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Décisions

Cass. 3e civ., 19 janvier 2022, n° 21-11.095

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Teiller

Rapporteur :

M. Boyer

Avocat général :

M. Burgaud

Avocat :

la SCP Thouin-Palat et Boucard

Besançon, 1re ch. civ. com., du 24 nov. …

24 novembre 2020

Désistement partiel

1. Il est donné acte à M. [I] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. [C] et M. [V].

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 24 novembre 2020), par contrat du 6 novembre 2012, M. [I] a confié la maîtrise d'oeuvre de travaux de réhabilitation d'un logement d'habitation aménagé en partie dans une ancienne cave à la société Polygone habitat concept, M. [V] ayant été chargé du lot électricité ventilation.

3. M. [I] a donné à bail à M. [C] l'appartement ainsi réhabilité.

4. Se plaignant de la forte humidité affectant le logement, M. [C] a assigné M. [I] en exécution de travaux et réparation de ses préjudices, lequel a assigné en garantie les intervenants à l'acte de construire.

5. Une expertise a été ordonnée.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. M. [I] fait grief à l'arrêt de le déclarer irrecevable à agir à l'encontre de la société Polygone habitat concept, alors « que le juge doit examiner d'office le caractère abusif des clauses invoquées par une partie dès lors qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet ; que dans sa version applicable au contrat de maîtrise d'oeuvre du 6 novembre 2012, l'article R. 132-2 10° du code de la consommation présume abusives, dans les contrats entre professionnels et consommateurs, les clauses ayant pour objet ou pour effet d'entraver l'exercice d'actions en justice en obligeant le consommateur à recourir au préalable à un mode alternatif de règlement des différends ; que pour dire M. [I], maître d'ouvrage, irrecevable à agir contre la SARL, maître d'oeuvre, la cour d'appel a retenu que l'article 3.13 du contrat du 6 novembre 2012 contenait une clause aux termes de laquelle les parties s'engageaient, en cas de litige sur l'exécution de ce contrat, à saisir la commission de conciliation de l'association Franche-Comté Consommateurs avant toute procédure judiciaire ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher d'office, comme elle y était tenue, si cette clause, qu'elle était en mesure d'examiner en fait et en droit, ne présentait pas un caractère abusif, la cour d'appel a violé l'article L. 132-1 du code de la consommation en sa rédaction issue de la loi 2010-737 du 1er juillet 2010, ensemble l'article R. 132-2 10° dudit code en sa rédaction issue du décret 2009-302 du 18 mars 2009 et l'article R. 632-1 de ce même code. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 132-1, devenu L. 212-1 du code de la consommation, R. 132-2, 10°, devenu R. 212-2, 10°, et R. 632-1 du même code :

7. Selon le premier de ces textes, dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

8. Le second dispose que, dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont présumées abusives, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, les clauses ayant pour objet ou pour effet de supprimer ou entraver l'exercice d'actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, notamment en obligeant le consommateur à saisir exclusivement une juridiction d'arbitrage non couverte par des dispositions légales ou à passer exclusivement par un mode alternatif de règlement des litiges.

9. Il est jugé, au visa de ces textes, que la clause, qui contraint le consommateur, en cas de litige, à recourir obligatoirement à une médiation avant la saisine du juge, est présumée abusive, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, de sorte que l'arrêt qui, à défaut de cette preuve contraire, fait produire effet à une telle clause doit être cassé (1re Civ., 16 mai 2018, pourvoi n° 17-16.197).

10. Selon le troisième, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 et applicable au litige, le juge écarte d'office, après avoir recueilli les observations des parties, l'application d'une clause dont le caractère abusif ressort des débats.

11. Pour accueillir la fin de non-recevoir opposée par la société Polygone habitat concept aux demandes du maître de l'ouvrage, l'arrêt, qui constate que le contrat de maîtrise d'oeuvre comporte une clause selon laquelle « en cas de litige portant sur l'exécution du contrat, les parties conviennent de saisir et de se soumettre à la commission de conciliation de l'association Franche-Comté consommateurs, et ce avant toute procédure judiciaire, sauf éventuellement mesures conservatoires. A défaut d'un règlement amiable le litige sera du ressort des juridictions compétentes » et qui relève que M. [I] ne réplique pas à ce moyen procédural, retient que le non-respect de cette clause est sanctionné par une fin de non-recevoir.

12. En se déterminant ainsi, alors que la clause, qui contraint le consommateur, en cas de litige avec un professionnel, à recourir obligatoirement à un mode alternatif de règlement des litiges avant la saisine du juge, est présumée abusive, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire, de sorte qu'il lui appartenait d'examiner d'office la régularité d'une telle clause, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare M. [I] irrecevable à agir à l'encontre de la société Polygone habitat concept, l'arrêt rendu le 24 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Dijon.