Livv
Décisions

CA Riom, 3e ch. civ. et com. renunies, 19 janvier 2022, n° 20/00576

RIOM

Infirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Chalbos

Conseillers :

Mme Theuil-Dif, M. Kheitmi

TG Clermont-Ferrand, du 11 mars 2020, n°…

11 mars 2020

EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte sous privé du 9 février 2017, Mme Marianne B. a acquis de l'EARL Les Frisons d'Ambène une jument de race Frisonne d'origine pure née le 5 avril 2010 et titulaire d'un passeport de cheval néerlandais, au prix de 10 560 euros TTC. L'animal a été transporté au domicile de la cavalière le 19 février 2017.

Arguant d'une non-conformité du cheval avec l'usage de loisirs et de dressage auquel elle destinait la jument, Mme B. a sollicité amiablement la reprise de l'animal par le vendeur et le remboursement du prix payé, en vain.

Par ordonnance du 4 juin 2017, Mme B. a obtenu en référé du président du tribunal de grande instance de Meaux, la désignation d'un expert judiciaire, M. H..

Ce dernier a déposé son rapport d'expertise le 20 novembre 2017.

Puis, Mme Marianne B. a fait assigner l'EARL Les Frisons d'Ambène devant le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand aux fins d'obtenir la résolution du contrat de vente de la jument et l'indemnisation de ses préjudices.

Par jugement en date du 11 mars 2020, le tribunal a débouté Mme B. de ses demandes, et l'a condamnée à payer à l'EARL Les Frisons d'Ambène la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens comprenant les frais d'expertise judiciaire.

Le tribunal a estimé au visa de l'article L.217-5 du code de la consommation :

- que la preuve était rapportée par l'acheteur d'une non-conformité du bien par rapport aux caractéristiques définies d'un commun accord par les parties ou par rapport à l'usage spécial recherché par Mme B. porté à la connaissance de l'EARL Les Frisons d'Ambène et qu'elle avait accepté ;

- mais que les éléments produits par l'acheteur ne permettaient pas de caractériser l'existence de ce défaut de conformité au moment de la délivrance du bien.

Mme Marianne B. a interjeté appel du jugement, suivant déclaration électronique reçue au greffe de la cour en date du 24 avril 2020.

Aux termes de ses dernières conclusions reçues au greffe en date du 9 septembre 2021, l'appelante demande à la cour, au visa des articles L.213-1 du code rural, L.111-1 et suivants, L.217-4, L.217-9, L.217-10, L.217-11 du code de la consommation, d'infirmer le jugement, et statuant à nouveau, de :

- ordonner la résolution de la vente ;

- condamner l'EARL les Frisons d'Ambène à payer à Mme B. :

• la somme de 10 560 euros au titre du prix d'achat de la jument ;

• la somme de 21 339,76 euros à parfaire, au titre des frais liés à l'entretien et à la conservation du cheval depuis la vente ;

• la somme de 27 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice de jouissance subi ;

• la somme de 10 000 euros à parfaire à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi ;

• la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner l'EARL les Frisons d'Ambène aux entiers dépens qui comprendront les frais d'expertise judiciaire.

Elle reprend les motifs retenus par le tribunal sur l'existence d'une non-conformité : la non-conformité s'apprécie au regard des dispositions contractuelles, à savoir un usage de reproduction-loisirs-dressage pour un acheteur d'un niveau équestre intermédiaire destiné à monter une jument de niveau G3/4 et l'expert judiciaire a conclu que la jument présentait un mental déséquilibré et qu'elle ne pouvait être confiée à un cavalier de petit niveau, outre le compte-rendu du Docteur S. au terme duquel la jument était manifestement inutilisable pour une activité de loisirs, encore moins par une cavalière de niveau équestre moyen.

Par ailleurs, elle soutient établir que cette non-conformité existait au moment de la délivrance du bien, tout d'abord en s'appuyant sur l'attestation du 17 mai 2017 de Mme G. D. que le tribunal ne pouvait écarter : cette dernière qui a acquis la même jument de l'EARL avant elle, a restitué l'animal au motif d'une grande difficulté à maîtriser et contrôler la jument pour un niveau Galop 6. Cette attestation est en outre corroborée par celle de Mme C..

De surcroît, si Mme B. ne s'est pas plainte de la jument dans les jours qui ont suivi la livraison, c'est la démonstration de sa patience et de sa bonne foi : elle a laissé le temps à l'animal de s'habituer à son nouvel environnement.

Sur l'expertise judiciaire, elle estime que les conclusions de l'expert quant au défaut de conformité et son existence avérée lors de la vente ne peuvent être remises en question, il n'a jamais été sollicité la désignation d'un autre expert.

Aux termes de ses dernières conclusions reçues au greffe en date du 15 octobre 2020, l'EARL les Frisons d'Ambène demande à la cour de confirmer le jugement, et en conséquence, de :

- dire qu'il appartient à Mme B. de démontrer l'antériorité à la vente de la non-conformité qu'elle invoque ;

- dire que Mme B. échoue à rapporter cette preuve ;

- débouter Mme B. de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner Mme B. à payer à l'EARL les Frisons d'Ambène une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

- subsidiairement, si la juridiction faisait droit au principe des demandes de Mme B., juger que la responsabilité de l'EARL les Frisons d'Ambène ne saurait excéder 50 % ;

- limiter strictement les sommes susceptibles d'être restituées au prix de vente et aux frais annexes, soit un total de 19 040 euros à l'exclusion de tout autre ;

- dire l'EARL les Frisons d'Ambène responsable à hauteur de la moitié de cette somme ;

- dire pour le surplus que Mme B. ne justifie pas des préjudices invoqués (moral et de jouissance), qui font au demeurant doublon ;

- statuer ce que de droit sur les dépens.

Elle fait valoir qu'il appartient à Mme B. de démontrer que le défaut de conformité qu'elle invoque, qui ne saurait se réduire à son insatisfaction personnelle, était préexistant à la vente, c'est à dire présent au moment de la délivrance du bien. Or, elle rappelle que Mme B. a longuement essayé le cheval préalablement à l'achat sans difficulté, et n'a pas entendu postérieurement à la vente mettre en oeuvre les stipulations contractuelles permettant un retour du cheval dans les 15 jours.

Puis, postérieurement à la période d'essai, elle expose que Mme B. a échangé à plusieurs reprises avec Mme Y., la gérante de l'EARL par le biais de SMS et mails : elle n'a alors évoqué aucune difficulté s'agissant du comportement de l'animal.

Enfin, elle estime de son côté rapporter la preuve que la jument était parfaitement conforme par la production de diverses attestations.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 septembre 2021.

Il sera renvoyé pour l'exposé complet des demandes et moyens des parties, à leurs dernières conclusions.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

- Aux termes de l'article L.213-1 du code rural et de la pêche maritime, l'action en garantie, dans les ventes ou échanges d'animaux domestiques est régie, à défaut de conventions contraires, par les dispositions de la présente section, sans préjudice ni de l'application des articles L.217-1 à L.217-6, L.217-8 à L.217-15, L.241-5 et L.232-2 du code de la consommation, ni des dommages et intérêts qui peuvent être dus, s'il y a dol.

La présomption prévue à l'article L.217-7 du même code n'est pas applicable aux ventes ou échanges d'animaux domestiques.

L'article L.217-4 énonce que le vendeur livre un bien conforme au contrat et répond des défauts de conformité existant lors de la délivrance.

L'article L.217-5 précise que le bien est conforme au contrat :

1° s'il est propre à l'usage habituellement attendu d'un bien semblable et, le cas échéant :

- s'il correspond à la description donnée par le vendeur et possède les qualités que celui-ci a présentées à l'acheteur sous forme d'échantillon ou de modèle ;

- s'il présente les qualités qu'un acheteur peut légitimement attendre eu égard aux déclarations publiques faites par le vendeur, par le producteur ou par son représentant, notamment dans la publicité ou l'étiquetage ;

2° ou s'il présente les caractéristiques définies d'un commun accord par les parties ou est propre à tout usage spécial recherché par l'acheteur, porté à la connaissance du vendeur et que ce dernier a accepté.

Le tribunal a à juste titre estimé que la preuve était rapportée par l'acheteur d'une non-conformité du bien par rapport aux caractéristiques définies d'un commun accord par les parties ou par rapport à l'usage spécial recherché par Mme B., porté à la connaissance de l'EARL Les Frisons d'Ambène et qu'elle avait accepté. En effet, la non-conformité du cheval doit s'apprécier en l'espèce, compte tenu des dispositions contractuelles, par rapport à cet 'usage spécial recherché par l'acheteur', à savoir un usage de reproduction loisirs dressage' pour un acheteur d'un niveau équestre 'intermédiaire' destiné à monter une jument de niveau G3/4 visé au contrat et accepté du vendeur.

Rappelant que Mme B. faisait état d'une non-conformité de la jument tenant à sa rétivité et à son inadaptation à la discipline du loisir et du dressage par un cavalier de niveau Galop 3, le tribunal a relevé :

•  que l'expert judiciaire a conclu que la jument ne pouvait en aucun cas être confiée à un cavalier de petit niveau ; que la jument litigieuse de race Frisonne à réputation de cheval au mental équilibré, affectueux et doux en faisant un cheval d'attelage parfaitement habitué à être maintenu dans les brancards et sous la traction des traits, était 'tout le contraire' en ce qu'elle présentait un mental déséquilibré sur un animal qui n'avait bénéficié d'aucun dressage sérieux, ni d'aucune expérience de selle ;

•  que Mme B. produisait un compte-rendu médical du docteur S., vétérinaire, qui concluait le 15 mars 2017 que la jument était manifestement inutilisable pour une activité de loisirs, encore moins par une cavalière surtout de niveau équestre moyen.

Le tribunal a considéré que l'EARL Les Frisons d'Ambène ne versait aucune pièce permettant de remettre en cause le défaut de conformité allégué, ce que la cour constate également en appel.

- Il convient toutefois dans un second temps de déterminer si Mme B. rapporte la preuve d'un défaut de conformité existant au moment de la délivrance du bien.

A la suite d'une réunion s'étant déroulée le 5 septembre 2017, soit un peu plus de six mois après la vente, l'expert judiciaire a constaté :

La jument se présente bien dans son boxe au sein de cette belle écurie de haute tenue. Elle se laisse harnacher et s'accommode d'un environnement bruyant et plutôt perturbateur : une dizaine de personnes, un chien...le boxe étant resté ouvert.

Pour la détendre, la jument est conduite sur un rond de dressage où elle est simplement tenue par une plate longe, sellée, mais sans cavalier. Les trois allures sont effectuées sans grande difficulté.

Transfert au grand manège de l'établissement où le cavalier, moniteur d'Etat/instructeur, monte la jument. Je constate une certaine rétivité à la prise de contact.

On sent la jument en constante résistance, sans aucune marque d'obéissance. Celle-ci répond assez bien à l'instruction de main droite, mais pas du tout à celle de main gauche. En fait, elle n'a pas de direction'. Elle lance la tête en arrière, puis très en l'air, suite à des mouvements de 'menton', recule la tête sur l'arrière suivi de brusques retours en l'air qui s'apparentent au syndrome du 'tic à l'encensé.

Je constate qu'elle croise de façon assez permanente les postérieurs.

Le cavalier, par prudence, renonce à galoper sur plus de 20 mètres. Pour maintenir la jument, on voit bien qu'il faut un travail de jambes serrées et sa prudence révèle bien le caractère dangereux d'Ingelien N.

Devant l'absence d'obéissance, je suggère la mise en place d'une embouchure plus sévère, voire d'un double enrênement. Le cavalier s'y refuse, redoutant ruades et cabrioles.

Pour conclure, cette jument se révèle dangereuse et ne peut être confiée qu'à un professionnel très averti.'

L'expert poursuit cette jument ne présente apparemment aucun désordre particulier, ni une quelconque absence de conformité à sa race. En revanche, après avoir étudié l'animal lors de la réunion d'expertise, je constate un mental déséquilibré sur un animal qui n'a bénéficié d'aucun dressage sérieux, ni d'aucune expérience à la selle...Aujourd'hui à 7 1/2 ans il est beaucoup trop tard pour formater différemment son caractère déjà trop marqué au sens le plus négatif. Un dressage sérieux sera assez difficile pour obtenir la quiétude et l'équilibre mental qu'on est en droit d'attendre d'un cheval Frison.

Il expose que les causes de l'état constaté peuvent être multiples :

- liées à un état congénital ou un atavisme issu des grands-parents ;

- un animal tout juste sorti du pré ;

- un débourrage trop rapide, synthétique, voire totalement artificiel ;

- un incident, voir un accident ayant perturbé son mental et l'ayant rendue particulièrement rétive ;

- un syndrome évident de tic à l'encensé.

Interrogé dans le cadre d'un dire de l'EARL Les Frisons d'Ambène (page 18 du rapport) sur l'hypothèse d'une expérience traumatique de la jument au lendemain de son installation aux Ecuries de l'Académie Equestre du Miroir, l'expert répond que cette hypothèse semble difficile à retenir car la jument a été très peu harnachée et montée, et le centre en question est un établissement exemplaire au niveau de sa structure, ses équipements et leur sécurisation, et son personnel.

L'expert judiciaire conclut que le 'caractère vraisemblablement contrarié de longue date l'a conduite à des gestes désordonnés qui en font un animal d'une absence totale de conformité avec le projet d'acquisition de Mme B.

Les éléments du rapport exposés sont parfaitement objectifs, et l'intimée ne peut conclure à l'absence d'impartialité de l'expert en se contentant de citer des extraits du rapport, sans tenir compte des conclusions dans leur ensemble.

L'existence de cette non-conformité de la jument par rapport aux caractéristiques définies au contrat au jour de la délivrance de l'animal est corroborée par deux attestations versées aux débats par Mme B. :

•  celle de Mme Virginie G.-D. en date du 10 mai 2017 qui expose avoir été propriétaire de la jument litigieuse pendant trois mois, du 28 août 2016 au mois de décembre 2016, jument acquise auprès de l'EARL Les Frisons d'Ambène de Mme Y..

Elle explique que malgré son niveau Galop 6, la jument était difficile à maîtriser et à contrôler alors qu'elle lui a été vendue comme une jument calme et pour un niveau débutant ; qu'elle l'a fait monter par la monitrice du centre équestre pour qu'elle donne son avis ; que celle-ci, après l'avoir montée pendant quatre heures étalées sur une semaine a fait les mêmes constatations qu'elle : une jument difficile, un manque d'apprentissage, une anxiété énorme et un comportement demandant au cavalier une méfiance constante pour ne pas se mettre en danger.

Elle ajoute que l'animal a en permanence une peur intérieure qui le rend dangereux pour le cavalier et pour lui-même.

Elle a décidé de rendre l'animal, et Mme Y. a été d'accord pour la lui reprendre et l'échanger contre un autre cheval de son élevage. Elle précise que selon Mme Y., le comportement de la jument s'expliquait par des problèmes dentaires.

•  celle de Mme Sandrine C. épouse F. du 9 mai 2017 qui expose avoir hébergé la jument litigieuse du 27 janvier au 3 février 2017 au sein de ses écuries.

Mme C. expose qu'un contrat d'échange a été établi avec Mme Y., gérante de l'EARL Les Frisons d'Ambène, elle lui cédait une de ses juments ne pouvant pas pouliner contre Ingelien N. dans le but d'en faire une poulinière. Outre le fait que cette dernière était à l'impropre à l'usage auquel Mme C. la destinait (reproduction), elle précise que lorsque la jument était montée, elle était tellement stressée et nerveuse qu'elle n'a pas essayé de la faire galoper, qu'elle avait l'impression d'avoir 'une bombe à retardement', que l'animal ne devait pas être mis entre n'importe quelles mains et qu'elle ne pouvait convenir qu'à un niveau Galop 7 certifié.

Mme Y. gérante de l'EARL Les Frisons d'Ambène, a déposé plainte notamment contre Mme B. et Mme C. F. le 31 janvier 2018, en raison de la publication d'écrits sur le réseau social Facebook dans le cadre d'un groupe privé créé huit mois avant la plainte. Le tribunal a estimé qu'il pouvait exister des intérêts convergents entre ces deux personnes pour écarter l'une des deux attestations.

Néanmoins, l'intimée ne fournit devant la cour aucune précision sur le sort de cette plainte trois ans après son dépôt.

Les éléments produits aux débats par l'EARL Les Frisons d'Ambène à ce titre n'apportent d'ailleurs aucun élément de plus que ceux exposés par Mme B. dans ses conclusions.

Il doit en outre être constaté que l'attestation de Mme C. est en date du 9 mai 2017.

Ces deux personnes, Mme G. et Mme C. ont toutes deux constaté quelques mois, voire quelques jours avant la vente de la jument à Mme B., qu'il s'agissait d'un animal ne pouvant être confié qu'à une personne disposant d'un niveau de maîtrise important au vu de son comportement.

