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Décisions

Cass. com., 29 février 2000, n° 96-15.827

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumas

Rapporteur :

M. Armand-Prevost

Avocat général :

Mme Piniot

Avocats :

SCP Piwnica et Molinié, SCP Defrénois et Levis

Douai, du 28 mars 1996

28 mars 1996

Attendu, selon l'arrêt déféré (Douai, 28 mars 1996), que M. X, président du conseil d'administration de la société Semade, en liquidation judiciaire, a été condamné pénalement pour abus de biens sociaux et à des dommages-intérêts civils envers M. Y, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société ; que ce dernier a engagé une action devant le tribunal de commerce tendant à la faillite personnelle de M. X et à le voir condamné au paiement des dettes sociales ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que M. X fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer, au titre de la contribution à l'insuffisance d'actif de la société Semade, la somme de 125 000 francs, alors, selon le pourvoi, d'une part, que lorsque le redressement judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, les dispositions des articles 180 et 183 de la loi qui ouvrent, aux conditions qu'ils prévoient, une action en paiement des dettes sociales à l'encontre du dirigeant de droit ou de fait en cas de faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif, ne se cumulent pas avec l'action en responsabilité de droit commun ; qu'en conséquence, le liquidateur, qui a obtenu devant les juridictions pénales réparation du préjudice causé par un délit commis par le dirigeant, est irrecevable à exercer une action en paiement de l'insuffisance d'actif fondée sur la même faute de gestion ; qu'en accueillant l'action en paiement de l'insuffisance d'actif de la société Semade exercée à l'encontre de M. X par le liquidateur, tout en constatant que celui-ci avait obtenu réparation devant les juridictions répressives, la cour d'appel a violé les articles 180 de la loi du 25 janvier 1985 et 1382 du Code civil ; alors, d'autre part, que l'existence et le montant de l'insuffisance d'actif doivent être appréciés au moment où la juridiction saisie de l'action tendant à faire supporter tout ou partie des dettes sociales au dirigeant ; qu'en retenant, pour condamner M. X à payer une partie des dettes de la société Semade, l'existence d'une insuffisance d'actif future, la cour d'appel a violé l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985 ; et alors, enfin, que l'existence de l'insuffisance d'actif doit être certaine ; qu'elle doit résulter de la réalité des opérations de réalisation et de liquidation et que le passif est celui qui existe à la date du jugement d'ouverture tel qu'il résulte de la procédure de vérification des créances ; qu'en établissant une insuffisance d'actif minimale de la société Semade à partir d'une simple évaluation des immeubles de la société, la cour d'appel a violé l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt retient qu'au-delà de la qualification pénale d'abus de biens sociaux du prêt consenti par M. X à un ami personnel, la privation de trésorerie qui en est résultée pour la société Semade a été à l'origine d'une faute de gestion, la société ayant été contrainte de souscrire de nouveaux emprunts et augmenter ainsi ses frais financiers ; que la cour d'appel a ainsi justifié sa décision ;

Attendu, en second lieu, que la cour d'appel, qui a évalué l'insuffisance d'actif existant au moment où elle statuait, en fonction de la meilleure évaluation présentée pour les immeubles faisant encore partie de l'actif de la société et qui a ainsi retenu un montant minimal de l'insuffisance d'actif, a justifié sa décision de condamner M. X à supporter une partie de ce montant, déduction faite de celui de la condamnation pénale, sans encourir les griefs des deuxième et troisième branches ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses trois branches ;

Et sur le second moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que M. X reproche encore à l'arrêt d'avoir prononcé à son encontre une mesure de faillite personnelle d'une durée de cinq ans, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le fait d'entretenir une confusion entre l'intérêt de dirigeant de droit et la fonction de maire ne constitue pas un cas susceptible de justifier le prononcé de la faillite personnelle dudit dirigeant ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 182, 188 et 189 de la loi du 25 janvier 1985 ; et alors, d'autre part, que le fait pour un dirigeant de droit d'une société en liquidation judiciaire d'avoir été condamné pour abus de biens sociaux ne justifie pas nécessairement le prononcé de sa faillite personnelle pour avoir disposé des biens de la personne morale comme de ses biens propres ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 182 et 188 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que M. X avait été déclaré coupable du délit d'abus de biens sociaux, ce dont il résulte qu'étaient établis à sa charge les faits prévus par l'article 182-3° de la loi du 25 janvier 1985, la cour d'appel n'a fait qu'user des pouvoirs reconnus par l'article 188 de la même loi en prononçant une mesure de faillite personnelle ; que sa décision est légalement justifiée et que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.