d’appréciation s’agissant des modalités de cette analyse, peut être tenue de prendre en considération les parts de marché de chaque type de produit et ces différences de prix.

82 En effet, ainsi qu’il ressort des points 5.180 et 5.181 de ce rapport, l’autorité chargée d’une enquête antidumping, dès lors qu’elle a l’obligation d’examiner objectivement l’effet des importations faisant l’objet d’un dumping sur les prix intérieurs, ne peut pas écarter des éléments de preuve pouvant donner à penser que ces importations n’ont pas eu d’effet sur ces prix, ou seulement un effet limité.

83 C’est à la lumière de ces considérations qu’il importe d’examiner les premier à troisième moyens, en commençant par l’examen du troisième moyen eu égard à son incidence potentiellement importante sur les premier et deuxième moyens.

–  Sur le troisième moyen

84 Par son troisième moyen, la Commission fait grief au Tribunal d’avoir jugé, aux points 77 à 79 de l’arrêt attaqué, qu’il ne pouvait être tenu compte de certains éléments factuels relatifs à la segmentation du marché du produit considéré avancés par la Commission après l’audience.

85 Ainsi que l’a également relevé M. l’avocat général aux points 80 et 81 de ses conclusions, il ressort du dossier que, à la suite des débats qui ont eu lieu lors de l’audience devant le Tribunal, la Commission a fourni, conformément à une demande faite par cette juridiction, des données chiffrées résultant de l’application de la méthode des NCP dont il ressortait, d’une part, que, sur les trois segments en cause, les importations faisant l’objet d’un dumping et les ventes de l’industrie de l’Union étaient présentes à des niveaux presque équivalents, qu’elles se concentraient principalement dans le segment de la construction, avec une part respective de 75,1 % et de 71,6 %, qu’elles atteignaient toutes deux un niveau non négligeable dans le segment du pétrole et du gaz, à savoir, respectivement 17,3 % et 15,3 %, et qu’elles étaient toutes deux présentes dans une mesure moindre, mais non négligeable, dans le segment de la production d’électricité, à savoir, respectivement 7,4 % et 13,1 %, et, d’autre part, que la sous-cotation des prix avait eu lieu sur les trois segments en cause.

86 Or, aux points 77 à 79 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé, en substance, qu’il ne pouvait tenir compte de ces données dès lors que, ayant été présentées à un stade tardif de la procédure devant le Tribunal, elles ne pouvaient compléter la motivation du règlement litigieux.

87 À cet égard, il doit être rappelé que, selon la jurisprudence constante de la Cour, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et faire apparaître, de façon claire et non équivoque, le raisonnement de l’institution qui en est l’auteur, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (arrêts du 9 janvier 2003, Petrotub et Republica/Conseil, C 76/00 P, EU:C:2003:4, point 81, ainsi que du 10 septembre 2015, Fliesen-Zentrum Deutschland, C 687/13, EU:C:2015:573, point 75).

88 Selon cette même jurisprudence, l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêts du 9 janvier 2003, Petrotub et Republica/Conseil, C 76/00 P, EU:C:2003:4, point 81, ainsi que du 10 septembre 2015, Fliesen-Zentrum Deutschland, C 687/13, EU:C:2015:573, point 76).

89 De même, lorsqu’il s’agit d’un règlement, la motivation peut se borner à indiquer, d’une part, la situation d’ensemble qui a conduit à son adoption et, d’autre part, les objectifs généraux qu’il se propose d’atteindre. Dès lors, il ne saurait être exigé des institutions de l’Union qu’elles spécifient les différents faits parfois très nombreux et complexes au vu desquels le règlement a été adopté, ni a fortiori qu’elles en fournissent une appréciation plus ou moins complète (arrêt du 10 septembre 2015, Fliesen-Zentrum Deutschland, C 687/13, EU:C:2015:573, point 77).

90 En l’occurrence, au point 79 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a souligné que la Commission n’avait pas mis en avant dans le règlement litigieux le fait que les ventes des producteurs de l’Union échantillonnés s’étaient concentrées sur le secteur de la construction, alors même qu’il ressort du considérant 104 de ce règlement que l’association des producteurs-exportateurs chinois soutenait précisément que les importations en provenance de Chine se concentraient sur ce secteur tandis que les producteurs de l’Union auraient été plus impliqués dans les segments du pétrole et du gaz ainsi que de la production d’électricité.

91 Or, il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas avoir mis en avant dans le règlement litigieux ledit fait en réponse à l’argument soulevé par ladite association dès lors que, selon la jurisprudence rappelée au point 89 du présent arrêt, la motivation exigée par l’article 296 TFUE n’impose pas à cette institution de spécifier de manière exhaustive les différents faits parfois très nombreux et complexes au vu desquels un règlement imposant des droits antidumping a été adopté, ni a fortiori d’en fournir une appréciation plus ou moins complète.

92 En outre, dès lors que, s’agissant de l’analyse de la sous-cotation des prix, l’essentiel de l’objectif poursuivi par la Commission ressortait du règlement litigieux, ce dernier n’avait pas à comporter de motivation spécifique pour chacun des nombreux arguments factuels invoqués à l’égard de cette analyse (voir, par analogie, arrêt du 10 septembre 2015, Fliesen-Zentrum Deutschland, C 687/13, EU:C:2015:573, point 78).

