CA Aix-en-Provence, ch. 3-1, 13 janvier 2022, n° 18/05651
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Groupe Chrono Import (SARL)
Défendeur :
Assa Diffusion (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Calloch
Conseiller :
Mme Berquet
Conseiller :
Mme Combrie
Avocats :
Me Cabrespines, Me Guedj, Me Cabée
EXPOSE DE L'AFFAIRE
La société GROUPE CHRONO IMPORT qui est une société spécialisée dans le commerce de gros d'habillement et de chaussures, exploitant notamment les marques A et B, a conclu un contrat verbal d'agent commercial pour les départements et territoires d'Outre-Mer à compter d'octobre 2011 avec Monsieur X. Ce contrat a été rompu par la société CHRONO IMPORT le 14 février 2013.
La société ASSA DIFFUSION ayant pour gérant monsieur X a saisi en référé le Tribunal de Commerce de CARCASSONNE qui s'est déclaré incompétent par décision du 14 mai 2014 au profit du Tribunal de Commerce de TOULON.
Par ordonnance de référé du 5 novembre 2014, le Tribunal de Commerce de TOULON a constaté l'intervention volontaire de monsieur X et a condamné la société GROUPE CHRONO IMPORT à payer à la société ASSA DIFFUSION la somme de 8.314,87 euros à titre de provision et celle de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et s'est déclaré incompétent pour le surplus.
Par acte du 12 octobre 2016, la SARLU ASSA DIFFUSION et Monsieur X ont fait assigner la société GROUPE CHRONO IMPORT devant le Tribunal de Commerce de Toulon.
Par jugement du 21 février 2018, le Tribunal de Commerce de TOULON a :
- Débouté la société ASSA DIFFUSION de sa demande de prononcé de mesure d'expertise comptable.
- Condamné la société GROUPE CHRONO IMPORT au paiement de la somme de 1.467,33 euros à la société ASSA DIFFUSION au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.
- Condamné la société GROUPE CHRONO IMPORT au paiement de la somme de 11.738,64 euros à la société ASSA DIFFUSION au titre de l'indemnité de rupture.
- Condamné la société GROUPE CHRONO IMPORT au paiement de la somme de 1.500 euros à la société ASSA DIFFUSION au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
La société GROUPE CHRONO IMPORT a relevé appel de cette décision par déclaration enregistrée au greffe le 29 mars 2018.
Le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction par ordonnance du 25 octobre 2021 et a fixé l'examen de l'affaire à l'audience du 22 novembre 2021.
Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 14 mars 2019, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société GROUPE CHRONO IMPORT demande à la cour de :
Vu l'article 122 du Code de Procédure Civile.
Vu les articles L. 134-1 et suivants du Code de Commerce.
REFORMER le jugement entrepris en l'ensemble de ses dispositions, sauf en celle qui a refusé d'ordonner la désignation d'un expert.
DIRE ET JUGER que Monsieur X était l'unique partie au contrat d'agence verbal conclu avec la SARL GROUPE CHRONO IMPORT.
CONSTATER que Monsieur X a été déchu de son droit à réparation pour n'avoir pas fait valoir ses droits dans le délai de la loi.
ORDONNER la restitution des sommes versées dans le cadre de l'exécution de la décision dont appel.
SUBSIDIAIREMENT DIRE ET JUGER que la rupture du contrat d'agent commercial repose sur une faute grave.
DEBOUTER Monsieur X et/ou la SARLU ASSA DIFFUSION de leurs demandes.
CONDAMNER solidairement Monsieur X et la SARLU ASSA DIFFUSION à régler à la SARL GROUPE CHRONO IMPORT la somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC.
CONDAMNER solidairement Monsieur X et la SARLU ASSA DIFFUSION à régler à la SARL GROUPE CHRONO IMPORT aux entiers dépens.
La société GROUPE CHRONO IMPORT soutient que :
- Monsieur X était l'unique partie au contrat d'agence verbal conclu.
- Monsieur X a été déchu de son droit à réparation pour n'avoir pas fait valoir ses droits dans le délai d'un an à compter de la cessation du contrat, qu'en effet le contrat a été rompu le 14 février 2013 et Monsieur X a fait valoir ses droits dans le cadre de son intervention volontaire dans la procédure pendante devant le juge des référés de TOULON postérieurement au 3 septembre 2014.