L'EARL Les Frisons d'Ambène se prévaut de l'essai de la jument que Mme B. a réalisé lors des journées des 8 et 9 février 2017 au sein de son élevage, au cours duquel aucun problème de comportement n'est apparu. Elle invoque à l'appui de cette affirmation l'attestation de Mme D., stagiaire à l'époque des faits au sein de l'écurie et les précisions apportées par le vétérinaire le docteur T..

Mme D. a relaté le déroulement de ces deux journées, concluant que Mme B. avait passé au moins deux heures à cheval et une heure à pied chaque jour. Si cette pièce révèle la présence d'un cheval relativement calme, l'expert judiciaire a toutefois relevé dans cette attestation qu'il était précisé que la jument était principalement tenue à la longe, puis 'marché' simplement pour un travail à pied, et pour finir parfaire de nouveau soins.

Quant au vétérinaire, le docteur T. qui a procédé à la visite de transaction le 9 février 2017, il 'a relevé aucun problème particulier concluant à un examen médical satisfaisant. Le vétérinaire a toutefois noté en page 3 dans la case intitulée 'Grands cercle terrain souple. Trot et galop. Main G. Main D : Normal avec la précision 'Très peu de galop observé, car terrain glissant.

Dans une attestation datée du 12 mai 2017, ce vétérinaire écrit avoir vu la jument montée par Mme B. en manège au pas et au trot, ainsi que Mme D. en extérieur au galop le 9 février 2017, date à laquelle il a réalisé l'examen de visite de transaction. Il précise : La jument ne présentait alors pas de signes de Headshaking.

Ces attestations confirment les dires de Mme B. selon lesquels elle n'a procédé à l'essai du cheval qu'au pas et au trot et que les conditions météorologiques ont limité les possibilités d'essai notamment en raison du 'terrain glissant'.

Par ailleurs, l'expert judiciaire a rappelé la définition du Headshaking : syndrome se manifestant par des mouvements totalement incontrôlés et brusques de la tête du cheval, les mouvements variés s'accompagnant de comportements très gênants pour le cavalier (la tête secouée de haut en bas ou sur les côtés, le nez qui frotte au sol). L'expert s'est étonné du fait que le vétérinaire appelle le problème pour l'écarter alors qu'il n'est jamais soulevé dans ce type d'examen vétérinaire.

L'EARL Les Frisons d'Ambène se prévaut ensuite des échanges ayant eu lieu entre Mme B. et Mme Y. postérieurement à la vente pour conclure à l'absence de non-conformité.

L'animal a été transporté le 19 février 2017, et le lendemain Mme B. a adressé un message SMS à Mme Y. en ces termes : Nini a bien dormi, bien mangé, elle est un peu réactive car dans un nouvel environnement mais je me suis occupée d'elle 2 h ce matin, je lui ai fait la totale.

Le 3 mars 2017, Mme B. s'est plainte auprès de Mme Y. du matériel vendu et a conclu son courriel en ces termes 'Nini va bien, nous apprenons chaque jour à nous connaître d'avantage et elle semble m'apprécier.

Le 9 mars 2017, elle a adressé un nouvel SMS pour interroger Mme Y. sur le problème du matériel.

Il ne peut être tiré de ces échanges aucune conclusion quant à la conformité ou non du cheval, la non-conformité dénoncée par l'acheteuse dans son courrier du 13 mars 2017, nécessitant d'avoir pu utiliser l'animal. Mme B. a d'ailleurs bien mentionné dans son SMS du 20 février 2017 que la jument était réactive.

Dans le courrier du 13 mars 2017, donc dans un délai de moins d'un mois après la livraison de l'animal, Mme B. a exposé que dès les premières tentatives de monte simple et sans aucune exigence particulière par les dresseuses, il s'est avéré que la jument s'est montrée très rétive, nerveuse et incapable d'être montée de manière régulière aux trois allures, n'ayant pas de direction et enchaînant les ruades dès lors qu'elle était travaillée à main droite et s'emballant de manière totalement imprévisible. Elle a poursuivi en indiquant que la propriétaire de l'écurie qui était spécialisée dans le dressage, avait elle-même fait le constat de toutes ces difficultés et s'était étonnée qu'un tel cheval ait pu lui être vendu.

L'EARL Les Frisons d'Ambène ne peut d'ailleurs se retrancher derrière les clauses du contrat de vente prévoyant à l'article 10 : 'Le vendeur accorde la possibilité à l'acheteur de restituer l'animal sous un délai de deux semaines après livraison du cheval, si par hasard un problème de caractère se présentait, si l'équidé ne s'entendait pas avec d'autres, s'il était rétif avec le cavalier, si le vétérinaire de l'acheteur décelait un problème de santé durant cette période, ou encore si l'acheteur changeait d'avis et ne voulait plus avoir ce type d'animal.