93 En effet, comme l’a également relevé, en substance, M. l’avocat général au point 85 de ses conclusions, les données fournies par la Commission après l’audience comportent des détails et des informations complémentaires sur les motifs déjà contenus dans le règlement litigieux, dont il est du reste incontesté qu’ils constituent une motivation suffisante, sur la base desquels la Commission a conclu que l’analyse fondée sur la méthode des NCP avait démontré qu’il existait en l’espèce une sous-cotation des prix au niveau du produit similaire.

94 En particulier, au considérant 108 du règlement litigieux, la Commission a expliqué comme suit pourquoi la méthode des NCP permettait de prendre en compte, lors de la comparaison des produits et donc, notamment, dans le cadre de l’analyse de la sous-cotation des prix, la segmentation du marché du produit considéré :

« En ce qui concerne les segments de marché, la Commission a rappelé que les différences pertinentes entre les types de produits étaient prises en considération dans le [NCP], ce qui permet de garantir que seuls des produits comparables sont comparés entre eux. Les principales caractéristiques des segments de marché se distinguent par le NCP : aciers alliés et fortement alliés (secteur de la production d’électricité), aciers non alliés (construction) et catégories de produits spécifiques de tubes et tuyaux, de cuvelage et de tiges de forage (pétrole et gaz). »

95 Dès lors que l’essentiel du raisonnement tenu par la Commission pour ce qui concerne l’analyse de la sous-cotation des prix, y compris spécifiquement la prise en compte des segments du marché du produit considéré, ressortait déjà des motifs du règlement litigieux, rien ne s’opposait à ce que, en l’occurrence, le Tribunal demande des éclaircissements à la Commission afin d’obtenir des explications complémentaires que cette juridiction estimait nécessaires pour comprendre pleinement cette analyse au vu des critiques émises contre celle-ci par Hubei.

96 Il s’ensuit que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant qu’il ne pouvait pas prendre en considération les données résultant de l’application de la méthode des NCP mentionnées au point 85 du présent arrêt alors que cette juridiction avait elle-même demandé à la Commission de les fournir après l’audience. Ces informations faisant dès lors partie du dossier, celles-ci doivent être prises en compte lors de l’appréciation des premier et deuxième moyens.

97 Partant, le troisième moyen doit être accueilli.

–  Sur les premier et deuxième moyens

98 Par son premier moyen, pris en sa première branche, la Commission reproche essentiellement au Tribunal d’avoir exigé une analyse de la sous-cotation des prix pour chaque segment du marché du produit considéré en violation de l’article 3, paragraphe 3, du règlement de base qui ne prévoirait une telle analyse qu’au niveau du produit similaire. Par la deuxième branche de ce moyen, la Commission fait grief au Tribunal d’avoir fondé l’exigence d’une analyse de la sous-cotation des prix pour chaque segment de marché sur deux précédents, à savoir le rapport de l’organe d’appel « HP-SSST » et l’arrêt du 28 octobre 2004, Shanghai Teraoka Electronic/Conseil (T 35/01, EU:T:2004:317), alors que les enseignements issus de ces précédents ne s’appliqueraient pas dans la présente espèce. Par la troisième branche de son premier moyen, la Commission reproche au Tribunal d’avoir jugé que les faits, énumérés aux points 59, 61, 62 et 64 de l’arrêt attaqué, constituaient des circonstances exceptionnelles nécessitant une analyse de la sous-cotation des prix par segment de marché.

99 Par son deuxième moyen, la Commission conteste les points 60 et 67 de l’arrêt attaqué dans lesquels le Tribunal aurait, en substance, considéré que la méthode des NCP n’était pas adéquate pour tenir compte de la segmentation du marché du produit considéré dans le cadre de l’analyse de la sous-cotation des prix.

100 Il y a lieu de traiter ces deux moyens conjointement dès lors qu’ils se recoupent en grande partie dans la mesure où ils critiquent tous les deux le point 67 de l’arrêt attaqué.

101 À cet égard, il découle des points 60, 66 et 67 de l’arrêt attaqué que, selon le Tribunal, malgré l’application de la méthode des NCP, la Commission n’a pas tenu compte de la segmentation du marché du produit considéré dans le cadre, notamment, de son analyse de la sous-cotation des prix, alors que les faits particuliers de l’espèce, énumérés aux points 59, 61, 62 et 64 de cet arrêt, exigeaient une telle analyse au niveau de chaque segment du marché du produit considéré et que, partant, cette institution n’a pas fondé son analyse sur l’ensemble des données pertinentes du cas d’espèce.

102 Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence rappelée aux points 35 et 36 du présent arrêt, le large pouvoir d’appréciation qui revient à la Commission dans le cadre d’une procédure antidumping en raison de la complexité des situations économiques et politiques qu’elle doit examiner et qui porte, notamment, sur la détermination de l’existence d’un préjudice causé à l’industrie de l’Union a comme corollaire que, s’agissant de l’appréciation des faits par cette institution, le contrôle juridictionnel doit être limité à la vérification de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation.

103 Or, s’agissant de l’analyse de la sous-cotation des prix, le Tribunal n’a pas constaté que la Commission, en appliquant la méthode des NCP, a commis une erreur manifeste d’appréciation des faits en ce qu’elle n’a pas tenu compte de la segmentation du marché du produit considéré.

104 En effet, il découle des considérants 24 et 108 du règlement litigieux que, en ce qui concerne les segments de marché, la Commission a indiqué que les différences pertinentes entre les types de produits ont été prises en considération dans le NCP, ce qui a permis de garantir que seuls des produits comparables sont comparés entre eux et que les principales caractéristiques des segments de marché se distinguent par le NCP.

