Cass. 3e civ., 24 juin 1992, n° 91-10.607
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Senselme
Rapporteur :
M. Peyre
Avocat général :
M. Tatu
Avocat :
Me Copper-Royer
Sur le premier moyen :
Attendu que Mme Y..., qui a donné à bail à M. X... un local à usage commercial pour y exploiter un commerce de " pressing à sec ", reproche à l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 31 octobre 1990) d'autoriser le preneur à exploiter dans les lieux un établissement de restauration et de préparation de pâtes fraîches, alors, selon le moyen, 1°) que l'autorisation judiciaire de despécialisation, dérogatoire au droit commun, ne peut être donnée " qu'eu égard à la conjoncture économique et aux nécessités de l'organisation rationnelle de la distribution " ; qu'en s'abstenant de répondre aux conclusions, par lesquelles la bailleresse faisait valoir que " dans un périmètre très restreint, il a été constaté l'existence de trente cinq restaurants, dont six sont spécialisés en pâtes fraîches ", ce qui était de nature à établir que les " nécessités de l'organisation rationnelle de la distribution " n'imposaient nullement la création d'un restaurant supplémentaire dans le quartier, la cour d'appel a violé, ensemble, les articles 34-1 du décret du 30 septembre 1953 et 455 du nouveau Code de procédure civile ; 2°) qu'en s'abstenant de répondre aux conclusions par lesquelles la bailleresse faisait valoir qu'indépendamment des bruits et fumées inhérents à la cuisine, l'exploitation d'un restaurant produit les inconvénients liés aux " approvisionnements renouvelés fréquemment et (à) l'évacuation quotidienne de déchets (qui) incommoderaient nécessairement la clientèle de l'hôtel " exploité dans le même immeuble, la cour d'appel a violé, ensemble, les articles 34-1 du décret du 30 septembre 1953 et 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir relevé qu'eu égard aux résultats financiers du pressing et à l'évolution du commerce de nettoyage à sec et de sa distribution dans le quartier, ainsi qu'à la spécificité du commerce de restauration envisagé dans un quartier touristique où sont implantés plusieurs hôtels, la despécialisation était justifiée par la conjoncture économique et les nécessités rationnelles de la distribution, la cour d'appel, qui a retenu que l'activité envisagée n'était pas incompatible avec les caractères et la destination de l'immeuble et n'était pas de nature à créer des nuisances disproportionnées avec celles qui existaient déjà, a, par ces seuls motifs, propres et adoptés, répondu aux conclusions et légalement justifié sa décision de ce chef ;
Mais sur le deuxième moyen :
Vu l'article 1134 du Code civil ;
Attendu qu'en vue de la despécialisation plénière de l'activité prévue au bail, l'arrêt autorise un changement de distribution des lieux, nécessaire à l'activité envisagée de restauration et préparation de pâtes fraîches ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le bail prévoyait que le preneur s'engageait à ne faire dans les lieux loués aucun changement de distribution, aucune démolition, aucun percement de murs ou de voûtes, aucune construction sans l'autorisation expresse et par écrit du bailleur, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le troisième moyen :
Vu l'article 34-3 du décret du 30 septembre 1953 ;
Attendu qu'en cas de changement d'activité, le bailleur peut, en contrepartie de l'avantage procuré, demander, au moment de la transformation, la modification du prix du loyer du bail, sans qu'il y ait lieu d'appliquer les dispositions des articles 26 à 28 du décret du 30 septembre 1953 ;
Attendu que pour débouter la bailleresse de sa demande d'augmentation du prix du loyer, l'arrêt retient qu'aux termes de l'article 34, alinéa 3, du décret du 30 septembre 1953, la fixation du nouveau loyer ne peut être demandée que lors de la première révision triennale suivant la notification visée à l'alinéa 2 du même article ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il s'agissait d'une despécialisation plénière, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a autorisé une transformation des locaux loués et a déboute le bailleur de sa demande tendant à l'augmentation du prix du loyer à compter du changement d'activité, l'arrêt rendu le 31 octobre 1990, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble.