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Décisions

Cass. com., 8 septembre 2021, n° 19-25.686

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocat :

SCP Thouin-Palat et Boucard

Nancy, du 16 oct. 2019

16 octobre 2019

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 16 octobre 2019), M. [D] s'est rendu caution solidaire, le 6 février 2013, de tous les engagements de la société Garage [D] (la société) envers la société Banque populaire Alsace Lorraine Champagne (la banque), dans la limite de 43 000 euros, puis le 16 avril 2015, du remboursement d'un prêt de 50 000 euros consenti par la banque à la société, dans la limite de 18 000 euros.

2. La société a été mise en redressement judiciaire par un jugement du 6 octobre 2015 et la banque a déclaré sa créance au passif de cette procédure.

3. Par un acte du 5 juillet 2016, la banque a assigné la caution afin de voir surseoir à statuer dans l'attente du dénouement de la procédure collective de la société et se voir donner acte des condamnations à payer qu'elle entendait demander au tribunal à l'issue de la procédure.

4. Le plan de redressement de la société a été arrêté par un jugement du 11 avril 2017.

5. La banque a été autorisée par le juge de l'exécution à inscrire une hypothèque judiciaire provisoire sur des biens appartenant à M. [D], inscription publiée le 28 novembre 2017.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. La banque fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes en paiement formées contre M. [D], en sa qualité de caution solidaire de la société, alors « que le créancier bénéficiaire d'un cautionnement consenti par une personne physique, en garantie de la dette d'un débiteur principal mis ensuite en redressement judiciaire, peut toujours prendre des mesures conservatoires sur les biens de la caution et doit, à peine de caducité, introduire dans le mois de l'exécution de ces mesures une procédure ou accomplir les formalités nécessaires à l'obtention d'un titre exécutoire ; qu'il en résulte que l'obtention d'un tel titre ne peut être subordonnée à l'exigibilité de la créance contre la caution ; qu'en l'espèce, en déboutant la banque de ses demandes en paiement formées contre M. [D] faute d'exigibilité de ses créances sans rechercher, ainsi qu'il lui était expressément demandé, si la banque, autorisée par le juge de l'exécution à prendre une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire sur les immeubles de M. [D], n'avait pas procédé à ladite inscription, de sorte qu'elle était fondée, afin de sauvegarder ses droits, à obtenir un jugement de condamnation de la caution, ce, avant même l'exigibilité de ses créances à son égard, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 622-28 et R. 622-26 du code de commerce, ensemble des articles L. 511-4 et R. 511-7 du code des procédures civiles d'exécution. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 622-28, alinéas 2 et 3, du code de commerce, rendu applicable au redressement judiciaire par l'article L. 631-14 du même code, et les articles L. 511-4 et R. 511-7 du code des procédures civiles d'exécution :

7. Il résulte de ces textes que le créancier bénéficiaire d'un cautionnement consenti par une personne physique, en garantie de la dette d'un débiteur principal mis ensuite en redressement judiciaire, peut prendre des mesures conservatoires sur les biens de la caution et doit introduire, dans le mois de leur exécution, une procédure ou accomplir les formalités nécessaires à l'obtention d'un titre exécutoire, à peine de caducité de ces mesures. En conséquence, l'obtention d'un tel titre ne peut être subordonnée à l'exigibilité de la créance contre la caution.

8. Pour rejeter les demandes en paiement formées par la banque contre M. [D], l'arrêt, après avoir relevé qu'il n'existait aucun impayé antérieurement à l'ouverture du redressement judiciaire de la société, retient que, nonobstant toute clause contraire, le jugement d'ouverture de cette procédure ne rend pas exigibles des créances non échues lors de son prononcé et qu'en application de l'article 2290 du code civil, aucune des créances détenues par la banque contre la caution n'est exigible.

9. En se déterminant ainsi, sans rechercher, alors qu'elle avait constaté que la banque se prévalait de l'inscription d'une hypothèque judiciaire provisoire sur des immeubles de la caution, si cette créancière n'était pas fondée, afin d'éviter la caducité de la mesure conservatoire, à obtenir un jugement de condamnation de la caution avant l'exigibilité de sa créance à son égard, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce que, confirmant le jugement, il déclare recevable la demande formée par la société Banque populaire Alsace Lorraine Champagne, l'arrêt rendu le 16 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz.