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Décisions

CA Rennes, 3e ch. com., 18 janvier 2022, n° 19/04942

RENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Ker Ronan (SARL)

Défendeur :

Ermine (Sasu)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Contamine

Conseillers :

Mme Jeorger Le Gac, M. Garet

Avocats :

Me Labourdette, Me Moulière

CA Rennes n° 19/04942

18 janvier 2022

FAITS ET PROCÉDURE

Suivant acte du 28 février 2011, la société Ker Ronan, qui exerce une activité de transformation de produits laitiers, concluait avec la société Ermine un contrat d'agent commercial pour la représenter auprès de l'ensemble des magasins dépendant d'un certain nombre de plateformes d'approvisionnement limitativement énumérées de la grande distribution est bretonne (Loire Atlantique comprise) : Scaouest Leclerc, plateforme Intermarché du Grand Fougeray, plateforme Système U de Carquefou etc.

Ce contrat comprenait une clause d'exclusivité au profit de l'agent commercial dans le périmètre du mandat qui lui était confié.

Au mois de janvier 2014, la société Ker Ronan proposait à M. X, dirigeant de la société Ermine, de l'embaucher en qualité de « responsable commercial ».

Cette proposition allait ensuite évoluer vers celle d'un poste de «VRP» pour lequel la société Ker Ronan établissait un projet de contrat de travail qu'elle présentait à plusieurs reprises à M. X, en vain puisque celui-ci refusait de le signer.

Finalement, par une lettre adressée à la société Ker Ronan le 25 juillet 2014, la société Ermine déclarait prendre acte de la rupture du contrat d'agent commercial qui lui était imposée par sa mandante, M. X expliquant en effet que le contrat de travail qu'on tentait de lui imposer avait pour effet de mettre fin au contrat de représentation tandis que, par ailleurs, ce nouveau contrat serait particulièrement désavantageux puisque, non seulement M. X perdrait le bénéfice de l'exclusivité dont il bénéficiait jusqu'alors, mais également son périmètre de prospection serait réduit, une nouvelle période d'essai lui serait imposée de même qu'une clause de non concurrence post contractuelle, tous inconvénients qui n'étaient pas compensés par la rémunération, trop faible, à attendre de son nouveau statut de salarié.

En conséquence, imputant cette rupture à la société Ker Ronan, la société Ermine lui réclamait le paiement de l'indemnité compensatrice prévue en pareil cas, de même que le règlement d'un solde de commissions restant dues sur des ventes réalisées dans son périmètre d'exclusivité.

Par lettre du 5 septembre 2014, la société Ker Ronan récusait les arguments de la société Ermine, lui imputant finalement la responsabilité de la rupture dont elle déclarait elle-même prendre acte.

En l'absence de règlement amiable, la société Ermine faisait assigner la société Ker Ronan devant le tribunal de commerce de Vannes qui, par jugement du 5 juillet 2019 :

- jugeait la rupture du contrat d'agent commercial imputable à la société Ker Ronan ;

- condamnait en conséquence la société Ker Ronan à payer à la société Ermine une indemnité de rupture d'un montant de 124 732,76 euros avec intérêts au taux légal à compter du 11 octobre 2014 ;

- condamnait également la société Ker Ronan à payer à la société Ermine une somme de 20 000 euros à titre d'arriérés de commission et ce, avec intérêts au taux légal à compter du 11 octobre 2014 ;

- ordonnait la capitalisation des intérêts aux conditions et modalités prévues à l'article 1343-2 du code civil ;

- condamnait en outre la société Ker Ronan à payer à la société Ermine une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- déboutait les parties du surplus de leurs demandes ;

- condamnait enfin la société Ker Ronan aux dépens de l'instance.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 23 juillet 2019, la société Ker Ronan interjetait appel de cette décision.

L'appelante notifiait ses dernières conclusions le 17 mars 2020, l'intimée les siennes le 17 janvier 2020.

La clôture de la mise en état intervenait par ordonnance du 28 octobre 2021.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société Ker Ronan demande à la cour de :

Vu l'article 1134 du code civil,

Vu les articles L 134-12 et suivants du code de commerce,

- réformer intégralement la décision dont appel ;

A titre principal,

- dire et juger que le contrat d'agent commercial a été résilié à l'initiative exclusive de la société Ermine, à l'exclusion de toute responsabilité de la société Ker Ronan ;

En conséquence,

- débouter la société Ermine de toutes ses demandes, fins et conclusions au titre de l'indemnité compensatrice ainsi que des arriérés de commissions ;

- condamner la société Ermine à régler à la société Ker Ronan la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en présence d'une action manifestement abusive et des tracas et ennuis résultant de la présente procédure ;

A titre subsidiaire,

- dire et juger que les manquements contractuels de la société Ermine sont constitutifs de fautes graves ;

En conséquence,

- débouter la société Ermine de toutes ses demandes, fins et conclusions au titre de l'indemnité compensatrice ;

A titre encore plus subsidiaire,

- ramener l'indemnité compensatrice vantée par la société Ermine à de plus justes proportions et, en tout état de cause, dire et juger qu'elle ne saurait excéder la somme de 5 000 euros ;

En tout état de cause,

- condamner la société Ermine à régler à la société Ker Ronan la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la même aux entiers dépens.

Au contraire, la société Ermine demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

Jugé que la rupture du contrat d'agent commercial était imputable à la société Ker Ronan ;

Condamné la société Ker Ronan à verser à la société Ermine une indemnité réparant le préjudice lié à la rupture du contrat d'agent commercial ;

Condamné la société Ker Ronan au versement d'une somme de 20 000 euros au titre des commissions non versées, outre les intérêts de retard à compter du 11 octobre 2014 ;

Ordonné la capitalisation des intérêts sur le fondement des dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;

Condamné la société Ker Ronan au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a fixé l'indemnité de rupture à la somme de 124 732,76 euros ;

- le réformant de ce chef, fixer l'indemnité de rupture due par la société Ker Ronan à la somme de 129 675,26 euros ;

- condamner la société Ker Ronan au paiement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

- condamner la société Ker Ronan aux entiers dépens d'appel.

Il est renvoyé à la lecture des conclusions précitées pour un plus ample exposé des demandes et moyens développés par les parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I - Sur la demande formée au titre de l'indemnité de rupture :

L'article L. 134-12 du code de commerce dispose qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.

L'article L. 134-13 précise toutefois que cette réparation n'est pas due, notamment, lorsque la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent, ou encore lorsque cette cessation résulte de l'initiative de l'agent à moins qu'elle soit justifiée par des circonstances imputables au mandant ou dues à l'âge, l'infirmité ou la maladie de l'agent par suite desquels la poursuite de son activité ne peut être raisonnablement exigée.

Ainsi, le principe étant celui de l'indemnisation en cas de rupture, c'est au mandant qu'il incombe de rapporter la preuve, soit que la rupture est intervenue à l'initiative de l'agent sans que celui-ci puisse se prévaloir de circonstances imputables au mandant qui justifiaient cette rupture, soit de la faute grave de l'agent, définie comme celle qui porte atteinte à la finalité commune du mandat et rend impossible le maintien du lien contractuel.

A - Sur l'imputabilité de la rupture :

C'est incontestablement la société Ermine qui a pris l'initiative de cette rupture, et ce en faisant savoir à la société Ker Ronan, par une lettre du 25 juillet 2014, qu'elle en prenait acte du fait des circonstances qui l'y contraignaient.

Aussi convient-il de rechercher si, comme l'agent l'affirme, cette rupture lui a été imposée par sa mandante puisque, dans le cas contraire, la rupture lui serait imputable et, par suite, la priverait de tout droit à indemnité.

A cet égard, il convient d'abord de rappeler que cette rupture fait suite à de nombreux échanges intervenus entre les parties et ce, dans un contexte où la société Ker Ronan tentait d'imposer à M. X, dirigeant de la société Ermine, de signer un contrat de travail de VRP.

Si c'est sans doute de manière excessive que M. X évoque les « pressions » dont il aurait fait l'objet pour le contraindre à accepter ce nouveau contrat, pour autant il est certain que la société Ker Ronan s'est au moins montrée insistante pour tenter de convaincre l'intéressé à accepter ce changement de statut (cf en ce sens plusieurs lettres et tentatives de rendez-vous avec M. X, qui relèvent davantage de la convocation que de l'invitation).

Or, alors que M. X n'était nullement tenu d'accepter ce nouveau statut de salarié, il est établi que la signature d'un contrat de travail aurait eu pour effet, nécessairement, de mettre fin au contrat d'agent commercial.

En effet, le projet de contrat de travail préparé par la société Ker Ronan prévoyait notamment :

- que M. X travaillerait désormais exclusivement pour le compte de son employeur, devant « y consacrer tout son temps » et s'interdisant de collaborer avec quelque autre entreprise, qu'elle soit concurrente ou non de la société Ker Ronan, ce qui n'était pas le cas de l'agent commercial qui, au contraire, conservait toute liberté de représenter tous autres produits, dès lors seulement qu'ils n'étaient pas concurrents de ceux de sa mandante (cf en ce sens l'article 12-3 du projet de contrat de travail, à comparer à l'article 2 du contrat d'agence) ;

- qu'en qualité de salarié, M. X aurait également perdu le bénéfice de l'exclusivité dont il disposait dans le secteur géographique couvert par le contrat d'agence (cf l'article 5.3 du projet de contrat de travail prévoyant que le salarié "ne bénéficiera pas de l'exclusivité de la prospection de son secteur").

A cet égard, c'est à tort que la société Ker Ronan affirme qu'à la fin de la période d'essai du contrat d'agence, elle a accepté d'augmenter le périmètre d'intervention de la société Ermine « mais sans exclusivité ».

Au contraire, aucune pièce ne vient étayer cette affirmation, au demeurant contredite par la société Ermine alors que le contrat d'agent commercial stipule très clairement que l'agent « bénéficiera de l'exclusivité » dans les « secteurs et clientèles » qui lui sont confiés.

Il en résulte, ainsi que le tribunal l'a justement retenu, qu'en dépit de la prise d'acte dont la société Ermine a pris l'initiative, la rupture du contrat est bien imputable à la société Ker Ronan, laquelle a tout fait pour parvenir à mettre fin au contrat d'agence, et ce, sous couvert d'une proposition d'engagement de M. X en qualité de salarié, ce qui, non seulement s'avérait très désavantageux pour celui-ci, mais qui, surtout, l'aurait empêché de continuer son activité d'agent.

D'ailleurs, la société Ker Ronan avait déjà commencé à rogner le contrat d'agence, et ce :

- d'abord en embauchant une autre salariée en charge, notamment, de prospecter le même secteur géographique que celui dévolu à la société Ermine ; à cet égard, si cette dernière en avait certes été informée, en revanche elle n'a jamais donné son accord à ce procédé qui, pourtant, violait la clause d'exclusivité dont elle bénéficiait ;

- ensuite en cessant ponctuellement de livrer des magasins habituellement prospectés par la société Ermine, avant de reprendre directement pour son propre compte le démarchage des mêmes magasins, prétendant par là même que l'agent n'avait plus droit aux commissions correspondantes.

En tout état de cause, il ne s'agit pas de rechercher si cette attitude de la société Ker Ronan, aujourd'hui dénoncée par la société Ermine, est fautive, mais tout au plus de déterminer si, dans le contexte précédemment décrit, l'agent commercial pouvait se prévaloir de circonstances imputables à sa mandante et justifiant qu'il prenne acte de la rupture qui lui était imposée.

Tel est assurément le cas en l'espèce, dès lors que la société Ker Ronan a tout fait pour parvenir à mettre fin au contrat d'agence, la rupture lui étant dès lors pleinement imputable.

B - Sur la ou les faute(s) grave(s) prétendument imputée(s) à la société Ermine :

L'article L. 134-4 du code de commerce dispose que le contrat d'agence est conclu dans l'intérêt commun des parties, que les rapports entre l'agent commercial et le mandant sont régis par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d'information, que l'agent commercial doit exécuter son mandat en bon professionnel, enfin que le mandant doit mettre l'agent commercial en mesure d'exécuter son mandat.

En l'espèce, la cour observe d'abord que ce n'est qu'après la rupture que, pour la première fois, la société Ker Ronan a émis des critiques à l'encontre de la société Ermine.

Au contraire et jusqu'à la lettre du 5 septembre 2014 par laquelle la société Ker Ronan a pris acte de la rupture tout en l'imputant à la société Ermine, elle ne lui avait encore jamais fait aucun reproche.

