Cass. com., 27 janvier 2021, n° 18-17.063
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Darbois
Avocats :
SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 février 2018), la société de droit américain Vision Sciences est titulaire d'un brevet européen intitulé « gaine élastique à paroi mince en matière élastomère », publié le 6 mai 2004 sous le numéro EP 148 988 (le brevet). La société de droit américain Medtronic Xomed est licenciée exclusive du brevet, qu'elle exploite en France par le biais de la société Medtronic France.
2. Les revendications 3 et 4 du brevet sont dans la dépendance de la revendication 1.
3. Les sociétés Vision Sciences, Medtronic Xomed et Medtronic France ont assigné la société de droit italien Xmed en contrefaçon des revendications 1 à 4 et 6 de la partie française du brevet. Statuant sur la demande reconventionnelle formée par la société Xmed, la cour d'appel a annulé la revendication principale 1 et les revendications dépendantes 2 et 6.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. Les sociétés Vision Sciences, Medtronic Xomed et Medtronic France font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes pour contrefaçon des revendications 3 et 4 du brevet, alors « qu'une revendication dépendante est une revendication qui contient les caractéristiques d'une autre revendication et comporte, en outre, des caractéristiques additionnelles ; que l'annulation d'une revendication principale pour défaut d'activité inventive n'entraîne pas automatiquement celle des revendications dépendantes et n'entraîne pas davantage le rejet automatique de l'action en contrefaçon d'une revendication dépendante ; que même en cas d'annulation d'une revendication principale, une revendication dépendante reconnue valable est contrefaite dès lors qu'un tiers reproduit l'objet de cette dernière, constitué à la fois des caractéristiques de la revendication principale annulée et des caractéristiques additionnelles contenues dans cette revendication dépendante ; qu'en déduisant de la seule annulation de la revendication 1 de la partie française du brevet EP 1 148 988 que "la contrefaçon [des revendications dépendantes 3 et 4] ne peut pas plus prospérer", la cour d'appel a violé les articles L. 613-3 et L. 615-1 du code de la propriété intellectuelle ensemble l'article 84 de la Convention de Munich et la règle 29, devenue 43, du règlement d'exécution de cette Convention. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 613-3 et L. 615-1 du code de la propriété intellectuelle et 84 de la Convention sur la délivrance de brevets européens du 5 octobre 1973, ainsi que la règle 29, devenue 43, du règlement d'exécution de cette Convention :
5. Selon le premier de ces textes, sont interdits, à défaut de consentement du propriétaire du brevet, la fabrication, l'offre, la mise dans le commerce, l'utilisation, l'importation, l'exportation, le transbordement, ou la détention aux fins précitées du produit objet du brevet. Le deuxième qualifie de contrefaçon toute atteinte portée aux droits du propriétaire du brevet, tels qu'ils sont définis aux articles L. 613-3 à L. 613-6 du code de la propriété intellectuelle. Le troisième précise que les revendications d'un brevet européen définissent l'objet de la protection demandée et le dernier prévoit que toute revendication qui énonce les caractéristiques essentielles de l'invention, dite revendication principale, peut être suivie d'une ou de plusieurs revendications concernant des modes particuliers de réalisation de cette invention, dites revendications dépendantes.
6. Si la validité d'une revendication principale entraîne celle des revendications placées sous sa dépendance, l'annulation d'une revendication principale pour défaut d'activité inventive ou défaut de nouveauté n'entraîne pas automatiquement celle des revendications dépendantes. Il en résulte que toute revendication valable, fût-elle dépendante, est susceptible de faire l'objet d'une contrefaçon prohibée.
7. Pour rejeter la demande en contrefaçon des revendications 3 et 4 de la partie française du brevet, l'arrêt, après avoir constaté leur validité, énonce que la revendication 1 ayant été annulée, la contrefaçon de ces revendications dépendantes ne peut pas prospérer.
8. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il déboute les sociétés Vision Sciences, Medtronic Xomed et Medtronic France de leur action en contrefaçon des revendications 3 et 4 de la partie française du brevet européen EP 148 988, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 16 février 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris.