Cass. 1re civ., 19 janvier 2022, n° 20-14.717
COUR DE CASSATION
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Campus Privé d'Alsace (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Avocats :
SCP Boullez, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano
Président :
M. Chauvin
Rapporteur :
M. Serrier
Exposé du litige
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 23 janvier 2020), selon contrat du 3 mai 2015, M. [J] s'est inscrit, auprès de la société Campus privé d'Alsace (la société), à une formation d'ostéopathe, d'une durée de cinq ans, en s'acquittant immédiatement d'une partie du prix forfaitaire de la scolarité. Par lettre du 22 mai 2016, il a notifié à la société sa volonté de cesser définitivement sa scolarité.
2. Se prévalant des clauses prévues aux articles 2 et 4 des conditions générales du contrat d'inscription, stipulant que le contrat a une durée déterminée égale à l'entier cycle de formation sans possibilité pour l'étudiant de suspendre ou résilier son engagement et de différer le paiement des sommes dues, sauf en cas de force majeure ou de circonstances exceptionnelles et graves soumises à l'appréciation de la direction de l'établissement, la société a assigné M. [J] en paiement du solde du prix. M. [J] lui a opposé le caractère abusif de ces clauses.
Moyens
Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
3. La société fait grief à l'arrêt de déclarer abusives et réputées non écrites les clauses figurant à l'article 2, alinéa 2, et à l'article 4, alinéa 3, des conditions générales du contrat d'inscription et de rejeter ses demandes, alors « que présente un caractère abusif, au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, la clause d'un contrat d'inscription dans un établissement d'enseignement qui fait du prix total de la scolarité un forfait intégralement acquis à l'école, dès la signature du contrat, lorsqu'elle ne permet une dispense partielle du règlement de la formation qu'en cas de force majeure ; qu'en déclarant abusives les clauses du contrat d'enseignement imposant à l'étudiant de s'acquitter de la totalité des frais de scolarité, bien que l'article 4 du contrat lui ouvre la faculté d'y mettre un terme avant l'échéance du terme « en cas de force majeure ou de circonstances exceptionnelles et graves », la cour d'appel a violé la disposition précitée. »
Motivation
Réponse de la Cour
4. La cour d'appel a relevé, d'une part, que les articles 2, alinéa 2, et 4 alinéa 3, des conditions générales du contrat ne permettaient à l'élève de résilier le contrat qu'en cas de force majeure ou de circonstances exceptionnelles et graves, alors que la société, pouvait y procéder en cas d'incident suscité par l'étudiant, tel que l'absentéisme et un comportement contraire au règlement intérieur et, mais seulement avant le début des cours, en cas d'effectif insuffisant ou de raison pédagogique et d'organisation majeure, d'autre part, que l'appréciation du motif de résiliation invoqué par l'étudiant était laissé à la discrétion de l'école.
5. La cour d'appel en a exactement déduit que les clauses litigieuses, qui soumettaient la résiliation du contrat à des modalités plus rigoureuses pour l'élève que pour la société créaient un déséquilibre significatif au détriment de l'étudiant et qu'elles devaient en conséquence être déclarées abusives et réputées non écrites.
6. Le moyen n'est donc pas fondé.
Moyens
Sur le moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
7. M. [J] fait grief à l'arrêt de n'avoir déclaré abusives et réputées non écrites que l'article 2 alinéa 2 et l'article 4 alinéa 3 des conditions générales du contrat d'inscription et de rejeter le surplus de ses demandes, alors « que dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que la clause qui enferme le contrat dans une durée déterminée est abusive lorsqu'elle consacre par ailleurs un déséquilibre entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur, notamment en ne lui permettant pas de résilier la convention pour motif légitime ; qu'en l'espèce, l'article 2 des conditions générales du contrat d'enseignement du 3 mai 2015, lu en combinaison avec leur article 4, a pour objet et pour effet de maintenir l'élève dans les liens contractuels pendant la durée de l'entier cycle de formation, dont il est acquis aux débats qu'elle est de cinq ans, avec l'obligation pour l'élève de régler la totalité des frais de scolarité de ce cycle sous réserve d'un cas de force majeure ou de circonstances exceptionnelles et graves, soumises à la libre appréciation du directeur de l'école, qui statue par décision insusceptible de recours ; que l'école peut en revanche résilier le contrat en cas "d'incident suscité par l'étudiant inscrit, tel que l'absentéisme, comportement contraire à la Charte générale et pédagogique de l'école" et, avant le début des cours annuels, "en cas d'effectif insuffisant ou de raison pédagogique et d'organisation majeure" ; qu'il en résulte un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur qui rend abusive la clause qui prévoit une durée déterminée d'engagement de l'élève de cinq ans ; qu'en affirmant au contraire qu'il est loisible aux parties de prévoir que le contrat sera à durée déterminée pour toute la durée du cycle d'études, pour se borner à réputer ces clauses abusives seulement en ce qu'elles ne réservent pas le cas d'une résiliation par l'étudiant pour un motif légitime et impérieux, la cour d'appel a violé l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable en la cause. »
Motivation
Réponse de la Cour
8. La cour d'appel ayant retenu le caractère abusif des articles 2, alinéa 2, et 4, alinéa 3, des conditions générales du contrat, en raison des modalités de résiliation, M. [J] est sans intérêt à critiquer l'arrêt en ce qu'il n'a pas retenu leur caractère abusif au regard de la durée de l'engagement.
9. Le moyen est donc irrecevable.
Moyens
Sur le second moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
10. La société fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors :
« 1°) que l'existence d'un motif légitime et sérieux, dont dépend la résiliation anticipée du contrat d'enseignement conclu pour une durée déterminée, suppose que la décision de l'élève de mettre fin à sa formation soit justifiée par les circonstances, soit qu'elle relève d'une certaine forme de contrainte, soit qu'elle ressorte d'un état de nécessité, comme c'est le cas d'un déménagement ou d'un motif de santé survenant après la conclusion du contrat d'enseignement ; qu'elle ne saurait résulter d'une simple convenance personnelle, ni de la seule volonté de l'étudiant de se réorienter dès qu'il estime utile d'arrêter sa formation ; qu'en décidant que la seule volonté de l'étudiant de se réorienter constitue un motif impérieux et légitime, après avoir constaté qu'il était mineur lors de la conclusion du contrat et que ses mauvais résultats pouvaient s'expliquer par la conviction que ses études ne correspondaient pas à ses résultats, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1184 du code civil dans leur rédaction applicable en l'espèce ;
2°) que le motif dubitatif équivaut au défaut de motifs ; qu'en décidant que les mauvais résultats obtenus par M. [J] en première année d'études d'ostéopathie « pouvaient » s'expliquer par le fait qu'il avait pris conscience, après avoir débuté dans ces études, qu'elles ne correspondaient pas à ses capacités ou à ses attentes, la cour d'appel a déduit un motif dubitatif, en violation de l'article 455 du code de procédure civile. » Motivation Réponse de la Cour
11. Sous le couvert de griefs non fondés de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion devant la Cour de cassation l'appréciation souveraine par la cour d'appel des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, au vu desquels elle a estimé que M. [J] justifiait d'un motif impérieux et légitime de résilier le contrat à l'issue de sa première année de scolarité.
12. Il ne peut donc être accueilli.
Dispositif
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf janvier deux mille vingt-deux.