D'ailleurs, c'est de manière contradictoire que la société Ker Ronan reproche aujourd'hui à la société Ermine, en substance, d'avoir délaissé une partie des missions qui lui étaient confiées (plus précisément de s'être bornée à un simple rôle de marchandiseur se limitant au seul référencement des produits ainsi qu'à leur placement sur les étagères des grandes surfaces alors qu'on pouvait attendre d'elle un véritable travail d'animation et de négociation commerciale), ou encore d'avoir négligé une partie de sa clientèle en s'abstenant de visites suffisamment régulières des magasins dont elle avait la charge, tout en proposant à M. X, au même moment, un poste de « responsable commercial », et ce au nom de « la qualité de [la] relation d'affaires » entretenue entre la société Ker Ronan et la société Ermine depuis plusieurs années, de même que de la « parfaite connaissance des produits » par M. X

C'est encore vainement que la société Ker Ronan prétend reprocher à la société Ermine une « stagnation » du chiffre d'affaires réalisé par son intermédiaire, alors qu'il résulte au contraire des pièces comptables du dossier que celui-ci n'a cessé de progresser tout au long de l'exécution du contrat d'agence.

Certes, la société Ker Ronan pouvait espérer un développement encore plus important, tout particulièrement à une époque où elle nourrissait de plus grandes ambitions de développement commercial qu'une petite structure telle que la société Ermine n'était sans doute pas à même d'accompagner à elle seule, ce qui peut expliquer le choix de la mandante de mettre fin au contrat d'agence pour lui préférer le recrutement de plusieurs salariés directement sous ses ordres.

D'ailleurs, la société Ermine ne conteste pas la validité de la rupture pas plus qu'elle n'en dénonce les circonstances, réclamant en revanche la stricte application des droits qui lui sont reconnus par les articles L. 134-1 et suivants du code de commerce, en l'occurrence le droit à indemnité compensatrice de rupture.

En toute hypothèse, la société Ker Ronan ne justifie nullement des fautes qu'elle prétend imputer à la société Ermine, a fortiori de fautes graves au sens de celles qui, portant atteinte à la finalité commune du mandat, auraient rendu impossible le maintien du lien contractuel.

En conséquence et faute de justifier d'aucun des cas limitativement énumérés à l'article L 134-13 lui permettant d'être exemptée de l'indemnité réclamée, la société Ker Ronan y sera déclarée tenue.

C - Sur le montant de l'indemnité de rupture due à la société Ermine :

Pour condamner la société Ker Ronan à payer à la société Ermine une indemnité de rupture d'un montant de 124 732,76 euros, le tribunal a fait application d'un calcul prévu par une clause insérée à l'article 7 du contrat d'agence prévoyant notamment de déduire du montant de l'indemnité à retenir une certaine somme correspondant aux commissions perdues sur le chiffre d'affaires que la société Ker Ronan réalisait déjà avant la conclusion du contrat d'agence sans que, par définition, l'agent y ait contribué.

Cette clause prévoit aussi d'autres modalités de calcul de l'indemnité de rupture, notamment la prise en compte des deux meilleures années sur les trois dernières, modalité objectivement favorable à l'agent.

Si une clause d'évaluation a priori de l'indemnité de rupture n'est pas valable dès lors qu'elle a un caractère forfaitaire, il n'en est pas de même de celle qui permet à l'agent d'obtenir une indemnité compensatrice du préjudice subi égale ou supérieure à ce préjudice.

Il apparait ainsi, d'une part que la clause litigieuse, qui doit être prise dans son ensemble, ne prévoit pas d'évaluation forfaitaire de l'indemnisation, d'autre part qu'elle n'a pas pour effet de réduire l'indemnité en deçà du préjudice réellement subi par l'agent. Elle est donc licite, étant d'ailleurs observé que c'est sur la base de cette même méthode de calcul que la société Ermine fonde sa demande indemnitaire, quand bien même se prévaut elle d'une assiette d'un montant initial supérieur (136 875,25 euros au lieu de celle de 131 932,76 euros retenue par les premiers juges).

Il y a donc lieu de rejeter la demande de la société Ermine se prévalant du caractère non écrit de cette clause.

Par ailleurs, la cour confirmera le calcul du tribunal en ce qu'il prend en compte, conformément aux prévisions de la clause, les "deux meilleures années sur les trois dernières précédant la rupture du contrat", en l'occurrence les années civiles 2012 et 2013 s'agissant d'un contrat conclu le 28 février 2011 et résilié le 25 juillet 2014, et non, comme la société Ermine le réclame sans justification, la période de 24 mois la plus favorable, en l'occurrence celle de novembre 2012 à octobre 2014.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Ker Ronan à payer à la société Ermine, après déduction de la somme non contestée de 7 200 euros conformément aux prévisions du contrat, une indemnité de rupture d'un montant définitif de 124 732,76 euros, et ce, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 11 octobre 2014.

II - Sur la demande formée au titre de l'arriéré de commissions :

La société Ermine réclame la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la société Ker Ronan à lui verser une somme de 20 000 euros à titre d'arriéré de commissions dues sur un chiffre d'affaires réalisé par sa mandante auprès des entrepôts Système U de Fontenay le Comte (85) et de Casino de Gaël (35) ou de magasins dépendant de ces deux plate formes d'approvisionnement.

Sans contester la réalité de ce chiffre d'affaires, la société Ker Ronan se borne à affirmer que la société Ermine ne justifie pas avoir prospecté ces deux entrepôts.

Pour autant, cette affirmation est inopérante et sans effet sur le droit à commission de la société Ermine, étant en effet rappelé :

- que la société Ker Ronan ne conteste pas que la société Ermine a prospecté, jusqu'à une certaine date, l'ensemble des magasins qui dépendaient de ces deux plateformes d'approvisionnement ;

- que d'ailleurs, elle ne conteste pas que la société Ermine ait déjà perçu des commissions sur les ventes réalisées auprès de ces magasins ;

- que néanmoins et à une certaine époque, la société Ker Ronan a cessé d'approvisionner ces magasins, avant de reprendre elle-même ses ventes directement auprès des deux plateformes en février 2014, prétendant ainsi exclure la société Ermine de toute commission au motif que celle-ci ne bénéficiait d'aucune exclusivité sur ces ventes';

- que pourtant, il a été précédemment démontré que la société Ermine bénéficiait d'une clause d'exclusivité sur l'ensemble de son périmètre d'intervention, le contrat d'agence n'ayant jamais été modifié sur ce point.

Dès lors et quand bien même la société Ermine n'aurait pas elle-même repris le démarchage des deux plateformes, elle n'en pouvait pas moins prétendre aux commissions correspondant aux ventes réalisées par la société Ker Ronan auprès de ces deux clients.

Quant au montant des commissions à percevoir, il convient d'observer qu'en dépit des réclamations de la société Ermine, la société Ker Ronan a toujours refusé de lui communiquer le volume des ventes réalisées auprès de ces deux plateformes depuis février 2014, et ce, en violation de l'article R. 134-3 alinéa 2 du code de commerce qui dispose que l'agent a le droit d'exiger de son mandant qu'il lui fournisse toutes les informations, en particulier un extrait des documents comptables, nécessaires pour vérifier le montant des commissions qui lui sont dues.

En conséquence, et faute pour la société Ker Ronan de déférer à son obligation de transparence, alors par ailleurs qu'elle ne fournit aucune autre pièce susceptible de justifier du montant des ventes réalisées par elle auprès de ces deux plateformes depuis février 2014, et par là même permettant d'évaluer le montant des commissions restant dues à la société Ermine, c'est à bon droit que le tribunal l'a condamnée, au vu des autres éléments du dossier, au paiement d'une somme de 20 000 euros à ce titre, et ce avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 11 octobre 2014.

III - Sur les autres demandes :

Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a ordonné la capitalisation des intérêts échus, et ce, aux conditions et modalités prévues à l'article 1343-2 du code civil (ou 1154 ancien).

Les réclamations de la société Ermine étant justifiées, la société Ker Ronan sera déboutée de sa demande indemnitaire pour procédure abusive.

Partie perdante, la société Ker Ronan sera condamnée à payer à la société Ermine une somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés par celle-ci en cause d'appel, le jugement devant en outre être confirmé en ce qu'il l'a condamnée au paiement d'une même somme au titre des frais irrépétibles de première instance.

Enfin, la société Ker Ronan supportera les entiers dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour :

- confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

- y ajoutant,

 Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

 Condamne la société Ker Ronan à payer à la société Ermine une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

 Condamne la société Ker Ronan aux entiers dépens de la procédure d'appel.