105 En particulier, comme l’a également relevé, en substance, M. l’avocat général aux points 92 et 93 de ses conclusions, le premier chiffre de chaque NCP se référait au segment duquel relevait le type de produit considéré et la Commission a comparé, NCP par NCP, les prix des importations faisant l’objet d’un dumping et les prix des producteurs de l’Union.

106 Partant, en appliquant la méthode des NCP, la Commission a bien pris en compte les segments du marché du produit considéré aux fins, notamment, de l’analyse de la sous-cotation des prix et, par conséquent, il ne saurait lui être reproché d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation lors de la mise en œuvre de cette analyse.

107 Il s’ensuit, ainsi que le fait valoir la Commission dans la troisième branche de son sixième moyen, que, sur ce point, le Tribunal a dépassé les limites du contrôle juridictionnel lui imposant, s’agissant de la détermination du préjudice et, en particulier, de l’analyse de la sous-cotation des prix, de respecter la large marge d’appréciation réservée à cet égard à la Commission qui, comme l’a également relevé M. l’avocat général au point 167 de ses conclusions, s’étend, à tout le moins, aux décisions relatives au choix de la méthode d’analyse, aux données et aux preuves à recueillir, à la méthode de calcul à utiliser pour déterminer la marge de sous-cotation ainsi qu’à l’interprétation et à l’évaluation des données recueillies.

108 Quant à l’argument de Hubei, déjà soulevé devant le Tribunal, selon lequel l’utilisation de la méthode des NCP serait insuffisante dès lors qu’elle ne permet pas d’établir l’effet des importations dans un segment donné sur les prix de vente de l’industrie de l’Union pour des produits relevant d’autres segments, force est de constater que le Tribunal n’y a pas fait droit.

109 En revanche, au point 67 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a reproché à la Commission de ne pas avoir, à tout le moins, vérifié que, compte tenu de la segmentation caractérisée du produit considéré dans le cas d’espèce, la baisse des prix de l’industrie de l’Union ne provenait pas d’un segment sur lequel les importations chinoises avaient une faible présence ou un niveau de sous-cotation des prix qui ne pouvait être considéré comme notable.

110 Or, ainsi qu’il découle des données fournies par la Commission en réponse à la demande du Tribunal, visées au point 85 du présent arrêt, l’utilisation de la méthode des NCP a permis de constater que les importations en dumping et les produits vendus par l’industrie de l’Union étaient tout à fait comparables sur les trois segments du marché et que la sous-cotation des prix a eu lieu sur chacun de ces trois segments, de sorte qu’il n’existait pas, dans le cas d’espèce, une situation de segmentation caractérisée telle que celle en cause dans le rapport de l’organe d’appel « HP-SSST » et l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 28 octobre 2004, Shanghai Teraoka Electronic/Conseil (T 35/01, EU:T:2004:317).

111 Dans ces conditions, si, au vu des principes rappelés aux points 77 à 80 du présent arrêt, une analyse complémentaire de la sous-cotation des prix telle que celle visée au point 67 de l’arrêt attaqué consistant à comparer les prix dans chaque segment en sus de l’analyse effectuée sur la base de la méthode des NCP, soit une comparaison NCP par NCP, peut s’imposer à la Commission dans certaines circonstances exceptionnelles d’une segmentation caractérisée du produit en cause impliquant des variations de prix importantes entre les segments de marché, même si un large pouvoir d’appréciation doit être réservé à cette institution pour définir la méthode précise pour analyser la sous-cotation des prix, une telle analyse complémentaire n’était, en tout état de cause, pas requise en l’espèce au vu des données fournies par la Commission sur demande expresse du Tribunal après l’audience devant celui-ci.

112 Il peut être ajouté que, s’agissant en particulier de l’existence de différences de prix importantes entre les trois segments de marché, il ressort des considérants 24 et 108 du règlement litigieux que, en l’occurrence, celles-ci étaient surtout liées à l’utilisation, pour les produits relevant du secteur de la production d’électricité, d’aciers fortement alliés alors que, pour la fabrication des produits relevant des deux autres secteurs, des aciers non alliés étaient utilisés.

113 En outre, il ressort desdits considérants 24 et 108, comme l’a également relevé, en substance, M. l’avocat général au point 105 de ses conclusions, que, en appliquant la méthode des NCP, les différences de coûts et de prix liées aux aciers alliés et fortement alliés ont été prises en compte dans les comparaisons en raison de la construction des NCP, en particulier la première caractéristique prise en compte dans le NCP, à savoir le type de produit, faisant la distinction entre aciers non alliés, aciers alliés et aciers fortement alliés.

114 Partant, en l’espèce, ces différences de prix entre différents segments du marché du produit considéré ayant déjà été prises en compte dans le cadre, notamment, de l’analyse de la sous-cotation des prix selon la méthode des NCP, celles-ci n’imposaient pas à la Commission d’effectuer le complément d’analyse visé au point 67 de l’arrêt attaqué.

115 Il résulte de ce qui précède que les premier et deuxième moyens sont fondés. En outre, il y a lieu de constater que, par conséquent, le sixième moyen, pris dans sa troisième branche, est également fondé dans la mesure où, par cette branche, la Commission reproche au Tribunal d’avoir dépassé les limites du contrôle juridictionnel lui incombant en ayant jugé, aux points 59 à 66 de l’arrêt attaqué, que cette institution, dès lors qu’elle n’a pas opéré une analyse de la sous-cotation des prix par segment de marché, n’a pas pris en compte l’ensemble des données pertinentes, sans toutefois avoir constaté une erreur manifeste d’appréciation commise par ladite institution.

