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Décisions

Cass. com., 20 octobre 2021, n° 20-20.810

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rémery

Avocats :

SCP Célice, Texidor, Périer, SARL Ortscheidt

Bordeaux, du 01 sept. 2020

1 septembre 2020

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 1er septembre 2020), la Société générale (la banque) a consenti à la société civile d'exploitation agricole du Château Gravas (la SCEA) un prêt destiné à financer l'acquisition de parcelles de vignes, garanti par un privilège de prêteur de deniers.

2. La SCEA ayant été mise en sauvegarde le 22 décembre 2017, la banque a déclaré sa créance qui a été admise à titre privilégié.

3. Le plan de sauvegarde de la SCEA a été arrêté le 15 février 2019, la société Malmezat-Prat Lucas-Dabadie étant désignée en qualité de commissaire à son exécution.

4. Le 27 août 2019, la SCEA a saisi le tribunal de la procédure collective d'une demande tendant à voir ordonner la substitution d'un gage sur stock sans dépossession portant sur des tonneaux de vin d'appellation Sauternes à la sûreté détenue par la banque sur trois parcelles pour en permettre la vente afin de payer les sommes dues à la Mutualité sociale agricole.

5. Par un jugement du 8 novembre 2019, le tribunal a fait droit à cette demande.

Examen du moyen

6. La banque fait grief à l'arrêt d'ordonner la substitution de garantie, alors :
« 1°/ que le juge ne peut ordonner une substitution de garantie qu'à la condition que la garantie de substitution présente des avantages équivalents à la garantie substituée ; que pour apprécier le respect de cette condition, le juge doit se placer à la date à laquelle il statue ; que pour retenir que le gage de substitution présentait des avantages équivalents au privilège de prêteur de deniers inscrit par la banque sur différentes parcelles viticoles appartenant à la SCEA du Château Gravas dont la parcelle [Cadastre 1] que cette dernière envisageait de vendre partiellement, la cour d'appel s'est fondée sur un projet de division future de la parcelle [Cadastre 1] en deux parcelles – à savoir une parcelle [Cadastre 2] qui serait vendue par la SCEA du Château Gravas et une parcelle [Cadastre 3] qui serait conservée par celle-ci – et sur la possibilité pour la banque d'inscrire une nouvelle hypothèque sur la parcelle [Cadastre 3] après la vente et la division de la parcelle [Cadastre 1] ; qu'en se plaçant ainsi non pas à la date à laquelle elle statuait, mais à une date postérieure, pour apprécier si le gage de substitution présentait des avantages équivalents au privilège de prêteur de deniers dont bénéficiait la banque, la cour d'appel a violé l'article L. 626-22 du code de commerce ;

2°/ que le motif hypothétique équivaut à une absence de motif ; qu'en se fondant sur une hypothétique division de la parcelle [Cadastre 1] au vu d' "un projet" qui, selon ses propres termes, était "sans valeur juridique en l'absence de décision du service d'urbanisme compétent", pour en déduire que la banque aurait "la possibilité d'inscrire une nouvelle hypothèque sur la parcelle [Cadastre 3]" et, partant, que la garantie de substitution proposée présenterait des avantages équivalents à la garantie actuelle, la cour d'appel a statué par des motifs hypothétiques et ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que le juge ne peut ordonner une substitution de garantie qu'à la condition que la garantie de substitution présente des avantages équivalents à la garantie substituée, ce qui va au-delà d'une simple équivalence de valeur ; que la garantie de substitution doit apporter le même degré de sécurité pour le créancier que la garantie substituée ; que la cour d'appel s'est bornée à retenir que la valeur, en vrac ou en bouteilles, du stock proposé en gage était équivalente à celle du privilège de prêteur de deniers inscrit par la banque sur les parcelles dont la vente était envisagée, sans vérifier si la SCEA justifiait de la possibilité de trouver des acquéreurs pour le stock proposé en gage que ce soit en vrac ou a fortiori en bouteilles, ce qui était contesté par l'exposante ; qu'en statuant par de tels motifs insuffisants à caractériser que la garantie de substitution proposée présentait des avantages équivalents à la garantie actuelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 626-22 du code de commerce.

Réponse de la Cour

7. Contrairement à ce que postule le moyen, c'est sans se fonder sur des motifs hypothétiques mais, au contraire, en se plaçant à la date à laquelle elle a statué que la cour d'appel, qui devait prendre en considération le projet de division de l'une des parcelles qui lui était présenté et ses conséquences futures sur les sûretés détenues par la banque afin d'apprécier l'équivalence de la garantie dont la substitution lui était demandée avant de l'autoriser, s'est prononcée et, sous le couvert d'un grief d'un manque de base légale, le moyen ne tend en réalité qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des juges du fond sur l'équivalence de la garantie substituée.

8. Le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.