- Le contrat a été rompu pour faute grave, la baisse du chiffre d'affaires étant due à une absence avouée de démarchage de la clientèle Y.
Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 4 juin 2021, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société ASSA DIFFUSION et Monsieur X demandent à la cour de :
CONFIRMER la décision du Tribunal de Commerce de TOULON en ce qu'il a dit et jugé que la SARL GROUPE CHRONO IMPORT et l'EURL ASSA DIFFUSION sont les deux parties au contrat d'agent commercial objet du présent différent.
DIT que l'EURL ASSA DIFFUSION n'a pas commis de faute grave dans le cadre de l'exécution du contrat d'agent commercial et que la rupture imputable à la SARL GROUPE CHRONO IMPORT présente un caractère abusif.
DIT que l'EURL ASSA DIFFUSION n'a pas perdu son droit à indemnisation suite à la rupture unilatérale du contrat d'agent commercial par la SARL GROUPE CHRONO IMPORT.
ET REFORMANT LA DECISION DE PREMIERE INSTANCE SUR CE POINT.
CONDAMNER la société GROUPE CHRONO IMPORT à régler à l'EURL ASSA DIFFUSION et X les sommes suivantes, dont le montant chiffré sera déterminé après expertise :
- Les commissions afférentes aux commandes passées entre 2009 et 2013 ;
- Les commissions afférentes aux commandes réalisées par la société GROUPE CHRONO IMPORT postérieurement à la rupture du contrat auprès de la clientèle des agents commerciaux Monsieur X et l'EURL ASSA DIFFUSION ;
- L'indemnité de rupture de l'article L. 134-12 alinéa 1er du Code de Commerce ;
- L'indemnité de remploi et l'indemnité compensatrice de préavis ;
- De justes dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.
AVANT DIRE DROIT et VU l'attitude de la SARL GROUPE CHRONO IMPORT qui refuse de communiquer tous les éléments permettant de déterminer la juste indemnisation de Monsieur X et de l'EURL ASSA DIFFUSION.
ORDONNER une mesure d'expertise comptable aux fins de :
- Déterminer le montant du chiffre d'affaires réalisé par ASSA DIFFUSION X au profit de GROUPE CHRONO IMPORT ;
- Fixer le montant des commissions dues par GROUPE CHRONO IMPORT à ASSA DIFFUSION X ;
- Déterminer le chiffre d'affaires réalisé par GROUPE CHRONO IMPORT avec les clients d'ASSA DIFFUSION X postérieurement à la rupture du 14 février 2013 ;
- Et plus généralement, répondre à toutes les questions des parties dans le cadre de l'apurement des comptes entre celles-ci.
CONDAMNER la SARL GROUPE CHRONO IMPORT, toujours avant dire droit, à régler à l'EURL ASSA DIFFUSION et Monsieur X une provision de 10.000 € à valoir sur les sommes qui leur reviendront à la suite du rapport d'expertise.
RESERVER les droits de l'EURL ASSA DIFFUSION et Monsieur X quant aux demandes qui seront les leurs en lecture du rapport d'expertise
A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE :
- CONFIRMER la décision de première instance et y ajoutant condamner la SARL GROUPE CHRONO IMPORT à payer à Monsieur X et ASSA DIFFUSION une somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.
- CONDAMNER dans tous les cas la SARL GROUPE CHRONO IMPORT à payer à l'EURL ASSA DIFFUSION et Monsieur X la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC.
- CONDAMNER la SARL GROUPE CHRONO IMPORT aux entiers dépens d'appel, ces derniers distraits au profit de la SCP COHEN GUEDJ « MONTERO » DAVAL GUEDJ sur son offre de droit.
La société ASSA DIFFUSION et Monsieur X font valoir que :
- La société GROUPE CHRONO IMPORT n'a jamais formalisé un contrat écrit, lequel aurait fait apparaître sa structure commerciale, à savoir la société ASSA DIFFUSION.
- La mise en demeure par courrier de leur conseil du 22 avril 2013, soit moins d'un an après la rupture intervenue le 14 mars 2013 vise Monsieur X, gérant de l'EURL ASSA DIFFUSION, mais également Monsieur X in personam.
- En tout état de cause l'article L. 134-12 ne vise que le droit à réparation et pas les sommes afférentes au rappel de commission, l'indemnité de remploi, l'indemnité compensatrice de préavis et les dommages et intérêts pour préjudice subi.
- Les modalités d'exécution du contrat étaient connues de GROUPE CHRONO IMPORT qui les a toujours tolérées, qu'elle savait que monsieur X était un spécialiste des Z G ayant de très nombreux contacts, qu'il s'y déplace ou non.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la détermination des parties au contrat d'agent commercial et ses conséquences.
Aux termes de l'article 1353, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver, étant précisé que la preuve peut être faite par tous moyens entre commerçants ou à l'égard des commerçants en application des dispositions de l'article L. 110-3 du code de commerce.
En l'espèce, le contrat d'agent commercial, objet du litige et dont l'existence n'est pas contestée, n'a fait l'objet d'aucun écrit. Au regard des pièces versées au dossier, ce contrat concerne la vente des produits de la société GROUPE CHRONO IMPORT portant les marques A et B dans les Y, moyennant une commission égale à 10 % du chiffre d'affaires réalisé par l'agent.
Les parties s'opposent sur la détermination du cocontractant de la société GROUPE CHRONO IMPORT, à savoir Monsieur X, en personne, et/ou la société ASSA DIFFUSION dont il est le gérant et associé unique.
L'examen des pièces du dossier a permis, à juste titre, au tribunal de commerce de retenir que la société ASSA DIFFUSION était le co-contractant de la société GROUPE CHRONO IMPORT. Cette société exerce l'activité d'agent commercial depuis octobre 1994. Par mail du 14 février 2013 Monsieur X a informé la société GROUPE CHRONO IMPORT d'une réorganisation de sa société avec l'embauche d'un salarié qui prospectera sur place la clientèle, que son conseil a indiqué expressément par courrier du 22 avril 2013, puis celui du 26 août 2013 que l'EURL ASSA DIFFUSION avait travaillé pour la société GROUPE CHRONO IMPORT pour la diffusion des produits A en outre-mer, sans que soient contestées ces relations contractuelles dans les échanges, la première contestation à ce titre ayant été formulée dans le cadre de la procédure devant le Tribunal de Commerce de CARCASSONNE en 2014.
Le jugement sera confirmé sur ce point, de sorte qu'il n'y a pas à examiner le moyen tiré de la déchéance de l'action de Monsieur X in personam, faute pour lui d'avoir fait valoir ses droits dans le délai d'un an conformément aux dispositions de l'article L. 134-12 alinéa 2 du code de commerce.
La société ASSA DIFFUSION qui a engagé une action en justice le 24 octobre 2013 devant le Tribunal de Commerce de TOULON pour faire valoir ses droits est bien fondée à agir en réparation.
Sur la rupture des relations contractuelle et son imputabilité.
Aux termes de l'article L. 134-12 du code de commerce, en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.
L'article L. 134-13 prévoit deux exceptions dérogeant au principe du paiement de l'indemnité compensatrice, à savoir le cas de la cessation du contrat provoquée par la faute grave de l'agent ou celui de la cessation du contrat résultant de l'initiative de l'agent, à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant ou due à l'âge.
Il appartient au mandant qui invoque une faute grave de l'agent, susceptible de priver l'agent de l'indemnité compensatrice de préavis et de l'indemnité de cessation de mandat, d'en établir la preuve.
La faute grave est celle qui porte atteinte à la finalité du mandat d'intérêt commun et rend impossible le lien contractuel.
En l'espèce, le contrat en vigueur a été résilié par mail du 14 février 2013 par la société GROUPE CHRONO IMPORT, sans préavis, cette dernière invoquant un « tout petit chiffre d'affaires » et un « manque de communication », sans plus de précision.
Un chiffre d'affaires insuffisant ne constitue pas en lui seul une faute grave.
La société GROUPE CHRONO IMPORT n'a adressé à l'agent aucune mise en demeure préalable visant les griefs énoncés dans le mail de rupture ou celui d'absence de démarchage de la clientèle sur place dont elle fait le reproche à l'agent dans le cadre de la procédure, ni aucun autre grief.
Le fait que dans le mail du 14 février 2013, monsieur X évoque l'engagement d'un salarié pour faire de la prospection sur le territoire concédé est insuffisant à établir l'absence totale de déplacement de Monsieur X dans les territoires d'outre-mer et une prospection de la clientèle par ses soins uniquement dans le cadre de salons professionnels métropolitains.
C'est ainsi à bon droit que les premiers juges n'ont pas retenu l'existence d'une faute grave et ont jugé que la rupture imputable à la société GROUPE CHRONO IMPORT présentait un caractère abusif.
Sur la demande visant à voir ordonner une mesure d'instruction pour chiffrer les commissions dues au titre de l'exécution du contrat de 2009 au 14 février 2013 et des commandes réalisées par la société GROUPE CHRONO IMPORT après la rupture du contrat.
Par jugement du 5 novembre 2014, le juge des référés du Tribunal de Commerce de TOULON a condamné la société GROUPE CHRONO IMPORT à régler à la société ASSA DIFFUSION la somme de 8.314,87 euros à titre de commissions reconnues comme dues par le mandant.
La société ASSA DIFFUSION considère que la totalité du chiffre d'affaires réalisé jusqu'au 14 février 2013 n'a pas fait l'objet du commissionnement prévu, ni celles afférentes aux ventes réalisées après le 14 février 2013. Elle en veut pour preuve les bons de commande communiqués en pièce 8 et datés du 22 janvier 2011, et ceux communiqués en pièce 11 datées entre le 7 août 2012 et le 22 août 2012.
Ces bons de commande ne permettent pas de déterminer le chiffre d'affaires réalisé. Aucun élément ne permet de retenir qu'ils ont été adressés à la société GROUPE CHRONO IMPORT. Aucun document n'est versé pour accréditer la thèse de ventes réalisées après le 14 février 2013.
Ces éléments étant insuffisants pour justifier le prononcé d'une mesure d'expertise, la société ASSA DIFFUSION sera déboutée de sa demande visant à voir ordonner une mesure d'expertise.
Le jugement sera confirmé sur ce point. Sur l'indemnité de rupture et l'indemnité compensatrice de préavis.
L'indemnité prévue par l'article L. 134-12 du code de commerce au bénéfice de l'agent en cas de cessation du contrat d'agent en l'absence de faute grave est déterminée par les dispositions de l'article L. 134-11 du code de commerce. Elle s'analyse en une compensation du préjudice subi du fait de la rupture du mandat, les usages fixant cette indemnité à deux ans de commissions brutes au cours des deux dernières années.
L'article L. 134-11 fixe la durée du préavis à un mois pour la première année du contrat, de deux mois pour la deuxième année commencée et trois mois pour la troisième année commencée.
Le jugement qui a estimé, au regard de la somme de 8.314,87 euros au titre des commissions perçues par la société ASSA DIFFUSION jusqu'au 14 février 2013, et d'une rupture du mandat 17 mois après sa conclusion selon les pièces du dossier, « éléments au demeurant non contestés par les parties », le montant de l'indemnité de rupture à la somme de 11.738,64 euros, et celui de l'indemnité compensatrice de préavis à 1.467,33 euros, sera confirmé.
Sur les demandes accessoires.
L'exercice d'une action en justice de même que la défense à une telle action constituent en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à des dommages et intérêts que lorsqu'elle est caractérisée par une faute en lien de causalité directe avec un préjudice. En l'espèce, un tel comportement de la part de l'appelante n'est pas manifestement caractérisé, de sorte que la demande des intimés est rejetée.
La société GROUPE CHRONO IMPORT, partie perdante est condamnée à payer à la société ASSA DIFFUSION une somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
- CONFIRME le jugement attaqué dans l'intégralité de ses dispositions.
Y ajoutant,
- CONDAMNE la société GROUPE CHRONOPOST à payer à la société ASSA DIFFUSION une somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- DEBOUTE les parties de leurs demandes autres ou plus amples.
- CONDAMNE la société GROUPE CHRONOPOST aux dépens recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.