Cass. 3e civ., 23 novembre 2011, n° 10-25.108
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Terrier
Avocat général :
M. Bailly
Avocats :
SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, SCP Gatineau et Fattaccini
Sur le premier moyen :
Attendu que les consorts Y... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de nullité de la demande de cession et déspécialisation présentée par Mme X..., alors, selon le moyen, que le régime prévu par l'article L. 145-51 du code de commerce, qui est destiné à faciliter le départ à la retraite du preneur à bail commercial, n'est pas ouvert à celui qui perçoit déjà d'une pension de retraite de base au moment où il signifie son intention de céder son droit au bail ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué a relevé que la preneuse à bail percevait une pension de retraite de base depuis le 1er mai 2005, cependant qu'elle avait signifié le 10 juillet 2008 son intention de céder son droit au bail ; qu'en affirmant néanmoins que la preneuse pouvait se prévaloir dudit régime de déspécialisation, au prétexte qu'elle poursuivait son activité commerciale au titre d'un cumul emploi retraite et était en mesure de demander à bénéficier de sa retraite complémentaire définitive, la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, l'article L. 145-51 du code de commerce ;
Mais attendu qu'ayant relevé que Mme X... se trouvait en situation de cumul de la retraite de base et d'une activité professionnelle dans les conditions ouvertes par la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites et qu'elle était en mesure de demander à bénéficier de sa retraite complémentaire, la cour d'appel en a déduit à bon droit qu'elle disposait de la faculté de céder son droit au bail avec déspécialisation, ouverte au commerçant qui, ayant demandé à faire valoir ses droits à la retraite, entend se retirer de la vie active ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé de ce chef ;
Sur le second moyen :
Attendu que les consorts Y... font grief à l'arrêt de les condamner à payer à Mme X... une somme à titre de dommages et intérêts, alors, selon le moyen, que le bailleur qui exerce son droit de contester la demande du locataire tendant à céder son bail dans les conditions prévues par l'article L. 145-51 du code de commerce n'engage sa responsabilité que s'il fait dégénérer en abus l'exercice de ce droit ; que lorsque la légitimité de la prétention d'une partie a été reconnue par la juridiction de premier degré, une action en justice ne peut, sauf circonstances particulières qu'il appartient aux juges du fond de justifier, constituer un tel abus ; qu'en l'espèce, les premiers juges avaient fait droit à la contestation par les bailleurs de la demande de la locataire tendant à céder son bail dans les conditions prévues par l'article susvisé ; que l'arrêt infirmatif attaqué a néanmoins condamné les bailleurs à payer des dommages-intérêts à la locataire à raison du préjudice causé par la non réalisation du projet de cession litigieux, sans justifier d'aucune circonstance particulière qui aurait fait dégénérer en abus l'exercice du droit de contester le projet de cession envisagé ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant constaté que l'activité envisagée par le cessionnaire pressenti du droit au bail de Mme X... n'était manifestement pas incompatible avec la destination, les caractères et la situation de l'immeuble, la cour d'appel a pu retenir que la contestation injustifiée du projet de cession par les bailleurs, revenant sur un accord préalable qui avait conduit la locataire à cesser son exploitation, avait provoqué l'échec de cette cession et entraîné un préjudice, caractérisé par une perte de chance, dont ils devaient réparation ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé de ce chef ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.