 Sur le quatrième moyen

116 Par son quatrième moyen, la Commission, soutenue par ArcelorMittal e.a., conteste l’arrêt attaqué en ce que, aux points 68 à 76 de cet arrêt, le Tribunal a jugé, en substance, que la Commission, en violation de l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base, n’a pas tenu compte, dans son analyse relative à la sous-cotation des prix et, d’une façon plus générale, à l’effet des importations faisant l’objet d’un dumping sur les prix des produits similaires sur le marché de l’Union, d’un certain volume du produit similaire fabriqué par les producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon, à savoir celui de 17 types de produits sur les 66 vendus par ces producteurs, mais non exportés par les producteurs-exportateurs chinois retenus dans l’échantillon, et, partant, n’a pas pris en compte l’ensemble des données pertinentes du cas d’espèce dans cette analyse, ainsi que l’exigent ces dispositions.

 Argumentation des parties

117 Par la première branche de son quatrième moyen, la Commission reproche au Tribunal d’avoir jugé, aux points 68 à 76 de l’arrêt attaqué, qu’elle avait enfreint l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base dès lors qu’elle n’avait pas pris en compte, dans le cadre de l’analyse de la sous-cotation des prix, 17 types de produits sur les 66 vendus par les producteurs de l’Union échantillonnés, mais non vendus par les producteurs-exportateurs chinois échantillonnés.

118 Or, en jugeant que tous les types de produits vendus par l’industrie de l’Union doivent être pris en compte aux fins de l’analyse de la sous-cotation des prix, le Tribunal se serait mépris sur la nature de cette analyse dès lors que, aux termes mêmes de l’article 3, paragraphe 3, du règlement de base, celle-ci doit être effectuée au niveau du produit similaire et non pas au niveau de chaque type de produit ou NCP.

119 La Commission fait valoir que c’est bien au niveau du produit similaire qu’elle a établi l’existence d’une sous-cotation des prix. Elle aurait, d’abord, calculé des marges de sous-cotation des prix au niveau des NCP et, ensuite, déterminé la moyenne pondérée de la sous-cotation des prix pour l’ensemble des NCP. Si, s’agissant de certains NCP, aucune sous-cotation des prix n’est constatée ou une sous-cotation négative est constatée, cela ne signifierait pas qu’un droit antidumping ne peut pas être imposé également sur ces NCP. En effet, il suffirait que, en moyenne, au niveau du produit similaire, une sous-cotation des prix soit constatée.

120 Par la seconde branche de son quatrième moyen, la Commission fait grief au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en considérant que l’analyse des effets sur les prix de l’industrie de l’Union des importations en dumping devant être effectuée en vertu de l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base nécessitait que soient pris en compte les 17 NCP vendus par les producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon, mais non exportés vers l’Union par les producteurs chinois retenus dans l’échantillon.

121 La Commission fait valoir, en premier lieu, que l’incidence potentielle de ces NCP sur les prix de l’industrie de l’Union relève non pas de cette analyse mais, le cas échéant, de l’analyse distincte dite de « non-imputation » devant être effectuée par la Commission à un stade ultérieur, en vertu de l’article 3, paragraphe 7, dudit règlement, disposition dont la violation n’a toutefois pas été alléguée par Hubei.

122 Ce serait dans le cadre d’une telle analyse de non-imputation que s’inscrit la question, abordée aux points 72 à 74 de l’arrêt attaqué, de savoir si l’industrie de l’Union a pu subir des baisses de prix en conséquence des ventes par cette industrie des 17 NCP non exportés par les producteurs-exportateurs chinois.

123 En second lieu, la Commission soutient que, au point 71 de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est référé à tort au point 5.180 du rapport de l’organe d’appel « HP-SSST » pour affirmer qu’aucun élément ne permet de considérer que l’analyse prévue à l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base puisse ne pas prendre en compte un certain volume du produit similaire ne faisant pas l’objet d’une sous-cotation des prix.

124 Pour ce qui concerne la première branche du quatrième moyen, Hubei soutient, en ce qui concerne l’argument tiré de ce que la sous-cotation des prix doit être établie au niveau du produit similaire, que, au point 74 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé à bon droit que, sans fournir de motivation spécifique, la Commission ne saurait, après avoir établi une sous-cotation des prix pour certains types de produits, étendre cette constatation à d’autres types de produits pour lesquels aucune sous-cotation des prix n’a été démontrée ni, partant, au produit similaire dans son ensemble.

125 Ainsi, le Tribunal aurait pris en compte les préoccupations exprimées par la Cour au point 60 de l’arrêt du 5 avril 2017, Changshu City Standard Parts Factory et Ningbo Jinding Fastener/Conseil (C 376/15 P et C 377/15 P, EU:C:2017:269), à savoir que, s’il était loisible aux institutions de l’Union d’exclure du calcul de la marge de dumping des transactions à l’exportation vers l’Union relatives à certains types du produit en cause, ceci reviendrait à leur accorder la possibilité d’influencer le résultat du calcul de la marge de dumping, en procédant à l’exclusion d’un ou de plusieurs types ou modèles de ce produit.

126 Un tel risque de manipulation existerait également si, dans l’analyse de la sous-cotation des prix, la Commission n’était pas tenue de prendre en compte toutes les ventes des producteurs échantillonnés de l’Union. En effet, cela lui permettrait de constater une sous-cotation pour une partie seulement des ventes de l’industrie de l’Union et d’étendre cette constatation à l’ensemble de ces ventes, sans devoir expliquer quels ont été les effets de ces dernières ventes sur les prix.

127 S’agissant de la seconde branche du quatrième moyen, Hubei fait valoir que l’argument de la Commission selon lequel l’analyse des effets sur les prix et la détermination du lien de causalité constitueraient des étapes totalement indépendantes l’une de l’autre est inopérant, dès lors que la Commission n’a pas contesté le point 86 de l’arrêt attaqué dans lequel le Tribunal a constaté qu’il existe un lien entre la détermination de la sous-cotation des prix et l’établissement d’un lien de causalité.

128 En tout état de cause, l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base, en ce qu’il fait référence à l’incidence des importations faisant l’objet d’un dumping sur l’industrie de l’Union, inclurait les exigences relatives au lien de causalité et à la non-imputation qui seraient ensuite développées à l’article 3, paragraphes 6 et 7, de ce règlement.

129 En outre, au point 71 de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’aurait pas imposé une analyse de non-imputation, mais se serait référé à bon droit au point 5.180 du rapport de l’organe d’appel « HP-SSST » qui confirme, en substance, qu’il y a lieu d’établir les effets sur les prix pour le produit en cause dans son ensemble sans en exclure les types de produits pour lesquels aucune sous-cotation des prix n’a été constatée.

 Appréciation de la Cour

130 À titre liminaire, il y a lieu de préciser la portée de la critique émise par le Tribunal, aux points 68 à 74 de l’arrêt attaqué, à l’égard de l’analyse de la sous-cotation des prix telle qu’effectuée par la Commission, à savoir, essentiellement, que cette institution, en violation de l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base, n’a pas pris en compte dans le cadre de cette analyse 17 types de produits ou NCP sur les 66 vendus par les producteurs de l’Union échantillonnés, représentant 8 % du volume des ventes de ces producteurs.

131 À cet égard, premièrement, il ressort des points 69 à 71 de l’arrêt attaqué que, comme le confirmerait le rapport de l’organe d’appel « HP-SSST », « aucun élément ne permet de considérer que l’analyse prévue à l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base puisse ne pas prendre en compte un certain volume du produit similaire ne faisant pas l’objet d’une sous-cotation des prix », en l’occurrence le volume des 17 types de produits vendus par l’industrie de l’Union pour lesquels il n’existait pas de type de produit importé correspondant.

132 Ainsi que l’a également relevé M. l’avocat général au point 126 de ses conclusions, il s’ensuit que, selon le Tribunal, la Commission est, en toutes circonstances, tenue, dans le cadre de l’analyse des effets des importations en dumping sur les prix de l’industrie de l’Union, de prendre en considération la totalité des ventes du produit similaire de l’industrie de l’Union.

133 Partant, en l’espèce, le Tribunal a considéré que la Commission était tenue de prendre en compte, aux fins de fonder son analyse sur toutes les données pertinentes, tous les NCP vendus par les producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon, y compris les 17 NCP non exportés par les producteurs-exportateurs chinois échantillonnés.

134 Deuxièmement, aux points 73 et 74 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a, en substance, reproché à la Commission d’avoir fondé le lien qu’elle a constaté entre l’analyse de la sous-cotation des prix et l’évolution des prix de l’industrie de l’Union sur une base factuelle erronée, dès lors qu’elle n’a pas pris en considération les 17 NCP en cause, alors qu’il ne pouvait être exclu, à défaut d’une motivation spécifique à cet égard dans le règlement litigieux, que ces types de produits aient « participé, pour une part non négligeable, à la baisse des prix des producteurs de l’Union échantillonnés ».

135 Ainsi que l’a également relevé M. l’avocat général au point 128 de ses conclusions, par cette critique, le Tribunal a essentiellement fait grief à la Commission de ne pas avoir examiné dans quelle mesure les prix de ces 17 types de produits pouvaient avoir contribué à l’évolution des prix des producteurs de l’Union échantillonnés, à savoir la baisse de ces prix.

–  Sur l’erreur de droit commise par le Tribunal en ce qu’il a jugé que la Commission était tenue de prendre en considération, dans le cadre de l’analyse des effets des importations faisant l’objet d’un dumping sur les prix de l’industrie de l’Union prévue à l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base, tous les types du produit en cause vendus par cette industrie

136 Pour fonder l’affirmation de principe, contestée par la Commission, selon laquelle, dans son examen des effets des importations en dumping sur les prix de l’industrie de l’Union, en particulier dans l’analyse de la sous-cotation des prix, l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base impose que cette institution prenne invariablement en considération tous les types du produit en cause vendus par cette industrie, mêmes ceux non exportés par les producteurs-exportateurs vers l’Union et ne faisant donc, par définition, pas l’objet d’un dumping, le Tribunal s’est référé, au point 71 de l’arrêt attaqué, au point 5.180 du rapport de l’organe d’appel « HP-SSST » dans lequel cet organe a estimé que, dans le cas d’espèce, les autorités chinoises en cause étaient tenues « d’évaluer le caractère notable de la sous-cotation des prix dans les importations faisant l’objet d’un dumping par rapport à la proportion de la production nationale pour laquelle aucune sous-cotation des prix n’a été constatée ».

