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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 20 janvier 2022, n° 18/07528

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Transports Distribution Logistique (SAS)

Défendeur :

SAGAM (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Prigent

Conseiller :

Mme Soudry

Conseiller :

Mme Lignières

Avocats :

Me Klochendler Levy, Me de Thier, Me Levaufre Houis, Me Etevenard, Me Guin

T. com. Paris, du 8 févr. 2018, n° 20140…

8 février 2018

La société Transports Distribution Logistique (ci-après société TDL) exerce une activité de transports et de commissionnaire de transports.

La société Sagam propose un service de centrale de référencement de produits de puériculture à des commerçants indépendants. Elle leur propose également des prestations de stockage et de livraison.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 2 mai 2013, la société Sagam a annoncé à la société TDL qu'elle mettait fin à leurs relations commerciales à compter du 31 décembre 2013.

Par acte du 25 avril 2014, la société TDL a assigné la société Sagam devant le tribunal de commerce de Paris aux fins d'obtenir réparation du préjudice découlant de la rupture brutale des relations commerciales établies.

Par jugement du 8 février 2018, le tribunal de commerce de Paris a :

Débouté la SAS Transports Distribution Logistique de l'ensemble de ses demandes ;                          

Condamné la SAS Transports Logistique Distribution à verser à la SAS Sagam la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, déboutant pour le surplus ;

Condamné la SAS Transports Logistique Distribution aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 121,44 euros dont 20,02 euros de TVA.

Par déclaration du 10 avril 2018, la société TDL a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 27 juin 2018, la société TDL demande à la cour de :

Vu l'article L. 442-6 du code de commerce ;

Réformer le jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 8 février 2018 en ce qu'il déboute la société Transports Distribution Logistique de l'ensemble de ses demandes indemnitaires ;

En conséquence,

Condamner la société Sagam d'avoir à verser à la société Transports Distribution Logistique une indemnité de 82.922,83 euros au titre du préavis non respecté ;

Condamner la société Sagam d'avoir à payer à la société Transports Distribution Logistique une indemnité de 43.934,02 euros au titre de la part non amortie de l'investissement spécifique.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 29 août 2018, la société Sagam demande à la cour de :

Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Débouter la société Transports Distribution Logistique de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

La condamner au paiement à la société Sagam d'une somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 20 mai 2021.

MOTIFS

Sur la rupture brutale des relations commerciales.

A l'appui de ses demandes indemnitaires, la société TDL reproche à la société SAGAM d'avoir brutalement rompu leurs relations commerciales dans un premier temps, partiellement, entre 2009 et 2013, période pendant laquelle le chiffre d'affaires réalisé avec elle aurait diminué de 47,6 %, puis dans un second temps, totalement, à partir de 2014, par l'insuffisance du préavis au regard de la durée de leurs relations commerciales de 12 années. Elle prétend également avoir dû développer un logiciel spécifique pour satisfaire aux exigences de la société SAGAM, investissement pour lequel elle revendique une indemnisation.

En réplique, la société SAGAM dénie toute rupture brutale partielle ou totale des relations commerciales entretenues avec la société TDL. Elle explique que dans le cadre de son activité de centrale d'achats, les commerçants adhérents ont le choix de passer directement leurs commandes aux fournisseurs ou de passer par son intermédiaire. Dans cette dernière hypothèse, elle explique fournir des prestations logistiques à ses clients consistant à stocker la marchandise dans son entrepôt puis à en assurer la livraison. Elle indique qu'au cours des dernières années, ses adhérents ont privilégié les achats directs auprès des fournisseurs de sorte que son activité de livraison, par l'intermédiaire de la société TDL, a nécessairement baissé. Elle précise que cette baisse d'activité ne lui est pas imputable et qu'en outre, elle s'est étalée sur plusieurs années de sorte qu'elle n'a pas été brutale. En ce qui concerne la rupture totale des relations commerciales, elle souligne qu'elle a été rendue nécessaire par le changement de lieu de son entrepôt de Mitry Mory à Cernay et qu'elle a été précédée d'un préavis de huit mois largement suffisant pour permettre la réorganisation de la société TDL eu égard à la très faible part du chiffre d'affaires réalisé avec elle. A titre subsidiaire, elle conteste les montants d'indemnisation réclamés tant au titre de la perte du chiffre d'affaires que de l'investissement spécifique. Elle dément à cet égard avoir réclamé un tel investissement spécifique de la part de la société TDL.

