Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 21 janvier 2022, n° 19/11770

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Place des Tendances (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ardisson

Conseillers :

Mme Primevert, Mme L'Eleu de La Simone

Avocats :

Me Allard, Me Laroze Cervetti, Me Regnier

T. com. Paris, du 1er avr. 2019

1 avril 2019

Vu le jugement du tribunal de commerce de Paris du 1er avril 2019 qui a condamné la société Place des tendances à payer à M. X les sommes de 13 394,22 euros de dommages et intérêts au titre de la rupture brutale de leur relation commerciale établie, et de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens et débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

Vu l'appel interjeté le 7 juin 2019 par M. X ;

Vu les conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 21 septembre 2019 pour X afin d'entendre, en application de l'article L. 442-6 du code de commerce :

- dire recevable et bien-fondé les demandes,

- débouter la société Place des tendances en toutes ses demandes,

- infirmer le jugement en ce qu'il a limité à 13 394,22 euros la réparation du préjudice au titre de la rupture brutale des relations commerciales et écarté la demande tendant à "dire et juger que Monsieur X n'a commis aucune faute de nature à justifier la diminution du préavis auquel il pouvait prétendre",

- dire que la société Place des tendances a rompu brutalement la relation commerciale établie,

- dire que M. X n'a commis aucune faute de nature à justifier la rupture sans préavis de ses relations commerciales avec la société Place des tendances,

- condamner la société Place des tendances à verser la somme de 111 488,58 euros correspondant à 18 mois de préavis,

- condamner la société Place des tendances à verser 12 000 euros à au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens en cause d'appel,

- confirmer le jugement pour le surplus ;

Vu les conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 13 août 2021 pour la société Place des tendances afin d'entendre, en application des articles L. 442-6, I, 5° du code de commerce et 1353 du code civil :

- recevoir l'appel incident et le déclarer bien fondé,

- infirmer le jugement en ce qu'il a estimé que la société Place des Tendances avait rompu abusivement sa relation avec M. X,

- dire que c'est à bon droit que Place des Tendances a mis fin, sans préavis, à la relation commerciale qu'elle entretenait avec M. à raison de ses manquements graves et répétés,

- confirmer subsidiairement le jugement en ce qu'il a limité le préavis à trois mois,

- constater que M. X ne fournit pas d'éléments probants permettant de calculer le montant de l'indemnité compensatrice de préavis dont il se prétend créancier et notamment, qu'il ne détaille pas les postes de charges pris en considération dans le calcul de marge de son expert comptable,

- débouter M. X de sa demande indemnitaire, ainsi que de toutes ses autres demandes,

- condamner M. X à payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. X aux entiers dépens de première instance et d'appel.

SUR CE, LA COUR,

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties.

Il sera succinctement rapporté que, à compter d'avril 2010, M. X, photographe professionnel, a réalisé des photographies de vêtements à la demande de la société Place des tendances et cette activité a représenté 90 % de son chiffre d'affaires hors taxes pour 53 063 euros en 2011, 69 868 en 2012, 72 588 euros en 2013, 80 521 euros en 2014, avant de s'interrompre sans préavis à compter de juillet 2015 et de chuter à 24 551 euros pour ne représenter plus que 56 % de son chiffre d'affaires.

Le 12 septembre 2017, le conseil de M. X a notifié à la société Place des tendances le grief de la rupture brutale de leur relation commerciale et l'a mise en demeure de régler une indemnité de 111 488,58 euros représentative d'un préavis de 18 mois avant de l'assigner aux mêmes fins le 24 octobre suivant devant la juridiction commerciale.

1. Sur la preuve de la relation commerciale établie et la faute dans la rupture

Pour voir infirmer le jugement qui a retenu sa responsabilité dans la rupture brutale de la relation commerciale établie avec M. X, la société Place des tendances soutient d'abord que l'activité était fluctuante d'un mois sur l'autre, et oppose les manquements répétés qu'elle a reprochés à M. X dans quinze courriels aux termes desquels elle lui reproche, le 12 décembre 2013 et les 4 et 19 septembre et 17 octobre 2014 des erreurs dans le référencement des photographies, et les 1er octobre, 9 et 10 décembre 2014, 12 janvier 2015, 30 janvier, 5 et 11 mars, et 22 juin 2015, le non-respect du cahier des charges pour la prise des photographies ou des retards dans la communication de photographies, la société Place des tendances indiquant avoir dû reprendre les photos réalisées par M. X, la société Place des tendances fait grief à M. X sa déloyauté et les propos dénigrants qu'il a tenus auprès d'une assistante studio photo et d'une responsable des achats de l'établissement.

Toutefois, nombre de ces courriels se limitent à des échanges sur la prestation à fournir ou à préciser, et les autres, aux accents plus dénonciateurs, ne sont pas rapportés à l'ensemble du flux des productions hebdomadaires de M. X et à la caractérisation d'un préjudice autrement que sous des énoncés généraux, et tandis que, connaissance prise des attestations des salariées de la société Place des tendances, il n'est pas caractérisé de propos dénigrants de l'entreprise de la part de M. X, mais seulement la reprise des griefs de leur employeur, il ne se déduit pas la preuve des inexécutions de nature à justifier la rupture de la relation commerciale sans préavis, de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a retenue au détriment de la société Place des tendances.

2. Sur la réparation du préjudice

Pour voir infirmer le jugement sur l'indemnisation de son préjudice, M. X prétend d'une part fixer à 18 mois, la durée de préavis nécessaire à pallier les conséquences de sa dépendance de son activité appelée par la société Place des tendances et qu'il entend d'autre part rapporter à la moyenne de son chiffre d'affaires réalisé lors des trois exercices précédant la rupture.

Au demeurant, par des motifs que la cour adopte, les premiers juges ont dûment retenu que l'activité de photographe d'articles de mode diffusés sur Internet est ouverte et recherchée, relevé qu'aucune exclusivité n'a été imposée à M. X et qu'enfin, il ne justifiait pas être placé dans l'impossibilité d'orienter son activité auprès d'autres clients, de sorte que sur la base de la durée de la relation commerciale établie depuis avril 2010, le jugement sera confirmé en ce qu'il a fixé à trois mois, le préavis qui devait précéder la rupture.

De même, les premiers juges ont a bon droit écarté le chiffre d'affaires de M. X pour le calcul de l'indemnisation, mais sur la base de l'attestation de son expert comptable qu'il n'avait pas produite en première instance, et qui établit la marge brute réalisée sur les derniers exercices, il convient de réviser à la somme de 16 945,16 euros le montant de l'indemnité propre à réparer le préjudice.

3. Sur les dépens et les frais irrépétibles

La société Place des tendances succombant à l'action, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles, mais alors que le recours aurait pu être épargné si dès l'origine de son action, M. X avait communiqué le détail de sa marge utile à la détermination de son indemnité, il convient en cause d'appel de laisser à chacune des parties la charge de ses propres dépens et des frais qu'elle a pu exposer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement, sauf sur le montant des dommages et intérêts ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société Place des tendances à verser à M. X la somme de 16 945,16 euros au titre de la rupture brutale de la relation commerciale établie ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens et des frais exposés sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.