137 Cette phrase doit être replacée dans le contexte du cas d’espèce en cause dans ce rapport. En effet, cette affaire concernait une situation particulière dans laquelle les autorités chinoises n’avaient pas analysé et n’avaient donc pas constaté une sous-cotation des prix pour les produits faisant partie du segment de marché A, dans lequel se concentraient les ventes nationales, mais s’étaient limitées à étendre à ce segment les constatations issues de l’analyse de la sous-cotation des prix relative aux segments de marché B et C, sur lesquels se concentraient les importations faisant l’objet d’un dumping.

138 Dans une telle situation particulière, l’organe d’appel établi par l’organe de règlement des différends de l’OMC a considéré que lesdites autorités ne pouvaient exclure de l’analyse de la sous-cotation des prix une « proportion de la production nationale pour laquelle aucune sous-cotation des prix n’a été constatée ».

139 Toutefois, le cas d’espèce concerne non pas une telle situation particulière, mais une situation foncièrement différente.

140 En effet, ainsi qu’il a déjà été constaté lors de l’examen du troisième moyen, il ressort du dossier que, en l’occurrence, il s’agit non pas d’une situation de segmentation caractérisée du marché du produit considéré dans laquelle les ventes de l’industrie de l’Union seraient concentrées dans un autre segment du marché du produit considéré que celui sur lequel se concentreraient les importations en dumping, mais d’une situation dans laquelle la Commission a constaté qu’une sous-cotation des prix a effectivement eu lieu dans les trois segments en cause.

141 Par ailleurs, il est constant que, ainsi que le Tribunal l’a relevé au point 38 de l’arrêt attaqué, l’intégralité des importations chinoises a pu faire l’objet d’une analyse de la sous-cotation des prix et que, ainsi qu’il est indiqué aux points 68 et 74 de cet arrêt, 92 % du volume des ventes de l’industrie de l’Union a été pris en compte dans cette analyse.

142 En outre, si, en l’espèce, la Commission n’a pas pris en compte dans l’analyse de la sous-cotation des prix un certain volume de la production nationale, à savoir celui des 17 NCP en cause, la raison en est, ainsi que l’a d’ailleurs indiqué le Tribunal au point 69 de l’arrêt attaqué, que, pour ces types du produit considéré, elle n’était pas en mesure de calculer une marge de sous-cotation des prix dès lors qu’il n’existait pas de type de produit importé correspondant.

143 Partant, ainsi que l’a souligné M. l’avocat général au point 152 de ses conclusions, si, au point 70 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a indiqué que les prix des 17 NCP en cause n’étaient, « par définition, pas sous-cotés », et, au point 71 de cet arrêt, qu’il s’agissait en l’espèce d’une situation dans laquelle un certain volume des ventes domestiques ne fait pas l’objet d’une sous-cotation des prix, une telle présentation des faits est inexacte.

144 En effet, la non-prise en compte, dans l’analyse de la sous-cotation des prix, des 17 NCP concernés n’est que la conséquence du choix de la Commission, relevant de la large marge d’appréciation qui lui revient à cet égard, d’opérer cette analyse en utilisant la méthode des NCP, méthode qui du reste n’a, en tant que telle, pas été contestée, comme l’a indiqué le Tribunal au point 37 de l’arrêt attaqué.

145 Il s’ensuit que, au point 71 de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est erronément fondé sur le point 5.180 du rapport de l’organe d’appel « HP-SSST » pour affirmer qu’il existe un principe selon lequel la Commission, dans son examen des effets des importations en dumping sur les prix de l’industrie de l’Union et, en particulier, dans l’analyse de la sous-cotation des prix, devrait invariablement prendre en considération tous les types du produit en cause vendus par cette industrie.

146 Hubei soutient toutefois que ce principe peut se fonder sur une application par analogie des enseignements issus de l’arrêt du 5 avril 2017, Changshu City Standard Parts Factory et Ningbo Jinding Fastener/Conseil (C 376/15 P et C 377/15 P, EU:C:2017:269).

147 Or, cet argument qui, ainsi qu’il ressort du point 24 de l’arrêt attaqué, a déjà été soulevé par Hubei devant le Tribunal, mais sur lequel celui-ci ne s’est pas prononcé, ne saurait prospérer.

148 En effet, au point 61 de l’arrêt du 5 avril 2017, Changshu City Standard Parts Factory et Ningbo Jinding Fastener/Conseil (C 376/15 P et C 377/15 P, EU:C:2017:269), la Cour a jugé que, eu égard à son libellé, à son objectif et au contexte dans lequel il s’insère, l’article 2, paragraphe 11, du règlement de base ne saurait être interprété comme permettant l’exclusion du calcul de la marge de dumping des transactions à l’exportation vers l’Union relatives à certains types du produit en cause et qu’il découle au contraire de cette disposition que les institutions de l’Union sont tenues de prendre en compte l’ensemble de ces transactions aux fins de ce calcul.

149 Au point 60 de cet arrêt, la Cour a considéré que toute autre interprétation reviendrait à accorder à ces institutions la possibilité d’influencer le résultat du calcul de la marge de dumping, en procédant à l’exclusion d’un ou de plusieurs types ou modèles du produit en cause.

150 Force est toutefois de constater que les enseignements issus dudit arrêt, en ce qu’ils portent sur l’interprétation de l’article 2, paragraphe 11, du règlement de base, ne sont pas transposables à l’analyse de l’incidence sur les prix de l’industrie de l’Union des importations faisant l’objet d’un dumping qu’impose l’article 3, paragraphes 2 et 3, de ce règlement.

151 En effet, s’agissant du libellé de cet article 2, paragraphe 11, la Cour a souligné, au point 53 de l’arrêt du 5 avril 2017, Changshu City Standard Parts Factory et Ningbo Jinding Fastener/Conseil (C 376/15 P et C 377/15 P, EU:C:2017:269), que, dès lors que cette disposition dispose expressément que, lors du calcul de la marge de dumping et quelle que soit la méthode de comparaison de la valeur normale et du prix à l’exportation retenue, « le prix de toutes les exportations » doit être pris en compte, les institutions de l’Union ne peuvent pas exclure du calcul de la marge de dumping les transactions à l’exportation relatives à certains types du produit en cause.

152 Or, le libellé de l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base est tout autre dès lors que celui-ci n’indique ni ne suggère que l’analyse de l’incidence des importations en dumping sur les prix de l’industrie de l’Union doit, en toutes circonstances, prendre en compte l’intégralité des ventes de cette industrie.

153 Au contraire, le libellé de l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base indique que ces dispositions n’imposent pas à la Commission que soient nécessairement prises en considération dans l’analyse de l’incidence sur les prix de l’industrie de l’Union des importations faisant l’objet d’un dumping toutes les ventes du produit similaire par l’industrie de l’Union.

154 Ainsi que le fait également valoir la Commission, cela est corroboré par une différence fondamentale entre la détermination de la marge de dumping et l’analyse, aux fins de la détermination d’un préjudice, de l’incidence des importations faisant l’objet d’un dumping sur les prix de l’industrie de l’Union tenant au fait que cette analyse implique une comparaison de ventes non pas d’une même entreprise, comme c’est le cas de la détermination de la marge de dumping qui est calculée sur la base des données du producteur-exportateur concerné, mais de plusieurs entreprises, à savoir les producteurs-exportateurs échantillonnés et les entreprises faisant partie de l’industrie de l’Union incluses dans l’échantillon.

155 Or, une comparaison des ventes de ces entreprises sera bien souvent plus difficile dans le cadre de l’analyse de la sous-cotation des prix que dans celui de la détermination de la marge de dumping dès lors que la gamme des types de produits vendue par ces différentes entreprises aura tendance à ne se chevaucher qu’en partie.

156 Ainsi que l’a également relevé M. l’avocat général au point 145 de ses conclusions, ce risque tenant à ce que certains types de produits ne puissent pas être pris en compte dans le cadre de l’analyse de la sous-cotation des prix en raison de la différence de la gamme des produits vendue par ces différentes entreprises est plus élevé encore lorsque les NCP sont davantage détaillés.

157 En effet, si une plus grande granularité des NCP a comme avantage que soient comparés des types de produits présentant davantage de caractéristiques physiques et techniques communes, celle-ci a, inversement, comme désavantage d’augmenter la possibilité que certains types de produits vendus par les unes ou les autres des sociétés concernées n’aient pas d’équivalents et ne puissent donc être comparés ni pris en compte dans cette analyse.

158 Enfin, si la Commission dispose d’une large marge d’appréciation pour décider de la méthode précise pour analyser la sous-cotation des prix, laquelle peut avoir comme conséquence inéluctable, ainsi que c’est le cas de la méthode des NCP, que certains types de produits ne puissent être comparés et, partant, ne soient pas pris en compte dans le cadre de cette analyse, celle-ci est limitée par l’obligation, qui lui est imposée par l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base, qu’il soit procédé à un examen objectif des effets des importations en dumping sur les prix de l’industrie de l’Union.

159 Il doit en être conclu que le Tribunal a entaché l’arrêt attaqué d’une erreur de droit en ayant jugé que, dans le cadre de l’analyse des effets des importations faisant l’objet d’un dumping sur les prix de l’industrie de l’Union prévue à l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base, et, en particulier, dans le cadre de l’analyse de la sous-cotation des prix, la Commission est, en toutes circonstances, tenue de prendre en compte l’intégralité des produits vendus par cette industrie, y compris les types du produit en cause non exportés par les producteurs-exportateurs échantillonnés.

–  Sur l’erreur de droit commise par le Tribunal en ce qu’il a jugé que la Commission était tenue d’examiner, dans le cadre de l’analyse des effets des importations faisant l’objet d’un dumping sur les prix de l’industrie de l’Union prévue à l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base, la mesure dans laquelle les prix des 17 types du produit considéré peuvent avoir contribué à la baisse des prix des producteurs de l’Union échantillonnés

160 Ainsi qu’il a déjà été indiqué au point 134 du présent arrêt, aux points 73 et 74 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a, en substance, reproché à la Commission d’avoir fondé le lien qu’elle a constaté entre l’analyse de la sous-cotation des prix et l’évolution des prix de l’industrie de l’Union sur une base factuelle erronée, dès lors qu’elle n’a pas pris en considération 17 des 66 NCP, alors qu’il ne pouvait être exclu, à défaut d’une motivation spécifique à cet égard dans le règlement litigieux, que ces types de produits aient « participé, pour une part non négligeable, à la baisse des prix des producteurs de l’Union échantillonnés ».

161 À cet égard, il y a lieu de constater que l’analyse qu’impose l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base consiste à examiner l’effet sur les prix de l’industrie de l’Union des « importations faisant l’objet d’un dumping ».

162 Or, ne relève pas d’une telle analyse un examen, tel que celui visé au point 74 de l’arrêt attaqué, des effets sur les prix de l’industrie de l’Union non pas des importations faisant l’objet d’un dumping, mais de 17 types du produit considéré vendus par cette industrie qui, par définition, ne font pas partie de ces importations.