L'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.

La relation commerciale, pour être établie au sens de ces dispositions, doit présenter un caractère suivi, stable et habituel. Le critère de la stabilité s'entend de la stabilité prévisible, de sorte que la victime de la rupture devait pouvoir raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial.

En l'espèce, l'existence d'une relation commerciale établie entre la société Sagam et la société TDL n'est pas discutée. De même, il n'est pas contesté que ladite relation commerciale a commencé en 2002.

Les pièces produites aux débats par la société TDL et attestées par son expert-comptable permettent d'établir que le chiffre d'affaires réalisé par la société TDL grâce à la société Sagam s'est élevé à 434.743 euros HT en 2009, 382.768 euros HT en 2010, 307.376 euros HT en 2011, 258.571 euros HT en 2012 et 227.737 euros HT en 2013 et à 1.006 euros HT en 2014.

La société TDL se prévaut tout d'abord d'une rupture partielle des relations commerciales entre 2009 et 2013. Il sera néanmoins relevé qu'elle ne sollicite aucune indemnisation au titre d'une prétendue perte de chiffre d'affaires correspondant à cette période. En outre, il sera relevé qu'elle ne fournit aucune pièce permettant d'apprécier le volume d'affaires antérieur à 2009 et que la réduction du chiffre d'affaires entre 2009 et 2013 a été progressive et constante de sorte qu'il n'y a eu aucune réduction brutale du courant d'affaires. Enfin la société SAGAM justifie que cette réduction est liée à une réduction analogue des commandes de ses propres clients, ces derniers privilégiant les commandes directes auprès des fournisseurs qui se chargent en conséquence des livraisons de marchandises. En conséquence, aucune rupture brutale partielle des relations commerciales ne peut être reprochée à la société SAGAM.

La société TDL reproche ensuite une rupture brutale totale des relations commerciales en 2014 en se plaignant de l'insuffisance du préavis de huit mois qui lui a été accordé.

Le délai de préavis doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser en fonction de la durée, de la nature et des spécificités de la relation commerciale établie, du produit ou du service concerné.

En l'espèce, il convient de relever que la société SAGAM représentait 8,37 % du chiffre d'affaires de la société TDL en 2009, 6,93 % en 2010, 5,08 % en 2011, 4,22 % en 2012 et 3,42 % en 2013.

Ainsi malgré une ancienneté de relations de douze années, le préavis de huit mois accordé par la société SAGAM à la société TDL apparaît suffisant pour permettre à cette dernière de se réorganiser eu égard à l'absence de spécificité des prestations effectuées, à la faible part du chiffre d'affaires réalisé avec ce partenaire, à la baisse continue des relations depuis plusieurs années. En outre, contrairement à ce qu'elle prétend, la société TDL ne rapporte aucunement la preuve que la société SAGAM aurait requis l'investissement dans un logiciel spécifique inutilisable avec d'autres partenaires. A cet égard, l'attestation de la société Double Clic, dont il convient de souligner qu'il s'agit d'une société informatique et non d'une société spécialisée dans les transports, produite par la société TDL, ne fait que reprendre les propos de cette dernière et ne présente en conséquence aucune force probante.

Dès lors, aucune brutalité dans la rupture totale des relations commerciales annoncée le 2 mai 2013 avec un préavis de huit mois ne peut être retenue à l'encontre de la société SAGAM. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes d'indemnisation présentées tant au titre du gain manqué que de l'investissement spécifique.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

La société TDL succombe à l'instance d'appel. Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile. La société TDL sera condamnée aux dépens de l'instance d'appel et devra payer à la société SAGAM une somme supplémentaire de 3.500 euros au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

CONDAMNE la société TRANSPORTS DISTRIBUTION LOGISTIQUE à payer à la société SAGAM la somme supplémentaire de 3.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société TRANSPORTS DISTRIBUTION LOGISTIQUE aux dépens.