Cass. 3e civ., 6 février 2013, n° 11-24.708
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Terrier
Rapporteur :
Mme Proust
Avocat général :
M. Bailly
Avocats :
SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Tiffreau, Corlay et Marlange, SCP de Chaisemartin et Courjon
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 145-51 du code de commerce ;
Attendu que lorsque le locataire ayant demandé à bénéficier de ses droits à la retraite ou ayant été admis au bénéfice d'une pension d'invalidité attribuée par le régime d'assurance invalidité-décès des professions artisanales ou des professions industrielles et commerciales, a signifié à son propriétaire et aux créanciers inscrits sur le fonds de commerce son intention de céder son bail en précisant la nature des activités dont l'exercice est envisagé ainsi que le prix proposé, le bailleur a, dans un délai de deux mois, une priorité de rachat aux conditions fixées dans la signification. A défaut d'usage de ce droit par le bailleur, son accord est réputé acquis si, dans le même délai de deux mois, il n'a pas saisi le tribunal de grande instance. La nature des activités dont l'exercice est envisagé doit être compatible avec la destination, les caractères et la situation de l'immeuble. Les dispositions du présent article sont applicables à l'associé unique d'une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, ou au gérant majoritaire depuis au moins deux ans d'une société à responsabilité limitée, lorsque celle-ci est titulaire du bail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 21 juin 2011), que par acte du 18 novembre 1992, Mme A... a donné à bail en renouvellement à M. Y... des locaux à usage commercial ; que le bail a de nouveau été renouvelé le 27 septembre 2001 et que M. Y... est décédé le 26 septembre 2002 laissant pour lui succéder son épouse Mme X..., usufruitière du tout, et ses trois enfants, Anne, Jean-Marie et Frédéric Y... (les consorts Y...), nus-propriétaires indivis pour un tiers chacun ; que Mme Y..., immatriculée depuis le 7 avril 2003, a notifié le 13 janvier 2009 à Mme A... une cession déspécialisation pour cause de retraite visant l'article L. 145-51 du code de commerce ; que par acte du 11 mars 2009, Mme A... a fait connaître son intention de racheter le fonds ; que les actes n'ont pas été signés et que Mme A... a assigné Mme Y... et les consorts Y... en nullité de l'acte du 13 janvier 2009 ;
Attendu que pour accueillir cette demande, l'arrêt retient que le texte dérogatoire de l'article L. 145-51 du code de commerce, permettant une déspécialisation, ne peut être étendu à d'autres situations ou personnes que celles expressément visées, que Mme Y... n'est pas locataire mais seulement usufruitière du droit au bail, et que la circonstance qu'elle ait pu demander le bénéfice de ses droits à la retraite est insuffisante pour lui permettre de se prévaloir des dispositions de cet article, peu important qu'elle ait été mandatée par les nus-propriétaires indivis qui ne satisfont pas non plus aux conditions posées par le texte ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'article L. 145-51 du code de commerce bénéficie à l'usufruitier du droit au bail, immatriculé au registre du commerce et des sociétés pour le fonds qu'il exploite dans les lieux loués, s'il justifie de l'accord des nus-propriétaires pour la cession du bail, la cour d'appel a violé le texte précité ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 juin 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble.