Cass. 1re civ., 5 décembre 1995, n° 93-12.096
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lemontey
Rapporteur :
M. Lemontey
Avocat général :
M. Gaunet
Attendu que Mme X a vendu aux consorts Y " à différé, trois étals de poissonnerie aux Halles de Tarbes, sous réserve de l'autorisation du maire que Mme X fournira ", pour le prix de 350 000 francs " à payer, au plus tard, le 15 février 1990 avec intérêts de 8 % payable mensuellement " ; que l'acte contenait, en outre, le cautionnement solidaire de Mme Z ; que les consorts Y, qui, après avoir reçu l'autorisation du maire, avaient commencé l'exploitation le 19 décembre 1989, ont refusé de payer le prix en prétendant que l'acte de vente était nul ;
Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches :
Attendu que les consorts Y reprochent à l'arrêt attaqué d'avoir accueilli les demandes de Mme X, alors, selon le moyen, d'une part, qu'aux termes du contrat, celle-ci cédait un " bien immobilier consistant en trois étals " de sorte que la cour d'appel ne pouvait juger que ce contrat s'analysait non comme une vente mais en une présentation d'un successeur à l'Administration : alors, de deuxième part, qu'en donnant effet à une cession de place de marché dans les halles de la ville, elle a violé le principe d'inaliénabilité du domaine public ; alors, de troisième part, qu'un tel contrat est dépourvu d'objet, car Mme X n'avait pas le pouvoir de désigner ou de présenter son successeur à l'Administration ; alors, enfin, que ce contrat est exclusif de toute stipulation de prix puisqu'aucun bien ou droit n'est cédé ;
Mais attendu, d'abord, que les juges du fond, interprétant souverainement la commune intention des parties, n'ont fait que restituer à l'acte litigieux son exacte qualification, non contestée en appel, en l'analysant, à juste titre, comme une présentation d'un successeur par le bénéficiaire d'un droit de place sur un marché à l'autorité municipale octroyante ; que cet acte ne contrevient en rien à l'inaliénabilité du domaine public ;
Et attendu, ensuite, que les juges du fond ont encore exactement retenu que cette convention avait un objet qui était d'obtenir au profit des consorts Y le transfert du titre d'occupation des loges dont Mme X bénéficiait depuis plusieurs décennies ; que ce transfert s'accompagnait de la cession onéreuse d'éléments identiques à ceux d'un fonds de commerce ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le second moyen, pris en sa première branche : (sans intérêt) ;
Mais sur la seconde branche du même moyen :
Vu les articles 1326 et 2015 du Code civil ;
Attendu que, pour condamner Mme Z à payer aussi les intérêts conventionnels de la somme de 350 000 francs (8 %) à compter du 18 décembre 1989, l'arrêt attaqué énonce, comme pour la somme en principal, que l'engagement de Mme Z est clair et dépourvu d'ambiguïté ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que ni le corps de l'acte, ni la mention manuscrite ne contenait d'indication relative aux intérêts conventionnels à charge de Mme Z, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Vu l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné Mme Z à payer les intérêts conventionnels de la somme de 350 000 francs à Mme X, l'arrêt rendu le 3 décembre 1992, entre les parties, par la cour d'appel de Pau.