163 En outre, ainsi que l’a également relevé, en substance, M. l’avocat général au point 151 de ses conclusions, si l’examen visé au point 74 de l’arrêt attaqué conduisait à ce que soit effectivement constatée une incidence « non négligeable » des 17 NCP concernés sur la baisse des prix de l’industrie de l’Union, une telle conclusion ne pourrait s’expliquer que pour deux raisons.

164 En effet, une telle conclusion pourrait s’expliquer, premièrement, par le fait que les importations faisant l’objet d’un dumping ont produit sur les prix de ces 17 types de produits des effets encore plus importants que ceux déterminés par la Commission pour les autres types de produits, concernant lesquels une sous-cotation des prix avait été constatée.

165 Dans ce cas, toutefois, la conclusion relative à l’existence d’effets préjudiciables sur les prix du produit similaire en raison des importations sur le marché de l’Union ne saurait en aucun cas être remise en cause comme étant erronée. Tout au plus, une telle constatation peut indiquer qu’une sous-cotation des prix plus importante encore s’est produite renforçant ainsi la détermination de l’existence d’un préjudice.

166 Deuxièmement, pour autant que ladite conclusion s’expliquerait par l’incidence d’autres facteurs que les importations, qui ont contribué au préjudice causé à l’industrie de l’Union, au sens de l’article 3, paragraphe 7, du règlement de base, l’examen de l’incidence de ces autres facteurs relève de l’analyse dite de la « non–imputation » prévue par cette disposition, dont la violation n’a pas été invoquée par Hubei dans le cadre des moyens examinés et accueillis par le Tribunal et qui ne saurait donc justifier qu’il soit fait droit au recours de celle–ci.

167 Par ailleurs, ainsi que le fait valoir la Commission dans le cadre de la troisième branche de son sixième moyen et comme l’a également relevé M. l’avocat général, en substance, aux points 169 à 171 de ses conclusions, le point 74 de l’arrêt attaqué est entaché à un autre égard d’une erreur de droit.

168 En effet, audit point 74, le Tribunal a reproché à la Commission de ne pas avoir examiné l’influence que les prix des 17 types du produit considéré pour lesquels une sous-cotation des prix n’avait pas pu être constatée pouvaient avoir eue sur l’évolution des prix des producteurs de l’Union, sans avoir constaté à cet égard une erreur manifeste d’appréciation imputable à la Commission.

169 Or, en jugeant ainsi, le Tribunal a dépassé les limites qui, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence rappelée aux points 35 à 37 du présent arrêt, s’imposent au contrôle juridictionnel par le juge de l’Union de la légalité d’un acte tel que le règlement litigieux en raison du large pouvoir d’appréciation qui doit être réservé à la Commission pour ce qui concerne l’analyse de la sous-cotation des prix, conformément aux obligations qui lui sont imposées à cet égard à l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base.

170 Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de conclure que les points 68 à 76 de l’arrêt attaqué sont entachés d’erreurs de droit et que, partant, il convient d’accueillir le quatrième moyen tiré d’une interprétation erronée de l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base, sans qu’il soit besoin d’examiner le cinquième moyen critiquant ces mêmes points au regard d’une violation alléguée de l’article 17 de ce règlement qui, même s’il était fondé, n’ajouterait rien à cette conclusion.

171 Enfin, quant au sixième moyen, tiré d’une erreur de droit, en ce que le Tribunal a exercé un contrôle juridictionnel trop intensif lors de son examen de l’analyse de la sous-cotation effectuée par la Commission, sa troisième branche est fondée dans la mesure indiquée aux points 167 à 169 du présent arrêt. Pour le surplus, il n’est pas besoin d’examiner ce moyen dès lors qu’il vise des points de l’arrêt attaqué pour lesquels une erreur de droit a déjà été constatée dans le cadre de l’examen du quatrième moyen.

172 Eu égard à tout ce qui précède, les premier à quatrième moyens ainsi que le sixième moyen, pris dans sa troisième branche, étant fondés, il y a lieu d’annuler l’arrêt attaqué, sans qu’il soit besoin d’examiner le cinquième moyen ni les première et deuxième branches du sixième moyen.

 Sur le recours devant le Tribunal

173 Conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, cette dernière, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, peut statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé.

174 En l’espèce, s’agissant des premier et deuxième moyens du recours soulevés par Hubei, il suffit de constater que, au vu, en particulier, des considérations exposées aux points 103 à 115 du présent arrêt ainsi qu’aux points 159 et 162 de celui-ci, aucune erreur manifeste d’appréciation n’a affecté l’analyse de la Commission, effectuée dans le règlement litigieux, se rapportant à la sous-cotation des prix, aux effets des importations en dumping sur les prix des produits similaires sur le marché de l’Union et à l’existence d’un lien de causalité, en application de l’article 3, paragraphes 2, 3 et 6, du règlement de base. Ces moyens doivent donc être rejetés comme étant non fondés.

175 En revanche, le litige n’est pas en état d’être jugé en ce qui concerne les troisième et quatrième moyens, avancés par Hubei au soutien de son recours en annulation, qui n’ont pas été examinés par le Tribunal. Il y a lieu, par conséquent, de renvoyer l’affaire au Tribunal.

 Sur les dépens

176 L’affaire étant renvoyée devant le Tribunal, il convient de réserver les dépens.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) déclare et arrête :

1) L’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 24 septembre 2019, Hubei Xinyegang Special Tube/Commission (T 500/17, non publié, EU:T:2019:691), est annulé.

2) L’affaire est renvoyée au Tribunal de l’Union européenne.

3) Les dépens sont réservés.