CAA Marseille, 6e ch., 11 octobre 2021, n° 19MA05488
MARSEILLE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Ministre de l'Economie et des Finances
Défendeur :
Filclair (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Fédou
Rapporteur :
M. Taormina
Rapporteur public :
M. Thielé
Avocat :
Me Koubar
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Filclair a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 27 juillet 2017 par laquelle le directeur de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Provence-Alpes-Côte d'Azur (DIRECCTE PACA) a prononcé à son encontre, sur le fondement de l'article L. 441-6 du code du commerce, une amende de 17 000 euros pour non-respect des délais de paiement inter-entreprises pour la période du 1er septembre 2015 au 30 septembre 2016, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1706685 du 14 octobre 2019, le tribunal administratif de Marseille a fait droit à sa requête en annulant la décision à lui déférée " en ce qu'elle retient comme constitués les retards de paiement pour la période postérieure au 1er janvier 2016 " et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 16 décembre 2019, le ministre de l'économie et des finances demande à la Cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a considéré que les manquements de la société Filclair constatés lors de son contrôle en 2016 ne relevaient pas des dispositions de l'article L. 441-61, alinéa 9 du code de commerce, mais de celles de l'article D. 441-5-1 du même code ;
- si la société Filclair exerce son activité dans le secteur de l'agroéquipement, dès lors qu'elle fabrique des serres, elle n'est, en revanche, pas une entreprise de distribution spécialisée ou de réparation ;
- s'agissant de la légalité externe de la décision querellée, quant à l'insuffisance de motivation et la violation du principe du contradictoire, il s'en remet aux écritures du préfet de région du 28 décembre 2017 ; quant à la prétendue violation du principe d'impartialité, le Conseil constitutionnel a déclaré l'article L. 465-2 du code de commerce conforme à la Constitution et notamment au principe de séparation des pouvoirs défini par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 ;
- s'agissant de la légalité interne de la décision querellée, la société Filclair n'est pas davantage fondée à reprocher à l'administration de ne pas lui avoir appliqué une loi pénale plus douce en ne faisant pas application de l'article D. 441-5-1 du code de commerce, ces dispositions n'étant pas applicables dès lors qu'elle exerce principalement une activité de fabrication et non de distribution.
Par un mémoire en défense et d'appel incident enregistré le 3 février 2020, la société Filclair, représentée par Me Brandého :
1°) conclut au rejet de la requête d'appel ;
2°) doit être regardée comme demandant à la Cour :
- de confirmer le jugement en tant qu'il a annulé la décision à lui déférée " en ce qu'elle retient comme constitués les retards de paiement pour la période postérieure au 1er janvier 2016 " ;
- d'annuler le jugement en tant qu'il n'a pas annulé la décision du 27 juillet 2017 par laquelle le directeur de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Provence-Alpes-Côte d'Azur a prononcé à son encontre, sur le fondement de l'article L. 441-6 du code du commerce, une amende de 17 000 euros pour non-respect des délais de paiement inter-entreprises, pour la période antérieure au 1er janvier 2016 ;
3°) demande à la Cour :
- de condamner l'Etat à lui restituer la somme de 17 000 euros indûment perçue en application de ladite décision ;
- de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle exerce l'activité de conception, fabrication et installation de serres en plastique et commercialise également certains produits de ses fournisseurs ;
- lors du rendez-vous du 31 mai 2017, aucun double des pièces du dossier ne lui a été remis et aucun procès-verbal de ses observations n'a été dressé ;
- la procédure de sanction prévue par l'article L. 470-2 du code de commerce ne respecte pas le principe d'impartialité du fait de la confusion des fonctions d'enquête, de poursuite et de sanction ;
- la sanction infligée de 17 000 euros n'est motivée par aucun calcul ; la DIRECCTE n'a pas pris en compte sa situation économique alors qu'en 2015, elle a connu des retards d'approvisionnement de ses fournisseurs, et des retards de paiement de la part de ses clients, ce qui explique les retards avec lesquels elle a réglé ses fournisseurs ;
- elle n'a pas pris une sanction proportionnée et individualisée ;
- par dérogation à l'article L. 441-6 du code de commerce, l'article D. 441-5-1 du même code, issu du décret n° 2015-1484 du 16 novembre 2015, applicable à compter du 1er janvier 2016, prévoit, dans le secteur de l'agroéquipement, que le délai de paiement convenu par les parties ne peut ainsi dépasser : soit cinquante-cinq jours fin de mois à compter de la date d'émission de la facture pour les matériels d'entretien d'espaces verts ; soit cent-dix jours fin de mois à compter de la date d'émission de la facture pour les matériels agricoles ; au regard du retard moyen pondéré de la société qui est égal à vingt-trois jours, il apparaît qu'elle respectait le délai susvisé de cent-dix jours fin de mois à compter de la date d'émission de la facture pour les matériels agricoles fournis ; la plupart des vingt-trois factures sur lesquelles la DIRECCTE PACA s'est fondée pour la sanctionner ont été émises en 2016 alors même que le décret précité de 2015 était entré en vigueur ;
- si le décret n° 2015-1484 du 16 novembre 2015 entré en vigueur le 1er janvier 2016 n'était pas applicable à certaines factures émises en 2015, il apparaît particulièrement inopportun de la sanctionner en considération du principe de nécessité des peines ;
- le décret n° 2013-546 invoqué par le ministre a été abrogé par le décret n° 2015-1484 du 16 novembre 2015 entré en vigueur le 1er janvier 2016, de sorte que la Cour ne saurait faire application d'un décret qui n'était pas applicable aux factures de l'année 2016 contrôlées par la DIRECCTE PACA ;
- l'article D. 441-5-1 du code de commerce dont le ministre tente de restreindre le champ d'application ne distingue pas entre vendeur et acquéreur pour savoir qui peut bénéficier des délais de paiement dérogatoires ; elle doit en bénéficier dès lors que, comme le reconnaît le ministre, elle est un industriel de l'agroéquipement ; le code NAF n'est pas pertinent, la société concluante pouvant tout aussi bien agir en qualité de distributeur spécialisé dans le domaine agricole qu'en qualité d'industriel dans le secteur de l'agroéquipement.
Par ordonnance du 26 mai 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 5 juillet 2021 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de commerce ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B... Taormina, rapporteur,
- les conclusions de M. C... Thielé, rapporteur public,
- et les observations de Mme A... pour le ministre de l'économie, des finances et de la relance et de Me Koubar pour la société Filclair.
Considérant ce qui suit :
1. La société Filclair a pour activité de concevoir, fabriquer et installer chez ses clients des serres en plastique. Dans le cadre d'une enquête nationale visant à vérifier le respect par les entreprises des dispositions du titre IV du livre IV du code de commerce en matière de pratiques commerciales restrictives de concurrence, des agents de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Provence-Alpes-Côte d'Azur (DIRECCTE PACA) ont constaté par procès-verbal rédigé le 20 mars 2017, au cours d'une enquête entamée en octobre 2016 portant sur la période comptable allant du 1er septembre 2015 au 30 septembre 2016, l'existence, en contravention avec les dispositions de l'article L. 441-6-1, alinéa 9 du code de commerce, de cinq-cent-quatre dépassements du délai normal de paiement de soixante jours des factures fournisseurs de la part de la société Filclair. Selon la DIRECCTE PACA, l'analyse comptable de ces cinq-cent-quatre factures émises sur une période allant du 9 septembre 2015 au 10 juin 2016 a permis de déterminer que, pour un plafond calculé à soixante jours nets date de facture, quatre-cent-vingt-sept de ces factures, soit 84,72 % des factures concernées par ce contrôle, ont été payées au-delà du plafond légal, avec un retard moyen pondéré par leur montant de 23,81 jours, représentent 70,26 % du montant des factures émises et payées sur la période de contrôle. En application de l'article L. 465-2 du code de commerce issu de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, devenu depuis l'article L. 470-2 du code de commerce, une procédure de sanction administrative a ainsi été mise en œuvre ayant abouti au prononcé, par lettre du 27 juillet 2017, à l'encontre de la société Filclair, d'une amende administrative de 17 000 euros.
2. Le ministre de l'économie et des finances relève appel du jugement n° 1706685 du 14 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille, saisi à la requête de la société Filclair, a annulé dans son ensemble, " en ce qu'elle retient comme constitués les retards de paiement pour la période postérieure au 1er janvier 2016 ", la décision prise le 27 juillet 2017 par laquelle le directeur de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Provence-Alpes-Côte d'Azur a prononcé à l'encontre de la société Filclair, sur le fondement de l'article L. 441-6 du code du commerce, une amende de 17 000 euros pour non-respect des délais de paiement inter-entreprises pour la période du 1er septembre 2015 au 30 septembre 2016 et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la légalité externe de la décision querellée :
3. En premier lieu, et d'une part, aucune disposition législative ou règlementaire n'imposait à la DIRECCTE PACA de communiquer à nouveau à la société Filclair, lors du rendez-vous du 31 mai 2017, un double des pièces du dossier, alors qu'elle ne conteste pas qu'une copie du procès-verbal d'infraction était annexée au courrier du 29 mars 2017 de demande d'observations qui lui avait préalablement été adressé. D'autre part, aucune disposition législative ou règlementaire ne lui imposait de rédiger et de remettre au représentant de la société Filclair un procès-verbal des observations qu'elle a formulées par courrier du 9 mai 2017 puis lors de l'entretien qui s'est tenu le 31 mai 2017. Dès lors, la société Filclair n'est pas fondée à soutenir que la DIRECCTE PACA n'aurait pas respecté le caractère contradictoire de la procédure et par suite, le moyen formulé à ce titre par la société Filclair devant les premiers juges doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle./ Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice ".
5. Il résulte des termes des points 67 à 69 de la décision n° 2014-690 DC du 13 mars 2014 du Conseil constitutionnel que l'attribution à la DIRECCTE, autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation, de la compétence pour constater les infractions et manquements aux obligations posées par les diverses dispositions du code de commerce, enjoindre aux professionnels de se conformer à celles-ci, de cesser tout agissement illicite ou de supprimer toute clause illicite et, d'autre part, pour prononcer les amendes administratives sanctionnant les manquements relevés ne méconnaissent pas le principe de la séparation des pouvoirs, non plus qu'aucun autre principe ou règle de valeur constitutionnelle. Par ailleurs, si les poursuites engagées par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, en vue d'infliger des sanctions financières sur le fondement de l'article L. 442-6 du code de commerce, constituent des accusations en matière pénale, au sens de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il n'en résulte pas que la procédure administrative doive respecter les stipulations de cet article, dès lors, d'une part, que ni la DIRECCTE ni son directeur, compétents pour prendre les mesures de sanction, ne peuvent être regardés comme un tribunal au sens des stipulations de cet article et, d'autre part, que la décision de sanction peut faire l'objet d'un recours de plein contentieux devant la juridiction administrative, conformément aux exigences de l'article 6. Dès lors, la société Filclair n'est pas fondée à soutenir que le cumul des pouvoirs de constatation et de répression des infractions par la DIRECCTE méconnaîtrait le principe d'impartialité ou tout autre principe, stipulation ou disposition imposant la séparation des autorités administratives responsables du déclenchement des poursuites et de leur sanction. Par suite, le moyen formulé à ce titre par la société Filclair devant les premiers juges doit être écarté.
6. Enfin, en dernier lieu, il résulte des termes de la décision de sanction prise le 27 juillet 2017 que la DIRECCTE PACA a, pour arrêter à 17 000 euros le montant de l'amende initialement envisagée à 19 000 euros, pris en compte l'importance du nombre de factures concernées par les retards de paiement et de leur montant, ainsi que la situation économique de l'entreprise. Dès lors, la société Filclair n'est pas fondée à soutenir que la DIRECCTE PACA a insuffisamment motivé sa décision et par suite, le moyen formulé à ce titre par la société Filclair devant les premiers juges doit être écarté.
En ce qui concerne la légalité interne de la décision querellée :
7. En premier lieu, aux termes du 9ième alinéa du I de l'article L. 441-6 du code du commerce, dans sa rédaction applicable aux factures émises du 8 août 2015 au 11 décembre 2016, c'est-à-dire à l'ensemble des factures analysées par la DIRECCTE PACA lors du contrôle dont a fait l'objet la société Filclair : " Le délai convenu entre les parties pour régler les sommes dues ne peut dépasser soixante jours à compter de la date d'émission de la facture. Par dérogation, un délai maximal de quarante-cinq jours fin de mois à compter de la date d'émission de la facture peut être convenu entre les parties, sous réserve que ce délai soit expressément stipulé par contrat et qu'il ne constitue pas un abus manifeste à l'égard du créancier. En cas de facture périodique, au sens du 3 du I de l'article 289 du code général des impôts, le délai convenu entre les parties ne peut dépasser quarante-cinq jours à compter de la date d'émission de la facture. ". Aux termes du 14ième alinéa du I du même texte : " Par dérogation au neuvième alinéa, pour les ventes de produits ou les prestations de services relevant de secteurs présentant un caractère saisonnier particulièrement marqué, les parties peuvent convenir d'un délai de paiement qui ne peut dépasser le délai maximal applicable en 2013 en application d'un accord conclu sur le fondement du III de l'article 121 de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l'allègement des démarches administratives. Ce délai doit être expressément stipulé par contrat et ne doit pas constituer un abus manifeste à l'égard du créancier. Un décret fixe la liste des secteurs concernés ". Ce délai dérogatoire est supérieur à soixante jours. Aux termes du VI du même texte : " Sont passibles d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75.000 euros pour une personne physique et 375.000 euros pour une personne morale le fait de ne pas respecter les délais de paiement mentionnés aux huitième, neuvième, onzième et dernier alinéas du I du présent article, le fait de ne pas indiquer dans les conditions de règlement les mentions figurant à la première phrase du douzième alinéa du même I, le fait de fixer un taux ou des conditions d'exigibilité des pénalités de retard selon des modalités non conformes à ce même alinéa ainsi que le fait de ne pas respecter les modalités de computation des délais de paiement convenues entre les parties conformément au neuvième alinéa dudit I. L'amende est prononcée dans les conditions prévues à l'article L. 465-2. Le montant de l'amende encourue est doublé en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive ". En outre, aux termes de l'article D.441-5-1 du code du commerce, entré en vigueur le 1er janvier 2016 et donc applicable aux factures émises à compter de cette date : " Les secteurs mentionnés au dernier alinéa du I de l'article L. 441-6 sont : / I. - Le secteur de l'agroéquipement, pour les ventes de matériels d'entretien d'espaces verts et de matériels agricoles à l'exception des tracteurs, matériels de transport et d'élevage, entre, d'une part, les industriels de l'agroéquipement, constructeurs et importateurs, et, d'autre part, les entreprises de distribution spécialisées et de réparation./ Le délai de paiement convenu par les parties ne peut dépasser : / 1° 55 jours fin de mois à compter de la date d'émission de la facture pour les matériels d'entretien d'espaces verts ; / 2° 110 jours fin de mois à compter de la date d'émission de la facture pour les matériels agricoles. ". Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que le délai normal de paiement des factures émises par les fournisseurs est, sauf stipulation d'un délai plus long limité par les mêmes dispositions, de soixante jours.
8. La société Filclair ne conteste pas devant les premiers juges que le délai de paiement convenu des factures analysées par la DIRECCTE PACA émises par ses fournisseurs était de soixante jours. Est sans incidence sur l'existence de dépassement de ce délai le fait que, tant pour les factures émises avant le 1er janvier 20016 que pour celles émises à partir de cette date, les textes précités ont prévu des délais de paiement d'une durée supérieure, dès lors qu'il résulte de l'instruction que la société Filclair est un fabricant de structures métalliques, et non un distributeur. Si elle soutient qu'elle est également un distributeur de matériel agricole pour ses fournisseurs, elle n'établit pas que les factures en cause seraient liées, en totalité ou en partie, à une activité de distribution qui ne correspond pas à son activité principale. En outre et au demeurant, à supposer qu'elle puisse, du fait de son activité, bénéficier des dispositions dérogatoires de l'article L. 441-6.I, alinéa 14, de l'article D. 441-5-1 du code du commerce, ou de celles d'un accord conclu sur le fondement du III de l'article 121 de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l'allègement des démarches administratives, il ne résulte pas de l'instruction et il n'est pas allégué par la société Filclair devant les premiers juges qu'elle avait effectivement convenu de tels délais de paiement dérogatoires d'une durée supérieure à soixante jours avec ses fournisseurs. Dès lors, la DIRECCTE PACA est fondée à soutenir qu'elle n'a pas méconnu les dispositions dérogatoires précitées.
9. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5 du présent arrêt, la DIRECCTE PACA n'a pas méconnu le principe de rétroactivité des lois pénales plus douces, qui n'a pas lieu de s'appliquer dans la présente espèce.
10. Enfin, en dernier lieu, il résulte de l'instruction et il n'est pas contesté par le ministre de l'économie et des finances que la trésorerie de la société Filclair a été négative à compter de l'exercice 2011, avec une tendance à l'aggravation jusqu'en 2016 du fait de pertes accumulées par la société Filclair qui a néanmoins maintenu son effectif de cinquante salariés. L'allongement des délais de paiement est donc, au moins pour partie, la conséquence des difficultés de trésorerie de l'entreprise. Dès lors, la société Filclair est fondée à soutenir qu'en arrêtant à 17 000 euros le montant de l'amende prononcée à son encontre, la DIRECCTE PACA a prononcé une amende d'un montant manifestement disproportionné. Par suite, il y a lieu de ramener le montant de cette amende à 9 000 euros.
11. Par suite, le ministre de l'économie et des finances est fondé, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens qu'il invoque, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé dans son ensemble la décision à lui déférée en ce qu'elle retient comme constitués les retards de paiement pour la période postérieure au 1er janvier 2016 et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La société Filclair qui n'est, en revanche, pas fondée à soutenir que le directeur de la DIRECCTE PACA aurait entaché sa décision du 27 juillet 2017 d'erreur de fait et de droit, est fondée à demander que le montant de l'amende prononcée à son encontre soit ramené à 9 000 euros.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
12. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ".
13. La société Filclair doit être regardée comme demandant à la Cour qu'il soit enjoint à l'Etat de lui restituer la somme qu'elle a déjà payée en exécution de la décision du 27 juillet 2017. Le présent arrêt, qui annule cette décision en tant qu'elle avait fixé le montant de l'amende mise à la charge de la société Filclair à 17 000 euros, pour ramener ce montant à 9 000 euros, implique qu'il soit enjoint à l'Etat (ministre de l'économie, des finances et de la relance) de restituer à la société Filclair la somme de 8 000 euros correspondant à la différence entre le montant de l'amende prononcée à son encontre et celui auquel elle est ramenée.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
15. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme au titre des frais exposés par la société Filclair et non compris dans les dépens, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1706685 du 14 octobre 2019 du tribunal administratif de Marseille est annulé.
Article 2 : La décision du 27 juillet 2017 prise par le directeur de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Provence-Alpes-Côte d'Azur est annulée en tant qu'elle a prononcé à l'encontre de la société Filclair une amende de 17 000 euros.
Article 3 : L'amende mise à la charge de la société Filclair par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Provence-Alpes-Côte d'Azur est ramenée à un montant de 9 000 euros.
Article 4 : Il est enjoint à l'Etat (ministre de l'économie, des finances et de la relance) de restituer à la société Filclair une somme de 8 000 euros.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Filclair est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à la société Filclair.