Il s'agit là d'une garantie contractuelle s'ajoutant aux dispositifs légaux, et notamment à l'obligation de conformité des dispositions du code de la consommation.

Ainsi, contrairement ce qu'a retenu le tribunal, la cour estime que Mme B. rapporte la preuve de l'existence de la non-conformité de la jument acquise le 9 février 2017 par rapport aux caractéristiques définies au contrat, non-conformité existant au jour de la délivrance de l'animal et justifiant le droit de solliciter la résolution du contrat de vente conformément à l'article L.217-10 du code de la consommation, les autres attestations produites par l'EARL Les Frisons d'Ambène ne remettant pas en cause cette analyse. Le jugement sera donc infirmé.

- Il convient enfin de déterminer les conséquences financières de la résolution du contrat.

Aucun partage de responsabilité n'a à être prononcé dans les circonstances décrites, aucune faute de Mme B. ne pouvant être retenue, celle-ci étant une simple consommatrice ayant acquis un bien par le biais d'un professionnel.

Il sera en premier lieu fait droit à la demande de restitution du prix d'acquisition à hauteur de 10 560 euros.

Par ailleurs, Mme B. doit être remboursée des frais liés à la vente qu'elle n'aurait pas dû assumer si la vente n'avait jamais eu lieu, à savoir :

•   les frais de transport de la jument du 19 février 2017 : 667 euros ;

•   les frais d'assurance du cheval : 1 032 euros ;

•   les frais vétérinaire/immatriculation et Sud-Book : 786 euros ;

•   les frais de maréchalerie : 195 euros ;

•   les frais annexes tels que les sur-aliments, anti-mouches, petits matériels d'écurie : forfait de 500 euros.

soit un total de 3 180 euros.

Ces montants ont été validés par l'expert judiciaire.

Le matériel livré par l'EARL Les Frisons d'Ambène à hauteur de 1 240 euros ne sera pas inclus dans le préjudice, ce matériel pouvant être utilisé par Mme B..

Il convient de surcroît d'ajouter les frais de pension hébergement et travail dont le montant mensuel a été considéré comme un prix convenable par l'expert judiciaire, à savoir 580 euros par mois.

Mme B. justifie à ce titre de ces frais à hauteur de 16 834 euros sur la période de février 2017 à juillet 2020. Il sera fait à la demande dans cette limite.

Enfin, Mme B. qui a été privée de la jouissance de pouvoir monter son cheval pendant toute la durée de la procédure, sera indemnisée à hauteur de 4 000 euros afin de réparer ce préjudice.

Sa demande au titre du préjudice moral sera toutefois rejetée, ce dommage n'étant pas caractérisé.

- Succombant à l'instance, l'EARL Les Frisons d'Ambène sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, qui comprendront les frais d'expertise judiciaire.

Par ailleurs, elle sera condamnée à verser à Mme B. la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau :

Ordonne la résolution de la vente du 9 février 2017 conclue entre Mme Marianne B. et l'EARL Les Frisons d'Ambène relative à la jument Ingelien N. ;

Condamne en conséquence l'EARL Les Frisons d'Ambène à restituer à Mme Marianne B. le prix de vente à hauteur de 10 560 euros TTC et ordonne la restitution de la jument par Mme Marianne B. à l'EARL Les Frison d'Ambène aux frais de cette dernière ;

Condamne l'EARL Les Frisons d'Ambène à rembourser à Mme Marianne B. la somme de 20 014 euros au titre des frais liés à l'entretien et à la conservation de la jument depuis la vente jusqu'au mois de juillet 2020 ;

Condamne l'EARL Les Frisons d'Ambène à payer à Mme Marianne B. la somme de 4 000 euros au titre du préjudice de jouissance ;

Déboute Mme Marianne B. de sa demande d'indemnisation au titre du préjudice moral ;

Déboute l'EARL Les Frisons d'Ambène de l'ensemble de ses demandes ;

Condamne l'EARL Les Frisons d'Ambène à payer à Mme Marianne B. la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne l'EARL Les Frisons d'Ambène aux dépens de première instance et d'appel, qui comprendront les frais d'expertise judiciaire.